Répertoire national/Vol 1/L’Avenir

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Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 336-338).

1836.

L’AVENIR

Canada, terre d’espérance,
Un jour songe à t’émanciper ;
Prépare-toi dès ton enfance,
Au rang que tu dois occuper ;
Grandi sous l’aile maternelle,
Un peuple cesse d’être enfant :
Il rompt le joug de sa tutelle,
Puis il se fait indépendant.
        Ô terre américaine,
        Sois l’égale des rois :
        Tout te fait souveraine,
        La nature et tes lois.

Rougi du sang de tant de braves,
Ce sol, jadis peuplé de preux,
Serait-il fait pour des esclaves,
Des lâches ou des malheureux ?
Nos pères, vaincus avec gloire,
N’ont point cédé leur liberté :
Montcalm a vendu la victoire,
Son ombre dicta le traité.
        Ô terre américaine,
        Sois l’égale des rois :
        Tout te fait souveraine,
        La nature et tes lois.

Vieux enfants de la Normandie,
Et vous, jeune fils d’Albion,
Réunissez votre énergie,
Et formez une nation :
Un jour notre mère commune
S’applaudira de nos progrès,
Et guide, au char de la fortune,
Sera le garant du succès.
        Ô terre américaine,
        Sois l’égale des rois :
        Tout te fait souveraine,
        La nature et tes lois.

Si quelque ligue osait suspendre
Du sort le décret éternel !
Jeunes guerriers, sachez défendre
Vos femmes, vos champs et l’autel.
Que l’arme au bras chacun s’écrie :
« Mort à vous, lâches renégats ;
Vous immolez votre patrie :
Vos crimes nous ont fait soldats. »
        Ô terre américaine,
        Sois l’égale des rois :
        Tout te fait souveraine,
        La nature et tes lois.

Sur cette terre encor sauvage
Les vieux titres sont inconnus :
La noblesse est dans le courage,
Dans les talents, dans les vertus.
Le service de la patrie
Peut seul ennoblir des héros :
Plus de noblesse abâtardie,
Repue aux greniers des vassaux.
        Ô terre américaine,
        Sois l’égale des rois :
        Tout te fait souveraine,
        La nature et tes lois.

Mais je vois des mains inhumaines
Agiter un sceptre odieux !
De fureur bouillonne en nos veines,
Ce noble sang de nos aïeux ;

Dans ces forêts, sur ces montagnes
Le bataillon s’apprête, et sort :
La faulx qui rasait nos campagnes
Soudain se change en faulx de mort.
    Ô terre américaine,
    Sois l’égale des rois :
    Tout te fait souveraine,
    La nature et tes lois.

F. R. Anger.[1]

  1. M. Anger est avocat au barreau de Québec. Ce monsieur est l’auteur d’un Traité de Sténographie, et d’un pamphlet historique portant le titre de Révélations du Crime.