Quelques développements nouveaux sur les principes émis dans la brochure intitulée: De la formation des églises/Appendice

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Appendice.

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Je désire ajouter quelques mots au sujet d’une objection, ou plutôt au sujet d’un point de vue sous lequel on peut envisager une partie de l’argumentation de ma brochure, pour lui ôter de sa force. La réponse à cette objection se trouve déjà dans le raisonnement même. Toutefois, j’en dirai un mot. Voici la difficulté : On ad met que Dieu a mis dans l’Église des Apôtres, des Prophètes, etc. ; mais, dit-on, c’est dans le corps de Christ, dans l’Église dont une partie est déjà dans le ciel, une autre, dans le combat, et une troisième enfin n’est pas encore manifestée ; par conséquent, on ne peut pas parler d’une unité de l’Église sur la terre.

Voici ma réponse.

On ne peut pas nier qu’il n’y ait eu une manifestation de ce corps et de l’unité de ce corps sur la terre au commencement de l’économie actuelle.

Les Apôtres et les Prophètes n’exerçaient pas leur ministère dans le ciel, quoiqu’il y fût en spectacle aux anges ; et les fidèles qui composaient cette unité, ce corps, étaient tous sur la terre. Le fait une fois admis, l’objection perd toute sa force, ou plutôt elle devient un argument en faveur de la vérité sur laquelle j’insiste ; car l’unité bénie et puissante qui existait alors, n’existe plus. J’ai seulement voulu aborder la question par rapport à la conscience de ceux qui forment maintenant l’Église de Dieu sur la terre, et non à l’égard des conseils de Dieu.

Si l’on considère attentivement cette objection, on verra qu’elle fait ressortir davantage l’idée de l’unité de l’Église, comme corps sur la terre pendant cette économie. Si l’on ne prend pas l’unité de l’Église dans le sens de société ici-bas, mais seulement dans celui d’assemblée des élus en salut éternel, il est alors évident qu’une portion considérable de l’Église était déjà dans le ciel quand l’économie présente a commencé. Ce commencement a eu lieu, et les Apôtres ont été donnés, aussi bien que les autres dons, comme résultat et manifestation de la glorification de Christ « à la droite du trône de la Majesté dans les cieux. »[1] L’unité dont je parle est donc une unité produite par l’envoi du St. Esprit ici-bas, depuis que Christ a été glorifié ; elle n’a existé qu’après l’envoi du St. Esprit, comme résultat de sa mission. Il s’agit évidemment d’autre chose que de l’unité de tous les élus dans le ciel ; car une grande portion de ces élus était déjà sauvée, et loin de la terre, quand a commencé l’unité dont il est question. C’est donc une unité qui appartient à l’économie actuelle, dont le St. Esprit, envoyé d’en-Haut, devrait être la force ; c’est une unité qui a dû agir sur le mon de, et par conséquent être vue du monde. Qu’ils « soient un, » dit le Sauveur lui-même, « afin que le monde croie, etc. » Et la manifestation de l’Esprit s’appliquait en effet au bien-être du corps ici-bas. De plus, cette unité était visible au commencement de l’économie, tous les saints manifestés en faisaient partie. « Les jointures du fournissement » agissaient toutes dans l’unité du corps sur la terre. Mais, dit-on, cette unité du corps a dû nécessairement cesser, puisque plusieurs de ceux qui en faisaient partie sont allés au ciel. En parlant ainsi, l’on admet que l’unité a eu lieu ; car si elle a cessé, elle a donc existé une fois. Oui, il y a eu ici-bas une manifestation de l’unité du corps par la puissance du St.-Esprit l’exerçant dans toutes « les jointures du fournissement ; » ces « jointures du fournissement » existaient et, agissaient, et si quelque jointure ne fonctionnait pas bien, le St. Esprit, agissant par les Apôtres, y remédiait, quoique Jésus ne fût pas sur la terre. « Voulez-vous que je vienne, dit St. Paul, avec une verge, ou dans l’Esprit de douceur ? » Ainsi, la gloire de Christ n’était pas dans la poussière ici-bas. L’Église remplie du St. Esprit, une et unie, réfléchissait, au milieu des ténèbres de la nuit du monde, la gloire de ce soleil caché, de Jésus son bien-aimé Sauveur. Cette manifestation de la gloire de Christ par l’Église dans l’unité, n’existe plus.

Est-ce là une chose indifférente ?

Pour moi c’est un sujet de pleurs et d’humiliation profonde. La gloire de Christ, présente pour ainsi dire, dans l’Église, par la puissance du St. Esprit, jetait toute sa lumière sur la croix, toute sa clarté sur le péché et sur le monde. La croix, qui commençait la vie chrétienne, terminait la vie et l’espérance du monde, mais elle brillait de toute la clarté de la gloire à laquelle elle conduisait et qui devait être sa couronne. C’était là les deux termes de la vie chrétienne. Tout le reste, l’entre deux ne faisait que passer. On était facilement étranger et pélerin là où la croix et la gloire s’unissaient pour mettre dans son vrai jour le monde qui avait crucifié le Seigneur de gloire ; là où le monde n’était pour le cœur que le tombeau vide de Christ ; pour la charité, que la scène d’un témoignage rendu à une gloire et à un amour qui faisaient ardemment désirer qu’il vînt bien tôt. En est-il ainsi maintenant ? Est-ce qu’on est uni comme au commencement ? Est-ce que ce témoignage de dévouement existe encore ? Est-ce que la gloire et la venue de Christ sont tellement présentes à l’Église, que tout sacrifice lui soit facile, que la croix lui soit légère, que les richesses de ce monde ne soient pour elle qu’une occasion donnée de Dieu pour rendre témoignage à son amour, que des richesses iniques dont on se débarrasse comme d’un fardeau, pour les verser dans les trésors de Christ, afin qu’elles en sortent transformées et purifiées dans les fleuves de sa charité ? Doit-je être satisfait quand on me dit que l’unité dans le sein de laquelle tout cela se manifestait, ne peut plus exister, parce que les premiers chrétiens qui en faisaient partie sont morts ? Mon cœur et ma conscience devraient-ils se contenter d’une pareille réponse ? Chers frères, vos cœurs en sont-ils satisfaits ? S’ils le sont, je ne raisonne plus. Si la manifestation de la gloire de Christ en nous et par nous sur la terre, dans son corps qui est l’Église, ne vous touche pas, je n’ai plus rien à vous dire. Il n’y a plus de raisonnement pour l’Esprit de Dieu, si le cœur est indifférent à tout cela. Mais si c’est seulement la connaissance qui vous manque, que Dieu veuille bénir mes paroles pour votre cœur.

La doctrine de l’unité de l’Église, comme corps, soit au commencement, soit pendant toute la durée de l’économie, tient de près à la doctrine de la présence du St. Esprit ici-bas. S’il unit les membres qui sont sur la terre à ceux qui sont délogés, n’est-il pas aussi vrai qu’étant sur la terre quant à l’ordre des dispensations, il unit nécessairement tous les chrétiens qui sont sur la terre en un seul corps ? Il est parfaitement certain que c’est ce qu’il a fait au commencement.

L’objection que nous discutons admet cette vérité. Si donc le St. Esprit n’unit pas maintenant les enfants de Dieu en un seul corps ; si cela est impossible pour quel que raison que ce soit, il est évident que l’état de choses établi de Dieu sur la terre, comme moyen de manifester sa gloire et comme instrument de témoignage, a cessé d’exister. Vous pouvez l’appeler de quel nom vous voudrez, chute, ruine, apostasie. C’est un fait des plus graves, de la plus haute portée dans le royaume et dans les dispensations de Dieu. Si l’Esprit Saint nous donne de pénétrer l’enveloppe du mystère d’iniquité, et qu’ainsi avant la pleine manifestation de l’apostasie au monde, nous disions voilà l’apostasie[2] ; il me semble que condamner l’application anticipée de ce terme, à ceux qui marchent dans l’esprit d’apostasie et qui seront l’apostasie quand le voile sera ôté ; il me semble, dis-je, que cela est moins profitable et moins vrai que d’avertir l’Église des circonstances dans lesquelles elle est placée. Si l’on trouvait une plante qui produisît des fruits vénéneux, mais qui ne fût pas encore dans la saison des fruits, et que l’on dît à une personne ignorante : Cette plante porte des fruits vénéneux, faites-y bien attention ; ne lui serait-on pas plus en bénédiction que si on lui avait dit : Voyez cette plante, elle ne porte point de fruits vénéneux. Dans le premier cas, on aurait peut être fait une observation inexacte, moins logique que dans le dernier cas, mais serait-elle moins vraie, moins opportune ?

Pour que la force de l’unité produite par le St. Esprit soit mieux comprise, je rappellerai un fait. Lors de sa venue, Jésus, comme Fils de l’homme, était corporellement ici-bas, bien que comme Dieu il fût présent partout. Toutes les voies de Dieu, sur la terre, se rattachaient à ce grand fait : il en est de même du St. Esprit. Jésus, lors de son départ, « promit un autre Consolateur. » Cette promesse s’accomplit peu de jours après, et le St. Esprit descendit sur les disciples, quoiqu’il fût présent partout en tant que Dieu. Selon la dispensation de Dieu, le St. Esprit demeure maintenant aussi personnellement dans l’Église de Dieu sur la terre. Toutes les voies de Dieu se rattachent à ce grand fait, la présence du St. Esprit dans l’Église. L’Esprit rend un témoignage vivant à la gloire du Fils de Dieu, comme le Fils lui-même glorifiait le Père pendant son séjour ici-bas.

Cette doctrine de la descente du St. Esprit et de sa présence sur la terre, a évidemment la plus haute portée dans la question de l’unité de l’Église.

Je ne cite pas de nouveau les passages de l’Épître aux Éphésiens, et de celle aux Corinthiens déjà cités plus haut. Au commencement, le Seigneur ajoutait à l’Église ceux qui devaient être sauvés. Je ferai seulement re marquer l’expression « si quelque membre souffre, tous les membres souffrent avec lui. » (1 Cor. xii, 26.) Cette expression n’est guère applicable aux membres du corps de Christ qui sont déjà dans le ciel. Ou ce principe de charité ne trouve plus son application, ou l’Église a encore une unité sur la terre, et doit être envisagée comme un corps qui a plusieurs membres, mais dont les membres de ce corps qui n’est qu’un, quoiqu’ils soient plusieurs, ne sont qu’un corps (1. Cor. xii, v. 12.) Mais dans son état actuel, ce corps est imparfait, délabré, ruiné, si l’on veut. Dire cela, c’est ne donner qu’une preuve de plus de la ruine dont j’ai parlé, preuve dont la portée n’est guère estimée, je crois, de ceux qui la mettent en avant.

Le mot apostasie a effrayé plusieurs personnes, et l’on a dit que ce mot n’était pas scripturaire. On se trompe. On s’en est servi parce que c’est le mot qu’emploie l’Apôtre pour désigner ce qui doit arriver avant le jugement. Martin le traduit par le mot de révolte (2. Thess. ii, 3) ; Sacy par le mot d’apostasie[3]. Le terme d’apostasie suppose nécessairement quelque corps ou quel que personne qui a été dans une certaine position, mais qui est tombé, qui a failli, qui n’a pas gardé son origine, etc.

On pourrait faire les mêmes objections au langage de l’Esprit de Dieu lui-même, parlant par la bouche de Jude, qu’à l’emploi du mot d’apostasie, pour désigner un état de choses qui n’est pas encore ouvertement manifesté. « Ce sont ceux-là, » dit Jude, en parlant de ceux qui s’étaient glissés dans l’Église, « desquels Enoch a prophétisé. » L’homme, raisonnant d’après sa manière de voir, pourrait dire : ce ne sont pas ceux-là du tout. Selon l’homme il aurait raison. En effet, ce n’était pas ceux-là ; mais le St. Esprit ne craint pas de dire : « ce sont ceux-là, » parce que, quoique cachés, ils étaient de la même race. C’était le même principe, c’étaient les mêmes hommes, moralement parlant. Seulement il fallait le discernement du St. Esprit pour les désigner. A-t-on tort de parler comme le St. Esprit parle ?

J’ai dit dans ma première brochure, que la chute de l’homme dans l’économie actuelle était selon l’analogie de tout ce qui est arrivé jusqu’à présent.

Je citerai ici quelques-uns des exemples auxquels j’ai fait allusion, pour qu’on sente l’universalité de cette triste preuve de la folie et de la faiblesse de l’homme, et de la puissance de Satan notre ennemi.

Adam a perdu promptement son innocence.

Noé s’est enivré dans sa tente, d’abord après le déluge.

Les Israélites ont fait le veau d’or avant que Moïse fût descendu de la montagne.

Nadab et Abihu ont offert un feu étranger avant que les jours de leur consécration fussent écoulés ; et Aaron n’a pas mangé l’offrande pour le péché selon l’ordonnance de Dieu.

Salomon, établi roi d’Israël, dans la paix, selon les promesses de Dieu à David, est tombé dans l’idolâtrie, et le royaume a été divisé.

Quand même la gloire de Christ aura été manifestée aux derniers jours, dès le moment que Satan sera délié, les nations se soumettront à lui et feront la guerre contre la cité bien-aimée et contre le camp des Saints.

La chute de l’homme dans l’économie actuelle, et la ruine de l’économie, par le moyen de l’infidélité de l’homme à garder ce dépôt qui lui a été confié, n’est que ce qui se retrouve dans toutes les situations, dans toutes les circonstances, dans toutes les économies où il a été placé. Si cela n’était pas arrivé dans cette économie, ce serait contre l’analogie de tout ce que nous présente l’histoire qui nous a été donnée dans la Bible, et contraire à tout ce qui nous est révélé de l’homme dans toutes les dispensations de Dieu.

  1. Héb. viii, 1.
  2. Comme Jude a dit : « ce sont ceux desquels Énoch a prophétisé. Le Seigneur viendra exercer le jugement sur ceux qui « lui ont dit des outrages, » quoiqu’ils fussent encore cachés au sein de l’Église où ils s’étaient glissés.
  3. Voyez aussi la version de Lausanne, Act. ch. xxi, v. 21, la note.