Quel amour d’enfant !/XXVII

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XXVII

giselle, purifiée par les larmes, arrive à une conclusion


Le consentement de Giselle étant donné, le mariage eut lieu peu de temps après dans le château de Gerville ; les plus proches parents seuls y assistèrent ; il n’y eut ni fêtes ni réunions extraordinaires.

« Vous voici dépouillée de votre titre de duchesse, dit Julien à Giselle en revenant de la messe. Ne le regrettez-vous pas un peu ?

giselle.

Je ne regrette qu’une chose, mon ami, c’est d’avoir consenti à le porter en vous sacrifiant à ma vanité. Que Dieu me pardonne cette grande faute de ma vie !

julien.

Vous l’avez effacée en prenant aujourd’hui mon nom, Giselle.

giselle.

Plaise à Dieu que je n’en fasse pas un objet de blâme, comme je l’ai fait pour celui de ce pauvre duc !

julien.

Je n’ai aucune inquiétude à ce sujet, chère Giselle ; quand on a passé par les épreuves que vous avez supportées, et qu’on en sort avec le repentir si vrai et si profond que vous m’avez témoigné dès notre première entrevue, le cœur et l’âme reprennent une vie nouvelle. Ces repentirs sont rares, bien rares, il est vrai, mais ce n’est pas une grâce sans exemple et vous êtes là pour le prouver. Ce qui jadis n’apparaissait chez vous que par de rares intervalles, est devenu une pensée bien vraie, bien profonde ; vous avez appris à aimer Dieu et ses créatures. Je suis une de ces créatures favorisées, et j’en bénis le bon Dieu du fond de mon âme. »

Julien ne se trompa pas ; Giselle ne vit plus pour le monde ; elle se consacra tout entière au bonheur de son mari, de ses enfants et de ses parents, qui ne la quittent pas ; ils n’ont d’autre chagrin que le souvenir du passé, dont ils


Les enfants, au nombre de trois, sont parfaitement élevés.

s’accusent avec raison. Les enfants, arrivés déjà au

nombre de trois, sont parfaitement élevés. L’aîné, qui est une fille, annonçait une fâcheuse ressemblance de caractère avec sa mère, mais une répression ferme et sage efface tous les jours des aspérités d’humeur dont s’alarme Giselle. Julien rit de ses frayeurs, parce qu’il compte sur l’éducation pour faire disparaître ce qui est défectueux.

M. et Mme de Néry ont marié leur fille Isabelle avec leur cousin Jacques, et tout annonce que le mariage sera heureux.

Georges veut faire comme son beau-frère Jacques et comme son cousin Julien, se marier un peu tard, pour être un mari raisonnable et un père éclairé ; il a vingt-sept ans, et se trouve encore trop jeune.

Quand Julien veut taquiner Giselle, il dit en parlant de sa petite Léontine : Quel amour d’enfant !

« Oh ! Julien, répond Giselle, je t’en prie, ne l’appelle pas ainsi ; si mon père et maman t’entendaient, ils seraient peinés ; tu sais que c’est le nom qu’ils me donnaient dans le temps où j’étais si méchante ! »

Julien riait ; mais, une fois qu’il l’avait répété sans voir sa belle-mère qui venait d’entrer, elle pleura si amèrement que Julien en fut désolé et qu’il promit à Giselle de ne plus jamais rappeler ce funeste souvenir.