Quelques développements nouveaux sur les principes émis dans la brochure intitulée: De la formation des églises/De la ruine de l’économie actuelle
par conséquent déposer de sa présidence le remplaçant provisoire, opération propre à produire tout ce qu’il y a de plus pénible dans une compagnie de chrétiens. Un tel acte ressemblerait à de l’ingratitude et à de la propre volonté ; il serait désigné comme révolutionnaire par un assez grand nombre, et pourrait nourrir dans le corps les dispositions et les habitudes les plus nuisibles à la vraie sanctification. Voilà ce qui arrivera nécessairement si l’on veut agir en attendant que Dieu agisse. Si l’on n’arrive pas à ces conséquences, alors le véritable Ancien restera hors de sa place, et les fidèles en souffriront proportionnellement. Le fait est que l’effet le plus ordinaire de ce procédé est d’empêcher presqu’entièrement le développement des véritables dons.
De la ruine de l’économie actuelle.
Après avoir donné ces explications, j’en reviens à la question de la ruine de l’économie actuelle, c’est-à-dire du système établi de Dieu ici-bas, à ce que la Parole de Dieu dit sur le sort de cette économie. Je veux parler avec tout le respect possible ; mais il me paraît que notre frère n’a pas du tout compris ce que la Bible dit sur ce sujet. Il ne s’agit pas ici de questions d’Églises, mais des intentions ou des avertissements de Dieu, concernant ce qui a été établi sur la terre après la mort et l’exaltation de notre Seigneur Jésus.
Je ne tiens pas au mot économie, quoiqu’on l’emploie ordinairement pour indiquer un certain état de choses établi par l’autorité de Dieu, pendant une certaine période de temps. L’auteur de la brochure lui même lui donne ce sens quand il parle (p. 49) de l’économie lévitique, de l’économie actuelle, de l’économie de la plénitude des temps, et ainsi de suite.
Ce que nous avons à faire maintenant, c’est d’apprendre à connaître ce qui regarde l’économie actuelle.
La plus grande partie de la difficulté qui se présente ordinairement aux esprits des fidèles sur ce sujet, c’est qu’ils confondent les intentions de Dieu, quant à l’économie, avec ses conseils concernant les fidèles qui s’y trouvent. Ces conseils ne peuvent pas manquer d’avoir leur effet, mais l’économie même peut passer et se terminer (quoique ayant été à la gloire de Dieu, en ce qu’il y a déployé ses voies), parce que l’infidélité des hommes l’a rendue impropre à être le moyen de manifester plus longtemps cette gloire. Alors Dieu, qui sait d’avance tout ce qu’il veut faire, la remplace par une autre économie dans laquelle l’homme est placé dans un autre genre d’épreuves, et ainsi toutes les voies de Dieu sont manifestées, et sa sagesse diverse en toutes manières a son véritable éclat même dans les lieux célestes. On sait que l’économie lévitique a passé, et que les fidèles qui s’y trouvaient ont été sauvés selon les conseils de Dieu. Examinons de nouveau, avec plus de développement, ce que la Parole de Dieu dit de l’économie actuelle. Premièrement, il y a une question très-grave, qui tient de près au sort de l’économie. Est-ce que cette économie est la dernière ? C’est évidemment ici une question de la plus haute importance. L’auteur de la brochure dit qu’après tout, c’est toujours la même économie de la plénitude des temps qui subsiste, que c’est toujours les Juifs et les Gentils formant un seul corps en Christ par la foi, et étant le peuple de Dieu sous la nouvelle alliance. Cette économie de la plénitude des temps, dit-il, est assez expliquée par Galat. iv, 4. Lorsque la plénitude des temps est venue, etc., et la réunion de toutes choses en Christ, comme sous une seule tête est, dit-il, suffisamment expliquée dans Éph. ii, par la réunion des Juifs et des Païens en un seul Corps en Christ. Si j’ose de mon côté, me plaindre des expressions, je dirais que je n’aime pas entendre dire qu’un passage est suffisamment expliqué par un autre. Je désire plutôt chercher ce que Dieu a voulu dire dans chacun d’eux.
Qu’on me permette ici une réflexion.
Je ne peux guère supposer que l’auteur de la brochure ignore tout ce qui a été écrit sur le sujet de la venue du Sauveur, pour introduire une nouvelle économie. Un grand nombre de chrétiens de toutes les dénominations et même de ses frères dans le ministère, soit nationaux, soit dissidents, croient pleinement comme à une vérité de la foi chrétienne, qu’il y aura une autre économie avant la fin du monde. Je doute même que parmi les frères dissidents dont le ministère est un peu connu, il y en ait un seul qui ne croie pas cette vérité. Je ne les cite pas comme des autorités, mais je suis un peu étonné que l’auteur se contente de dire que Gal. iv, 4, explique suffisamment Éph. i, 10.
Examinons un peu cette question par la Parole.
Premièrement, quoique en français on puisse être frappé de la ressemblance qu’il y a entre la plénitude des temps de Éph. i, 10, et la plénitude des temps de Gal. iv, 4, toutefois cette ressemblance n’existe pas dans le grec.[1]
Le passage de l’épître aux Galates veut seulement dire que l’époque était arrivée, que la période qui devait s’écouler était accomplie, ou si l’on veut que le temps voulu et ordonné dans la sagesse de Dieu était pleinement arrivé. Martin traduit par l’accomplissement du temps, ce qui me paraît assez exact ; mais dans Éph. i, 10, c’est l’économie de la plénitude ou de l’accomplissement des saisons, l’économie qui est caractérisée comme l’accomplissement de tous les arrangements de Dieu.
Maintenant il n’est pas du tout question d’une économie, quand on dit qu’un certain terme est arrivé, qu’un certain fait est accompli. Quoique ce fait soit le fondement de l’économie actuelle, il est si loin d’être une description de cette économie, que la plus grande partie de la description roule sur ce qui a précédé l’économie, sur ce qui a dû se passer avant que l’économie eût lieu. Christ né sous la Loi, n’est pas du tout cette économie, quoique sa naissance l’ait précédé nécessairement. Il n’est pas question non plus dans ce passage aux Gal. de la réunion des Juifs et des Gentils en un seul corps, mais de la relation des rachetés avec Dieu. Et si l’union des Juifs et des Gentils explique suffisamment l’union de toutes choses en Christ, je demande lesquels des Juifs ou des Gentils représentent les choses qui sont dans les Cieux (Éph. i, 10). De plus les Juifs seront rétablis et bénis comme nation dans l’économie à venir, ce qui est tout autre chose que leur réunion avec les Gentils dans un seul corps. Nous sommes ici sur un point fondamental, duquel dépend toute la question. Je crois devoir le signaler distinctement. Notre frère dit que l’économie actuelle est l’économie de la plénitude des temps, que Gal. iv, 4, s’y rapporte aussi, et que c’est toujours cette économie de la plénitude des temps qui subsiste quoique sous différentes phases ; enfin que lors de la rentrée des Juifs, cette économie subsistera, comme l’économie de la réunion des Juifs et des Gentils (pages 29-49). Il est évident que c’est ici un point capital, parce que s’il y a une autre économie, celle-ci doit nécessairement finir au lieu de subsister jusqu’à la fin.
Quant à moi, je dis qu’il n’y a aucun rapport entre Éph. i, 10, et Gal. iv, 4 ; je dis que l’auteur a confondu la naissance et la première venue du Christ (Gal. iv, 4) avec l’économie de la plénitude des temps ; que cette économie de la plénitude des temps n’existe pas encore, et que l’économie actuelle doit se terminer pour faire place à une autre. Je doute qu’il trouve parmi ses frères un homme bien instruit dans la Parole qui soit d’accord avec lui dans ses assertions, et cependant tout son système dépend de ce qu’elles soient bien fondées. Je demande à tout frère capable de juger, si l’explication que notre frère a donnée d’Éph. i, 10, et de Gal. iv, 4, est juste. Trouvent-ils aussi que l’application de cette expression : « l’économie de la plénitude des temps, » à l’économie actuelle soit exacte. Faisons bien attention à la portée de cette question. Dieu a voulu révéler à l’Église le mystère d’une économie à venir ; le système de l’auteur de la brochure cache le mystère et replonge l’Église dans l’ignorance à cet égard. Dieu n’a pas voulu que les chrétiens d’entre les Gentils ignorassent qu’Israël n’était rejeté comme nation que pendant le temps de l’entrée de la plénitude des Gentils. L’auteur fait encore ignorer ce mystère, et veut que les Juifs, comme corps de nation, prennent leur place dans la plénitude des Gentils.
On trouve la suprématie de Christ sur toutes choses, présentée dans le premier ch. de l’Épître aux Col., comme distincte de sa suprématie dans l’Église. L’une tient à ses droits de Créateur, quoiqu’il en jouisse comme homme ; l’autre, à la puissance de sa résurrection selon laquelle il est chef du Corps. (voir pour la première, Col. i, 15-16, et pour la seconde v. 18). Il est si peu vrai que ces mots l’Église et toutes choses soient identiques, que dans le passage Éph. i, 10, la réunion de toutes choses est un mystère révélé à l’Église, et qu’à la fin du chapitre nous avons Christ, tête de son corps, l’Église, sur toutes choses. Je ne dis pas, ce que la brochure me fait dire, « que l’économie de la plénitude des temps a manqué, » car je nie absolument que cette économie-là soit arrivée. J’ajoute que le salut par le sang de Christ existait avant cette économie, et aussi comme il y aura des fidèles sous l’Antechrist, il est évident que l’accès au trône de grâce sera encore ouvert ; mais cela n’empêche pas que cette économie ne soit en ruine, que l’apostasie n’existe, car la parole de Dieu affirme que la présence de l’Antechrist sera le signe que l’apostasie est déjà arrivée. Je répète ce que j’ai dit dans ma brochure, c’est que, rassembler dans un seul corps les enfants de Dieu (non pas comme l’auteur de la réponse me le fait dire, pour rassembler des Églises), était l’objet immédiat de la mort de Christ quant à cette économie, parce que St. Jean le dit dans son Évangile. (Jean, ii, v. 52). Le pas sage (Éph. ii, 17, 18), que cite l’auteur de la réponse, pour démontrer le contraire le prouve si on examine depuisle 16e v. jusqu’à la fin ; et ch. iii, v. 4 à 6. Le sujet que l’Apôtre traite dans tout le passage, n’est pas seulement le salut en Christ, ou l’accès d’un chrétien au trône de la grâce, mais l’unité du Corps. Il serait impossible ici d’entrer dans les choses qui prouvent qu’une nouvelle économie aura lieu lors de la venue du Sauveur. Cela a été fait ailleurs. Je dirai seulement que le troisième des Actes nous enseigne que les temps du rafraîchissement viendront par la présence du Seigneur, quand il aura envoyé Jésus. Qu’alors les choses magnifiques dont les Prophètes ont parlé auront leur accomplissement mais pas auparavant ; ce n’est qu’après que la plénitude des Gentils, c’est-à-dire toute l’Église d’entre les Gentils, sera entrée, que Dieu sauvera Israël ; et ce ne sera que lorsque le Seigneur aura mis fin aux temps des Gentils et écrasé la statue, que la petite pierre croîtra et deviendra une montagne qui remplira toute la terre (Dan. ii, 35–44) ; enfin, le Seigneur viendra exécuter le jugement sur les nations, ce qui terminera évidemment l’économie. Alors les Juifs seront reconnus comme nation favorisée de Dieu, chose qui est impossible tant que dure l’économie actuelle. L’auteur de la brochure me permettra de lui dire que fonder son argument, quant à l’Église et l’économie actuelle, sur l’assertion que Éph. i, 10, est suffisamment expliquée par Gal. iv, 4, n’est pas le moyen de la faire valoir auprès de ceux qui ont tant soit peu étudié la Parole. Il est évident qu’il y aura une économie dans laquelle le Seigneur règnera en justice ; actuellement il exerce la patience de la grâce.[2] Maintenant prouvons par des témoignages directs que cette économie, à sa fin, sera dans un état de ruine et non pas de relèvement.
Le Seigneur nous dit que « comme il en était aux jours de Noé et de Lot, il en sera de même quand le Fils de l’homme sera révélé. » Il y avait pourtant alors des fidèles que Dieu sut garder ; eh bien ! l’auteur ne croit-il pas que le monde du temps de Noé et de Lot, fût dans un état de ruine et de chute ? Il en sera de même quand le Fils de l’homme sera révélé. L’état d’alors était un état de ruine, quoiqu’il y eût des fidèles, on peut l’appeler économie, dispensation, ce que vous voudrez, la force de la vérité saute ici aux yeux.
Quant au troisième chapitre de la seconde à Timothée, je ne l’ai pas cité dans la pensée qu’il peut dé montrer à lui seul l’existence d’une apostasie, mais pour faire voir que la Parole de Dieu nous présente toujours le tableau de la ruine de l’état de choses établi de Dieu, ruine que la présence de quelques fidèles ne peut empêcher, ruine qui finira par l’apostasie complète et la manifestation de l’Antechrist, et qui sera ter minée par le retranchement. Il surviendra des temps difficiles ; voilà tout ce que voit notre frère, mais qu’est-ce qui fait la difficulté de ces temps ? C’est que les hommes, les Chrétiens de profession, se retrouvent dans l’état réprouvé des Gentils, dépeint dans le premier chapitre des Romains. Et il est ajouté que les hommes méchants et séducteurs iront en empirant. Il est dit que les hommes seront dans cet état. N’est-ce pas là un état de ruine, de chute, quand la description de la chrétienté est, que les hommes seront tels que les Gentils que Dieu avait livrés à un esprit dépourvu de tout jugement. Comparez les chap. Rom. i et 2e, Tim. iii ; dans l’original la ressemblance est encore plus frappante. Donc il n’est pas seulement parlé de temps fâcheux, mais le caractère de ces temps est démontré. Ajoutons que quand les temps sont si fâcheux, qu’il y a besoin d’avertissements extraordinaires, il est évident que ce doit être un état général, un état qui caractérise l’économie, et plus ou moins en contraste avec celui des premiers temps. Ainsi 2 Thess. ii, soit la grande apostasie, n’est pas encore consommée. Mais en appliquant ce passage au sort général de l’économie, je dis qu’il nous enseigne que le mystère d’iniquité, qui se mettait en train dès le temps de l’Apôtre, devait continuer, et que ce qui lui mettait empêchement étant ôté, le méchant serait révélé, lequel le Seigneur anéantirait par son illustre avénement, et qu’avant cela l’apostasie aurait lieu.
N’est-ce pas là la révélation de la ruine de l’économie, la révélation d’une apostasie, dont les principes travaillaient déjà du temps de l’Apôtre, et qui n’attendaient que l’empêchement fût ôté pour se manifester dans le méchant. L’auteur dit que cela ne prouve pas que l’économie soit fermée. Je ne la crois pas fermée, et je ne l’ai pas dit ; mais cela révèle la ruine de l’économie, ruine dont l’instrument était déjà en train, et qui se termine en apostasie et en jugement ; voilà ce que j’ai dit.
Nous voyons dans la Parole de Dieu deux grands mystères, qui se développent pendant l’économie actuelle. Le mystère de Christ et le mystère d’iniquité.
Les conseils qui se trouvent engagés dans le premier ont leur accomplissement dans le ciel. L’union du corps de Christ avec lui en gloire aura évidemment son accomplissement là-haut. Mais par la puissance du Saint-Esprit il devrait y avoir sur la terre, pendant cette économie une manifestation de l’union du corps de Christ. Mais ici la responsabilité de l’homme entre pour sa part dans cette manifestation ici-bas, quoiqu’à la fin tout soit à la gloire de Dieu. C’est pourquoi l’économie peut être en ruine quoique les conseils de Dieu ne manquent jamais ; au contraire notre mensonge tournera à sa gloire, bien qu’il nous juge justement.
Dans cette sphère de la responsabilité de l’homme, Satan peut s’introduire dès que l’homme ne s’appuie pas absolument sur Dieu. Nous le savons par l’expérience de chaque jour.
Il est donc révélé que le mystère d’iniquité aura son cours. Ici il ne s’agit pas de conseils, mais d’un mal fait dans le temps. Il s’agit ici de ce mystère d’iniquité ; la révolte n’est pas un mystère. Il n’y a pas besoin d’une révélation pour nous faire savoir qu’un homme qui renie Jésus-Christ n’est pas chrétien. Il le dit. Mais ici c’est un mal qui s’est mis en train dans le sein de la chrétienté en relation avec le christianisme, dont le méchant sera la pleine révélation, comme la gloire de Christ et de son Église sera le plein accomplissement du mystère de Jésus-Christ. Le mot iniquité et le mot méchant sont les mêmes dans l’original, sauf que l’un indique la chose, l’autre la personne ; c’est l’iniquité et l’inique par excellence. Ce mystère d’iniquité donc se mit en train du temps de l’Apôtre ; plus tard, le voile devait être ôté, l’apostasie devait être là, et enfin le méchant trouver sa fin par l’illustre avénement de Christ. Ainsi doit finir l’économie : voilà ce que nous révèle ce passage. Aussi comme nous le voyons ailleurs, ce sera pour introduire la gloire et le règne de Christ, afin que toute la terre soit remplie de la connaissance de la gloire de l’Éternel.
Quoi qu’aient dit les chrétiens et les théologiens, sur la parabole de l’ivraie, (Matth. 13), je me permets de dire qu’elle nous enseigne bien autre chose que ce que notre cher frère peut y trouver (p. 55). Il nous dit que partout où le Seigneur sèmera ou fera semer le bon grain, l’ennemi viendra aussi semer l’ivraie, et qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin. Ce n’est pas du tout ce que dit la parabole, quoique cela puisse être vrai en soi.
La Parole nous donne une similitude du royaume des cieux, duquel cette économie dépend et fait partie. Il n’y a pas d’autre semeur que le Fils de l’homme et l’œuvre qu’il a faite est gâtée, non pas pour le grenier, parce que lui saura séparer le bon grain d’avec le mauvais, mais pour le monde où l’œuvre de cette économie se fait. Nous voyons aussi que le mal qui s’est introduit au commencement par la négligence des hommes, est irréparable par les hommes dans son ensemble et dans ce monde. Car c’est une économie de grâce et non pas de jugement.
Les conseils quant au bon grain ne peuvent pas manquer, il sera dans le grenier. Mais l’œuvre qui re garde ce monde a été gâtée, parce que les hommes en ont été chargés, et que leur négligence a donné lieu à une œuvre de l’ennemi, à laquelle on ne peut pas porter remède aussi longtemps que l’économie subsiste. Je n’ai pas dit que cette parabole prouvait que le mal irait en croissant, mais j’ai dit que le Seigneur avait prononcé ce jugement, savoir que les serviteurs ne pouvaient pas y porter remède : n’est-ce pas là ce que dit la parabole ? Il n’est jamais dit dans la Parole que l’apostasie étoufferait le bon grain ou les fidèles. Il y aura des fidèles sous l’Antechrist, comme nous l’avons vu, bien qu’il soit certain que l’apostasie existera alors.
Pour moi, je n’ose dire que ce que la Parole a prédit. Je vois un mal auquel la négligence de l’homme a donné lieu, qui a gâté l’œuvre du Seigneur, quant à son état et à son ensemble dans le monde, auquel le Seigneur seul peut porter remède, et auquel il portera remède en terminant cette économie, cet âge par la moisson. Je supplie ceux qui désirent connaître les pensées de Dieu, de comparer très-soigneusement ce que je dis avec les passages cités, et de voir si le tout est exact.
Notre frère passe par-dessus Jude, parce que ce que j’ai dit est obscur ; je tâcherai de le rendre plus clair. Je dis que la Parole de Dieu nous enseigne que le mal qui sera l’objet du jugement du Seigneur Jésus, quand il viendra, est entré dans l’Église dès le commencement ; que ce mal doit continuer, et que malgré toute la patience et la bonté de Dieu, il l’amènera en jugement. Je cite Jude à l’appui de cette assertion. Il nous enseigne que certaines personnes s’étaient déjà glissées dans l’Église qui avaient été ordonnées pour une telle condamnation. Quoique dans ce moment-là ces personnes ne fussent pas encore ainsi manifestées, il leur donne, par l’Esprit de prophétie, ces trois caractères : la haine naturelle du cœur aliéné de Dieu, tel que celui de Caïn ; l’enseignement de l’erreur pour courir après la récompense, comme Balaam, et la révolte ouverte, semblable à celle de Coré. Dans ce dernier état ils périssent. Il dit que ce sont de ces gens dont Enoch a prophétisé quand il a dit que le Seigneur viendrait avec ses saints, qui sont par milliers, pour juger ceux qui ont parlé contre lui, etc. Toutefois il y aura des fidèles, mais déjà, dès le temps de Jude, le mal qui doit se terminer par une révolte ouverte et qui doit être l’objet du jugement de Christ à son avénement, se trouvait dans l’Église. Examinez l’épître ; elle n’est pas si longue ; et voyez si elle ne par le pas d’un mal qui s’était déjà glissé dans l’Église, et qui amènerait le jugement ; de gens qui étaient encore cachés, mais qui plus pleinement manifestés seraient l’objet de ce jugement. Quelle est l’impression que produit l’Épître si ce n’est pas un avertissement à un résidu fidèle, contre un mal terrible qui amènerait ce jugement, contre un mal qui se trouvait alors dans le sein de l’Église, duquel l’état de Sodome et de Gomorrhe et des anges déchus, présentait l’affreux mais juste tableau ; n’était-ce pas un état de ruine et de chute, qui ne faisait que germer, il est vrai, dans ce moment, mais dont les traits et la fin n’étaient pas cachés à l’Esprit prophétique dans l’Apôtre ? S’il y a de l’obscur en tout cela, il y a du moins dans cette obscurité une ombre terrible, une ombre que Dieu y a mise, et qui doit nous engager à ne pas passer si facilement par dessus, surtout quand il s’agit d’un sujet aussi grave que celui de la destinée de l’Église.
Ici j’ai une remarque importante à ajouter. Cette épître de Jude qui traite spécialement de la ruine, ainsi que celle de St. Jean, qui met les fidèles en garde contre les antechrists, ne s’adressent nullement à une Église, mais à l’Église en général, aux fidèles, comme ayant un intérêt commun, une destinée commune ; on peut en dire autant de la seconde de St. Pierre qui en parle aussi, quoiqu’elle ait un caractère plus en rapport avec les chrétiens d’entre les Juifs.
L’auteur de la brochure met de côté tout ce qui peut être cité de l’Apocalypse. On sait que l’Esprit a dit : « Bienheureux est celui qui lit, et ceux qui écoutent la parole de cette prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites, car le temps est proche, » et je ne puis m’empêcher de dire que c’est précisément sur le point en question que cet avertissement et cette promesse deviennent si importants.
Je ne veux pas entrer dans des détails sur l’Apocalypse, mais je demande ce que ce livre nous présente dans sa partie prophétique ; quand Laodicée, la dernière des Églises mentionnées, a été vomie de la bouche du Seigneur, et quand Jean est enlevé dans le ciel ? Est-ce le rétablissement de l’économie dans la bénédiction, ou des prophéties très-positives de misère et de jugement ? Moi, je trouve que les rois de la terre seront assemblés par des esprits impurs, pour faire la guerre à l’Agneau ; que la grande Babylone corrompra toute la terre, jusqu’à ce qu’elle soit jugée, et que les raisins de la vigne de la terre seront jetés dans la cuve de l’indignation de Dieu, et pressés dans le pressoir de sa colère ; enfin, que les rois de la terre, persévérant dans le mal, donneront leur puissance à la bête, et que par le jugement de Dieu sur eux, ils auront une même volonté pour le faire.
Je n’interprète pas maintenant, je prends l’ensemble de ces choses ; n’annoncent-elles pas, y compris la vigne de la terre, un état de corruption, de révolte, en fin de retranchement, avant le commencement des mille ans de bénédictions, qui surviendront par la présence du Seigneur. Je ne crois pas que l’Église se trouve bien de mettre de côté des avertissements si solennels, d’autant plus que Dieu a attaché une bénédiction spéciale à ceux qui les écoutent.
Si l’auteur de la brochure ne veut pas s’y arrêter, qu’il ne s’étonne pas si quelqu’un attire l’attention des enfants de Dieu sur de pareilles portions des Écritures. Qu’il me permette de lui rappeler que si ce livre a été adressé aux Églises qui existaient alors, il ne s’agit cependant pas d’Églises dans ce qui leur a été adressé, mais de ruine, de révolte et de jugement. C’est là l’avenir qui est présenté quand Jean monte au ciel. S’il y a des Églises, qu’elles y fassent attention.
Dans le passage de la 1re de Jean, ii, 18, nous avons un exemple très-frappant de la manière dont les derniers temps se présentaient à l’esprit de l’Apôtre, à l’Esprit prophétique que Dieu lui avait donné. Ces temps étaient reconnaissables à la présence du mal, de l’Antechrist, et, qui plus est, à ce que déjà dès le temps des Apôtres, les signes en étaient là. « Vous avez entendu que l’Antechrist viendra ; » c’était un sujet dont même les petits enfants en Christ étaient avertis. « Il y a même dès maintenant plusieurs Antechrists, et nous connaissons à cela que c’est le dernier temps. » Enfin l’Apôtre dirige l’attention des petits enfants sur la venue du Sauveur. On peut croire que la présence de l’Antechrist est un signe de la ruine, non pas des fidèles, mais de l’ensemble de l’économie et de son prochain retranchement. N’est-il pas vrai aussi que ce passage confirme le témoignage rendu à cette vérité, que le mal qui serait l’occasion du retranchement s’était introduit dès le commencement, et devait continuer jusqu’à ce que Dieu frappât le coup du jugement, qui détruirait le méchant, et que par conséquent l’économie ne serait pas rétablie. Si la patience de Dieu a supporté le mal longtemps, cela veut-il dire que le jugement soit moins sûr pour Celui auprès duquel mille ans sont comme un jour, et un jour comme mille ans, ou pour la foi qui s’attache à sa Parole seule.
J’en viens maintenant à Rom. xi.
Ici les raisonnements de l’auteur de la brochure sont plutôt contre l’Apôtre que contre moi. Il dit que, pour que le retranchement de l’économie ait lieu, il faut que les Juifs s’y trouvent aussi bien que les Gentils. N’a-t-il jamais entendu parler des Églises des Gentils dans la Parole ; d’un Apôtre des Gentils, d’une réception des Gentils comme corps quand les Juifs avaient été retranchés ; des Gentils sur lesquels le nom de Dieu devait être invoqué ?… Il est vrai que quant au principe fondamental de l’Église, il n’y avait ni Juifs, ni Gentils, parce que tous étaient regardés comme ressuscités avec Christ ; mais quant à la dispensation terrestre de l’Église, il y avait un Apôtre des Gentils et un Apôtre de la circoncision. Il y avait cette distinction : « aux Juifs premièrement, et après cela aux Gentils, et c’est de cette dispensation terrestre que nous parlons.
Je crois que notre frère trouvera que la mort de St. Étienne a été l’occasion d’un grand changement à cet égard ; c’est de quoi nous parlons. Les Juifs étaient coupables alors non-seulement parce qu’ils avaient rejeté le Fils de l’homme, mais aussi le témoignage rendu par le St. Esprit à la gloire de Jésus. L’Apôtre parle ici des branches entées sur l’olivier franc, à la place de celles qui en avaient été retranchées, il parle de la dispensation des promesses de Dieu. C’est déjà un principe important. Il parle des Gentils, comme ayant remplacé les Juifs dans la jouissance de la dispensation des promesses (voir versets 12, 13) ; parce que les Juifs avaient été retranchés de leur olivier comme économie. Il est évident que les fidèles d’entre eux n’avaient pas été retranchés de Christ, bien loin de là, ils jouissaient de sa communion d’une manière infiniment supérieure à ce qu’ils possédaient auparavant ; mais, comme économie, les branches juives avaient été retranchées. Il y a donc en dehors de l’union de Christ avec les fidèles une jouissance de priviléges, comme dispensation, qui peut être perdue, car les Juifs comme économie l’avaient perdue. L’Apôtre nous dit, de plus, que les Gentils ont remplacé les Juifs dans cette position ; ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Apôtre. Il nous dit aussi que dans cette position ils sont responsables comme les Juifs, et peuvent être retranchés comme les Juifs l’avaient été, quoique le résidu ait joui à la suite de ce retranchement, de priviléges plus grands encore, comme les fidèles de cette économie en jouiront avec le Seigneur, en gloire pendant le règne de mille ans, quoique l’économie dans laquelle ils auront été fidèles soit terminée, c’est-à-dire, quoique Dieu ait mis fin à la dispensation actuelle, dans laquelle il se place en relation avec les hommes ici-bas.
Dans telle ou telle économie, Dieu se met en relation avec les hommes sur de certains principes, il les juge selon ces principes-là. Si ceux qui se trouvent dans cette relation extérieure ne sont pas fidèles aux principes de l’économie, quoique Dieu use de longs supports, il y met fin, tout en gardant les fidèles pour lui-même ; c’est ce qu’il a fait quant à l’économie judaïque. « Eh bien ! ce chapitre nous dit que les Gentils ont été entés à la place des Juifs. Faites attention qu’en disant cela je ne raisonne pas de ce qui devrait se trouver, mais que je cite la révélation de Dieu dans ce chapitre. Le St. Esprit parle à des Gentils, il les place sous leur responsabilité, et les menace du même sort qu’Israël.
Examinons de près le chapitre : Premièrement l’Apôtre fait une distinction entre les conseils de Dieu et la jouissance des priviléges attachés à l’économie. Quant aux conseils de Dieu, les Juifs devaient jouir com me nation des promesses qui leur avaient été faites en Abraham, Isaac et Jacob, malgré tout ce qui pouvait arriver, car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. C’est du reste ce qui arrivera dans une autre économie, dans le monde[3] à venir. Dans l’économie actuelle, il s’agit d’un seul corps rassemblé d’entre toutes les nations pour les lieux célestes. Mais quant aux dispensations de Dieu, les Juifs devaient être retranchés, jusqu’à ce que la plénitude des Gentils fût entrée, et la mise de côté de l’économie ne dut pas empêcher qu’un résidu ne fût épargné et sauvé, c’est ce que l’Apôtre démontre au commencement du chapitre.
Les Conseils de Dieu restent fermes quant aux Juifs, quoique l’économie judaïque soit mise de côté, et qu’un résidu ait été conservé malgré leur apostasie et leur retranchement, pour faire partie d’une autre économie. En attendant ce résidu a perdu son caractère juif, et il s’agit de l’introduction de la plénitude des Gentils, après quoi Dieu reprendra ses conseils et ses voies envers la nation juive. Mise de côté pendant cette économie, mais gardée par la puissante main de Dieu ; aveuglée par jugement, et ennemie, quant à l’Évangile, cette nation est néanmoins aimée à cause des pères. Cette réjection des Juifs est la réconciliation du monde. Les Gentils sont entés sur l’olivier franc des promesses faites aux pères, et, dit l’Apôtre, sous la même responsabilité qui avait eu pour conséquence le retranchement des branches juives. De sorte que, s’ils ne persévéraient pas dans la bonté de Dieu, ils seraient retranchés de la même manière ; ils devaient bien prendre garde de ne pas se former l’idée qu’ils ne pouvaient pas tomber comme les Juifs étaient tombés, attendu qu’ils étaient soumis aux mêmes conditions : « sévérité sur ceux qui tomberont. » Le mystère d’iniquité, le sommeil, pendant lequel l’ennemi sème de l’ivraie ; des temps fâcheux, l’état des chrétiens qui est semblable à celui des païens ; enfin l’apostasie, ou la révolte, ce n’est pas à ce qu’il me paraît persévérer dans la bonté de Dieu. D’ailleurs l’Apôtre ne veut pas que nous ignorions ce mystère, qu’il y a une plénitude des Gentils qui doit entrer, et qu’alors Israël sera sauvé comme nation, par l’avénement du Libérateur qui sortira de Sion, et qui détournera l’iniquité de Jacob. Ainsi Israël, Jacob, la nation sera sauvée, car les conseils de Dieu ne changent pas. Mais est-ce dans cette économie ? Nullement, elle a pour premier principe l’absence du Sauveur et une vocation céleste par la présence d’un autre Consolateur qui nous unit à Jésus dans les lieux célestes, et qui, en nous communiquant son salut accompli et parfait, nous fait marcher comme des pélerins et des étrangers ici-bas, étant un seul corps avec celui qui est en haut, combattant contre les malices spirituelles dans les lieux célestes, et traversant un monde qui est appelé le présent siècle mauvais, en renonçant à tout, si nous sommes fidèles, et en chargeant notre croix pour suivre Jésus dans son humiliation. Mais Israël sera sauvé quand le Libérateur sortira de Sion. Le monde sera béni par la présence et par le règne du Sauveur, le présent siècle mauvais sera terminé, Satan sera lié, la gloire de ce monde au lieu d’être un piége tendu par l’ennemi pour détourner les fidèles de leur vocation céleste, sera la gloire de Christ lui-même. La jouissance de tout ce que ce monde peut donner sera le sort des fidèles ici-bas, au lieu de la croix. Est-ce la même économie ? Au lieu de la grâce qui supporte tout, et qui en se soumettant à tout se remet à celui qui juge justement, ce sera un règne de justice qui ne per mettra pas le mal, parce que Jésus aura pris sa grande puissance, et qu’il agira en roi. Oui, la présence et le règne de Jésus établiront cette différence immense. En un mot, tandis que maintenant nous avons à suivre Jésus dans son humiliation et dans sa réjection, participation précieuse à ses souffrances, afin que nous soyons glorifiés ensemble, alors ce sera la présence de Jésus régnant en puissance. Ce sera l’économie de la plénitude des temps. Les Juifs seront une nation à part, et toutes les promesses faites aux pères seront accomplies à leur égard. Je parle maintenant de la partie terrestre de cette économie, de ce qui concerne le monde et les Juifs, car de bien meilleures choses sont réservées pour ceux qui auront souffert avec Christ, et qui seront alors faits semblables aux anges, et même placés plus haut qu’eux ; de sorte que toutes choses dans les cieux et sur la terre seront ainsi réunies sous une seule tête, réunies en un, savoir en Jésus, centre de la bénédiction, manifestation de la puissance et de la gloire du Dieu-Fort, souverain possesseur des cieux et de la terre. Non, la foi et l’espérance fondées sur la Parole ne sauraient reconnaître ce présent siècle mauvais, durant lequel Jésus est absent, comme l’économie de la plénitude des temps. Mais il y a un verset dont la traduction a aidé à cette fausse interprétation, savoir le verset 31 du 11e aux Rom. Voici la vraie traduction : « Ainsi, eux aussi, ont été incrédules quant à la miséricorde qui vous a été faite, afin qu’eux aussi soient sujets de miséricorde, car Dieu a renfermé tous dans l’incrédulité, afin que tous soient sujets de miséricorde. »
Les Juifs étaient objets de promesses, et les Gentils de pure miséricorde. Jésus est venu pour établir les promesses faites aux pères, les Juifs l’ont rejeté, et de plus ils ont refusé et rejeté la révélation de la miséricorde faite aux Gentils pour combler la mesure de leurs péchés, de sorte que la colère de Dieu est venue sur eux jusqu’au plus haut degré, 1 Thess. ii, 16. Ainsi eux aussi, puisqu’ils sont renfermés dans l’incrédulité, deviennent sujets de pure miséricorde, comme les Gentils, quoique selon la chair ils soient héritiers des promesses. C’est ce qui fait ressortir les richesses de la sagesse de Dieu d’une manière à étonner nos cœurs. Je prie ceux qui s’intéressent à ces sujets de vouloir bien examiner le grec pour voir si cela peut se traduire autrement ; pour moi, rien n’est plus clair. Je ne serais pas entré dans le domaine de la critique, si notre frère n’en avait pas appelé à ce passage comme à une preuve triomphante qu’il y a une seule économie jusqu’à la fin. Pour moi, comme pour l’Apôtre, c’est un exemple magnifique de la sagesse de Dieu qui a su unir à sa fidélité envers son peuple, rendue encore plus éclatante par ce moyen, la grâce qui leur fait miséricorde comme à un peuple pécheur et coupable qui a repoussé les promesses ; sagesse qui par le moyen de cette réjection temporaire, appelle les Gentils, non pas pour être son peuple terrestre, quoiqu’ils soient éprouvés sur la terre, mais pour remplir les cieux de sa gloire. Alors, ayant rappelé son ancien peuple à la jouissance des promesses, il leur fera voir aussi bien qu’au monde qu’il a pu aimer de pauvres pécheurs comme il a aimé son Fils bien-aimé, et les rendre participants de la même gloire en vertu de leur union avec Jésus, à la louange de sa gloire. Dirai-je que c’est la même économie que la pré sente, où je chemine dans la tristesse quoique joyeux, en soupirant après ce beau jour où je verrai ce cher Sauveur, qui m’a aimé jusqu’à donner sa vie pour moi, et où, bonheur infini ! je lui serai fait semblable. Ne dirai-je pas plutôt : Viens bientôt, Seigneur Jésus, viens bientôt !
Enfin, notre frère dit qu’il voit une menace faite aux Gentils. Je demande une menace de quoi ? n’est-ce pas d’être retranchés ? Et maintenant jetons les yeux tout autour de nous, et voyons si les Gentils qui ont été en tés à la place des Juifs, si la Chrétienté a persévéré dans la bonté de Dieu.
Il n’est pas nécessaire de parler du système Romain, quoiqu’il y ait des âmes sauvées dans ce système, on ne peut pas en douter. Nous ne parlerons pas non plus des Grecs qui subsistent à peine sous la domination des Mahométans, cette verge envoyée de Dieu, ou qui sont plongés dans la superstition d’une hiérarchie dominante. Considérons les pays où la lumière du protestantisme s’est fait jour. Ils sont pour la plupart plongés dans l’incrédulité, et c’est à peine s’il sort par-ci par là un individu fidèle, qui combat contre l’incrédulité générale. La plupart de ceux qui sont appelés ministres ne sont pas convertis. Ce sont des pasteurs inconvertis, établis sur des troupeaux incrédules, ou qui prétendent paître aussi les vraies brebis du Seigneur, mais qui les forcent à s’éloigner. Ces ministres sont nommés, non pas par l’Esprit de Dieu, ni par l’Église de quelque manière que se soit, mais par des autorités civiles, qui n’ont aucune charge dans l’Église, quoique tous les fidèles les reconnaissent dans ce qui regarde leurs charges civiles. Que voyons-nous en un mot ?
Les brebis du Seigneur dispersées et dissipées. C’est une assemblée de non-croyants, administrée et gouvernée par des gens qui n’ont peut-être pas même la profession du christianisme, qui est appelée l’Église. Les Croyants se trouvent ordinairement confondus dans cette assemblée, et ceux qui sont en tête sont investis de la prééminence comme d’un droit civil.
Comparez cet état de choses, dont je n’ai donné qu’un résumé, ces principaux traits reconnus de tous, avec ce qui est dit de l’Église de Dieu dans le Nouveau Testament, dans les Actes, dans l’Épître aux Éphésiens. Est-ce que l’économie est dans un état de chute ? Est-ce qu’elle a persévéré dans la bonté de Dieu ? est-ce que la séparation de quelques fidèles a changé cet état de choses ? — Quelle conséquence veux-je en tirer ? Une humiliation profonde de la part des fidèles, quoiqu’en dise l’auteur de la brochure. Ici il me permettra de faire une réflexion. Il se plaint de ce que je dis « nous, » en parlant de l’état de l’Église, de ses misères et de sa ruine. Lui, dit-il, a été fidèle ; soit, je ne le nie pas, j’en bénis Dieu. Mais pour mon compte, pauvre et misérable que je me connais moi-même, j’aime mieux m’identifier avec les douleurs, les misères, la chute même de toute l’Église. Je désire ne pas y ajouter m’a propre infidélité ; mais quand même j’aurais marché comme ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, j’aimerais mieux dire avec l’un d’entr’eux : « Seigneur, à nous est la confusion de face, à nos rois, à nos principaux et à nos pères, parce que nous avons péché contre toi. Les miséricordes et les pardons sont du Seigneur notre Dieu ; car nous nous sommes rebellés contre lui, et nous n’avons point écouté la voix de l’Éternel notre Dieu, pour marcher dans ses lois qu’il a mises devant nous. » (Daniel, ix, v. 9, 10).
Si je sais apporter peu de profit, peu de force à ce qui est tombé, du moins tout en évitant le mal, j’y apporterai mes pleurs, mes sympathies et mon témoignage, ce que l’Esprit de Christ me semble aussi apporter. Au reste la fidélité individuelle n’empêche pas qu’on sente malgré soi l’effet de l’infidélité du corps dont on fait partie.
Quoique Josué et Caleb aient à la fin moissonné l’effet de leur fidélité, ils ont éprouvé aussi pendant le trajet du désert l’effet de l’incrédulité de l’assemblée ; toutefois non pas sans recevoir des consolations et une force dans leurs cœurs, dont ne jouissait pas le reste du peuple. Les membres du même corps doivent souffrir de la misère des autres membres par amour, par l’Esprit de Christ et de charité. S’ils ne veulent pas le faire par charité, ils le font par nécessité. Quoique notre cher frère ne veuille pas dire « nous, » je ne crois pas qu’il puisse échapper aux conséquences de l’état général de l’Église. Mais tout cela vient de ce qu’il a perdu l’idée de l’unité du corps, ce lien précieux de la charité.
Je répète ici ce que j’ai dit dans la brochure : on oublie le besoin de puissance quand on pense qu’on peut suivre les Apôtres, parce qu’on a leurs écrits. C’est ce que l’auteur fait quand il dit : « en suivant, dans l’administration de l’Église et dans l’établissement des diver ses charges, les règles que les Apôtres nous ont laissées. » (page 36)
Mais n’est-ce pas qu’il y avait une puissance administrative, une force agissante dans les Apôtres, à la quelle nous ne pouvons pas prétendre ; n’y avait-il pas dans l’établissement des charges une autorité que nous ne pouvons nous arroger ? Comparez ce que l’auteur dit. Cette puissance, dit-il, Dieu ne la refuse jamais à personne, (page 85). N’y avait-il dans l’Église primitive d’autre puissance que l’obéissance aux lois apostoliques ? Je ne mets point de limites à la bénédiction de l’Église maintenant, mais ce n’est pas en reniant l’existence de la puissance qui existait alors, qu’on la retrouvera. Quand notre frère dit que si l’apostasie devait devenir générale, il devrait être prédit que l’ivraie étoufferait le bon grain ; la réponse est : ce n’est pas ce que la Parole a prédit. Quand tous adoreront la bête, sauf ceux dont les noms sont écrits au livre de vie, l’apostasie sera générale, mais l’ivraie n’aura pas étouffé le bon grain ; car Dieu ne se laisse jamais sans témoignage. Il y aura un moment, il est vrai, où le témoignage humain cessera, mais alors Dieu se rendra témoignage à lui-même par la vengeance éclatante qu’il tirera de ses ennemis.
- ↑ Ni la traduction de Martin, ni celle d’Osterwald, ni même celle de Lausanne, ne traduisent Gal. iv, 4, par plénitude des temps.
- ↑ Voyez Psaum. xcvi-xcix. Es. xxvi 9, 10, 11. 1 Cor. vi, 2, Soph. 3, v. 8 et 9. Apo. 19, 20.
L’expression de monde à venir est purement applicable à ce monde sous une nouvelle économie. - ↑ L’expression du monde à venir est inapplicable au ciel.