Questions révolutionnaires - Mlle de Labarrère et les conventionnels Pinet et Cavaignac

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QUESTIONS RÉVOLUTIONNAIRES.


Mlle  DE LABARRÈRE ET LES CONVENTIONNELS PINET ET CAVAIGNAC.


Dans son Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française[1], Prudhomme a lancé contre le conventionnel Cavaignac une grave accusation, qui paraît fausse, disons-le tout de suite, mais dont celui-ci s’est en tout cas bien mal défendu. D’après ce publiciste, Cavaignac, en mission avec Pinet dans les Landes en 1794, aurait abusé de la fille d’un détenu[2], lui promettant la liberté de son père, et n’en aurait pas moins laissé ce dernier monter à l’échafaud.

À l’exception de l’article Cavaignac du dictionnaire de Larousse, où l’affaire est traitée avec quelque développement, mais sans la moindre critique, il ne semble pas que cette question révolutionnaire ait été nulle part ailleurs examinée avec l’attention qu’elle mérite. Elle est cependant aussi intéressante que celle du fameux verre de sang de Mlle  de Sombreuil. On s’est contenté des dénégations soit de la victime, soit de Cavaignac, sans penser que les unes et les autres sont intéressées, et surtout que celles du conventionnel, comme nous allons le voir, atteignent par contrecoup son collègue Pinet.

Il existe au moins deux auto-justifications de Cavaignac. La première est une petite plaquette thermidorienne intitulée Cavaignac à ses collègues, qui est fort rare et dont nous ne connaissons d’autre exemplaire que celui de la collection La Bédoyère, aujourd’hui à la Bibliothèque nationale[3]. Attaqué pour le fait en question et pour plusieurs autres par un journal, le Messager du soir, Cavaignac, dans cet écrit, rompait toute solidarité avec Pinet, resté montagnard impénitent, et insinuait que le coupable pouvait bien être ce dernier. Voici les passages de cette brochure relatifs à l’attentat :


« Paris, le 10 thermidor, l’an III de la République française.

« … Le Messager du soir, dans sa feuille d’aujourd’hui, page 3, demande qu’on me réunisse à Pinet[4], s’il reste démontré que j’ai amusé (sic) la jeune et belle Labarrère, que je promenais dans ma voiture, lui promettant la liberté de son père estimable, que je fis décapiter le jour même où elle devait l’embrasser. Voici ma réponse à cette accusation qui fait frémir la nature.

« J’étais à Orthès, distant d’environ quinze lieues de Dax, avec mon collègue Beauchamp, pour m’y concerter avec lui sur des objets relatifs à l’organisation des troupes à cheval, dont nous étions chargés, lorsque Pinet, occupé seul des mesures révolutionnaires, se rendit de Tartas à Dax avec une commission extraordinaire[5]… ; je n’aime point à accuser surtout sur des crimes graves dont je n’ai pas été le témoin oculaire ; je dois dire cependant, pour l’intérêt de ma justification, pour celui de mon honneur, que la citoyenne Labarrère arriva de Tartas à Dax en même temps que Pinet pour solliciter auprès de lui la liberté de son père.

« Mais, pour ce qui me concerne, la vérité est qu’uniquement occupé de l’organisation des troupes à cheval, je ne me suis mêlé ni de réclusions, ni de libertés ; que je ne pouvais pas m’en mêler d’après le décret qui m’envoyait auprès de l’armée des Pyrénées occidentales ; que je n’ai eu aucune espèce de relation avec la citoyenne Labarrère, que je connais à peine ; j’invoquerai, s’il le faut, son témoignage.

« Quel est donc le scélérat qui a inspiré au Messager du soir une inculpation aussi atroce ? pourquoi, au lieu de l’appliquer à celui à l’égard duquel elle eût été du moins probable, m’a-t-on donné une cruelle préférence ? pourquoi…? pourquoi…? le temps peut-être nous dévoilera quelle est la source, quel est le but d’un tel système de diffamation.

« Quant aux dix-neuf fosses creusées à Dax, j’ignore absolument si le fait existe. Il n’est que Pinet qui puisse ou le désavouer ou en prouver la fausseté. J’étais à Orthès avec mon collègue Beauchamp, et je n’ai fait que passer à Dax au moment où Pinet y terminait ses opérations.

« Tels sont les faits extrêmement graves qu’il m’importait de détruire.

« … Mais, me dira-t-on, pourquoi ta signature est-elle au bas des arrêtés qu’on reproche à Pinet ?

« Qu’on ne perde pas de vue que j’étais uniquement chargé de l’organisation des troupes à cheval de l’armée des Pyrénées occidentales ; j’y organisais deux nouveaux régiments et j’y en complétais un troisième ; voilà quelle était ma mission ; voilà à quoi je m’occupais exclusivement.

« Pinet s’occupait seul et exclusivement de l’administration de l’armée et des mesures révolutionnaires. Nos bureaux étaient séparés ; chacun avait son secrétaire et ses expéditionnaires ; chacun avait ses registres ; il avait l’habitude de faire imprimer mon nom au bas de ses arrêtés, d’en envoyer même des expéditions au Comité de salut public, revêtues de ma signature, sans que je les eusse signées. J’ai de ce fait deux preuves écrites ; voici ce qu’il m’écrit de Saint-Sébastien à Élisondo, où j’étais à demeure, c’est-à-dire à quarante lieues de Saint-Sébastien, le 8 fructidor, deuxième année, après m’avoir fait part des motifs qui l’avaient engagé à dissoudre la junte de Guipuscoa : « J’ai pensé, me disait-il, qu’à tous les petits moyens employés par l’astuce et la faiblesse, il fallait opposer la grandeur et la fermeté ; j’ai donc tranché net, comme tu le verras par la proclamation ci-jointe, J’ai assez présumé de ton assentiment pour l’envoyer au Comité, revêtue de ta signature. Elle va être mise à l’impression ce soir, et tu en recevras sous peu des exemplaires. »

« Il m’écrivait encore du même endroit à Élisondo, le 23 fructidor, que, treize prêtres ayant voulu faire faire un mouvement dans Saint-Sébastien, il avait pris sur-le-champ un parti sévère ; il m’envoya en conséquence son arrêté du même jour, signé de lui ; il m’invita à le faire exécuter dans la vallée de Bastan ; ma signature n’y fut point apposée, car je l’ai encore en original revêtu seulement de celle de Pinet ; cependant la mesure n’en fut pas moins exécutée dans la Biscaye, L’arrêté imprimé porte, je crois, mon nom ; vraisemblablement aussi il en a été adressé au Comité de salut public une expédition avec ma signature ; voilà ce que j’ai tu jusqu’ici ; mais mon honneur, indignement attaqué plusieurs fois, me force de le révéler à mes collègues… »

La seconde justification de Cavaignac est beaucoup plus récente ; elle date de 1820. En ce moment s’imprimaient les premiers volumes de la Biographie des contemporains d’Arnault, Jay, Jouy et Norvins, et il était à craindre que les auteurs de ce dictionnaire n’enregistrassent à nouveau la vieille accusation de Prudhomme. C’était aussi le temps où Victor Hugo venait de faire couronner aux jeux floraux sa fameuse ode les Vierges de Verdun, accueillie par le public avec tant d’attendrissement.

Eh quoi ! quand ces beautés, lâchement accusées,
Vers ces juges de mort s’avançaient dans les fers,
Ces murs n’ont pas, croulant sous leurs voûtes brisées,
Rendu les monstres aux enfers !

Or, Cavaignac était un des monstres qui passaient pour avoir concouru à la mise en accusation des demoiselles Henry et Watrin.

L’ancien conventionnel, alors exilé comme régicide en exécution de la loi du 12 janvier 1816, faisait d’activés démarches pour obtenir de rentrer en France. Grandement intéressé à se disculper de cette double imputation, il adressa de Bruxelles à Jay une lettre dont nous trouvons le résumé dans un catalogue d’autographes[6] : « Ce n’est pas lui, mais Mallarmé, qui a fait arrêter et traduire au tribunal révolutionnaire les auteurs de la livraison de Verdun. Une calomnie non moins atroce est de lui attribuer le fait de Labarrère, de Dax, qui appartient à son collègue, Pinet. Il pense qu’un proscrit ne réclamera pas en vain l’intérêt et la justice des auteurs de la Biographie des contemporains. » De son côté, la femme de Cavaignac, rappelant que son mari se trouvait à quinze lieues de l’endroit où le crime se serait commis, écrivit que l’accusation relative à Mlle  de Labarrère n’avait aucun fondement. Les auteurs de la Biographie acceptèrent ces allégations et s’attachèrent à innocenter Cavaignac.

Pour en finir tout de suite avec la condamnation des Verdunoises, qui ne nous intéresse ici que secondairement, il est incontestable que Cavaignac n’en a pas la responsabilité ; mais, pour se justifier, il n’avait ni le besoin ni le droit d’en charger Mallarmé, qui n’en est pas moins innocent que lui. Les vrais coupables sont Gohier, ministre de la justice, et Fouquier-Tinville. On trouvera sur cette question, longtemps controversée, tous les éclaircissements désirables dans l’Histoire du tribunal révolutionnaire de M.  Wallon[7].

Quant à l’attentat dont Mlle  de Labarrère aurait été victime, il n’est pas nécessaire d’entrer dans de longues considérations pour montrer que, à le supposer vrai, il ne pourrait être historiquement établi : le huis-clos d’une part et les dénégations des seuls témoins d’autre part s’opposeraient à toute enquête. Aussi, dans le champ des conjectures auxquelles on est réduit, chacun est libre de se faire la conviction qu’il lui plaît. Pour nous, après avoir étudié cette affaire d’aussi près qu’il nous a été possible, s’il nous était permis de donner notre opinion, nous dirions que nous la croyons une fable éclose dans l’imagination affolée de quelques habitants de Dax. L’apparition des représentants escortés de la commission de Bayonne et suivis de la guillotine[8], le spectacle des exécutions qui signalèrent leur court séjour en cette ville[9], la vue de Mlle  de Labarrère allant de Pinet à Cavaignac pour tâcher de les attendrir et de sauver son père, sans que ses démarches eussent réussi, il n’en fallait pas tant, surtout dans ce coin de terre méridionale, pour donner naissance à la légende que l’on sait.

Mais, aurait-on la certitude morale que l’attentat est purement imaginaire, tout ne serait pas dit pour cela. Il n’en resterait pas moins que l’un des deux accusés a cherché à se disculper au détriment de l’autre. Or, en bonne justice distributive, il ne suffit pas d’absoudre Cavaignac ; il faudrait voir aussi ce que vaut sa défense, par rapport à son collègue.

« Ce ne peut être que Pinet, car moi je n’étais pas là. » Tel est le fond de son système. Cet alibi, s’il était inattaquable, — et nous allons voir s’il l’est, — prouverait certainement en sa faveur ; mais il ne prouverait pas nécessairement contre son collègue, car celui qui était absent, qui n’a pas été témoin du fait, comment peut-il accuser l’autre ?

L’insinuation de Cavaignac est contredite par les dépositions de plusieurs membres de la commission de Bayonne, lors du procès qui leur fut fait après thermidor. L’un d’eux répondit qu’après être passée à Saint-Sever la commission alla à Dax avec les représentants et qu’elle y resta cinq à six jours. « Les représentants y restèrent-ils autant de temps que vous ? — Oui, ils restèrent à Dax jusqu’à ce qu’un express, arrivé d’Auch, nous fit partir de cette commune. » Un autre déposa que la commission quitta Tartas, où elle avait trouvé Pinet et Cavaignac, et partit avec eux pour Dax, où elle fit guillotiner dix personnes en six jours. De Dax elle gagna Auch, « par ordre du représentant Pinet, qui nous ordonna, de Bayonne où il s’était rendu, de partir sur-le-champ[10]. » Voilà qui est assez net.

Il existe d’autres preuves encore de la présence de Cavaignac à Dax le jour de l’exécution de M.  de Labarrère et même les trois jours précédents. Nous pourrions insister sur sa signature placée à côté de celle de Pinet au bas d’arrêtés pris en cette ville le 20, le 21 et le 22 germinal, dont on trouve des copies aux Archives nationales et aux archives départementales des Landes[11].

En citant, dans un plaidoyer de l’an III, les deux cas où Pinet avait soin de le prévenir qu’il était obligé, vu son absence, de faire figurer sa signature au bas de deux arrêtés urgents, n’était-ce pas établir que c’était là une exception ? Combien cet argument eût-il été plus solide, si Cavaignac, au lieu d’arrêtés pris ailleurs, en avait apporté datés de Dax[12] !

Les archives des Landes conservent un autre registre, celui des délibérations du comité de surveillance, et voici ce qu’on y lit à la date du 23 germinal, jour, rappelons-le, de la condamnation et de l’exécution de M.  de Labarrère :

« Le 23 germinal an II de la République, une et indivisible, le comité de surveillance assemblé, s’y sont rendus le président et ses collègues composant la commission militaire extraordinaire, ouï les représentants du peuple Pinet aîné et Cavaignac… Délibéré ledit jour et an que dessus. »

Suivent les signatures des membres du comité[13].

Il ne s’agit plus ici d’un arrêté de Pinet, mais des délibérations d’une assemblée locale dont il ne faisait pas partie, et il est bien douteux que son influence sur elle ait pu aller jusqu’à lui faire attester la présence de son collègue, si celui-ci avait été absent.

Encore une fois, cette argumentation n’a nullement pour but d’incriminer Cavaignac, mais de démontrer la faiblesse de sa thèse. Sa modération habituelle, la tenue et la régularité de sa vie, les courageuses démarches de sa femme pour fléchir ses persécuteurs pendant la Restauration, enfin le culte de ses fils pour sa mémoire, protestent en sa faveur beaucoup mieux que sa propre défense. Mais, pressé de proclamer son innocence, en 1820 comme en l’an III, il n’a eu ni le temps ni la facilité de choisir ses preuves.

Insuffisant comme justification personnelle, son plaidoyer ne vaut pas mieux lorsqu’il détourne l’accusation sur ses collègues. « Ce n’est pas moi, c’est Pinet, » dit-il, tout comme il dira plus tard : « Ce n’est pas moi, c’est Mallarmé. » Cela s’appelle, en bon français, crier haro sur le baudet. En effet, Mallarmé, à la Restauration, était un des anciens conventionnels les plus mal vus, précisément à cause de sa mission à Verdun. De même Pinet, suspect et emprisonné en l’an III, banni et réfugié à Constance en 1820, eût-il eu tous les moyens de repousser l’accusation (qu’il ne connut sans doute jamais), ne le pouvait ni moralement ni matériellement. Cavaignac était un révolutionnaire timide qui fut toujours du parti des vainqueurs. Pinet était, nous le répétons, un montagnard ; il eut, aux yeux de l’opinion publique pour qui le cadavre d’un ennemi sent toujours bon, le tort d’être un vaincu. Mais l’histoire a des goûts plus délicats : de ce que Pinet fut un démagogue exalté, il ne s’ensuit pas qu’il ait été capable et coupable de crimes « à faire frémir la nature. » Il a vécu jusqu’en 1844, et bien des hommes qui l’ont connu existent encore. Interrogez-les ; ils vous diront que, de toutes les accusations dont on puisse le charger, celle-là est la moins admissible. « Entraîné par un patriotisme exagéré, — nous écrivait naguère le vieil archiviste de Bergerac, — et pour la réussite de ses principes, il a pu faire tomber quelques têtes ; mais qu’il ait commis l’infamie dont on l’accuse, jamais. J’étais déjà un grand garçon lorsqu’il revint d’exil (1830) et j’eus souvent l’occasion de le voir. C’était un homme d’une figure distinguée, très douce ; quoique courbé par l’âge, il était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne. On aurait dit de lui, c’est un poète plutôt qu’un bourreau. » De son côté, M.  Ch. Géraud, le propre petit-gendre de Pinet, a bien voulu nous fournir sur la vie privée de l’aïeul de sa femme d’intéressantes notes que nous lui demandons la permission de reproduire sans y rien changer. Venant de lui, on ne les accepterait sans doute pas pour une preuve ; aussi ne les donnons-nous que pour ce qu’elles sont, des renseignements : « Comme tous les hommes marquants de cette époque, Pinet aîné a été, sa longue vie durant, en proie aux calomnies les plus haineuses. Mais celle-ci les dépasse toutes, en même temps qu’elle est la plus invraisemblable. Sa vie conjugale, qui a duré cinquante-huit ans, n’a jamais été attaquée, que je sache[14]. Marié en 1780 à Mlle  Suzanne de Berthier, il a vécu avec elle jusqu’en 1838 et s’est toujours montré le modèle des époux. Sa tendresse et ses petits soins pour sa femme, ses regrets lorsqu’elle mourut, six ans avant lui, frisaient presque le ridicule aux yeux de ceux qui ne savaient pas à quel point ils étaient sincères. Il se fit accompagner d’elle dans tous les postes qu’il occupa, à l’Assemblée législative, à la Convention, aux Pyrénées, en Espagne ; le plus jeune de leurs enfants, mon beau-père, est né à Saint-Sébastien en 1794. Elle le suivit en exil, de 1816 à 1830, époque où ils rentrèrent en France entièrement ruinés, déshérités de tous les leurs, à charge à leurs enfants qui étaient eux-mêmes dans une gêne extrême. Sont-ce là, je vous le demande, les agissements d’un homme dont les passions sont assez violentes et désordonnées pour lui faire commettre un crime aussi monstrueux ? »

Nous répétons nos conclusions : le fait a tous les caractères d’une légende, d’un de ces nombreux mythes qui encombrent l’histoire de la Révolution. Mais, serait-il vrai, la culpabilité de Pinet n’est pas plus prouvée que celle de Cavaignac.

Cette étude, qu’il n’a pas dépendu de nous de faire plus courte ni moins aride, comporte un enseignement. Victimes de la rumeur publique, Cavaignac, en dépit de sa justification, et Pinet, qui ne s’est pas défendu, resteraient sous le coup d’une accusation infamante, si les présomptions les plus sérieuses ne les absolvaient. Mais ces présomptions, qui les connaît ? Ceux-là seuls qui ont pris la peine d’étudier ces deux hommes et leur prétendu crime : combien sont-ils ? Les autres, au hasard d’une lecture, apprendront, par exemple, d’un parent de Mlle  de Labarrère que « la condition du déshonneur exista réellement et fut acceptée par une enfant au désespoir. » Un magistrat de la région leur dira, par contre, qu’« on n’a jamais ajouté foi à ce récit des ennemis de Cavaignac. » Mais un autre magistrat de la même contrée, se faisant l’écho d’une tradition différente, les persuadera que Mme  B…, étant allée supplier Cavaignac, « bien inutilement avait accompli le plus honteux des sacrifices, » et une note, placée au bas de ce dernier passage, augmentera leurs incertitudes, en les assurant que Mlle  de Labarrère épousa, non un M.  B…, mais un M.  V… Une dernière tradition locale (est-ce bien la dernière ?), disculpant Cavaignac, les induira à accuser Pinet[15]. La tradition rend quelquefois des services à l’histoire ; mais ne la prenez jamais pour auxiliaire dans le récit des révolutions.


Eug. Welvert.
  1. T. VI (Convention nationale, t. II), p. 221.
  2. Casenove de Labarrère, ancien prévôt de la maréchaussée, puis colonel de la gendarmerie nationale des Landes, à Dax. Arrêté le 31 octobre 1793, pour crime de correspondance avec des émigrés, il fut exécuté à Dax le 23 germinal an II, à l’âge de cinquante-un ans.
  3. S. l. n. d. [10 thermidor an III], in-8o, 6 p. Bibl. nat., Lb41 4499.
  4. Décrété d’accusation le soir de la journée du 1er  prairial an III, comme un des promoteurs de l’insurrection, Pinet était alors en prison. Il y resta jusqu’à l’amnistie du 4 brumaire an IV.
  5. Les points sont dans le texte. La commission dont parle ici Cavaignac est connue dans l’histoire de la Révolution sous le nom de commission extraordinaire de Bayonne.
  6. Catalogue des curiosités autographiques… composant le cabinet de feu M.  P. de Saint-Romain, dont la vente aura lieu les 15 et 16 mai 1873 (Paris, Gabriel Charavay, 1873, in-8o), no  52, p. 8.
  7. T. III, p. 318-338. — D’après la relation de Barbe Henry, citée par Cuvillier-Fleury (Portraits politiques et révolutionnaires, p. 439), « c’est Mallarmé qui décida que les prévenus de Verdun ne seraient pas jugés à Verdun, mais à Paris. » Cette assertion, donnée de souvenir par une femme alors presque enfant et sur de simples bruits de prison, ne nous paraît pas devoir prévaloir contre les textes très positifs de M.  Wallon.
  8. Cf. Joseph Légé, les Diocèses d’Aire et de Dax ou le département des Landes sous la Révolution française (Aire sur l’Adour, 1875, 2 vol. in-8o), t. II, p. 10 ; — H. Wallon, les Représentants du peuple en mission, t. II, p. 409.
  9. La commission de Bayonne arriva à Dax le 19 germinal an II (8 avril 1794) au soir. Elle en partit dans la soirée du 23 germinal (12 avril), après y avoir fait guillotiner dix personnes (Joseph Légé, ouvr. et passage cités ; — Tarbouriech, Histoire de la commission extraordinaire de Bayonne ; Paris, 1869, in-8o ; ch. iii, le Procès).
  10. Tarbouriech, Histoire de la commission de Bayonne, passage cité.
  11. Arch. nat., AFII 113, dossier 6, pièce 4 (cité par Wallon, les Représentants en mission, t. II, p. 412) ; — archives des Landes, L 451, fol. 100 vo.
  12. On pourrait insister aussi sur les mesures révolutionnaires auxquelles Cavaignac a cru devoir participer dans les Landes et ailleurs, malgré ses dénégations et le décret qui lui donnait pour mission l’organisation de la cavalerie (cf. H. Wallon, les Représentants en mission, t. II, ch. xiv).
  13. Archives des Landes, L 783, fol. 54 vo.
  14. M.  Géraud, sans ignorer l’affaire Labarrère, ne connaissait pas les insinuations de Cavaignac.
  15. Cf. Joseph Légé, ouvr. cité, t. II, p. 20 et 106, note ; — Bulletin du comité d’histoire et d’archéologie de la province ecclésiastique d’Auch, t. IV, p. 498 (ce dernier travail est un extrait annoté de l’étude de Berriat-Saint-Prix sur la Justice révolutionnaire dans les départements du sud-ouest). — Indépendamment de ces sources écrites, nous devons à l’obligeance de M.  Tartière, archiviste des Landes, et de M.  Villepelet, archiviste de la Dordogne, de précieuses indications sur les sources manuscrites et sur l’opinion publique du pays relativement à l’affaire de Mlle  de Labarrère. — Depuis que ces pages ont été écrites, la librairie Plon a publié, sous le titre de Mémoires d’une Inconnue, un recueil de souvenirs dont l’auteur est la femme du conventionnel Cavaignac. Il n’est fait aucune allusion dans ce livre au prétendu attentat de Dax.