Psychopathia sexualis/Chapitre II

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Psychopathia sexualis
(Édition allemande originale : 1886. Édition française : 1895)

Traduction d’Émile Laurent (1861-1904)
et de Sigismond Csapo


Page de titre
Préface
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Table des matières


Deux types d'appels de note :

  • [1] : note du texte original ;
  • [ws 1] : commentaire d’un contributeur à Wikisource.





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FAITS PHYSIOLOGIQUES


II

FAITS PHYSIOLOGIQUES

Maturité sexuelle. – La limite d’âge dans la vie sexuelle. – Le sens sexuel. – Localisation. – Le développement physiologique de la vie sexuelle. – Érection. – Le centre d’érection. – La sphère sexuelle et le sens olfactif. – La flagellation comme excitant des sens. – La secte des flagellants. – Le flagellum salutis de Paulini. – Zones érogènes. – L’empire sur l’instinct sexuel.  – Cohabitation.  – Éjaculation.


Pendant la période des processus anatomiques et physiologiques qui se font dans les glandes génitales, il se manifeste chez les individus un instinct qui les pousse à perpétuer l’espèce (instinct sexuel).

L’instinct sexuel, à cet âge de maturité, est une loi physiologique.

La durée des processus anatomico-physiologiques dans les organes sexuels, ainsi que la durée de la puissance de l’instinct génésique, diffèrent selon les individus et les peuples. Race, climat, conditions héréditaires et sociales, exercent une influence décisive. On sait que les Méridionaux présentent une sensualité bien plus grande que les gens du Nord. Le développement sexuel a lieu bien plus tôt chez les habitants du Midi que chez ceux des pays septentrionaux. Chez la femme des pays du Nord, l’ovulation, qui se manifeste par le développement du corps et les hémorragies périodiques des parties génitales (menstruation), ne se montre qu’entre treize et quinze ans ; chez l’homme, le développement de la puberté (qui se manifeste par la mue de la voix, le développement des poils sur la figure et sur le mont de Vénus, les pollutions périodiques, etc.), ne se montre qu’à partir de quinze ans. Au contraire, chez les habitants des pays chauds, le développement sexuel s’effectue plusieurs années plus tôt, chez la femme quelquefois même à l’âge de huit ans.

Il est à remarquer que les filles des villes se développent à peu près un an plus tôt que les filles de la campagne, et que plus la ville est grande, plus le développement, cæteris paribus[ws 1], est précoce.

Les conditions héréditaires n’exercent pas une influence moins grande sur le libido[ws 2] et la puissance virile. Il y a des familles où, à côté d’une grande force physique et d’une grande longévité, le libido et une puissance virile intense se conservent jusqu’à un âge très avancé. Il y en a d’autres où la vita sexualis[ws 3] éclôt tard et s’éteint bien avant le temps.

Chez la femme, la période d’activité des glandes génitales est plus limitée que chez l’homme, chez qui la production du sperme peut se prolonger jusqu’à l’âge le plus avancé.

Chez la femme, l’ovulation cesse trente ans après le début de la nubilité. Cette période de stérilité des ovaires s’appelle la ménopause. Cette phase biologique ne représente pas seulement une mise hors fonction et une atrophie définitive des organes génitaux, mais un processus de transformation de tout l’organisme. Dans l’Europe centrale, la maturité sexuelle de l’homme commence vers l’âge de dix-huit ans ; sa puissance génésique atteint son maximum vers l’âge de quarante ans. À partir de cette époque, elle baisse lentement.

La potentia generandi[ws 4] s’éteint ordinairement vers l’âge de soixante-deux ans ; la potentia cœundi[ws 5] peut se conserver jusqu’à l’âge le plus avancé. L’instinct sexuel existe sans discontinuer pendant toute la période de la vie sexuelle ; il n’y a que son intensité qui change. Il ne se manifeste jamais d’une façon intermittente ou périodique, sous certaines conditions physiologiques, comme c’est le cas chez les animaux.

Chez l’homme, l’intensité de l’instinct a des fluctuations, des hauts et des bas, selon l’accumulation et la dépense du sperme ; chez la femme, l’instinct sexuel augmente d’intensité au moment de l’ovulation, de sorte que, post menstrua[ws 6], le libido sexualis est plus accentué.

Le sens sexuel, en tant qu’il se manifeste comme sentiment, idée et instinct, est un produit de l’écorce cérébrale. On n’a pas encore pu jusqu’ici bien déterminer le siège du centre sexuel dans le cerveau.

Les rapports étroits qui existent entre la vie sexuelle et le sens olfactif[1] font supposer que la sphère sexuelle et la sphère olfactive se trouvent à la périphérie du cerveau, très près l’une de l’autre, ou du moins qu’il existe entre elles des liens puissants d’association.

La vie sexuelle se manifeste d’abord par des sensations parties des organes sexuels en voie de développement. Ces sensations éveillent l’attention de l’individu. La lecture, certains faits observés dans la vie sociale – (aujourd’hui malheureusement ces observations se font trop souvent à un âge prématuré) – transforment les pressentiments en idées nettes. Ces dernières s’accentuent par des sensations organiques, des sensations de volupté. À mesure que ces idées érotiques s’accroissent par des sensations voluptueuses, se développe le désir de reproduire des sensations semblables (instinct sexuel).

Il s’établit alors une dépendance mutuelle entre les circonvolutions cérébrales (origine des sensations et des représentations) et les organes de la génération. Par suite de processus anatomico-physiologiques, tels que l’hyperémie, l’élaboration du sperme, l’ovulation, les organes génésiques font naître des idées et des désirs sexuels.

La périphérie du cerveau réagit sur les organes de la génération par des idées perçues ou reproduites. Cela se fait par le centre d’innervation des vaisseaux et le centre de l’éjaculation. Tous deux se trouvent dans la moelle épinière et sont probablement très rapprochés l’un de l’autre. Tous les deux sont des centres réflexes.

Le centrum erectionis[ws 7] (Golz, Eckhard) est un point intermédiaire intercalé entre le cerveau et l’appareil génital. Les nerfs qui le relient avec le cerveau passent probablement par les pédoncules cérébraux. Ce centre peut être mis en activité par des excitations centrales (physiques et organiques), par une excitation directe de ses nerfs dans les pédoncules cérébraux, la moelle cervicale, ainsi que par l’excitation périphérique des nerfs sensitifs (pénis, clitoris et annexes). Il n’est pas directement soumis à l’influence de la volonté.

L’excitation de ce centre est transmise par des nerfs qui se relient à la première et à la troisième paires des nerfs sacrés (nervi erigentes), et arrive ainsi jusqu’aux corps caverneux.

L’action de ces nerfs érectifs qui transmettent l’érection est paralysante. Ils paralysent l’appareil d’innervation ganglionnaire dans les organes érectiles sous l’influence desquels se trouvent les fibres musculaires des corps caverneux (Kœlliker et Kohlrausch). Sous l’influence de ces nervi erigentes les fibres musculaires des corps érectiles deviennent flasques et ils se remplissent de sang. En même temps, les artères dilatées du réseau périphérique des corps érectiles exercent une pression sur les veines du pénis et le reflux du sang se trouve barré. Cet effet est encore accentué par la contraction des muscles bulbo et ischio-caverneux qui s’étendent comme des aponévroses sur la surface dorsale du pénis.

Le centre d’érection est sous la dépendance des actions nerveuses excitantes ou paralysantes parties du centre cérébral. Les représentations et les perceptions d’images sexuelles agissent comme excitants. D’après les expériences faites sur les corps de pendus, le centre d’érection semble aussi pouvoir être mis en action par l’excitation des voies de communication qui se trouvent dans la moelle épinière. Le même fait peut se produire par des excitations organiques qui ont lieu à la périphérie du cerveau (centre psycho-sexuel ?), ainsi que le prouvent les observations faites sur des aliénés et des malades atteints d’affections cérébrales. Le centre d’érection peut être directement excité par des maladies de la moelle épinière, dans leur première période, quand elles atteignent la moelle lombaire (tabès et surtout myélitis).

Voici les causes qui peuvent fréquemment produire une excitation réflexe du centre génital : excitation des nerfs sensitifs périphériques des parties génitales et de leur voisinage par la friction ; excitations de l’urètre (gonorrhée), du rectum (hémorroïdes et oxyures), de la vessie (quand elle est pleine d’urine, surtout le matin, ou quand elle est excitée par un calcul) ; réplétion des vésicules séminales par le sperme, ce qui se produit quand on est couché sur le dos et que la pression des viscères sur les veines du bassin produit une hyperhémie des parties génitales.

Le centre d’érection peut être excité aussi par l’irritation des nombreux nerfs et ganglions qui se trouvent dans le tissu de la prostate (prostatite, cathétérisme). Ce centre est aussi soumis à des influences paralysantes de la part du cerveau, ainsi que nous le montre l’expérience de Goltz qui a montré que, chez des chiens, quand la moelle épinière est tranchée, l’érection se produit plus facilement.

À l’appui de cette démonstration vient encore s’ajouter le fait que, chez l’homme, l’influence de la volonté ou une forte émotion (crainte de ne pas pouvoir coïter, surprise inter actum sexualem[ws 8], etc.) peuvent empêcher l’érection ou la faire cesser quand elle existe. La durée de l’érection dépend de la durée des causes excitantes (excitation des sens ou sensation), de l’absence des causes entravantes, de l’énergie d’innervation du centre, ainsi que de la production tardive ou hâtive de l’éjaculation.

La cause importante et centrale du mécanisme sexuel réside dans la périphérie du cerveau. Il est tout naturel de supposer qu’une région de cette périphérie (centre cérébral) soit le siège des manifestations et des sensations sexuelles, des images et des désirs, le lieu d’origine de tous les phénomènes psychosomatiques qu’on désigne ordinairement sous les noms de sens sexuel, sens génésique et instinct sexuel. Ce centre peut être animé aussi bien par des excitations centrales que par des excitations périphériques.

Des excitations centrales peuvent se produire par suite d’irritations organiques dues à des maladies de la périphérie du cerveau. Elles se produisent physiologiquement par des excitations psychiques (représentations de la mémoire ou perceptions des sens).

Dans les conditions physiologiques, il s’agit surtout de perceptions visuelles et d’images évoquées par la mémoire (par exemple, par une lecture lascive) ; puis d’impressions tactiles (attouchements, serrements de mains, accolade, etc.). Par contre le sens auditif et le sens olfactif ne jouent qu’un rôle secondaire dans le domaine physiologique. Mais, dans certaines circonstances pathologiques, ce dernier a une grande importance pour l’excitation sexuelle. Chez les animaux, l’influence des perceptions olfactives sur le sens génésique est de toute évidence. Althaus (Beiträge zur Physiol. u. Pathol. des Olfactorius, Arch. für Psych., XII, H. 1) déclare nettement que le sens olfactif est d’une grande importance pour la reproduction de l’espèce. Il fait ressortir que les animaux de sexe différent sont attirés l’un vers l’autre par la perception olfactive et que, à la période du rut, il s’exhale de leurs parties génitales une odeur pénétrante. Une expérience faite par Schiff vient à l’appui de cette assertion. Schiff a enlevé les nerfs olfactifs à de jeunes chiens nouveau-nés, et il a constaté que ces mêmes chiens, devenus grands, ne pouvaient distinguer un mâle d’une femelle. Mantegazza (Hygiène de l’amour) a fait un essai en sens inverse. Il a enlevé les yeux à des lapins et il a constaté que cette défectuosité artificielle n’a nullement empêché l’accouplement de ces animaux. Cette expérience nous montre quelle importance paraît avoir le sens olfactif dans la vita sexualis des animaux.

Il est à noter aussi que certains animaux (musc, chat de Zibeth, castor) ont, dans les parties génitales, des glandes qui dégagent des matières fortement odorantes.

Même en ce qui concerne l’homme, Althaus a mis en relief les corrélations qui existent entre le sens olfactif et le sens génésique. Il cite Cloquet (Osphrésiologie, Paris, 1826). Celui-ci appelle l’attention sur le pouvoir excitant des fleurs ; il rappelle l’exemple de Richelieu qui vivait dans une atmosphère imprégnée des plus forts parfums pour stimuler ses fonctions sexuelles.

Zippe (Wiener med. Wochenschrift, 1879, no 25), parlant d’un cas de kleptomanie observé chez un onaniste, fait aussi ressortir ces corrélations, et il cite comme témoin Hildebrand qui dit, dans sa Physiologie populaire : « On ne peut pas nier que le sens olfactif n’ait quelque connexité avec les fonctions sexuelles. » Les parfums des fleurs provoquent souvent des sensations de volupté et, si nous nous rappelons ce passage du Cantique des cantiques : « Mes mains dégouttaient de myrrhe et la myrrhe s’est écoulée sur mes doigts posés sur le verrou de la serrure », – nous verrons que le roi Salomon avait déjà fait cette observation. En Orient, les parfums sont très aimés à cause de leur effet sur les parties génitales, et les appartements des femmes du Sultan exhalent l’odeur de toutes sortes de fleurs.

Most, professeur à Rostock, raconte le fait suivant : « J’ai appris d’un jeune paysan voluptueux qu’il avait excité à la volupté maintes filles chastes et atteint facilement son but en passant, pendant la danse, son mouchoir sous ses aisselles et en essuyant ensuite, avec ce mouchoir, la figure de sa danseuse. » La perception intime de la transpiration d’une personne peut devenir la première cause d’un amour passionné. Comme preuve, nous citerons le cas de Henri iii qui, à l’occasion des noces de Marguerite de Valois avec le roi de Navarre, s’essuya la figure avec la chemise trempée de sueur de Marie de Clèves. Bien que Marie fût la fiancée du prince de Condé, Henri conçut subitement pour elle une passion si violente qu’il n’y pouvait résister et que, fait historique, il la rendit pour cela très malheureuse. On raconte un fait analogue sur Henri iv. Sa passion pour la belle Gabrielle aurait pris naissance parce que, dans un bal, il se serait essuyé le front avec le mouchoir de cette dame.

Le professeur Jæger (Entdecke der Seele) indique dans son livre le même fait, quand il dit (page 173) que la sueur joue un rôle important dans les affections sexuelles et qu’elle exerce une vraie séduction.

De la lecture de l’ouvrage de Ploss (Das Weib), il ressort que, en psychologie, on voit maintes fois la transpiration du corps exercer une sorte d’attraction sur une personne d’un autre sexe.

À ce propos, il faut citer un usage qui, au rapport de Jagor, exista chez les amoureux indigènes des îles Philippines. Lorsqu’il arrive, dans ce pays, qu’un couple amoureux est forcé de se séparer pour quelque temps, l’homme et la femme échangent des pièces de linge dont ils se sont servis, pour s’assurer une mutuelle fidélité. Ces objets sont soigneusement gardés, couverts de baisers et reniflés. La prédilection de certains libertins et de certaines femmes sensuelles pour les parfums[2] prouve également la connexité qui existe entre le sens olfactif et le sens sexuel.

Il faut encore citer un cas très remarquable, rapporté par Heschl (Wiener Zeitschrift f. pract. Heilkunde, 22 März 1861), cas où il a constaté simultanément le manque des deux bosses olfactives et l’atrophie des parties génitales. Il s’agissait d’un homme de quarante-cinq ans, bien fait, dont les testicules avaient le volume d’une fève, étaient dépourvus de canaux déférents et dont le larynx avait des dimensions féminines. Il y avait chez lui absence totale de nerfs olfactifs. Le triangle olfactif et le sillon à la base inférieure des lobes antérieurs du cerveau manquaient également. Les trous de la lame criblée étaient clairsemés ; au lieu de nerfs, c’étaient des prolongements de la dure-mère qui passaient par ces trous. Sur la membrane pituitaire du nez, on constatait la même absence de nerfs. Il faut noter aussi le consensus qui se manifeste nettement entre l’organe olfactif et l’organe sexuel dans certaines maladies mentales. Les hallucinations olfactives sont très fréquentes dans les psychoses des deux sexes qui ont pour origine la masturbation, de même que dans les psychoses des femmes, causées par les maladies des parties génitales ou les phénomènes de la ménopause ; par contre, dans les cas où il n’y a pas de causes sexuelles, les hallucinations olfactives sont très rares.

Je mets en doute cependant que, chez les individus normaux, les sensations olfactives jouent, comme chez les animaux, un grand rôle dans l’excitation du centre sexuel[3].

Nous avons cru devoir parler, dès maintenant, de la connexité qui existe entre le sens olfactif et le sens sexuel, étant donnée l’importance de ce consensus pour la compréhension de certains cas pathologiques.

Il y a, à côté de ces rapports physiologiques, un fait intéressant à noter : c’est qu’il existe une certaine analogie histologique entre le nez et les organes génitaux, puisque tous deux (y compris le mamelon) contiennent un tissu érectile.

J. N. Mackenzie (Journal of medical Science, 1884) a rapporté, à ce sujet, de curieuses observations cliniques et physiologiques. Il a constaté : 1o que chez un certain nombre de femmes, dont le nez était sain, il se produisait régulièrement, à l’époque de la menstruation, une congestion des corps bulbeux du nez, qui disparaissait après la menstruation ; 2o le phénomène d’une menstruation nasale substitutrice qui, plus tard, a été souvent remplacée par une hémorrhagie utérine, mais qui, dans certains cas, s’est manifestée périodiquement au moment de la menstruation, pendant toute la durée de la vie sexuelle ; 3o des phénomènes d’irritation nasale, tels que des éternuements, etc., au moment d’une émotion sexuelle ; et 4o l’inverse de ce phénomène, c’est-à-dire des excitations accidentelles du système génital, à la suite d’une maladie du nez.

Mackenzie a aussi observé que, chez beaucoup de femmes atteintes de maladies du nez, ces maladies empirent pendant la menstruation ; il a, en outre, constaté que des excès in Venere[ws 9] peuvent provoquer une inflammation de la membrane pituitaire ou l’accentuer si elle existe déjà.

Il rappelle aussi ce fait d’expérience que les masturbateurs sont ordinairement atteints de maladies du nez et souffrent souvent d’impressions olfactives anormales, de même que de rhinorrhagies. D’après les expériences de Mackenzie, il y a des maladies du nez qui résistent à tout traitement tant qu’on n’a pas supprimé les maladies génitales qui existent en même temps chez le malade et qui, peut-être, sont la cause de la maladie nasale.

La sphère sexuelle de l’écorce cérébrale peut être excitée par des phénomènes produits dans les organes génitaux et dans le sens des désirs et des représentations sexuels. Cet effet peut être produit par tous les éléments qui, par une action centripète, excitent le centre d’érection (excitation des vésicules séminales quand elles sont remplies ; gonflement des follicules de Graf ; excitation sensible quelconque, produite dans le voisinage des parties génitales ; hyperhémie et turgescence des parties génitales, particulièrement des organes érectiles, des corps caverneux du pénis, du clitoris ; vie sédentaire et luxueuse ; plethora abdominalis ; température élevée ; lit chaud ; vêtements chauds ; usage de cantharide, de poivre et d’autres épices).

Le libido sexualis peut être aussi éveillé par l’excitation des nerfs du siège (flagellation). Ce fait est très important pour la compréhension de certains phénomènes physiologiques[4].

Il arrive quelquefois que, par une correction appliquée sur le derrière, on éveille chez des garçons les premiers mouvements de l’instinct sexuel et on les pousse par là à la masturbation. C’est un fait que les éducateurs de la jeunesse devraient bien retenir.

En présence des dangers que ce genre de punition peut offrir aux élèves, il serait désirable que les parents, les maîtres d’école et les précepteurs n’y eussent jamais recours.

La flagellation passive peut éveiller la sensualité, ainsi que le prouve l’histoire de la secte des flagellants, très répandue aux xiiie, xive et xve siècles, et dont les adeptes se flagellaient eux-mêmes, soit pour faire pénitence, soit pour mortifier la chair dans le sens du principe de chasteté prêché par l’Église, c’est-à-dire l’émancipation du joug de la volupté.

À son début, cette secte fut favorisée par l’Église. Mais, comme la flagellation agissait comme un stimulant de la sensualité et que ce fait se manifestait par des incidents très fâcheux, l’Église se vit dans la nécessité d’agir contre les flagellants. Les faits suivants, tirés de la vie de deux héroïnes de la flagellation, Maria-Magdalena de Pazzi et Élisabeth de Genton, sont une preuve caractéristique de la stimulation sexuelle produite par la flagellation.

Maria-Magdalena, fille de parents d’une haute position sociale, était religieuse de l’ordre des Carmes, à Florence, en 1580. Les flagellations, et plus encore les conséquences de ce genre de pénitence, lui ont valu une grande célébrité et une place dans l’histoire. Son plus grand bonheur était quand la prieure lui faisait mettre les mains derrière le dos et la faisait fouetter sur les reins mis à nu, en présence de toutes les sœurs du couvent.

Mais les flagellations qu’elle s’était fait donner dès sa première jeunesse avaient complètement détraqué son système nerveux ; il n’y avait pas une héroïne de la flagellation qui eût tant d’hallucinations qu’elle. Pendant ces hallucinations, elle délirait toujours d’amour. La chaleur intérieure semblait vouloir la consumer, et elle s’écriait souvent : « Assez ! n’attise pas davantage cette flamme qui me dévore. Ce n’est pas ce genre de mort que je désire ; il y aurait trop de plaisir et trop de charmes. » Et ainsi de suite. Mais l’esprit de l’Impur lui suggérait les images les plus voluptueuses, de sorte qu’elle était souvent sur le point de perdre sa chasteté.

Il en était presque de même avec Élisabeth de Genton. La flagellation la mettait dans un état de bacchante en délire. Elle était prise d’une sorte de rage quand, excitée par une flagellation extraordinaire, elle se croyait mariée avec son « idéal ». Cet état lui procurait un bonheur si intense qu’elle s’écriait souvent : « Ô amour ! Ô amour infini ! Ô amour ! Ô créatures, criez donc toutes avec moi : Amour ! amour ! »

On connaît aussi ce fait, confirmé par Taxil (op. cit., p. 145), que des viveurs se font quelquefois flageller, avant l’acte sexuel, pour exciter leur puissance génitale languissante.

On trouve une confirmation très intéressante de ces faits dans les observations suivantes que nous empruntons au Flagellum salutis[ws 10] de Paullini (1re édition, 1698, réimprimée à Stuttgart, 1847) :

« Il y a certaines nations, notamment les Perses et les Russes, chez lesquels, et particulièrement chez les femmes les coups sont considérés comme une marque particulière d’amour et de faveur. Les femmes russes surtout ne sont contentes et joyeuses que lorsqu’elles ont reçu de bons coups de leurs maris, ainsi que nous l’explique, dans un récit curieux, Jean Barclajus.

« Un Allemand nommé Jordan vint en Moscovie et, comme le pays lui plaisait, il s’y établit et épousa une femme russe qu’il aimait beaucoup et pour laquelle il était gentil en tous points. Mais elle faisait toujours la mine, baissait les yeux, et ne faisait entendre que des plaintes et des gémissements. L’époux voulut savoir pourquoi, car il ne pouvait comprendre ce qu’elle avait. « Eh ! dit-elle, vous prétendez m’aimer et vous ne m’en avez encore donné aucune preuve. » Il l’embrassa et la pria de lui pardonner si, par hasard et à son insu, il l’avait offensée : il ne recommencerait plus. « Rien ne me manque, répondit-elle, sauf le fouet qui, selon l’usage de mon pays, est une marque d’amour. » Jordan se le tint pour dit et il se conforma à l’usage. À partir de ce moment cette femme aima éperdument son mari.

« Une pareille histoire nous est racontée aussi par Peter Petreus, d’Erlesund, avec ce détail complémentaire, qu’au lendemain de la noce les hommes ajoutent aux objets indispensables du ménage, un fouet. »

À la page 73 de ce livre curieux, nous lisons encore :

« Le célèbre comte Jean Pic de la Mirandole, assure qu’un de ses amis qui était un gaillard insatiable, était si paresseux et si inhabile aux luttes amoureuses qu’il ne pouvait rien faire avant qu’il n’eût reçu une bonne raclée. Plus il voulait satisfaire son désir, plus il exigeait de coups et de violences puisqu’il ne pouvait avoir de bonheur s’il n’avait été fouetté jusqu’au sang. Dans ce but, il s’était fait faire une cravache spéciale qu’il mettait pendant la journée dans du vinaigre ; ensuite il la donnait à sa compagne et la priait à genoux de ne pas frapper à côté, mais de frapper fort, le plus fort possible. C’est, dit le brave comte, le seul homme qui trouve son plaisir dans une torture pareille. Et comme cet homme n’était pas méchant, il reconnaissait et détestait sa faiblesse. Une pareille histoire est mentionnée par Cœlius Rhodigin, à qui l’a empruntée le célèbre jurisconsulte Andréas Tiraquell. À l’époque du célèbre médecin Otto Brunfels, vivait dans la résidence du grand électeur bavarois, à Munich, un bon gars qui, cependant, ne pouvait jamais faire l’amour sans avoir reçu auparavant des coups bien appliqués. M. Thomas Barthelin a connu aussi un Vénitien qu’il fallait échauffer et stimuler à l’acte sexuel par des coups. De même Cupidon entraîne ses fidèles avec une baguette d’hyacinthe. Il y a quelques années, vivait à Lübeck, dans la Muhlstrasse, un marchand de fromages qui, accusé d’adultère devant les autorités, devait être expulsé de la ville. Mais la catin avec laquelle il s’était commis alla chez les magistrats et demanda grâce pour lui en racontant combien pénibles étaient au coupable ses accouplements. Car il ne pouvait rien faire avant qu’on ne lui eût donné une bonne volée de bois vert. Le gaillard, par honte et de crainte d’être ridiculisé, ne voulait pas l’avouer d’abord, mais, quand on le pressa de questions, il ne sut plus nier. Dans les Pays-Bas réunis, dit-on, il y eut un homme de grande considération qui était affligé de la même maladie et qui était incapable de faire la bagatelle s’il n’avait pas reçu des coups auparavant. Lorsque les autorités en furent informées, cet homme fut non seulement révoqué de ses fonctions mais encore puni comme il le méritait. Un ami, un physicien digne de foi, qui habitait une ville libre de l’Empire allemand, me rapporta, le 14 juillet de l’année passée, comme quoi une femme de mauvaises mœurs, étant à l’hôpital, avait raconté à une de ses camarades qu’un individu l’avait invitée, elle et une autre femme de la même catégorie, à aller avec lui dans la forêt. Lorsqu’elles furent arrivées, le gaillard coupa des verges, exposa son derrière tout nu et ordonna aux femmes de taper dessus, ce qu’elles firent. Ce qu’il a fait ensuite avec les femmes, on peut le deviner facilement. Non seulement des hommes se sont excités à la lubricité par les coups, mais des femmes aussi, afin de jouir davantage. La Romaine se faisait fouetter dans ce but par Lupercus. Car ainsi chante Juvénal[ws 11] :

Steriles moriuntur, et illis
Turgida non prodest condita pyscido Lyde :
Nec prodest agili palmas præbere Luperco.

Il y a, chez la femme ainsi que chez l’homme, d’autres régions et organes érectibles qui peuvent produire l’érection, l’orgasme et même l’éjaculation. Ces « zones érogènes » sont chez la femme, tant qu’elle est virgo[ws 12], le clitoris, et, après la défloration, le vagin et le col de l’utérus.

Le mamelon surtout semble avoir un effet érogène chez la femme. La titillatio hujus regionis[ws 13] joue un rôle important dans l’Ars erotica. Dans son Anatomie topographique (édition de 1865, p. 552), Hyrtl cite Valentin Hildenbrandt qui avait observé, chez une jeune fille, une anomalie particulière du penchant sexuel, qu’il appelait suctusstupratio. Cette jeune fille s’était laissé téter les mamelons par son galant. Bientôt, en tirant, elle arriva à pouvoir les sucer elle-même, ce qui lui causait les sensations les plus agréables. Hyrtl rappelle, à ce propos, qu’on voit quelquefois des vaches qui tètent leurs propres tétines.

L. Brunn (Zeitg f. Litteratur, etc., d. Hamburger Correspondenten) fait remarquer, dans une étude intéressante sur « La sensualité et l’amour du prochain », avec quel zèle la mère qui nourrit elle-même son nourrisson, s’occupe de faire téter l’enfant. Elle le fait, dit-il, « par amour pour l’être faible, incomplet, impuissant ».

Il est tout indiqué de supposer, qu’en dehors des mobiles éthiques dont nous venons de faire mention, que le fait de donner à téter à l’enfant produit peut-être une sensation de plaisir charnel et joue un rôle assez important. Ce qui plaide en faveur de cette hypothèse, c’est une observation de Brunn, observation très juste en elle-même, bien que mal interprétée. Il rappelle que, d’après les observations de Houzeau, chez la plupart des animaux, la tendresse intime entre la mère et l’enfant n’existe que pendant la période de l’allaitement et qu’elle fait place, plus tard, à une indifférence complète

Le même fait (l’affaiblissement de l’affection pour l’enfant après le sevrage) a été observé par Bastian chez certains peuples sauvages.

Dans certains états pathologiques, ainsi que cela ressort de la thèse de doctorat de Chambard, des endroits du corps voisins des mamelles (chez les hystériques) ou des parties génitales peuvent jouer le rôle de zones érogènes.

Chez l’homme, la seule zone érogène, au point de vue physiologique, c’est le gland et peut-être aussi la peau des parties extérieures des organes génitaux. Dans certains cas pathologiques, l’anus peut devenir érogène – cela expliquerait l’automasturbation anale, cas très fréquent, et la pédérastie passive (Comparez Garnier, Anomalies sexuelles, Paris, p. 514, et A. Moll, L’Inversion sexuelle, p. 63).

Le processus psychophysiologique qui forme le sens sexuel, est ainsi composé :

1o Représentations évoquées par le centre ou par la périphérie ;
2o Sensations de plaisir qui se rattachent à ces évocations.

Il en résulte le désir de la satisfaction sexuelle (libido sexualis). Ce désir devient plus fort à mesure que l’excitation du cône cérébral, par des images correspondantes et par l’intervention de l’imagination, accentue les sensations de plaisir, et que, par l’excitation du centre d’érection et l’hyperhémie des organes génitaux, ces sensations de plaisir sont poussées jusqu’aux sensations de volupté (sécrétion de liquor prostaticus[ws 14] dans l’urèthre, etc.).

Si les circonstances sont favorables à l’accomplissement de l’acte sexuel et satisfont l’individu, il cédera au penchant qui devient de plus en plus vif. Dans le cas contraire, il se produit des idées qui font cesser le rut, entravent la fonction du centre d’érection et empêchent l’acte sexuel.

Les idées qui arrêtent les désirs sexuels doivent être à la portée de l’homme civilisé, chose importante pour lui. La liberté morale de l’individu dépend, d’une part, de la puissance des désirs et des sentiments organiques qui accompagnent la poussée sexuelle ; d’autre part, des idées qui lui opposent un frein.

Ces deux éléments décident si l’individu doit ou non aboutir à la débauche et même au crime. La constitution physique et, en général, les influences organiques exercent une puissante action sur la force des éléments impulsifs ; l’éducation et la volonté morale sont les mobiles des idées de résistance.

Les forces impulsives et les forces d’arrêt sont choses variables. L’abus de l’alcool produit à ce sujet une influence néfaste, puisqu’il éveille et augmente le libido sexualis et diminue en même temps la force de résistance morale.


LA COHABITATION[5]

La condition fondamentale pour l’homme, c’est une érection suffisante. Anjel fait observer (Archiv für Psychiatrie, VIII, H. 2) avec raison que, dans l’excitation sexuelle, ce n’est pas seulement le centre d’érection qui est excité, mais que l’excitation nerveuse se répand sur tout le système vaso-moteur des nerfs. La preuve en est : la turgescence des organes pendant l’acte sexuel, l’injection des conjunctiva, la proéminence des bulbes, la dilatation des pupilles, les battements du cœur (par paralysie des nerfs vaso-moteurs du cœur qui viennent du sympathique du cou, ce qui produit une dilatation des artères du cœur et ensuite l’hyperhémie et un plus fort ébranlement des ganglions cardiaques). L’acte sexuel va de pair avec une sensation de volupté qui, chez l’homme, est probablement provoquée par le passage du sperme à travers les canaux éjaculateurs dans l’urèthre, effet de l’excitation sensible des parties génitales. La sensation de volupté se produit chez l’homme plus tôt que chez la femme, s’accroît comme une avalanche au moment où l’éjaculation commence et atteint son maximum au moment de l’éjaculation complète, pour disparaître rapidement post ejaculationem.

Chez la femme la sensation de volupté se manifeste plus tard, s’accroît lentement, et subsiste dans la plupart des cas après l’éjaculation.

Le fait le plus décisif dans la cohabitation, c’est l’éjaculation. Cette fonction dépend d’un centre (génito-spinal) dont Budge a démontré l’existence et qu’il a placé à la hauteur de la quatrième vertèbre lombaire. Ce centre est un centre réflexe, il est excité par le sperme qui, à la suite de l’excitation du gland, est poussé par phénomène réflexe hors des vésicules séminales dans la portion membraneuse de l’urèthre. Quand ce passage de la semence, qui a lieu avec une sensation de volupté croissante, représente une quantité suffisante pour agir assez fortement sur le centre d’éjaculation, ce dernier entre en action. La voie motrice du réflexe se trouve dans le quatrième et le cinquième nerf lombaire. L’action consiste dans une agitation convulsive du muscle bulbo-caverneux (innervé par les troisième et quatrième nerfs sacrés) et ainsi le sperme est projeté au-dehors.

Chez la femme aussi il se produit un mouvement réflexe quand elle se trouve au maximum de l’agitation sexuelle et voluptueuse. Il commence par l’excitation des nerfs sensibles des parties génitales et consiste en un mouvement péristaltique dans les trompes et l’utérus jusqu’à la portio vaginalis[ws 15], ce qui fait sortir la glaire tubaire et utérine.

Le centre d’éjaculation peut être paralysé par des influences venant de l’écorce cérébrale (coït à contre-cœur, en général émotions morales, et quelque peu par influence de la volonté).

Dans les conditions normales, l’acte sexuel terminé, l’érection et le libido sexualis disparaissent, et l’excitation psychique et sexuelle fait place à une détente agréable.


Notes originales
  1. Ferrier suppose que le centre de l’olfaction se trouve dans le gyrus uncinatus. Zuckerkandl, dans son ouvrage : Über das Riechcentrum, concluant d’après des études d’anatomie comparée, considère la corne d’Ammon comme faisant partie du centre olfactif.
  2. Comparer Thomas Laycock (Nervous diseases of women, 1840), qui trouve un rapport entre la prédilection pour le musc et les parfums similaires et l’exaltation sexuelle chez les femmes.
  3. L’observation suivante, que nous donne Binet, semble contredire cette opinion. Malheureusement il ne nous a rien dit sur la personnalité du sujet de son observation. Dans tous les cas, sa constatation est très significative pour la connexité qui existe entre le sens olfactif et le sens sexuel. D…, étudiant en médecine, étant assis un jour sur un banc dans un square et occupé à lire un livre de pathologie, remarqua que, depuis un moment, il était gêné par une érection persistante. En se retournant, il s’aperçut qu’une femme qui répandait une odeur assez forte, était assise sur l’autre bout du banc. Il attribua à l’impression olfactive, qu’il avait ressentie sans en avoir conscience, le phénomène d’excitation génitale.
  4. Meibomius, De flagiorum usu in re medica [Sur l’usage de la flagellation en médecine], London, 1765. Boileau : The history of the flagellants, London, 1783.
  5. Comparez Roubaud : Traité de l’impuissance et de la stérilité, Paris, 1878.


Commentaires Wikisource
  1. toutes choses égales par ailleurs
  2. désir sexuel
  3. vie sexuelle
  4. fertilité
  5. pouvoir d’accouplement, c’est-à-dire l’érectibilité.
  6. après les règles
  7. centre de l’érection
  8. lors de l’acte sexuel
  9. de volupté
  10. Salut par la flagellation
  11. Ni l’épaisse Lydé, par ses noirs sortilèges,
    Ni l’agile Luperque, en frappant dans leur main,
    Ne saurait féconder leur détestable hymen.

    Traduction de L. V. Raoul, 1812.

  12. vierge
  13. chatouillement de cette zone
  14. sperme
  15. zone du vagin


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