Répertoire national/Vol 1/L’Iroquoise (Hymne de guerre)

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Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 188-189).

1831.

L’IROQUOISE[1].

 
 

hymne de guerre.

 
Vous que l’astre du jour dore de sa lumière,
Vous pour qui de la nuit luit la pâle courrière,
Lieux où croît la moisson, lieux où l’ormeau verdit,
Où le ruisseau serpente, où le torrent bondit,
Vous, monts, bois et vallons, vous tous lieux de la terre,
Apprenez tous qu’on s’arme, et qu’on vole à la guerre :
Un peuple audacieux, armant notre courroux,
Désormais plus soumis, va fuir devant nos coups.
Telle on voit reculer la bergère timide,
Quand l’œil étincelant sous la ronce perfide,
À ses yeux attentifs un serpent furieux
S’offrant, siffle, se glisse en replis tortueux ;
Tel et plus lâche encor, quand les plaines tremblantes
Gémiront sous les pas de nos troupes bruyantes,
Plus léger que la biche, et plus prompt que l’éclair,
S’alarmant au seul bruit de l’oiseau qui fend l’air,
De la feuille qui tombe, ou du flot qui murmure,
Honteux, et dépouillant sa gloire et son armure,
Notre ennemi vaincu fuira dans les forêts.
Nos bras garantiront ces terribles arrêts ;
La honte, la terreur, le désespoir, la rage,
Le mépris le suivra jusque dans son village.

 

Mais plutôt qu’au milieu des neiges de l’hiver,
Quand l’aquilon fougueux trouble les champs de l’air,
Quand des chênes durcis les branches dépouillées
Refusant à la faim leurs écorces gelées,
Triste, et fixant le ciel de son dernier regard,
Il meurre, en maudissant l’affreux jour du départ.
Monument de sa honte, et de notre courage,
Les débris de nos dards couvriront son village ;
Et s’il ose jamais, téméraire vaincu,
Rapporter parmi nous, ce don qu’il a reçu,
Du front de cent guerriers, les dépouilles sanglantes,
De leur brillant trophée embelliront nos tentes ;
Aux poteaux enchaînés, souffriront mille morts.
Mais on part ! qui de nous reverra le village !
Échapperons-nous tous à l’infâme scalpage ?
Adieu, guerriers naissants, épouses des guerriers,
Nous allons recueillir des moissons de lauriers.
Ne nous arrêtez pas, ne versez point de larmes :
C’est le champ de l’honneur que celui des alarmes.
La victoire bientôt hâtera le retour ;
Pour vous, et pour vous seuls nous chérissons le jour,
Vous, amis, donnez-nous du sang, des funérailles,
Si la mort nous saisit sur le champ de batailles :
Ne versez point de pleurs, songez à nous venger ;
Dévastez, embrasez le toit de l’étranger,
Calmez de votre sang, calmez le cri terrible,
Et frappez nos bourreaux du tomahawk terrible ;
Que du sang des vainqueurs, les arbrisseaux rougis,
Fassent dire aux passants : c’est là qu’ils sont péris !

D. B. melthène.

  1. J’espère qu’on ne verra pas sans quelque plaisir cette traduction d’un chant de guerre des vieux héros du sol, qui, sans aucun doute, seraient, entre les mains d’un Homère, des Achilles et des Hectors. Ils avaient leurs chansons, leurs hymnes, leurs poèmes mêmes ; et leur poésie était grande et majestueuse comme le pays qu’ils habitaient. J’avouerai qu’il m’a été impossible de faire passer dans notre langue toute la force et l’énergie de l’original, n’ayant travaillé surtout que sur d’autres traductions. — Note de l’auteur.