Protection des forêts au Canada, 1912/05

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Partie V

Plantation Forestière au Canada

Le Canada possède une immense étendue de terres non arables, tonnes seulement à la production du bois ; à cette fin elles ont une grande valeur, et l’intérêt du pays demande que leur qualité productive soit pleinement mise à profit. Les incendies ont détruit d’immenses quantités de bois. L’investigation faite par la division forestière du ministère de l’Intérieur a démontré que la moitié des forêts primitives du Canada a été dévorée par les incendies, que sur un pied de bois d’œuvre utilisé sept ont été brûlés, et qu’en évaluant au chiffre minime de.50 cents le mille pieds, mesure de planche, le bois inutilement détruit par le feu aurait rapporté un revenu direct de plus d’un billion de dollars, en plus des immenses profits indirects qui seraient résultés de son utilisation. Contrairement à ce que l’on suppose habituellement, les ressources forestières du Canada sont bien inférieures à celles des États-Unis — elles n’en forment probablement pas plus d’un cinquième.

La question de la conservation de nos ressources forestières devient ainsi de la plus haute importance pour ceux qui s’intéressent à la prospérité du pays. On peut subvenir aux besoins du pays tant en ayant soin et en faisant un meilleur usage de celles qui existent qu’en créant d’autres par le boisement et le reboisement.

La première méthode comprend la protection contre l’incendie, l’usage de matières protectrices du bois, l’élimination du gaspillage dans l’abatage et le débit du bois, et l’usage de substituts, y compris l’utilisation des soi-disant espèces inférieures et des substances autres que le bois. On a déjà fait beaucoup de progrès en ce sens, mais il en reste encore beaucoup à faire.

La seconde méthode — la création de nouvelles ressources forestières — a fait un grand pas dans les plaines de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Les conditions économiques de ces plaines sont telles qu’une vigoureuse plantation d’arbres s’impose. En ce pays, où le boisement est une nécessité, pour la création d’une forêt, nous trouvons la meilleure preuve qu’une forêt est une récolte, qui ne diffère des autres cultures que par le temps.

La nécessité de la plantation forestière ne s’est pas fortement fait sentir au Canada, excepté dans les provinces des Prairies, et un peu dans les sections agricoles de l’Est du Canada. Le fait est dû en grande partie à ce que les conditions climatériques sont favorables ; grâce à elles les endroits déboisés ou brûlés se reboisent naturellement, excepté lorsque l’incendie a causé des ravages très étendus et très désastreux,


Plantation de pins écossais et de pins gris des terrains ensablés,
station forestière de Norfolk, Ontario.

De grandes étendues de pareilles terres ont été enlevées à l’agriculture ;
elles ne conviennent qu’à la culture forestière.

ou quand des feux répétés ont fini par détruire tous ou presque tous les porte-graines des essences précieuses.

Dans ces circonstances, des broussailles ou des arbres sans valeur couvrent le sol, et la durée du reboisement au moyen d’essences de valeur demande des générations, ou devient même totalement impossible sans le secours de moyens artificiels.

Lorsque l’incendie n’entre pas dans la forêt, on peut facilement assurer la reproduction du bois par l’adoption de méthodes d’abatage qui visent à cette fin. Grâce à un bon aménagement, la forêt s’améliorera, et une plus grande production par acre sera le résultat à la prochaine coupe. Cette merveilleuse force de reproduction a été pleinement démontrée par l’aménagement qui est suivi en Europe depuis des siècles.

Le Canada, en diminuant le nombre des incendies, a grandement contribué à l’amélioration de ses forêts ; il a fait un autre grand pas vers la conservation du bois, en exigeant un changement radical des anciennes méthodes d’abatage sur les terres qui appartiennent aux gouvernements fédéral et provinciaux. Ainsi, au Canada, le problème du boisement, au moins pour le moment, s’applique principalement aux fermes qui ont été déboisées ou qui n’ont jamais été couvertes de bois, ou bien à des terres non arables autrefois sous bois, mais que des incendies répétés ont dénudées, en tout ou en grande partie.

Les exposés qui suivent résument les plantations faites par les gouvernements fédéral et provinciaux. Toutefois, on ne prétend pas que tout soit encore complet, et l’on ne fait même pas entrer ici en ligne de compte les boisements considérables effectués par les particuliers, au moyen de plants tirés des pépinières des États-Unis.


Plantation Forestière en Colombie-Britannique

Par H. R. Christie, Division Forestière de la Colombie-Britannique

On calcule que la Colombie-Britannique renferme plus de 100,000,000 d’acres de terres boisées, dont 65, 000, 000 sont on peuvent être rendues propres à la production du bois marchand, mais ne sauraient guère convenir à d’autres fins. Depuis un grand nombre d’années, la Nature a couvert cette étendue de la plus vaste réserve de bois d’œuvre qui existe au monde. Une telle étendue pourrait fournir plus de 300 billions de pieds, mesure de planche, ou l’équivalent de plus de la moitié du bois marchand du Canada. Lorsque, étant donné une telle ressource, on parle de plantation forestière, la question ne manque pas d’intérêt, bien que l’on n’ait pas démontré que cette plantation soit indispensable à la perpétuation de la ressource. Jusqu’à présent, on n’a pas fait de boisement artificiel en Colombie-Britannique, soit par semis, soit par plantage. Le sujet ne peut donc se discuter qu’au point de vue de la possibilité et non de son développement actuel. On n’a planté en cette province que des arbres de jardins, d’ornement et de rideaux-abris. Bien qu’une telle plantation diffère complètement de la plantation forestière, sous le rapport de la méthode et de l’objet, on peut cependant, retirer quelques renseignements utiles des résultats qui en découleront.

Les principales restrictions du reboisement artificiel sont imposées par la Nature, les ressources financières et l’administration. Il convient de discuter le sujet suivant les points de vue susdits, sous les titres suivants :

1. Considérations Sylvicoles

2. Considérations Financières

3. Considérations Économiques


1. Considérations Sylvicoles. — Tout ce qu’il faut à un arbre, c’est le climat et le sol. Qu’on lui donne abondance de lumière, de chaleur, d’air et d’humidité, assez de terre pour ancrer ses racines, mélangée d’éléments minéraux dont il a besoin, et il croîtra et s’épanouira.

La Colombie-Britannique renferme de vastes quantités des nécessités susmentionnées. Grâce au mariage bien assorti du sol et du climat, au moins dans la zone tempérée, les arbres y croissent plus rapidement et plus constamment que sur le versant du Pacifique de l’Amérique du Nord ; nulle part la reproduction naturelle n’est plus prolifique et plus vigoureuse, comme on peut le voir sur des centaines d’abatis et de vieux brûlis. De fait, cette puissance de la nature quant à la production des végétaux rend toute discussion oiseuse.

Les experts, qui ont étudié cette question aux États-Unis, affirment que l’on peut obtenir une reproduction parfaitement satisfaisante sans recourir à de grandes dépenses additionnelles ou à la modification des méthodes d’exploitation forestière. Dans toute méthode, la principale chose requise c’est l’utilisation clairvoyante, qui prévoit au renouvellement de la forêt par la mise en réserve d’arbres porte-graines, et la conservation des rejetons en les protégeant contre l’incendie. Pour le repeuplement du sapin Douglas, il faut l’abatage total et le brûlage des débris, afin de mettre à nu le sol minéral qui est le meilleur lit pour les semis.

Quant à l’utilisation, bien qu’il y ait maintenant beaucoup de gaspillage, la chose dépend grandement des marchés, et elle se réglera elle-même automatiquement, tel que cela s’est fait dans les autres parties plus anciennes du pays. En outre, la Division Forestière emploie tous les moyens dont elle dispose sous les conditions présentes, pour arriver à l’usage le plus économique possible, mais, dans une province qui ne fait abattre, jusqu’à présent, qu’un cinquième de la croissance annuelle de ses forêts, il ne faut pas s’attendre à autant d’économie d’opération que dans les pays qui déboisent ou utilisent plus que la croissance annuelle.

En ce qui regarde la destruction des branchages, ce n’est pas exagéré que de dire que la Colombie-Britannique a pris le devant sur les autres provinces du Canada. Pendant que les autres ont passé leur temps en recherches et en discussions, celle-ci s’est mise à l’œuvre et a brûlé ses débris. Jusqu’à présent, l’obligation d’empiler les branches ne s’applique qu’à la construction des chemins de fer, mais on cherche à obtenir la coopération des exploitants, en vue de rendre ce travail éventuellement universel.

On peut donc avancer que, dans la plupart des étendues boisées de la Colombie-Britannique, qui jusqu’à présent ont été examinées, le reboisement artificiel ne sera jamais que supplémentaire ou accessoire à la reproduction naturelle. Le repeuplement artificiel n’aura d’importance que dans l’ouest de la province, qui n’est, sous le rapport du climat et de la conformation naturelle, que le prolongement vers le nord de la zone aride de la chaine de montagnes des États-Unis.

La régénération des forêts, au moyen de la plantation ou des semis, a été démontrée dans les autres parties de monde ; il est donc inutile de s’y attarder. On ne doute nullement du succès de pareilles plantations en Colombie-Britannique, partout où la nature a déjà produit des forêts, au moins quant aux essences indigènes. Mais est-il possible d’y introduire des espèces exotiques ? Si les bois durs y trouvaient un marché, serait-il possible de les implanter en cette province ?


Possibilité de Cultiver des Bais Durs Exotiques en Colombie-Britannique. — La Colombie-Britannique est obligée d’importer la plus grande partie de ses bois durs. Un manque de quelque chose de désirable n’est pas toujours un sujet de félicitation, mais il y a exception pour ce pays, car il possède quelque chose de mieux que ce qu’il ne possède pas. En effet, la nature a doté la Colombie-Britannique de conifères ou de bois mous, au lieu de bois durs. Un coup d’œil jeté sur les statistiques du bois d’œuvre nous montre leur importance respective. Au Canada, en 1911, environ 94 pour cent, et aux États-Unis environ 78 pour cent du total des abattages effectués étaient des conifères, le reste était composé de bois durs. Les bois durs ne fournissent qu’une petite portion du bois vendu ; toutefois cette quantité est d’une grande importance, et il est à souhaiter que la Colombie-Britannique puisse s’approvisionner chez elle d’une plus grande somme de ce bois.

On a avancé diverses théories, qui n’appartiennent pas à ce sujet, en vue d’expliquer, pour quelle raison, les forêts du versant du Pacifique renferment plus de conifères ou d’arbres toujours verts que de bois durs ou feuillus. Toutefois, une de ces théories touche à un point vital. Elle attribue cet effet à la différence de distribution des pluies, dans l’Est et l’Ouest, entre l’été, ou saison de la croissance, et l’hiver, saison du repos. Dans l’Est, la distribution est très égale, de sorte que, avec une moindre chute totale annuelle, une plus grande partie tombe au cours de l’été, et favorise ainsi la croissance des arbres feuillus. Dans l’Ouest, la somme totale de pluie annuelle est plus grande, mais elle tombe presque toute en hiver, saison du repos, et favorise ainsi les arbres toujours verts.

On se demande donc si la Colombie-Britannique sera capable de produire les bois durs. Au nombre des réponses affirmatives on peut citer les suivantes :

(1) Ce pays produit déjà les bois durs tels que le chêne, l’érable, le peuplier, l’arbousier, etc.

(2) La saison de la croissance est plus longue et, au moins dans les altitudes inférieures, le climat est plus doux et plus uniforme.

(3) Les bois durs exotiques, plantés comme arbres d’ornement, réussissent parfaitement.

(4) Dans la plantation forestière, les bois durs seront protégés contre la concurrence dangereuse des arbres toujours verts.

Nous ne possédons pas de données sur la plantation des bois durs en Colombie-Britannique, ni sur celles des bois mous. Cependant des plantations d’une espèce a été faite à certains endroits, notamment, à la ferme expérimentale du Dominion à Agassiz et à Sidney, et au parc Stadacona, à Victoria.

La plantation d’Agassiz est de beaucoup la plus intéressante et la plus importante ; elle a été effectuée sur deux parcelles séparées ; les sujets ont été fournis, pour la plupart, par la ferme expérimentale d’Ottawa, et aussi par les pépinières de l’est des États-Unis, sous forme de noyaux et de jeunes arbres de deux ans. Cependant on n’a pas gardé un mémoire de leur origine.

La première et la plus grande de ces plantations est une ceinture-abri, plantée il y a 23 ans, avec des sujets de 2 ans, dans un terrain uni, sur presque toute la largeur de la ferme, à partir du grand chemin jusqu’au pied d’une colline abrupte où s’arrête la ferme. Ces arbres sont alignés sur cinq rangs espacés de 10 x 10 pieds. Le sol est un mélange de sable et d’argile reposant sur un lit de gravier, qui perce à certains endroits. C’est une terre agricole de première qualité ; en conséquence, elle a produit des résultats supérieurs à ceux que peut donner la moyenne des sols forestiers. Elle a été sous culture avant d’être mise sous bois. On s’est proposé de savoir si les bois durs de l’Est réussiraient en Colombie-Britannique. C’était plutôt une question d’horticulture que de sylviculture.

On n’a pas gardé un mémoire des essences plantées en cette ceinture-abri, mais on y voit maintenant les suivants :


Bois Durs
Le Noyer noir (Juglans nigra Linn.)
Le Peuplier baumier (Populus balsamifera Linn.)
Le Bouleau blanc (Betula alba var papyrifera.)
Le Bouleau jaune (Betula lutea Michx.)
Le Hêtre pourpré (Fagus sp. ——.)
Le Châtaignier (Castanea dentata [Marsh.] Borkh.)
Le Chêne (Quercus robur. L. ——)
L’Orme (Ulmus americana Linn.)
Le Tulipier (Liriodendron tulipifera Linn.)
Le Sycomore (Platanus occidentalis Linn.)
Le Cerisier (Prunus serotina Ehrh.)
L’Érable dur (Acer saccharum Linn.)
L’Érable mou (Acer saccharum Linn.)
L’Érable de Norvège (Acer platanoides.)
Le Tilleul (Tilia americana Linn.)
Le Catalpa (Catalpa sp. ——.)


Bois Mous
Le Pin blanc (Pinus strobus Linn.)
Le Pin gris (Pinus divaricata Ait.)
Le Pin écossais (Pinus sylvestris.)
Le Pin Mugho (Pinus Mugho.)
Le Mélèze européen (Larix Europea.)


On a, selon toute apparence, planté ces essences sans ordre, sans tenir compte de leurs qualités de tolérance respective, de la rapidité de leur croissance, etc. Presque tous poussèrent bien pendant quelques années, jusqu’au moment où ils commencèrent à être trop rapprochés. Les intolérants, à l’exception de ceux qui réussirent à prendre le dessus, par la rapidité de leur croissance en hauteur, commencèrent à souffrir du manque de lumière solaire. Actuellement quelques-uns ont péri (surtout presque tous les pins gris et beaucoup des pins écossais) et d’autres se meurent. Donc, ce ne serait pas rendre justice aux espèces intolérantes, en ce qui concerne leur aptitude à vivre dans la Colombie-Britannique, en basant la conclusion sur une simple comparaison de leur état actuel dans la ceinture-abri. Il est probable que si elles avaient été plantées en mélange approprié, presque toutes les essences susmentionnées auraient réussi.

Les espèces suivants étaient pleines de promesse :


Les érables Le chêne
Le tilleul Le cerisier noir
Le châtaignier Le hêtre
Le tulipier Le sycomore
Le bouleau jaune Le pin blanc
Le frêne blanc Le mélèze européen


Le diamètre (à hauteur de poitrine) de ceux-ci variait de 6 à 14 pouces, et la hauteur de 30 à 60 pieds approximativement. En fait de développement, le pin blanc, le châtaignier, et le chêne occupaient les premières places. Les châtaigniers ont souffert du ver des châtaignes, qui a fait son apparition en 1912. Un expert de Washington D. C., qui a classifié ce parasite, a dit que c’était le premier connu au Canada (ce qui n’est pas un honneur pour la Colombie-Britannique.) Le catalpa, le noyer et tous les autres pins, à l’exception du pin blanc, ont souffert du manque de soleil.

La deuxième plantation a été effectuée dans les automnes de 1893 et de 1894, sur le flanc de la colline déjà mentionnée. Le sol y est plus léger et moins profond. Ce versant fait face au couchant. Une forêt naturelle y existait déjà ; la plantation fut faite sur les clairières et les endroits déboisés. On prit pour cela des noyaux et des arbres de deux ans ; mais on n’a pas gardé de données relatives aux résultats obtenus de ces deux méthodes ; on ne sait pas non plus le nombre de sujets plantés, ni tous les endroits où l’on a fait des plantations, et le temps dont nous disposions ne nous a pas permis d’effectuer de longues recherches. On a examiné les suivants : Le noyer

Le noyer   hauteur, 10 pieds
Le noyer blanc
   
Le chêne   jusqu’à 25 pieds de hauteur
Le châtaignier
Le bouleau jaune
Le bouleau blanc


Tous semblaient pleins de vie.

Donc, les résultats obtenus à Agassiz montrent, jusqu’à présent, que, au point de vue de la sylviculture, l’introduction des bois durs exotiques en Colombie-Britannique est parfaitement faisable. Les résultats ne sont pas encore un succès définitif. Cependant, le fait que plus de 11,000 arbres et arbustes d’ornement, de 1 à 3 ans, importés d’une grande pépinière de France, et plantés dans la pépinière, indique que ceux qui sont en charge sont persuadés que les bois durs s’acclimateront en Colombie-Britannique. Le professeur J. Macoun, père, dit que le sycomore semble surtout réussir à merveille, et que le noyer anglais et l’avelinier poussent bien dans le voisinage et produisent des fruits.

On peut voir un certain nombre d’arbres exotiques au parc Stadacona, à Victoria, parmi lesquels est l’épinette de Norvège, tous en pleine vigueur. Près de l’entrée, une rangée d’arbres fournit l’occasion d’établir des comparaisons entre les indigènes et les exotiques. Ici on voit un mélange de sapins Douglas, de mélèzes d’Europe, de cèdres rouges géants et de bouleaux jaunes. Ces arbres ont probablement de 25 à 30 ans d’âge. Le sapin Douglas atteint maintenant de 10 à 12 pouces de diamètre, à niveau de poitrine, et sa hauteur est d’environ 50 pieds. Grâce à sa rapide croissance, il a dépassé les bouleaux, les mélèzes et les cèdres, à leur désavantage. En Europe, on trouve que le mélèze pousse rapidement, mais, en Colombie-Britannique, il est devancé par le sapin Douglas. On ne pourrait arriver à cette conclusion après une seule visite, mais les expériences faites en Europe en sont la preuve.


2. Considérations Financières. — Pour savoir si, oui ou non, le reboisement est faisable et praticable en Colombie-Britannique, il faut nécessairement se baser sur les expériences des autres pays. On peut, toutefois, obtenir des données dignes de foi des états du Pacifique. Au point de vue financier, les facteurs indispensables sont : le déboursé initial, les dépenses annuelles d’entretien, le taux de l’intérêt, la longueur de la rotation, et d’un autre côté, la somme de production du bois et les revenus que l’on peut espérer en recevoir. Pour plusieurs raisons, la Colombie-Britannique est avantageusement située à ce point de vue.

Le déboursé initial comprend la valeur du terrain et le coût de la reproduction, y compris les frais des mesures préventives contre l’incendie, telles que le brûlage des débris. Aux États-Unis, quelques états achètent des terrains de reboisement, à des prix variant entre $2.00 et $10.00 de l’acre ; ce prix est généralement plus élevé en Europe, et les terres de ce pays ne valent pas celles de la Colombie-Britannique pour la production de bois. Lorsqu’un déboursé initial est nécessaire, il constitue un obstacle sérieux à la rapidité de la culture forestière.

Heureusement que la population de la Colombie-Britannique a eu le bon esprit de se réserver la possession de la plus grande partie de ses terres forestières. Donc, ce déboursé initial n’entre pas en ligne de compte, lorsqu’il s’agit des terres à bois du gouvernement. D’un autre côté, et pour les raisons déjà mentionnées, les dépenses de reboisement sont relativement minimes. Cinq dollars par acre suffisent à couvrir ces frais, y compris ceux du brûlage des branches ; c’est, en réalité le double du montant alloué par la circulaire 175 du Service Forestier des États-Unis pour conditions similaires.

Les dépenses annuelles d’entretien comprennent les taxes, la protection contre l’incendie et l’administration. À l’instar des frais pour valeur des terres, on peut laisser de côté la question des taxes, lorsqu’il s’agit des terres du gouvernement ; les autres dépenses peuvent être chiffrées à 5 cents par acre annuellement. Le taux d’intérêt raisonnable en matière de calculs relatifs à la culture des forêts est un point très discuté. En Europe, où les conditions sont plus stables et la protection plus sûre, le taux varie de 2½ à 3 pour cent, suivant la longueur du temps et le genre d’assurance. Toutefois, en ce pays-ci, on devrait le porter à 5% au moins sous les conditions actuelles.

Le nombre d’années et la somme de rendement sont corrélatifs, et dépendent principalement des espèces, du sol et du climat. Sous ce point, tel que déjà dit, la Colombie-Britannique est en position exceptionnelle. Le Service Forestier des États-Unis calcule que le taux de croissance du bois des forêts du Pacifique double, en moyenne, celui du bois des États-Unis. Le tableau suivant de la production du sapin Douglas est extrait de la circulaire 175 du Service Forestier des États-Unis. Ce tableau a été préparé avec les données des mesurages effectués par le Service Forestier des États-Unis sur environ 400 endroits, couverts seulement de sapins Douglas, de 35 âges différents, entre 10 et 140 armées, le long du pied des collines Cascade à l’ouest, depuis la frontière du Canada jusqu’au centre de l’Oregon. Les lieux choisis sont, en moyenne ce qu’il y a de mieux en fait de sol forestier.


Tableau de Production du Sapin Douglas
Âge du Bois Pieds, Mesure de Planche, par Acre
140 
12 400
150 
28 000
160 
41 000
170 
51 700
180 
61 100
190 
70 200
1100 
79 800
1110 
90 300
1120 
101 500
1130 
113 000


En supposant que, sous les conditions normales, une forêt demande, en moyenne, cinq années pour s’établir, il faudra augmenter de 5 années chacun des âges énumérés en ce tableau, ainsi, un bois de 55 ans rapporterait 28,000 pieds, mesure de planche, et un bois de 50 années, 20,500 pieds mesure de planche, par acre.

On ne saurait calculer la valeur future du bois aussi exactement que celle de la croissance. Mais, étant donné que l’approvisionnement mondial diminue, et que, au contraire la demande augmente, il est certain que le prix du bois excédera les frais de production. Aux États-Unis, entre 1900 et 1907 la valeur du bois s’est accrue de 93 pour cent ; elle s’élève encore très rapidement. Pendant le même temps, le sapin Douglas a gagné 87 pour cent en valeur, et le cèdre 251 pour cent. Vu que le pin blanc de l’Ontario a été vendu dernièrement plus de $13.00 le mille pieds, mesure de planche, on peut, raisonnablement, supposer que le sapin Douglas, dans 60 ans, vaudra au moins $6.00 le mille, et qu’il augmentera ensuite de 50 cents par décade subséquente.

Voici une hypothèse : étant donné les chiffres cités plus haut, et une rotation de 60 années, on obtient le calcul suivant :


Déboursé initial à 5%, intérêt composé 
$ 93.40
Dépenses annuelles d’entretien, 5 cents, 5%, intérêt composé 
17.68
xxxxxxCoût total 
$111.08

Rapport 34,500 pds. M. P. à $6 par M. M. P 
$207.00

xxxxxxProfit net par acre 
$95.92


Soit $1.60 par acre et par année en plus de l’intérêt de 5% sur le déboursé.

Pour une rotation de 70 ans :
xxxRapport 46,350 pds. à $6.50 
$301.27
xxxDépenses $152.15 + $29.43 
181.58

xxxxxxProfit net par acre 
$119.69


Soit $1.70 par acre et par année.

Pour une rotation de 80 années les chiffres seraient :
xxxRapport 56,400 pds. M. P. à $7 
$394.80
xxxDépenses $247.80 +$48.56 
296.36

xxxxxxProfit net par acre 
$98.44


Soit $1.23 par acre et par année.

Par ce qui précède, on voit que la rotation de 70 ans sera plus avantageuse.

Les chiffres donnés plus haut sont très modérés. Les forêts d’Allemagne en rapport, depuis des années, produisent un revenu net de 50 cents à plus de $5.00 par acre ; et la terre en ce pays est moins productive que celle de la Colombie-Britannique, le climat est moins favorable, et le déboursé initial plus élevé en chaque rotation pour obtenir une reproduction.

Bien que la chose soit quelque peu étrangère au sujet, il y a quelque intérêt à calculer la valeur expectative de la production du sol, comme ci-dessus, en faisant usage de la formule bien connue :

Afin de simplifier les calculs, on peut négliger les productions intermédiaires et accepter les données comme ci-dessus. La valeur expectative du sol par acre dans une rotation de 60 années est :

On a trouvé, à ce sujet, dans le rapport de la Commission Forestière de la Colombie-Britannique, en 1910, que la valeur moyenne par acre des terres forestières de la Couronne, sur l’île de Vancouver, a été estimée à $9.69, et sur la terre-ferme à $6.41. Puisque cette évaluation comprend le bois et le sol, elle est de beaucoup trop modérée.

L’étendue commerciale du sapin Douglas, à l’ouest de Cascades est approximativement comprise dans l’île de Vancouver et les districts forestiers ; elles renferment un total approximatif de 20,000,000 d’acres. En supposant qu’un quart de cette superficie soit propriété de la Couronne, capable de produire, tel que susdit, on aura une somme de $27,150,000. Naturellement, ces calculs sont basés sur des estimations, mais ils ont au moins le mérite de ne pas être exagérés. Il est certain que $5.43 par acre n’est pas un rapport excessif pour une terre aussi productive que celle dont il s’agit.

Quelle serait la valeur forestière de toute la province, basée sur la même méthode de calcul, est une question à laquelle il est difficile de répondre, mais elle serait certainement fabuleuse. On pourrait peut-être s’y prendre autrement. Supposons que ces 65,000,000 d’acres de forêt produiront un jour au taux de $1 par acre et par année, cela nous donnera $65,000,000. Le capital avec intérêt à 5% sera de $1,300,000,000, à 3% de $2,166,666,666.66, et nous conclurons qu’il est profitable de reboiser en aidant la Nature, en supposant que le plantage ne serait pas fructueux.


3 Considérations Économiques. — Il est possible et probablement faisable d’obtenir un reboisement artificiel dans la Colombie-Britannique, mais, est-ce désirable ou nécessaire ? Si c’est désirable, est-ce le meilleur placement des capitaux ?

Si l’on se rappelle que la Colombie-Britannique possède plus de la moitié du bois marchand sur pied au Canada, que l’on n’en exploite actuellement qu’environ un cinquième de la croissance annuelle, et qu’il reste une superficie énorme à administrer, qui, jusqu’à présent, n’est que très peu colonisée, on devra conclure qu’une politique rationnelle et basée sur le bon sens — celle qui convient le mieux à la situation — est celle que suit en ce moment la Division Forestière. Elle consiste à donner la principale attention à la bonne protection et utilisation de la forêt actuelle. Une telle attention est le premier souci de tout pays qui cherche à obtenir une nouvelle forêt. Quoiqu’il en soit, c’est tout ce qu’il faut suivre dans la plus grande partie de la Colombie-Britannique, pour arriver à un tel résultat.

On peut dire qu’un reboisement artificiel n’est ni nécessaire, ni, relativement parlant, désirable actuellement, dans la majeure partie de la Colombie-Britannique.



Résumé :

1. La plantation des arbres en Colombie-Britannique est possible au point de vue de la sylviculture. On peut récolter les bois durs aussi bien que les bois mous.

2. Le reboisement en Colombie-Britannique est financièrement praticable, et même la plantation forestière.

3. Mais cette plantation n’est, à présent, ni nécessaire, en général, ni le mode le plus profitable de dépenser de l’argent, du temps ou de l’énergie, en Colombie-Britannique.


Plantation dans l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba

Un très grand pourcentage de la terre dans les parties accessibles de ces trois provinces est dépourvu d’arbres, et se prête particulièrement à la culture des céréales. La question de la plantation des arbres, à l’exception de quelques sections relativement peu étendues, situées à l’est des montagnes Rocheuses et converties en réserves forestières, s’applique principalement aux régions agricoles. En ces parties, la valeur de la terre est trop élevée pour justifier l’usage de grandes superficies à la plantation de bois marchand. Les conditions climatériques s’opposent aussi à cette industrie sur une grande étendue. Les grands vents produisent une évaporation excessive qui, à son tour, tend à empêcher les arbres d’atteindre leur hauteur idéale, facteur d’une grande importance à la culture du bois marchand.

D’un autre côté, l’absence relative d’humidité et les écarts extrêmes de température, non seulement retardent la croissance, mais restreignent le choix des arbres à planter dans ces plaines à quelques espèces, qui ne sont pas considérées comme propres à la production du bois d’œuvre.

Il faut aussi tenir compte des dépenses relativement élevées qu’entraînerait la création d’une forêt, pour des fins commerciales, sur ces plaines — où les conditions naturelles sont défavorables — en comparaison du coût du bois que fournit la forêt vierge, ou même de celui de reboiser des régions éloignées, mais de peu de valeur, et impropres à l’agriculture, qui ont déjà été couvertes de bois, et sur lesquelles les conditions naturelles sont favorables.

Vu les raisons susmentionnées, on devrait, en général, se borner à une plantation d’arbres qui serait plutôt un complément des opérations agricoles, une occasion de revenus éventuels plutôt qu’une opération commerciale.

Nous réclamons la protection des forêts sur les flancs des montagnes, afin de protéger le sol contre l’érosion, et le bas collines contre l’inondation qui emporterait la surface des terres basses, désastres dont la cause serait la dénudation des flancs des montagnes. Toutefois, les inondations ne sont pas les seuls agents qui causent l’érosion des bonnes terres agricoles. L’expérience a déjà démontré que dans les plaines de ces provinces, où la culture couvre une immense superficie, les vents dominants entraînent la terre de surface sur leur passage. Ce soufflage du sol est un autre genre d’érosion qui endommage grandement la récolte sur pied, et affaiblit la puissance de production du sol pour les récoltes futures, puisque la couche supérieure est la plus fertile. Pour remédier à une telle situation, la plantation des arbres devant servir de protection contre le vent est essentielle.

Le brisement du vent diminuera l’évaporation de l’humidité du sol sur une grande distance, dans la direction des vents dominants. Comme résultat, les récoltes seront sensiblement protégées et croîtront mieux que sans protection. On a trouvé que ces brise-vents ont un effet très avantageux surtout pour les vergers. Grâce à une plantation de brise-vents, pendant un certain nombre d’années, toute la ferme sera abritée, et le cultivateur en retirera une provision de bois pour son chauffage et le marché.

La plantation de brise-vents aura pour effet d’arrêter le soufflage de la neige sur la terre pendant l’hiver, et, grâce à une provision d’humidité, les récoltes seront améliorées. Ce ne sera pas le seul avantage qu’on en retirera, mais si ces brise-vents sont plantés aux endroits voulu, les bâtiments de ferme et le bétail en bénéficieront, et par là les comptes de chauffage des maisons et d’alimentation des animaux seront réduits. Il est évident qu’il faut plus de grain pour produire un


bois de tremble comme combustible
Trois cordes et demie de bois provenant d’arbres de quatre ans.


coupe-vent de bois de tremble, deux ans après l’abattage

livre de chair, lorsque les animaux sont exposés aux froids de l’hiver,

que lorsqu’ils sont protégés contre les tempêtes. En été, les arbres fourniront ombre et protection.

En outre des avantages qui précèdent, la présence de bosquets de verdure sur ces plaines rendra les fermes plus attrayantes et plus confortables, tout en augmentant leur désirabilité et leur prix de vente. On a calculé que cette valeur s’élevait jusqu’à $1,000 par acre de plantation de bois.

C’est la Division Forestière du ministère de l’Intérieur qui a le plus contribué à la plantation des arbres dans les plaines de ces provinces. M. R. H. Campbell, Directeur des Forêts a préparé le rapport suivant relatif à ce travail.


Plantage de la Division Forestière du Dominion

Plantage sur les Fermes. — Les plantages d’arbres sur les fermes dans les plaines du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta ont été commencés en 1901. À cet effet, on choisit de petites parcelles de terrain sur les fermes expérimentales de Brandon et d’Indian Head, auxquelles on distribua 58,800 arbres en cette année. Le nombre d’arbres expédiés pour ces plantages a sans cesse augmenté depuis ; la distribution de 1912 comptait 2,729,135 ; le total de distribution de 1901 à 1912 est de 21,650,660. Le nombre de personnes à qui on a fourni des arbres s’est élevé de onze en 1901 à 3,618 en 1912. Les arbres sont fournis pour être plantés sur les fermes et y servir de ceintures-abris et de lots à bois, mais non pas pour objet d’ornement.

Les arbres ne sont fournis, à ceux qui en font la demande, que sur la signature d’un engagement, par lequel le receveur promet de prendre soin des arbres, en conformité des instructions du ministère, lesquelles s’étendent au transport, au plantage, et surtout à une bonne préparation du sol avant le plantage et à son entretien en bon état pendant les deux années suivantes.

Des inspecteurs, qui ont fait un apprentissage du travail du pépiniériste, sont nommés pour visiter les fermes des postulants, leur indiquer les places de leurs ceintures-abris et les espèces d’arbres qui s’adapteront le mieux aux conditions locales. Ils feront ensuite un rapport de leur examen et y mentionneront les arbres qu’il faudra expédier au postulant, si son terrain est dans les conditions voulues. Après l’envoi des arbres, l’inspecteur visite de nouveau la ferme de celui qui en a fait la demande, afin de voir s’ils ont été bien plantés et cultivés. Grâce à une telle inspection, on a constaté que sur toutes ces plaines on a obtenu, en moyenne, une réussite de 85 à 90 pour cent.

Jusqu’en 1911, on n’a guère distribué que des essences feuillues, telles que l’érable de Manitoba, l’orme, le frêne, le tilleul, le saule et le peuplier de Russie. En cette année, on a commencé à faire une distribution de conifères, dont on a cultivé une certaine quantité dans les pépinières. Les essences de conifères distribuées sont l’épinette blanche, le pin d’Écosse et l’épinette rouge.

Les arbres feuillus ont été distribués gratuitement, mais on perçoit $1.00 par cent sur les conifères, parce qu’il est impossible, dans le moment, de produire une grande quantité de ces arbres.


Réserves Forestières. — Le travail de reboisement dans les réserves forestières n’a été entrepris que d’une manière très restreinte. Sur la réserve forestière appelée Spruce Woods, formée d’une bande de terre argileuse ; on y a fait des semis d’épinettes blanches, de pins gris et de pins jaunes de l’ouest. Les essais tentés n’ont réussi qu’en certains endroits abrités par des bosquets de trembles. Sur la réserve forestière de Turtle Mountain, les semis ont, en général, donné de bons résultats, et nous avons planté environ une acre en pins d’Écosse et épinettes provenant de ces semis.

On a essayé, pendant plusieurs armées, la plantation des pins d’Écosse cultivés sur la réserve forestière Spruce Woods. Les 75,000 plants, mis à l’essai, étaient, pour la plupart, âgés de deux ans. En 1904, on fit un premier plantage de 5,000 sujets ; mais, par la négligence du garde, un incendie les a détruits. Il en est resté de 60 à 80 pour cent, et le total sur pied est maintenant de 50,200. Ces arbres ont été plantés en sillons tracés de l’est à l’ouest, et les mottes versées du côté du sud, afin de fournir de l’ombre aux jeunes plantes le matin. Les succès obtenus suffisent à montrer que l’on peut suivre cette méthode.

Persuadé que le seul moyen de reboiser la réserve forestière Spruce Woods était le plantage, et qu’en conséquence il fallait établir une pépinière sur la réserve et l’agrandir le plus rapidement possible, on a chargé de ce travail M. J. D. Kirkwood, qui a fait un bon apprentissage de pépiniériste en Écosse. M. Kirkwood a préparé une pépinière à Shilo, sur la partie ouest de la réserve, où il y avait une bande de terrain entièrement privée d’arbres, Il a maintenant une pépinière qui renferme 230,000 arbres, dont 3,000 de trois ans, 75,000 de deux ans et 152,000 d’un an. Ce sont principalement des épinettes blanches et des pins gris, mais il y a aussi des carrés de pins grêles, de pins jaunes de l’ouest et d’épinettes noires.

On a planté sur la réserve forestière de Turtle Mountain 14,000 arbres, presque tous des pins d’Écosse, fournis par la pépinière d’Indian Head. Cette plantation, effectuée comme essai, a bien réussi jusqu’à présent.


érables dans la section des prairies, plantés le long de l’emplacement
de la voie ferrée du pacifique canadien pour protéger la ligne
contre l’entassement de la neige


saules le long de l’emplacement d’une voie ferrée dans les prairies

En deux endroits de la réserve forestière de Riding Mountain on a planté 7,500 arbres fournis par la pépinière d’Indian Head ; ces arbres progressent bien pendant cette année. On n’a pas encore pensé qu’il est nécessaire de planter des arbres sur la réserve forestière des montagnes Rocheuses, vu que la reproduction naturelle est suffisante.


Plantation par le Chemin de fer Canadien du Pacifique[1]

La plantation effectuée par cette compagnie ne comprend guère que les arbres d’ornement, sur les terrains des stations des chemins de fer et le long des emplacements des voies ferrées à travers les plaines. L’objet de cette dernière est de créer des brise-vents, et par là de faire disparaître les garde-neige portatifs, qu’il a fallu construire pour empêcher la neige mouvante de s’entasser sur la voie et de paralyser le trafic. La Division Forestière de la Compagnie, département des Ressources Naturelles, a fait de grands progrès en ce travail.

Le long de la ligne principale, entre Winnipeg, Man., et Calgary, Alta., 1,356,200 arbres ont été plantés avant le commencement de décembre 1912. Ces arbres ont été cultivés dans la pépinière de la compagnie, à Wolseley, Sask. Les espèces plantées sont l’érable du Manitoba, le peuplier de Russie, le tilleul, le saule à feuilles de laurier, le saule rouge, le saule doré, le frêne et l’épinette. Deux espèces d’arbustes ont été aussi plantés, le caragan et l’armoise, Tous ces arbres avaient deux ou trois ans d’âge, variant de trente à cinquante pieds de hauteur. Les pertes et les remplacements n’ont pas excédé 10 pour cent. Ces arbres ont été plantés à quatre pieds de distance en alignements espacés de sept pieds, la bande de terre labourée autour des plantes étant de huit pieds.

On a adopté plus récemment une ligne de conduite définie ; elle consiste à encourager la plantation d’arbres sur des terres irriguées, au sud de l’Alberta, que les colons achètent de la Compagnie, celle-ci s’offrant à fournir gratuitement la moitié des arbres et à donner des prix à ceux qui obtiennent le plus de succès.

Au printemps de 1908 on a planté 25,000 épinettes rouges près de Wolseley, Saskatchewan. L’objet de cette plantation consiste à savoir s’il est possible de cultiver des épinettes rouges pour en faire des piquets de clôtures et des traverses de chemins de fer. Au cours de l’année 1910, la gelée tardive du printemps en a fait périr 200 autres ; en ce moment il reste sur pied 23,800. Le tableau suivant donne la moyenne des mesurages pris chaque année ;


Années Hauteur en pds. et pcs. Croissance en pds. et pcs. Diamètre 18 pcs. au-dessus du sol
1910 
5′ 8″ 1′ 7″ .85
1911 
7′ 2″ 1′ 4″ 1.25
1912 
9′ 0″ 1′ 8″ 1.50


Plantage dans l’Ontario[2]

Il y a dans l’Ontario deux classes de terres qui devraient être toujours réservées à la culture forestière. Ce sont, premièrement, les petites parcelles de terres non arables répandues parmi d’autres bonnes terres agricoles ; et, deuxièmement, de grandes étendues successives, impropres à l’agriculture, que l’on trouve en plusieurs parties de la province. On a calculé qu’il existe, dans les parties de l’Ontario déjà colonisées (au sud de la rivière Ottawa) un total d’environ 8,500 milles carrés de terres boisées appartenant aux cultivateurs. On peut, en toute sûreté, avancer qu’il existe, en plus des terres a bois déjà taxées, une autre superficie de 8,500 milles carrés qui n’est bonne qu’à la production du bois.[3]

Pour encourager les propriétaires particuliers à boiser de pareilles terres, le ministère provincial de l’Agriculture a adopté un plan de coopération défini et étendu. Le ministère entreprend, autant que les moyens dont il dispose le lui permettent, d’aider aux cultivateurs à boiser en forêt leurs lots à bois, en fournissant un de ses employés pour diriger la préparation du sol, choisir les variétés à planter et enseigner la manière de les planter et de les entretenir après le plantage. Le ministère s’efforce aussi de fournir, gratis, des jeunes plants ou des boutures en nombre suffisant pour couvrir deux acres pendant une saison, à quiconque en fait la demande.

Le propriétaire, de son côté, est tenu de préparer le sol, de planter les arbres et d’en avoir soin, et d’effectuer tout le travail qui touche aux plantations, suivant les instructions du ministère. On conseille surtout de planter les parties incultes de la ferme, telles que les flancs des collines, les endroits sablonneux, rocheux ou graveleux, les marais et les parties de la propriété coupées par un cours d’eau ou autrement. Cependant, en certaines localités sans bois, il peut être désirable de planter sur de bonnes terres arables, au choix du fermier.


pépinières d’épinettes à la station forestière de norfolk

C’est en 1906 que l’on a commencé les premières distributions d’arbres de la manière susmentionnée. Depuis lors, on en a distribué environ un demi-million. Pendant 1912, 375,000 plantes ont été distribuées, — c’étaient principalement des essences toujours vertes, telles que les pins blancs et les pins d’Écosse. Ce plantage a été fait surtout sur des bandes de terrains incultes et sur des formations sablonneuses. Les plantations sont d’une acre ou deux en superficie ; cependant on a boisé de grandes étendues à la station forestière du comté de Norfolk, et en deux ou trois cas, par exemple, dans le bassin de la ville de Guelph une trentaine d’acres ont été plantées. Les plantations sont réparties en quarante-deux comtés, mais la plus grande partie du plantage a été effectuée dans le sud-ouest de l’Ontario.

La station forestière du comté de Norfolk, où sont situées les pépinières, a été établie en 1909. Elle renferme maintenant 1,500 acres et on devrait l’agrandir encore. Le sol de cette station renferme des pins de seconde pousse, des chênes nains, des champs abandonnés, des formations de sable mouvant ; il y a donc toutes les variétés de terrains propres aux expérimentations. On voit en cette station une centaine d’acres en plantations expérimentales, et les pépinières renferment un million et demi de plantes en couches et en rangées pour plantages futurs. Le travail à cette station fournit aux étudiants de la faculté forestière de l’université de Toronto l’occasion de mettre en pratique l’enseignement théorique qui leur est donné.

On ne saurait trop conseiller d’utiliser, autant que possible, les terres incultes. Malheureusement, les colons ont déjà pris possession d’une grande partie de pareilles terres dans le sud de l’Ontario, et l’on constate les désastreux effets de leur culture par la pauvreté et la dégénérescence de la population. La province comme telle, ne saurait tolérer un pareil état de choses ; ces terres devraient être retirées de la culture agricole, les habitants établis ailleurs et le sol utilisé pour la culture forestière. Des incendies répétés ont tellement ravagé les arbres porte-graines de valeur qu’il faudra recourir au plantage pour le reboisement. M. E. J. Zavitz, Forestier Provincial, a dit, avec raison, que la seule solution du problème de ces terres incultes est l’adoption d’une politique qui aura pour objet de les mettre graduellement sous forêt et de les administrer par une agence gouvernementale. La principale responsabilité incombe nécessairement au gouvernement provincial, mais, en certains cas, la coopération fédérale serait justifiable.

D’un autre côté, les municipalités pourraient aussi contribuer leur part à la solution d’un tel problème. Des dispositions à cette fin ont été établies par l’adoption de la The Counties Reforestation Act, loi du reboisement des comtés, votée par le Parlement Provincial, le 24 mars 1911, (Chapitre 74, I, George V. 1911). C’est à la demande du conseil de comté du comté de Hastings que nous devons cette loi. Ce décret est général de sa nature et prévoit, en certains cas, à l’adoption de règlements municipaux d’un comté quelconque, à l’effet d’autoriser par achat, bail ou autrement, des terres reconnues propres au reboisement. Il renferme aussi des dispositions ayant trait au plantage, à l’entretien et à la protection du bois sur pareilles terres ; il confère, en outre, le pouvoir d’émettre des obligations jusqu’au montant de $25,000 avec échéance à toute date, pour l’achat de telles terres.

Le conseil de comté du comté de Hastings, en vertu de cette loi, s’est rendu acquéreur de 2,200 acres de terres déboisées dans le township de Grimthorpe, à raison de 17c. par acre, pour cause de taxes impayées. On se propose d’acquérir d’autres terres déboisées. Actuellement, le comté s’occupe de protéger ces terres contre les incendies et de les repeupler au moyen d’arbres porte-graines qui y restent. Il est toutefois probable que le plantage sera possible plus tard. Le conseil du comté de Peterborough a formé tout dernièrement un comité forestier, chargé d’étudier la question de suivre l’exemple du comté de Hastings.


Plantage dans Québec[4]

Le ministère des Terres et Forêts dirige depuis 1908 une pépinière à Berthierville, où, sur une terre qui appartient au ministère, 30 acres sont mises en culture forestière, de ce nombre 3 sont en pépinière. C’est aussi sur cette ferme que l’on enseigne, aux étudiants de la faculté forestière de l’université Laval, des leçons de plantage d’arbres.

La pépinière de Berthierville est appelée à fournir les plants nécessaires au reboisement de 15,000 acres de sable mouvant dans le comté d’Argenteuil, dénudées par des exploitations forestières sans merci ; ce sable menace de destruction totale un certain nombre de bonnes fermes du voisinage.

Le ministère a acheté de quelques cultivateurs de Lachute environ 350 acres de sable mouvant, à raison de $1.00 par acre. Il a été convenu que les anciens propriétaires pourront, dans l’espace de 15 années, racheter ce qu’ils ont vendu, en remboursant le coût du relient, plus les intérêts à 4 pour cent. Toutefois, le ministère se porte garant que les anciens propriétaires ne seront pas tenus de payer plus de $10.00 par acre, l’excédent, s’il y en a, constituera la part que le gouvernement aura contribué au travail.

On a commencé le travail de plantage en mai 1912 ; en cette année 25 acres ont été plantées en pins blancs, épinettes blanches et frênes





plantation de pins écossais de onze ans, terres de l’état de N. Y.
près de la jonction de clear lake,

RÉSERVE DES ADIRONDACKS


plantation de pins écossais, coupe du collège axton,
RÉSERVE DES ADIRONDACKS
Les arbres ont environ 15 ans d’âge

verts. Le sable, sec à la surface, est humide à une profondeur de trois

pouces, de sorte que les conditions sont favorables au plantage.

Le ministère se propose de suivre le même procédé sur les autres terrains sablonneux incultes de la province, principalement dans les environs de Berthier, de Contrecœur et de Tadousac ; mais il n’a pas l’intention de reboiser toutes ces étendues ; son but est plutôt de montrer que leur reboisement est possible, et d’encourager les propriétaires particuliers de pareilles terres à suivre son exemple. On espère empêcher ainsi le sable mouvant de se répandre sur les terres agricoles, à l’exemple du gouvernement Français dans les Landes. Une partie des plants de la pépinière de Berthierville est destinée à être distribuée aux cultivateurs qui désirent boiser leurs terres.

Les provinces de l’Ontario et de Québec renferment de vastes étendues de terre que l’on n’aurait jamais dû défricher. Il a fallu abandonner quelques-unes de celles qui ont été autrefois habitées. Sur quelques-unes il reste encore un peu de bois. D’autres terres impropres à l’agriculture n’ont jamais été mises en rapport, mais le bois a été abattu de temps à autre, et elles sont encore propriétés provinciales. Afin d’utiliser ces deux classes de terres, et les faire contribuer au bien-être public local, on a préparé un plan de réserves forestières cantonales, par lequel toutes terres impropres à l’agriculture, vacantes dans un canton donné, sont mises ensemble et converties en réserves.

Les fermiers ou colons des paroisses environnantes auront la permission d’abattre du bois sur ces réserves aux conditions suivantes : il sera permis d’abattre du bois sur un vingtième de l’étendue boisée ; aucun permis ne comportera plus de 10,000 pieds, mesure de planche ; les permissionnaires seront tenus de payer la moitié des droits sur réception du permis, et la différence lorsque le bois aura été abattu, lequel devra être empilé et mesuré par l’agent du ministère. La limite du diamètre de grosseur est la même que celle fixée sur les terres de la Couronne, et les droits sont aussi les mêmes.

De cette manière il sera créé, dans les environs de chaque village, de petites forêts d’une superficie de 2,000 à 15,000 acres, plus ou moins en carrés, où les cultivateurs pourront abattre assez de bois pour suffire à leurs besoins réels.

Il y a maintenant huit de ces réserves ; elles couvrent 255,000 acres, et on a préparé des plans pour en établir douze autres ; il y aura alors plus de 250,000 acres en réserves cantonales. Trois étaient en exploitation en 19 12 et ont donné des résultats satisfaisants. Cette année le ministère commencera un inventaire d’au moins 5 d’entre elles, afin de préparer des plans pour l’exploitation de chacune.

On se propose d’établir chaque réserve d’une manière intelligente, par la construction d’un bon système de routes et de sentiers, par la pose de lignes téléphoniques, la construction de postes de surveillance et de maisonnettes pour les gardes. Les parties dénudées seront reboisées plus tard. La reproduction est si bonne dans Québec que, partout où l’on peut empêcher les incendies de se déclarer périodiquement, la terre se couvrira bientôt de quelques espèces de bois, ordinairement du bouleau et du tremble. Le plan actuel a pour objet de permettre à la première végétation de se produire, de l’aider en certains cas, d’introduire ensuite des essences plus désirables sur des terrains préparés artificiellement ou naturellement.


Plantage dans les Provinces Maritimes

Grâce à l’excellente reproduction naturelle qui suit généralement les exploitations forestières et les incendies, la nécessité du plantage artificiel ne s’est pas fortement imposée dans les provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Le fait est que des terres déjà déboisées se reboisent bien et peuvent être achetées à des prix inférieurs aux dépenses nécessaires aux reboisements artificiels. Il est également probable qu’un grand pourcentage des fermes sont ou partiellement boisées ou suffisamment rapprochées de terrains boisés, et que les besoins domestiques en fait de bois n’ont pas été pressants jusqu’à présent. En conséquence, le gouvernement provincial n’a pas, encore entrepris une campagne bien arrêtée pour encourager le plantage du bois.

Nul doute, cependant, que sous certaines conditions le boisement sera utile ; mais, de nos jours, le besoin le plus pressant c’est l’introduction de bonnes méthodes d’administration des forêts qui existent sur les terres des particuliers. En Nouvelle-Écosse, ce besoin s’impose, vu que la plus grande partie des terres à bois sont aujourd’hui propriétés particulières. Au Nouveau-Brunswick, le pourcentage des terres boisées en possession individuelle est moindre, et la solution du problème forestier en ce pays devra être trouvée plutôt par l’imposition de règlements à l’effet de gouverner la coupe du bois sur les terres de la Couronne. Ce sujet a déjà été longuement étudié, bien que le gouvernement provincial n’ait pas encore placé un forestier d’expérience à la de l’administration.

Nonobstant la situation temporaire, décrétée ci-haut, plusieurs petits commencements de plantations ont été entrepris par les particuliers. Sur les conseils, et grâce à l’aide du professeur R. B. Miller de la faculté des forêts de l’université du Nouveau-Brunswick, une plantation de pins blancs d’environ quinze acres a été effectuée sur les terres du Dr . A. R. Myers de Moncton, N. B., et l’on a planté une égale superficie en épinettes de Norvège sur les terres de la Rhodes-Curry Co., en Nouvelle-Écosse, près d’Amherst, N. B.

La plantation de Myers est située à environ 13 milles de Moncton, et est, je crois, la première du genre au Nouveau-Brunswick ; elle a été effectuée en 1911. Le champ fut d’abord labouré et hersé, et les plants de deux ans furent disposés à cinq pieds de distance les uns des autres. On dit que toute la plantation est dans un état prospère.

La Rhodes-Curry Co., de Little River, N. E., voulant s’assurer s’il était possible de reboiser ses immenses terres forestières dévastées par des incendies, choisit, au printemps de 1912 une petite parcelle pour essai de reboisement. L’endroit désigné est une colline dévastée par un incendie, sur laquelle ne survivent que quelques maigres sapins, épinettes et pins rouges. On enleva d’abord les branchages, les billes pourries et les autres matières inflammables et l’on clôtura le terrain pour le protéger contre les chevreuils ; la plantation se compose d’épinettes de Norvège âgées de trois ans.

La Pejepscot Paper Co. à Salmon River N. B. a établi sur ses terres une petite pépinière depuis 1911. Une pépinière semblable se voit sur les terres de cette compagnie à Cookshire, Québec. Ces pépinières n’ont qu’un but expérimental. La compagnie veut savoir si elle pourra reboiser des grandes étendues brûlées qu’elle possède, et qui ne se repeuplent pas naturellement d’une manière satisfaisante.

Le gouvernement de l’Île du Prince-Édouard ne s’est pas encore occupé de reboisement, et l’on ne possède pas de données sur le travail entrepris à cette fin par les particuliers.

  1. Extrait d’un rapport de R. D. Prettie, surintendant des Forêts, département des Ressources Naturelles de la compagnie de chemin de fer Canadien du Pacifique.
  2. Extrait des publications du ministère de l’Agriculture et d’un rapport de E. J. Zavitz, Forestier Provincial.
  3. rapport sur le reboisement des terres incultes dans le sud de l’Ontario, par E. J. Zavitz, du ministère de l’Agriculture, 1908.
  4. Puisé dans un rapport du ministère des Terres et Forêts, et dans les données fournies par M. G. C. Piché, Forestier du ministère.