Psychologie politique et défense sociale/Livre I/Chapitre I

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Texte établi par Les Amis de Gustave Le Bon,  (p. 9-18).


CHAPITRE I
La psychologie politique


La première manifestation des progrès d’une science est de renoncer aux explications simples dont se contentent ses débuts. Ce qui paraissait d’abord facile à comprendre devient plus tard très difficile à expliquer.

Les études relatives à l’Évolution de la vie des nations ont subi la même loi. Après avoir essayé de tout interpréter, les historiens entrevoient maintenant qu’ils dissertaient souvent sur des illusions nées dans leur esprit.

Les phénomènes sociaux apparaissent aujourd’hui comme des mécanismes extrêmement compliqués, étroitement hiérarchisés et où la simplicité ne s’observe guère. L’évolution des peuples est aussi complexe que celle des êtres vivants.

La science cherche encore les lois qui déterminent les transformations des espèces et conditionnent leurs formes successives. Les lois de l’évolution sociale restent aussi peu connues. Quelques-unes seulement sont entrevues.

L’analyse des divers éléments dont l’agrégat constitue une société n’étant pas sortie de la phase des généralisations vagues et des assertions conjecturales, la vision des choses dont se contentent les théoriciens de l’inconnu demeurent très fragmentaires encore. Dans l’enchevêtrement des nécessités dirigeant la trajectoire de la vie d’un peuple, ils choisissent celles qui frappent leur esprit et négligent les autres. C’est pourquoi le récit des actes des souverains et surtout de leurs batailles semblait devoir constituer l’unique intérêt de l’Histoire. Tout ce qui concernait l’existence des peuples était, il y a peu de temps encore, dédaigné ou ignoré.

La science ne se contente plus des réponses sommaires faites jadis au "pourquoi" qui se hérissent de toutes parts et dont la vie politique des nations est remplie. Pourquoi tant de peuples surgis brusquement du néant, et remplissant le monde du bruit de leur grandeur ? Pourquoi ont-ils sombré ensuite dans un oubli si profond que pendant des siècles tout fut ignoré d’eux ? Comment naissent, évoluent et meurent les dieux, les institutions, les langues et les arts ? Conditionnent-ils les sociétés humaines, ou sont-ils au contraire conditionnés par elles ? Pourquoi certaines croyances comme l’Islamisme purent-elles s’édifier presque instantanément alors que d’autres mirent des siècles à s’établir ? Pourquoi le même Islamisme survécut-il à la puissance politique qui lui servait de support et s’étend-il toujours alors que d’autres religions comme le christianisme et le bouddhisme semblent décliner et côtoyer leur fin ?

À tous ces « pourquoi » et à bien d’autres, les réponses ne manquèrent jamais. Nous ressemblons à l’enfant auquel il en faut toujours. Mais les explications dont pouvait se contenter une science très jeune, sa maturité ne les accepte plus.


L’âge est passé où les dieux conduisaient l’histoire. La providence bienveillante qui guidait nos pas incertains et réparait nos erreurs, s’est évanouie sans retour. Abandonné à lui-même, l’homme doit s’orienter seul dans l’effrayant chaos des forces ignorées qui l’étreignent. Elles le dominent encore, mais il apprend chaque jour à les dominer à son tour. C’est cette domination sans cesse plus accentuée sur la nature que désigne le mot progrès.

Maîtriser la nature ne suffit pas. Vivant en société, l’homme doit apprendre à se maîtriser lui-même et subir des lois communes. C’est aux chefs placés à la tête des nations qu’incombent la tâche d’édicter ces lois et de les faire respecter.

La connaissance des moyens permettant de gouverner utilement les peuples, c’est-à-dire la psychologie politique a toujours constitué un difficile problème. Il l’est bien davantage aujourd’hui où des nécessités économiques nouvelles, nées des progrès scientifiques et industriels, pèsent lourdement sur les peuples et échappent à l’action de leurs gouvernements.

La psychologie politique participe de l’incertitude des sciences sociales indiquée plus haut. Il faut bien cependant l’utiliser telle qu’elle est, car les événements nous poussent et n’attendent pas. Les décisions que ces derniers provoquent ont souvent une importance considérable, car les conséquences d’une erreur peuvent s’appesantir sur plusieurs générations. Le siècle qui précéda le nôtre en fournit de nombreux exemples.

Les plus importantes des règles du gouvernement des hommes sont celles relatives à l’action. Quand agir, comment agir et dans quelles limites agir ? La réponse à ces questions constitue tout l’art de la politique.


Une analyse attentive des fautes politiques dont est parsemée la trame de l’histoire montre qu’elles eurent généralement pour causes des erreurs de psychologie.

Les arts et les sciences sont soumis à certaines règles qu’on ne peut impunément violer. Il en existe d’aussi précises pour gouverner les hommes. Leur découverte est fort difficile, sans doute, puisque très peu jusqu’ici ont été nettement formulées.

Le seul véritable traité de psychologie politique connu fut publié il y a plus de quatre siècles par un illustre Florentin que son œuvre rendit immortel.

Le marbre luxueux qui protège son sommeil éternel est édifié sous les voûtes de la célèbre église Santa-Croce à Florence. Ce panthéon des gloires de l’Italie renferme de magnifiques monuments élevés à la mémoire des hommes qui firent sa grandeur Michel-Ange, Galilée, Dante, etc. Les mérites de ces demi-dieux de la pensée y sont gravés en lettres d’or.

Dans cette galerie d’illustres ombres il n’est guère qu’un tombeau sur lequel de longues inscriptions aient été jugées inutiles. Une seule indication y figure :

MACHIAVEL, 1527
Tanto nomini nullum par elogium
(nul éloge n’égale un tel nom)

L’œuvre qui valut à son auteur une épitaphe si glorieuse et si brève est le petit volume intitulé Le Prince, auquel je faisais allusion plus haut. L’illustre écrivain y formulait des règles précises sur l’art de gouverner les hommes de son temps.

De son temps et non d’un autre. C’est pour avoir oublié cette condition essentielle que le livre tant admiré d’abord fut décrié plus tard lorsque les idées et les mœurs ayant évolué, il cessa de traduire les nécessités des âges nouveaux.

Alors seulement Machiavel devint machiavélique.

Possédant le sens des réalités, l’éminent psychologue ne cherchait pas le meilleur, mais seulement le possible. Pour pénétrer son génie on doit se reporter à cette période brillante et perverse, où la vie d’autrui ne comptait guère et où le fait d’emporter son vin avec soi pour ne pas être empoisonné lorsqu’on allait dîner chez un cardinal ou simplement chez un ami était considéré comme très naturel. Juger la politique de cet âge avec les idées du nôtre, serait aussi illogique que de vouloir interpréter les croisades, les guerres de religion, la Saint-Barthélémy, à la lumière des conceptions actuelles.

Machiavel n’était pas un simple théoricien. Mêlé intimement par ses fonctions à la politique active de son pays, il avait souffert des dissensions qui bouleversaient les républiques italiennes, alors en plein régime syndicaliste et sans cesse troublées par les plus sanglantes discordes. Il avait vu en 1502, Florence réduite à créer un gonfalonat à vie qui n’était qu’une véritable dictature perpétuelle, c’est-à-dire du Césarisme pur. Cette dernière forme de gouvernement lui paraissait une phase fatale de l’anarchie qu’ont toujours engendrée les gouvernements populaires. Il ne se trompait guère, puisque toutes les républiques italiennes finirent, ainsi d’ailleurs que les républiques athénienne et romaine, de la même façon.

La plupart des règles relatives à l’art de conduire les hommes, enseignées par Machiavel, sont depuis longtemps inutilisables, et cependant, quatre siècles ont passé sur la poussière de ce grand mort, sans que nul ait tenté de refaire son œuvre.

La psychologie politique, ou science de gouverner, est pourtant si nécessaire que les hommes d’État ne sauraient s’en passer. Ils ne s’en passent donc pas, mais faute de lois formulées, les impulsions du moment et quelques règles traditionnelles fort sommaires, constituent leurs seuls guides.

De tels guides conduisent fréquemment à de coûteuses erreurs. Napoléon, si conscient de la psychologie des Français, ignora profondément celle des Russes et des Espagnols. Cette ignorance le jeta dans des guerres où tout son génie de conquérant échoua contre un patriotisme insoupçonné qu’aucune force n’aurait pu vaincre. Très mal conseillé, l’héritier de son nom accumula en Crimée, au Mexique, en Italie et ailleurs, des erreurs de psychologie fort graves qui nous valurent finalement une nouvelle invasion.

Les grands manieurs d’hommes sont nécessairement de grands psychologues. Sans la connaissance intime de la mentalité des individus et des peuples que possédait si bien Bismarck, la supériorité des armées germaniques n’aurait certainement pas suffi à fonder l’unité de l’Allemagne.


La psychologie politique s’édifie avec des matériaux divers dont les principaux sont la psychologie individuelle, la psychologie des foules et enfin, celle des races.

Les maîtres de notre enseignement considèrent évidemment ces connaissances comme fort inutiles, puisqu’on ne les trouve mentionnées dans aucun de leurs programmes. À l’École des sciences politiques, on semble même ignorer leur existence. N’est-il pas étrange qu’on puisse être reçu « docteur ès sciences politiques », sans avoir jamais entendu parler de connaissances qui sont pourtant les vraies bases de la politique ?

Quelques notions traditionnelles constituant le seul bagage psychologique des hommes d’État médiocres, ils se trouvent absolument désorientés devant certains problèmes nouveaux, dont la routine ne dit pas la solution. Les impulsions mobiles des partis devenant leurs guides, les erreurs alors commises sont innombrables.

Très longue en serait la liste, même limitée à ces dernières années. Erreur dangereuse de psychologie, cette séparation de l’Église et de l’État accordant au clergé une indépendance et une puissance que les plus catholiques de nos rois n’auraient jamais tolérées. Erreurs fondamentales de psychologie, nos principes d’éducation, si différents de ceux qui conduisirent l’Allemagne à réaliser tous ses progrès scientifiques, industriels et économiques. Erreurs de psychologie les idées d’assimilation auxquelles nos colonies doivent leur décadence. Erreur de psychologie, la mesure introduisant dans l’armée des apaches, jadis confinés dans des bataillons spéciaux composés d’autres apaches et où, par conséquent, leur contact ne pouvait contaminer personne. Erreur de psychologie aussi lourde, la capitulation du gouvernement dans la première grève des postiers. Erreurs de psychologie encore, un grand nombre de nos lois prétendues humanitaires. Erreur de psychologie toujours, cet utopique espoir de refaire les sociétés à coups de décrets et la croyance qu’un peuple peut se soustraire entièrement à l’influence de son passé.

Les forces qui déterminent les actions d’un peuple sont assurément complexes : forces naturelles, forces économiques, forces historiques, forces politiques, etc. Elles produisent finalement une certaine orientation de nos pensées et par conséquent de notre conduite. Ces forces si diverses se trouvent ainsi finalement transformées en forces psychologiques. C’est donc à ces dernières que toutes les autres se ramènent.


Les difficultés entre peuples sont quelquefois assez graves pour n’être résolues qu’à coups de canon. L’unique droit à invoquer alors est la loi du plus fort. Tels furent les différends de la Prusse et de l’Autriche, du Transvaal et de l’Angleterre, du Japon et de la Russie. Mais quand il s’agit de questions secondaires, les influences psychologiques habilement maniées réussissent parfois à remplacer les arguments militaires. Seul un adversaire très supérieur en puissance peut les dédaigner. Il frappera le sol de son épée comme le firent Napoléon et Bismarck et l’adversaire n’aura qu’à se taire en attendant l’heure de la revanche qui sonnera toujours.

Personne ne semble assez fort aujourd’hui pour employer ces procédés sommaires. Les enchevêtrements d’alliances ne permettent plus à aucun souverain de parler comme s’il était l’unique maître. L’aventure du Maroc a enseigné aux peuples le sort qui les attend s’ils ne savent pas solidariser leurs faiblesses pour se défendre.

C’est donc entre forces à peu près égales que s’engagent maintenant les discussions provoquées par les incidents de la vie quotidienne. Alors la psychologie reprend son rôle et l’action des diplomates peut devenir importante.

Il est indubitable cependant que cette action n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était jadis. Instruit par le télégraphe, le téléphone, les journaux, le public discute passionnément les moindres événements politiques, pendant que les diplomates échangent lentement leurs notes obscures. Habitués autrefois à négocier dans l’ombre, il leur faut actuellement discuter en pleine lumière et suivre l’opinion au lieu de la précéder.

Et cependant leur rôle, injustement dédaigné, garde une certaine utilité. Des événements récents l’ont mise en évidence.

Plusieurs questions importantes furent en effet solutionnées grâce à des interventions diplomatiques. Bombardement des bateaux pêcheurs anglais par des cuirassés russes au début de la guerre avec le Japon, affaire de Casablanca, différend austro-russe à propos de la Serbie, etc. Si nous avions, à la veille de 1870, possédé des diplomates moins au-dessous de la plus navrante médiocrité, la guerre eût été ajournée à un moment où nous eussions pu préparer des alliances et non à celui choisi par l’ennemi.

C’est la psychologie politique encore qui apprend à résoudre des problèmes posés chaque jour. Discerner, par exemple, quand il faut céder ou résister aux exigences populaires. Selon leur tempérament, les hommes d’État cèdent indéfiniment ou résistent toujours. Détestable principe. Suivant les circonstances, il faut savoir résister ou au contraire céder. Aucune partie de la psychologie politique n’est plus difficile, et les conséquences des erreurs plus graves. La Révolution française eût été peut-être évitée, sûrement atténuée, si à l’époque de la crise agricole et financière de 1788 qui avait accru la misère des classes ouvrières par la disette et le chômage, la classe aristocratique n’eût pas persisté à refuser l’égalité fiscale.

Il en résulta une haine intense contre les classes privilégiées et les émeutes qui engendrèrent la désagrégation d’un long passé.


Frappé autrefois de l’absence d’ouvrages spéciaux sur la psychologie politique, j’espérais toujours voir combler cette lacune.

Après dix années presque exclusivement consacrées aux expériences de physique d’où mon livre sur l’Évolution de la matière est sorti, ces recherches devinrent trop coûteuses pour être continuées. Je dus donc les abandonner et me résignai à reprendre d’anciennes études. Désireux d’appliquer à la politique les principes exposés dans plusieurs de mes précédents ouvrages, je priai mon éminent ami, le professeur Ribot, de m’indiquer les traités de psychologie politique publiés récemment. Sa réponse m’apprit qu’il n’en existait pas. Mon étonnement fut le même que lorsque 15 années auparavant voulant entreprendre l’étude de la psychologie des foules, je constatai qu’aucun écrit n’avait paru sur ce sujet.

Ce n’est pas, certe, que les dissertations politiques aient jamais manqué. Elles abondent au contraire depuis Aristote et Platon, mais leurs auteurs furent le plus souvent des théoriciens, étrangers aux réalités de leur temps et ne connaissant que l’homme chimérique enfanté par des rêves. Ni la psychologie, ni l’art de gouverner n’ont rien à leur demander.

L’absence d’ouvrages classiques sur un tel sujet et la non-existence de chaires consacrées à son enseignement prouvent que son utilité n’apparaît pas clairement. Il était donc nécessaire de la démontrer. Ce sera un des buts de ce livre.

La psychologie politique s’édifie, je l’ai dit plus haut, sur des matériaux tirés de l’étude de la psychologie individuelle, de celle des foules, de celle des peuples et enfin des enseignements de l’histoire. Plusieurs de ces matériaux commencent à être connus, mais ils ne sont pas le monument lui-même.

Dans l’état actuel de nos connaissances, la politique ne peut être qu’une adaptation journalière de la conduite à des nécessités. Rationnelles ou non, il n’importe si ce sont des nécessités. Les préjugés héréditaires d’un peuple et ses croyances religieuses peuvent être déclarées absurdes par la raison, mais un véritable homme d’État ne tentera jamais de les combattre, sachant qu’il ne peut le faire utilement. Seuls, des théoriciens, ignorants des réalités, croient que la raison pure gouvernera le monde et transformera les hommes. En réalité, l’intelligence prépare lentement les changements qui, à la longue, transformeront nos âmes, mais son action immédiate est très faible. Fort peu de choses peuvent être changées par elle brusquement.

La psychologie politique est encore, nous l’avons dit, dans l’âge des incertitudes. Cependant des règles (empiriques souvent, mais pourtant très sûres), se dégagent chaque jour. Ce n’est pas en les formulant qu’on saurait prouver leur valeur, mais bien en montrant les conséquences de leur ignorance. Ce sera encore un des buts que je me propose.

Le développement des principes qui m’ont servi de guide exigerait des commentaires que les dimensions de ce livre ne comportent pas. On les trouvera, longuement exposés dans mes ouvrages antérieurs.[1]

Je me suis presque exclusivement confiné dans ce livre à l’application des règles déterminables de la psychologie politique aux événements contemporains. Même limite à cette période très circonscrite, le sujet était encore si vaste qu’il m’a fallu souvent me contenter d’indications sommaires. Examiner le rôle de la psychologie politique dans l’histoire des peuples, dans la formation de leurs croyances, dans les luttes guerrières qui forment la trame de leur passé aurait nécessité plusieurs volumes.

Ayant à traiter des sujets un peu arides, capables par conséquent, d’effrayer le lecteur et d’épuiser facilement son attention, j’ai cherché à éviter les formes trop didactiques. Les propositions les plus sérieuses gagnent souvent à être présentées dans un cadre peu sévère.

Un des chapitres de cet ouvrage, consacré à décrire les facteurs de la persuasion, montre le rôle prépondérant de la répétition. C’est la conviction de son utilité qui m’a incité à répéter parfois les mêmes choses en termes peu différents. Je regrette que le défaut de place m’ait empêché de le faire davantage. Napoléon n’exagérait pas en disant que la répétition est la principale figure de rhétorique. Il est au moins permis d’affirmer qu’elle constitue un des plus actifs facteurs des convictions. Tous les grands hommes d’État ont été conscients de sa puissance. C’est au moyen de répétitions innombrables que l’empereur d’Allemagne réussit à persuader ses sujets de l’utilité des sacrifices nécessaires à la construction d’une grande flotte de guerre. L’ancien Président des États-Unis, monsieur Theodor Roosevelt, écrit donc très justement : « Toutes les grandes vérités fondamentales risquent de sonner comme des choses rebattues et pourtant, toutes rebattues qu’elles soient, elles ont besoin d’être réitérées encore et toujours » .

Si les répétitions sont nécessaires pour répandre des vérités connues, combien n’en faut-il pas pour faire accepter des vérités neuves. Je l’ai plus d’une fois expérimenté. Les apôtres qui, dans le cours des âges transformèrent nos conceptions et nos croyances n’y ont réussi que par des répétitions incessantes.

C’est qu’en effet le vrai mécanisme des convictions diffère profondément de celui qu’enseignent les livres. Fort utile pour des démonstrations scientifiques, le raisonnement ne joue qu’un rôle très faible dans la genèse de nos croyances. Les idées ne s’imposent nullement par leur exactitude, elles s’imposent seulement lorsque par le double mécanisme de la répétition et de la contagion, elles ont envahi ces régions de l’inconscient où s’élaborent les mobiles générateurs de notre conduite. Persuader ne consiste pas simplement à prouver la justesse d’une raison, mais bien à faire agir d’après cette raison.

  1. Pour les principes généraux, voir :"L’homme et les sociétés, leurs origines et leur histoire"
    "Lois psychologiques de l’évolution des peuples"
    "Psychologie des foules"
    "Psychologie du socialisme"
    "Psychologie de l’éducation"
    Pour les applications de la psychologie à l’histoire, voir
    "Les premières civilisations de l’Orient" "La civilisation des Arabes"
    "Les civilisations de l’Inde"
    "Les opinions et les croyances"
    "La Révolution française et la psychologie des révolutions"
    "La vie des vérités"