Quels sont ces chants de mort, ces hymnes de tristesse ?
D’où vient que de ces lieux disparaît l’allégresse ?
Pourquoi sur tous les fronts est peinte la douleur ?
Cité de Montréal, qui donc t’a désolée ?
Quelque triste fléau t’aurait-il accablée ?
Plains-tu quelque horrible malheur ?
Un orage nouveau gronde-t-il sur ta tête ?
Redoutes-tu les maux que la haine t’apprête ?
De tes fils aujourd’hui pleures-tu l’avenir ?
Non… ton cœur est pressé d’une douleur amère ;
Mais tes tristes regards se portent en arrière,
Tes pleurs naissent d’un souvenir.
Quel jour luit à nos yeux ? vingt-et-un mai… silence…
Ce jour est pour nos cœurs un siècle de souffrance,
Ce jour est à jamais un sombre jour de deuil.
Tu pleures tes enfants, malheureuse patrie !
C’est en te défendant qu’ils ont perdu la vie,
Et tu gémis sur leur cercueil.
Hélas ! ils sont tombés victimes déplorables
D’artifices cruels, d’erreurs impardonnables ;
Ils sont morts combattant pour votre liberté,
Ils sont mort mais leur nom vivra longtemps encore,
Leur trépas qu’à jamais chacun de nous honore
Leur acquiert l’immortalité.
Gémis, gémis encore, ô ! ville infortunée,
Tu ne saurais assez plaindre leur destinée,
Tu ne pourrais donner trop de pleurs à leur sort ;
Mais pour tes fils meurtris n’as-tu donc que des larmes ?
N’est-il pas en tes mains de légitimes armes ?
Ne saurais-tu venger leur mort ?
Offre pour tes enfants le pieux sacrifice ;
Mais sur les meurtriers appelle la justice ;
Souffriras-tu longtemps l’orgueil de ces bourreaux ?
Du sang qu’ils ont versé vas demander vengeance,
Pour eux comme pour nous Thémis tient la balance,
Devant elle tous sont égaux.
Parles, et que ta voix jusqu’à ton roi résonne ;
Et que ta plainte amère arrive aux pieds du trône ;
Porte au delà des mers le cri de ta douleur.
Fais trembler à leur tour les auteurs du carnage,
Fais lire à tous les yeux, sur leur pâle visage,
Le remords qui ronge leur cœur.
Canadiens, en ce jour, l’univers vous contemple ;
Il a connu le crime, il attend un exemple.
Vos morts de leur tombeau l’implorent à grands cris,
Leurs ombres chaque jour errantes sur la plage
La réclament de vous, comme un dernier hommage
Qu’on doit à leurs mânes chéris
Citoyens, accourez et jurez sur leur tombe
De soutenir un nom dont la gloire succombe.
Entendez cette voix qui vous répète à tous :
« Pour maintenir vos droits déployez du courage,
« Vengez notre trépas, achevez notre ouvrage,
« Ou périssez ainsi que nous. »
Et toi, qu’invoque ici notre ardente prière,
Liberté, parmi nous renais de leur poussière !
Avec toi dans ces lieux conduis la douce paix.
Viens essuyer nos pleurs, viens consoler nos peines ;
Éloigne pour jamais ces déchirantes scènes
Et l’horreur de pareils forfaits !
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