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Quand j’étais photographe/07

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Flammarion Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 131-148).

CLIENTES ET CLIENTS

Un couple, homme et femme, — de n’importe quel étiage social, — vient voir ses épreuves d’essai.

Neuf fois, j’allais dire onze fois sur dix, vous constaterez que la femme s’absorbe sur les portraits du mari pendant que le mari, non moins hypnotisé mais sur sa propre image, semble à cent lieues de seulement penser à l’image de sa moitié.

L’observation s’est trop de fois renouvelée, et à coup sûr, pour ne pas mériter place en tête de ces notes.

Si bonne est l’opinion de chacun sur ses mérites physiques que la première impression de tout modèle devant les épreuves de son portrait est presque inévitablement désappointement et recul : (— il va sans dire que nous ne parlons ici que d’épreuves parfaites).

Quelques-uns ont l’hypocrite pudeur de dissimuler le coup sous une indifférente apparence, mais n’en croyez rien. Ils étaient entrés défiants, hargneux dès la porte et beaucoup sortiront furibonds.

Ce mal est très difficile à conjurer ; le photographe amateur en souffrira tout comme le professionnel, même plus encore, le malheureux ! voué d’avance à toutes les acerbités, et d’autant qu’il a l’infériorité de ne point payer patente. Qu’il s’apprête donc tout comme l’autre et médite les avis de l’expérience.

Prophylactiquement, c’est-à-dire avant l’accès, faites entrevoir l’éventualité du « refait ». L’espoir de ce bienfaisant « refait » apaisera tout, tout le monde y gagnera, — car, vous-même, êtes-vous donc si certain que vous ne pouvez obtenir mieux encore que ce premier cliché ?

Surtout, quand deux modèles vous sont venus ensemble, ne manquez pas de vous arranger pour qu’ensemble ils reviennent à l’acceptation.

Ne manquez jamais alors de soumettre les épreuves de l’un à l’autre et celles de l’autre à l’un : ce qu’on appelle au billard « prendre par la bande », — et, pour un instant, fuyez !

Infailliblement l’un trouvera l’autre très réussi et l’autre appréciera l’un parfait. — Sur la contre-expérience, encore laissez-les se débattre ensemble.

L’inévitable premier choc ainsi rompu et amorti en simple effet de retour, vous pouvez alors vous approcher pour causer sans crainte d’être mordu.

Trois fois heureux l’opérateur qui tombe sur un client semblable à mon brave Philippe Gille (sans s ! ) — ce mandarin lettré, toujours de si belle humeur.

À peine ai-je eu le temps de lui soumettre sa première épreuve que, même sans regarder la seconde, l’excellent homme s’écrie :

— Parfait ! Et comme tu as bien rendu mon bon regard, — doux, — loyal — et intelligent !!!

Nous avons fait aux femmes une réputation de coquetterie, — qu’entre nous elles auraient le plus grand tort de ne pas mériter ; — mais cette sollicitude constante de l’effet déterminé par notre aspect physique, cette coquetterie est bien autrement reprochable à l’homme lui-même. — Ceci, je l’ai trop de fois vu, et de la bonne place où l’on peut le mieux voir.

Rien chez la femme ne peut donner idée de l’infatuation de certains hommes et du souci permanent de leur « paraître » chez la majorité d’entre eux.

Ceux qui affecteront ici de sembler les plus détachés sont précisément les plus malades.

J’ai trouvé chez des hommes réputés graves entre tous, chez les personnages les plus éminents, l’inquiétude, l’agitation extrême, presque l’angoisse à propos du plus insignifiant détail de leur tenue ou d’une « nuance dans leur « expression ». — C’en était attristant, parfois même répugnant.

Il m’en retomba un une fois, dès le grand matin du lendemain de sa visite d’épreuves, tout endérouté par un cheveu, — je dis un cheveu — qui se trouvait dépasser la ligne et qu’il tenait absolument à voir rentrer dans le rang. « — Mais y aura-t-il moyen, monsieur Nadar ? Et ne vaudrait-il pas mieux recommencer ? » C’est ce que cet homme solennel venait me demander dès l’aube, toute affaire cessante.

De la nuit entière, il n’en avait pu fermer l’œil, — et en pleine candeur il me l’avouait.

Mais veut-on contempler l’infatuation masculine poussée jusqu’à la folie ? Quelle démonstration plus explicite, cette inexpliquable inconscience de certains candidats, politiciens professionnels qui ont imaginé, comme suprême, décisif moyen d’entraînement, d’adresser à leurs électeurs leur photographie, leur propre image de marchands de paroles ? Quelle vertu d’attraction ces gens-là peuvent-ils donc supposer en leurs visages honteux, où toutes les bassesses, toutes les laideurs humaines s’arborent, où suent la bassesse, l’ignominieux mensonge, et toutes les dénonciations physiognostiques de la duplicité, de la convoitise, du péculat, de la déprédation ?

N’est-elle pas le comble de la monomanie égotique cette hallucination qui ne doute pas d’enlever le suffrage de tous les cœurs par la présentation de pareils museaux ?

Et s’il eût prévu le dernier coup de pied de cette application, Niepce n’en eût-il pas reculé ?

Il est indiqué que certaines professions sembleront devoir développer plus que d’autres chez l’individu le culte de soi-même et l’infatuation. — Naturellement le comédien arrive ici en tête, et il n’est ni à s’en étonner ni à le reprocher : c’est une conséquence professionnelle.

Immédiatement après l’acteur, je suis bien forcé de dire que se présente l’officier.

La stricticité méticuleuse de l’ordonnance qui impose l’incessante surveillance des moindres détails de la tenue ne serait-elle pas là pour grosse part ?

J’ai été à même, pendant quelque quarante ans et plus, de suivre ces observations, chaque jour, du matin au soir, et il me faut reconnaître qu’à côté de maintiens parfaitement dignes, dans l’orthodoxe et viril insouci de leur image, il m’est arrivé de rencontrer chez certains de nes militaires des afféteries, des mièvreries déconcertantes.

Mais j’ai également portraituré bon nombre d’officiers étrangers, Italiens et de toutes nations, et je reconnais bien vite que ces porte-fer exotiques ont dans leur procédure de toilette et de mines des façons et allures où les nôtres auraient encore bien à apprendre.

Mais où s’est montrée à moi dans son paroxysme la démence de coquetterie chez le mâle, c’est, — dussé-je contrister quelques consciences — chez deux… pasteurs anglicans !

Jamais — jamais ! je ne rencontrai chez créatures femelles pareille science d’accommodements et de stratégie cosméticale : un écœurement…

Comment pourrais-je oublier celui-là surtout qui m’apparut une fois dans tout l’éclat emprunté de ma mère Jézabel, si outrageusement rosé que je ne pus résister à la tentation du constat ?

Sous prétexte de détacher de sa joue un atome de suie, je prends mon mouchoir, j’appuie, et j’amène — du carmin !

Mon prédicant déteignait...

D’autre part, si nombre de modèles ont le tort de se laisser aller à des exagérations de prétentions et d’apprêts, d’autres tout au contraire témoignent d’une telle indifférence, d’un dégagement d’eux-mêmes tellement sidéral, qu’ils arrivent à déconcerter tout sentiment des probabilités.

Tel celui que j’aperçus un tantôt dans notre « hall » à l’heure où les épreuves d’essai sont soumises à la clientèle, sensiblement exacte à ce rendez-vous quotidien. Par les petits groupes tout absorbés sur leurs épreuves respectives, j’allais de l’un à l’autre, donnant ma consultation. — À celui-ci arrivé :

— Et vous, monsieur, voulez-vous que je vienne vous aider à être sévère ? — D’abord, comment vous irouvez-vous ?

— Mais pas mal, monsieur. Je suis content.

— Permettez-moi de voir.

Je regarde les deux épreuves, — je relève les yeux sur le modèle.

C’était l’épreuve d’un autre qu’il tenait en main — et dont il était « satisfait »…

Eh bien, j’ai trouvé plus fort : — une autre fois j’ai fait coup double !

Mais il faut avant tout garder présent devant soi que la sonde n’a jamais donné, qu’elle ne donnera jamais le fond de — comment dire ?… — de la naïveté humaine.

Par exemple, tous ceux qui ont tenu une plume dans un journal ont été dès leur début mis au courant de la fameuse légende de l’ancien abonné dont la vue baisse et qui écrit à la direction pour demander qu’on lui tire son numéro en caractères « un peu plus gros ». Sa demande ne pouvant être que très exceptionnelle, il compte bien qu’on ne la refusera pas à un des plus vieux abonnés du journal…

Et ne pas croire que cette demande saugrenue ait été unique : elle se reproduit de temps à autre et je l’ai moi-même décachetée dans les bureaux du premier journal où je me suis trouvé assis devant un pupitre.

J’ai, personnellement, eu affaire à la bonne dame qui recommande « surtout » qu’on tire les portraits sur « du bon papier », et c’est à moi-même que s’adressa le bon monsieur qui s’offrait de lui-même à payer « quelque chose de plus » pour son image peinte à la condition qu’on le peindrait avec « des couleurs fines ».

Le Poéte, lui, n’a pas mâché le mot. Il a dit : « La bêtise est à l’homme. »

Alors donc, deux messieurs, départementaux, sont venus poser de compagnie et ils reviennent de compagnie voir leurs épreuves.

Selon le rite invariable, l’employé a remis à l’un les épreuves de l’autre, à l’autre les épreuyes de l’un.

Ils sont l’un et l’autre depuis un bon moment silencieusement braqués, chacun de son côté, sur ces images…

J’interviens :

— Eh bien, messieurs, êtes-vous satisfaits ? Avez-vous choisi ?

Tous deux à l’égal se disent contents.

—… seulement, — me fait observer l’un, tout timidement, — il me semblait que… que je n’avais pas de moustaches ?…

Je regarde l’image, je regarde l’homme, je regarde son ami…

Chacun des deux tenait le portrait de l’autre — et s’y reconnaissait !!!

L’ordre des choses rétabli, les voici pourtant, l’un et l’autre, un peu plus à l’aise, — et celui qui jusque-là n’avait pas soufflé, me fait timidement :

— Je me disais bien aussi : — il me semble qu’il y à là… quelque chose qui n’est pas tout à fait ça…

Vous alliez tirer l’échelle ? Une seconde encore.

— mais me croira-t-on ?…

Celui-là entre, — (je ne les fais pourtant pas faire exprès !…) — il choisit le genre de portrait qu’il désire, demande à régler immédiatement sa note, paie et : disparu ! — On n’a pas eu le temps de se retourner…

Grande agitation, on s’exclame : — mais où est passé ce monsieur ? A la seconde, il était là ! Courez vite : il n’a pas encore eu le temps d’être au bas de l’escalier !…

On se précipite, on vole, on le rattrape, on le remonte :

— Mais monsieur ? Et votre séance ? — Il vous faut poser !

— Ah ??? — Comme vous voudrez. — Mais je croyais que ça suffisait…

Mettez une femme au bureau d’une photographie, comme d’ailleurs en terrain neutre de tout autre boutique ou comptoir, et vous n’avez pas d’instrument de précision plus sensible et sûr que cette pierre de touche pour vous constater, dès la porte, si le client qui vient d’entrer est un gentleman ou un homme mal élevé.

Encore est-il à remarquer qu’il y a gentleman et gentleman. Tel des plus corrects, qui aura toujours été tenu pour irréprochable « dans son monde, » pourra représenter, dans un monde autre, un homme fort incivil et même un parfait goujat : celui, par exemple, pour qui la femme qui n’est pas d’un ordre de femmes déterminé, n’est pas une femme. Car c’est là qu’avant tout se distingue le véritable gentleman.

L’affectation de la raideur anglo-saxonne est devenue chez ceux qui donnent chez nous le ton, le parangon du grand air. Dans nos habitudes sont passées les mœurs de la Bourse, pays grossier par excellence, où, par la sauvage bousculade pour l’argent et le mode du couvre-chef vissé sur la tête d’Israël, la brutalité des heurts et chocs n’a jamais valu le temps d’une excuse. Le niveau du sol y est au-dessous de l’offense.

De par tout cela nos habitudes d’éducation ont changé. Nous sommes loin des temps où, enfants, nous tenions casquette bas dans la plus humble boutique, où on nous faisait découvrir pour porter un sou à un pauvre et quand la maman déclinait le renouvellement sollicité du vieux chapeau, la chose étant indifférente, parce qu’un chapeau « ça se tient à la main. ».

« Petit Bob » ne l’entend plus du tout ainsi.

Quelques familles suprêmes s’efforcent bien encore de garder et transmettre les traditions reçues ; mais tout s’épuise, et bientôt on se demandera ce que pouvait bien être cette Politesse dont l’évocation ne trouvera plus rien qui lui réponde dans l’ordre nouveau des choses.

C’est dommage ! La courtoisie, l’aménité, l’affabilité, n’étaient pas autres, en somme, que des façons délicates, des dilutions de l’affectivité, de la Bonté, — et cette Politesse qui semble à jamais perdue n’était pas une des moindres grâces de notre race Française.

Mais retournons vite du côté de nos laboratoires.

Un peu plus souvent que ne vaut la justesse de l’axiome, des impertinents nous répètent qu’un peuple a toujours le gouvernement qu’il mérite, — ce qui serait par trop désobligeant pour plus d’un, sans nous omettre. Il faut pourtant reconnaître que toute maison d’art ou de commerce quelconque sera par ses clients traitée comme elle les aura traités elle-même et réciproquement.

À la vérité, vous n’arriverez jamais à réduire certains monstres, parfois très charmants, dont l’égoïsme naïvement féroce se moque absolument de tout ce qui n’est pas eux ou elles. Il en est qui semblent éprouver à nuire une secrète et intime jouissance, par exemple en dérangeant d’un retard tout l’ordre disposé d’une journée de travail, et en renversant toutes les séances les unes sur les autres, comme capucins de cartes.

Contre celles-ci ou ceux-là, le métier lui-même vous fournira plus d’une riposte suffisante, sinon pour amener à bien, tout au moins pour neutraliser leur nuisance. Tenez-vous d’abord, sans vous en départir d’un point, à la rigoureuse ponctualité, et demeurez impitoyable à tous retardataires, quoi qu’il en coûte. Ce que vous pourrez avoir d’un côté perdu sera bientôt regagné de l’autre.

Toute la question se résume pour vous en « bien faire ». Cherchez toujours et encore le mieux, là comme partout ailleurs, et, préoccupé jour et nuit de la perfection de votre travail, soyez pour vous-même plus sévère que personne. Que jamais rien ne sorte de chez vous qui ne puisse défier la critique d’un émule.

Chercher l’honneur avant le profit est le plus sûr moyen de trouver le profit avec l’honneur.

C’était tout à mon début de photographe.

Le jour tombait et dans le jardin de la rue Saint-Lazare qui me servait alors d’atelier, — jardin depuis longtemps supprimé par l’alignement municipal, — je mettais déjà en ordre pour le labeur du lendemain les instruments très élémentaires alors dont je m’efforçais de tirer le meilleur parti : l’outillage du débutant était aussi modeste que sa fortune.

On sonne : deux étrangers, de haute taille et de fort bon air, assistés d’une belle dame qui les accompagne, me demandent leur portrait. Ils partent l’un et l’autre demain soir par l’express, — officiers dans l’armée des Indes.

Je refuse : le jour est trop bas ; je ne saurais faire rien de bon. — Demain ?

Demain, impossibilité pour eux, toute leur journée étant prise, — et tellement ils insistent que, pour ne pas les désobliger, je finis par céder, — mais en leur réitérant l’observation que cet essai, dans de pareilles conditions, ne sera pas acceptable.

Les deux poses accomplies :

— Combien ?

— Mais ce ne sera pas bon.

— Combien ?

— Ce serait deux cents francs ; mais.

Quand même ils prétendent payer ; ils mettent deux billets sur la table, sans accepter de reçu, — et les voilà partis.

Dès le lendemain matin, j’expose sans conviction aucune les deux clichés au jour, — et je n’obtiens en effet que deux épreuves grises, voilées, — non livrables.

Si encore mes deux entêtés pouvaient revenir dans la journée, je leur enverrais n’importe où d’autres épreuves que celles-ci !

Mais non. Ce n’est qu’au soir, comme la veille, que je les revois.

— Eh bien, vous allez vous rendre compte que je ne nous trompais pas, hier. Jugez-en vous-mêmes.

Les deux hommes et la belle dame examinent les épreuves, s’entre-consultent en anglais, — et finalement bien d’accord :

— Mais nous ne trouvons pas cela mal ; c’est même bien.

— Non !

— Si ! — et, au surplus, ces portraits nous conviennent. Veuillez nous les faire mettre en état d’être emportés.

— Jamais de ma vie ! Je ne livre pas des choses pareilles. Vous recommencerez…

— Impossible.

— Alors vous ne recommencerez pas ; mais ceci ne sortira jamais de ma maison. — Voici vos deux cents francs !

Et j’ai déjà mis en quatre morceaux les épreuves.

Le trio en fait un bond !!!…

— Excusez-moi, et acceptez tout mon regret de vous désobliger…

L’un de mes deux Anglais est plus que mécontent, et tout autant la dame : il en a même pâli… — Un peu nerveusement, il me dit :

— Mais, monsieur, vous n’aviez pas le droit de disposer de ces épreuves qui étaient payées ?

— Pardon : voici votre argent ; et d’abord vous avez constaté qu’hier je me refusais à le recevoir. Ne vous ai-je pas d’avance dit et répété que mon travail ne serait pas livrable ?

— Mais de ce travail, même mauvais, vous n’aviez pas le droit de disposer seul. Nous en avions notre part de propriété, ayant donné là notre peine et notre temps pour poser.

L’argument, au moins spécieux, ici me touche : je me déraidis sensiblement :

— Ce que vous dites là, monsieur, serait juste dans une limite ; mais considérez vous-même qu’il n’y a pas que vous en cause. — Votre argent est bon, hors de conteste : le travail que j’ai à vous donner, en échange de cet argent, doit être également bon et, sans conteste, équivaloir, — ou bien la maison où vous êtes entré n’est pas une maison honnête, — et alors ce n’est pas moi qui vous y reçois. — Je ne puis que vous réitérer mon regret.

Il faut bien qu’ils en prennent leur parti.

Le trio à échangé quelques mots en anglais — et me considère curieusement,

Évidemment, je leur fais l’effet d’un original, d’un fou peut-être. Mais toute animation est tombée, et, en se retirant, mon Anglais me dit :

— Vous êtes un singulier commerçant, monsieur. et vous me semblez avoir pris la méthode qui n’enrichit pas.

— Peut-être ; — à moins que, plus loin encore que Calcutta, Madras, et longtemps, le souvenir vous reste d’un commerçant, comme vous dites, scrupuleusement loyal, même à ses dépens. Si le cas est assez peu fréquent et vous semble assez curieux pour être cité, alors je n’aurai pas perdu mais gagné. — Mais ce point est secondaire, et il en est un autre qui passe avant tout : — vous avez votre point d’honneur d’officier ; pourquoi le marchand n’aurait-il pas son point d’honneur de marchand ?…

On se quitte, — à peu près bons amis enfin…

Qu’eussent donc alors pensé mes trois Anglais, s’ils avaient pu soupçonner ce que pour moi, ce jour-là, représentaient leurs dix louis répudiés, — à cette heure si difficile de mes pauvres débuts, — quand tout me manquait.

Mais je persiste à croire que c’est ainsi, seulement ainsi, qu’on fait les bonnes maisons ;

— et c’est ce que toujours il faut démontrer.