Prostitués/II/Olivier Saylor

La bibliothèque libre.
(p. 32-35).

L’ancien officier de marine qui signe Olivier Saylor n’a pas plus de talent naturel que les frères Margueritte et il sait moins son métier d’écrivain. Aussi banal et ennuyeux, il nous fait bâiller devant un travail moins correct. Dans Le Tout-Pourri, par exemple, où il touche à des choses qu’il ne connaît pas mieux que nous, il se manifeste un des mille maladroits qui, d’un geste avide et ridicule, cherchent le scandale.

Mais son premier essai, les Maritimes, mérite de nous arrêter un instant par sa valeur documentaire et révélatrice. L’auteur nous y montre en acte « l’effroyable stupidité des maritimes », leur caractère avili par « de longues années passées dans la servitude » et par « les galons acquis un à un et payés d’obéissance anéantie ». Il ne ménage pas tous ces infâmes galonnés que l’idée d’une « campagne possible grassement payée de croix et de propositions » unit en une émotion commune « comme l’espoir d’un bon coup assemble des rôdeurs au coin d’un bois ». Nous voyons ici « la prostitution des attitudes triomphales au profit d’alphonses nationaux », Et, sous les attitudes triomphales, nous distinguons la lâcheté blêmissante de la plupart des gradés, je ne dis point seulement toutes les fois qu’il s’agit de se tenir debout devant un chef, mais souvent aussi quand il faut ne point reculer devant un simple danger matériel. Ce volume est une bonne arme de guerre.

Ce volume n’est pas une œuvre d’art, n’est pas un livre. Les documents sont jetés au hasard — ceux qui sont intéressants et ceux qui ne le sont pas — dans le vieux moule naturaliste. Olivier Saylor, très mauvais élève de Zola, remplace la composition par un gauche entassement. L’écriture lourde, pénible, avance lentement, écœurante, en un tangage perpétuel.

Et ces pages sont d’une philosophie insuffisante. L’auteur est — en tant que penseur — un naïf. Il croit nous montrer, par exemple, « les faces diverses que la marine n’uniformise pas comme d’autres collectivités ». Il affirme : « Partout ailleurs, les gens sont honnêtes ou canailles à peu près de la même façon. Tandis que, chez nous, quelles nuances, quels degrés de l’un à l’autre des états ». Il ne soupçonne jamais que, s’il distingue les différences ici et non ailleurs, c’est qu’ici il connaît et ailleurs il ignore. « Plus on est intelligent, dit à peu près Pascal, et plus on voit les différences ». Olivier Seylor l’a trop montré dans ses autres romans : dès qu’il ne s’agit plus de marine, il n’est pas intelligent.

Mais si ses théories ne sont pas intelligentes, en pratique, il se manifeste habile, hélas ! et patient comme ses chers camarades. Il subit une préface de Paul Adam avec le même respect ébloui qu’une sottise d’amiral. Dans ces Maritimes où s’étalent tant d’exemples de couardise et le continuel besoin de paraître sans être, le Paul Adam qui, depuis quelques années, flagorne toutes les puissances, prétend, avec l’incompréhension la plus voulue et la plus lâche, rencontrer je ne sais quel « héroïsme des idées et des actes ». Un homme aurait refusé la préface menteuse et déformatrice ; un officier l’a acceptée avec reconnaissance comme un galon accompagné de mépris.