Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale/06

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Traduction par M. Levêque.
C. Reinwald (p. 144-188).


CHAPITRE IV

Rôle joué par les vers dans l’enfouissement de monuments anciens.


L’accumulation de décombres sur l’emplacement des grandes villes est indépendante de l’action des vers. — Enfouissement d’une villa romaine à Abinger. — Le sol et les parois sont traversés par les vers. — Affaissement d’un pavé moderne. — Pavé enfoui à Beaulieu-Abbey (abbaye de Beaulieu). — Villas romaines de Chedwork et de Brading. — Restes de la ville romaine à Silchester. — Nature des débris dont les restes de cette ville sont recouverts. — Pénétration des parquets et des parois en mosaïque par les vers. — Affaissement des parquets. — Épaisseur de la terre végétale. — La vieille ville romaine de Wroxeter. — Épaisseur de la terre végétale. — Profondeur des fondations de quelques-uns des monuments. — Conclusion.


Il est probable que les archéologues ne se doutent pas de ce qu’ils doivent aux vers pour la conservation de beaucoup d’objets anciens. Si l’on abandonne à la surface du sol des pièces de monnaie, des ornements d’or, des instruments de pierre, etc., ils seront infailliblement enfouis en peu d’années par les déjections des vers, et ils seront ainsi conservés en sûreté, jusqu’à ce que, à quelque époque future, on retourne la terre. Par exemple, il y a longtemps, on laboure une prairie sur la rive septentrionale de la Saverne, non loin de Shrewsbury, et on trouva un nombre étonnant de pointes de flèche en fer au fond des sillons ; ces pointes sont, croit M. Blakeway, antiquaire de l’endroit, des restes provenant de la bataille de Shrewsbury, en 1403, et il n’y a pas de doute qu’elles aient été à l’origine, laissées disséminées sur le champ de bataille. Dans ce chapitre-ci, je vais montrer que non-seulement des instruments, mais que les parquets et les restes d’un grand nombre de monuments anciens de l’Angleterre ont été si bien enfouis, en grande partie par l’action des vers, qu’ils n’ont été découverts récemment que par diverses circonstances accidentelles. Il ne s’agit pas ici des lits énormes de décombres, de plusieurs toises d’épaisseur, qui gisent au-dessous de beaucoup de grandes villes, comme Rome, Paris et Londres, et dont les assises inférieures remontent à une haute antiquité ; car ces lits n’ont en aucune façon été influencés par les vers. Si nous considérons combien de matériaux il entre chaque jour dans une grande ville pour la construction des édifices, le chauffage, l’habillement et le ravitaillement, et combien était, comparativement minime, la quantité qui en sortait, dans les temps anciens, quand les chemins étaient mauvais et que le nettoyage des rues était négligé ; nous serons bien d’accord avec Élie de Beaumont, quand il dit en discutant le sujet : « Pour une voiture de matériaux qui en sort, on y en fait entrer cent[1]. » Nous ne devons pas non plus oublier l’effet des feux entretenus, la démolition de vieux bâtiments et le transport des décombres à l’endroit libre le plus voisin.

Abinger en Surrey. — À la fin de l’automne de 1876, on creusa le sol d’une cour de ferme à Abinger, jusqu’à une profondeur de 2 pieds à 2 pieds et demi, et les ouvriers trouvèrent divers restes anciens. Cela amena M. T. H. Farrer, d’Abinger Hall, à faire faire des fouilles dans un champ labouré adjacent. On y ouvrit une tranchée et bientôt on découvrit une assise de béton, couverte encore en partie de tesserœ (petits carreaux rouges), et entourée de deux côtés par des parois écroulées. On pense[2] que cette chambre faisait partie de l’atrium ou salon de réception d’une villa romaine. On découvrit ensuite les murs de deux ou trois autres petites chambres. On trouva aussi des fragments de poteries en grand nombre, d’autres objets et des monnaies à l’effigie de plusieurs empereurs romains, depuis l’an 133 jusqu’en 361, et peut-être jusqu’en 375 après J.-C. Il y avait aussi un sou à l’effigie de Georges I, 1715. La présence de cette dernière pièce parait une anomalie ; elle a été sans doute laissée gisant sur le sol le siècle dernier, et il s’est, depuis lors, passé bien assez de temps pour son enfouissement à une profondeur considérable sous des déjections de vers. Des différentes dates des monnaies romaines, nous pouvons conclure que la maison a été longtemps habitée. Il est probable qu’elle a été détruite et abandonnée il y a 1400 à 1500 ans.

J’étais là au commencement des fouilles (20 août 1877) ; M. Farrer fit creuser deux tranchées profondes aux extrémités opposées de l’atrium, pour me



Fig. 8. — Section pratiquée à travers les fondations d’une villa romaine, enfouie à Abinger. AA, terre végétale ; BB, terre de couleur foncée, pleine de pierres, épaisse de 13 pouces ; C, terre végétale noire ; D, fragments de mortier ; E, terre noire ; FF, sous-sol resté intact ; G, tesseræ (mosaïque) ; H, béton ; I, couche de nature inconnue ; W, mur enfoui loue le sol.
permettre d’examiner la nature du sol auprès des restes

des bâtiments. Le champ était incliné de l’est à l’ouest sous un angle de 7° environ, et l’une des deux tranchées, que montre la section ci-jointe (fig. 8), était à l’extrémité supérieure, c’est-à-dire tournée vers l’est. Le diagramme est à l’échelle de 1/20 de pouce pour un pouce ; mais la tranchée qui était de 4 à 5 pieds de largeur, et en certaines parties, profonde de plus de 5 pieds, a dû nécessairement être réduite au-delà de toute proportion. La terre fine recouvrant le parquet de l’atrium avait une épaisseur qui variait de 11 à 16 pouces ; et du côté de la tranchée figurée dans la section, elle avait un peu plus de 13 pouces d’épaisseur. Après qu’on eut enlevé la terre, le parquet se montra à peu près de niveau dans son ensemble ; mais, en certains endroits, il penchait de 1°, et, à un point près de l’extérieur, même de 8° 30’. Le mur qui entourait le pavé était construit de pierres non taillées, et il avait une épaisseur de 23 pouces, là où la tranchée avait été ouverte. Son sommet était brisé et était ici à 13 pouces, tandis qu’il était en un autre endroit à 15 pouces au-dessous de la surface du champ, telle était en effet l’épaisseur de la terre végétale qui le recouvrait. Pourtant, en un autre point, il s’élevait jusqu’à 6 pouces de la surface. Des deux côtés de la chambre où il fut possible d’examiner avec soin la jonction du parquet de béton avec les murs extérieurs, il n’y avait pas de crevasse ni de séparation. Il se trouva plus tard que la tranchée avait été ouverte à l’intérieur d’une chambre adjacente (11 pieds sur 11 pieds 6 pouces), dont on n’avait même pas soupçonné l’existence pendant que j’étais là.

Du côté de la tranchée le plus éloigné du mur enfoui (W), la terre végétale avait une épaisseur qui variait de 9 à 14 pouces ; elle reposait sur une masse (B) de terre noirâtre, épaisse de 23 pouces, qui renfermait beaucoup de pierres. Au-dessous, il y avait une couche de terre végétale (C) très noire, puis une assise de terre remplie de fragments de mortier (D), et après une seconde couche mince (de 3 pouces environ d’épaisseur) (E) de terre végétale très noire, reposant sur le sous-sol (F) qui n’avait pas été remué ; c’était un sable ferme, jaunâtre, argileux. Le lit, épais de 23 pouces (B), était probablement du terrain rapporté, car cela aurait relevé le parquet de la chambre au même niveau que celui de l’atrium. Les deux minces lits de terre végétale noire indiquaient évidemment deux niveaux que la surface du sol avait autrefois occupés. À l’extérieur des parois de la chambre située au nord, on trouva par la suite en grand nombre des os, des coquilles d’huîtres, des cendres, des fragments de poteries et on trouva même un pot tout entier, et tout cela à une profondeur de 16 pouces au-dessous de la surface.

La seconde tranchée fut creusée du côté inférieur de la villa, c’est-à-dire de celui situé vers l’ouest : la terre végétale avait là une épaisseur de 6 pouces et demi seulement, et elle reposait sur une masse de terre fine pleine de pierres, de fragments de briques et de mortier, épaisse de 34 pouces, et au-dessous d’elle venait le sable resté intact et non remué. Il est probable que la majeure partie de cette terre avait été enlevée de la partie supérieure du champ par la pluie, et que les fragments de pierres et de briques, etc. ont dû venir des ruines immédiatement adjacentes.

Au premier abord, il semble surprenant qu’un champ de terre légère et sablonneuse ait été cultivé et labouré pendant de longues années, sans qu’on ait découvert trace de ces bâtiments. On ne soupçonnait même pas l’existence des restes d’une villa romaine si près de la surface du sol. Mais la chose surprendra moins, si l’on admet que, ainsi que le bailli le croit, le sol n’ait jamais été labouré à plus de 4 pouces de profondeur. Certainement, quand le sol a été labouré pour la première fois, le pavé et les ruines des murs environnants devaient se trouver recouverts d’au moins 4 pouces de terre, sans cela l’assise de béton en décomposition aurait été entamée par le soc de la charrue, les tesserœ auraient été arrachées et amenées à la surface, et le sommet des vieux murs renversé.

Tout d’abord, quand on déblaya le béton et les tesserœ sur une surface de 14 pieds sur 9, le sol était revêtu de terre tassée sous les pieds des ouvriers, et ne montrait rien qui prouvât qu’il avait été percé de galeries par les vers ; la terre fine de la surface ressemblait bien d’une façon exacte à celle accumulée en beaucoup d’endroits et dont on savait avec certitude qu’elle l’avait été par les vers, mais il ne paraissait cependant guère possible que cette terre eût été apportée par les vers de dessous un sol intact en apparence. Il semblait donc fort probable que les épaisses parois entourant la chambre et encore unies avec le béton, eussent été minées par les vers et eussent subi ainsi un affaissement, et que plus tard elles eussent été recouvertes par leurs déjections. Ma première idée fut donc que toute la terre fine au-dessus des ruines avait été détachée des parties supérieures du champ par la pluie ; mais nous allons voir tout à l’heure que ma conclusion était certainement fausse, bien qu’il soit constaté qu’une grande quantité de terre fine est détachée par les fortes pluies dans l’état labouré dans lequel se présente maintenant la partie supérieure du champ.

Bien que tout d’abord le parquet de béton ne semblât pas avoir été traversé en aucun point par les vers, le matin suivant ils avaient soulevé de l’ouverture de sept galeries de petites plaques de la terre tassée sous les pas des ouvriers ; ces galeries traversaient les parties les plus tendres du béton mis à nu, ou couraient dans les intervalles des tesseræ. Le matin du troisième jour, on compta 25 de ces galeries ; et, en soulevant soudainement les petites plaques de terre, on vit quatre vers en train de se retirer rapidement. Deux déjections furent déposées sur le sol pendant la troisième nuit, et elles étaient de grande taille. La saison n’était pas favorable à une pleine activité des vers, et le temps avait dans les derniers jours été chaud et sec, de sorte que la plupart des vers vivaient alors à une profondeur considérable. En creusant les deux tranchées, on rencontra un grand nombre de galeries ouvertes et un certain nombre de vers à une profondeur de 30 à 40 pouces au-dessous de la surface ; mais plus bas ils devenaient rares. Cependant, on coupa en travers le corps d’un vers à 48 pouces et demi de la surface, et un autre à 51 1/2. Une galerie de fraîche date garnie d’humus à l’intérieur fut aussi rencontrée à une profondeur de 57 pouces et un autre à 65 1/2.

Comme je désirais savoir combien il vivait de vers au-dessous du sol de l’atrium (espace de 14 pieds environ sur 9), M. Farrer eut la bonté de faire des observations pour mon compte, pendant les sept semaines suivantes, époque à laquelle les vers étaient en pleine activité dans le pays d’alentour, et où ils travaillaient près de la surface. Il est très peu probable que les vers aient passé du champ adjacent dans l’espace restreint de l’atrium, après qu’on eut enlevé la terre végétale de la superficie, leur séjour de prédilection. Nous sommes donc bien en droit de conclure que les galeries et les déjections que l’on vit ici les sept semaines suivantes, étaient l’œuvre de ceux qui habitaient auparavant cet espace. Je donnerai maintenant quelques indications empruntées aux notes de M. Farrer.

26 août 1877, c’est-à-dire cinq jours après qu’on eut déblayé le plancher de l’atrium. — La nuit d’auparavant il y avait eu une forte pluie qui avait bien lavé la surface, et l’on compta 40 ouvertures de galeries. Certaines parties du béton étaient, comme on vit, encore fermes, et les vers n’y avaient pas pénétré, l’eau de pluie s’y arrêtait.

5 septembre. — On voyait à la surface du sol des traces laissées par les vers la nuit précédente ; ils avaient déposé cinq à six déjections vermiformes, mais elles étaient défigurées.

12 septembre. — Pendant les six derniers jours, les vers n’avaient pas travaillé, bien que dans les champs d’alentour nombre de déjections eussent été déposées ; mais ce jour-là la terre fut un peu soulevée au-dessus des ouvertures des galeries, où bien des déjections furent déposées en dix endroits nouveaux. Ces déjections étaient défigurées. Il faut bien s’entendre sur ce point que, lorsqu’on parle ici d’une nouvelle galerie, cela veut dire simplement en général qu’une galerie ancienne a été ouverte de nouveau. M. Farrer a été à différentes reprises frappé de la persévérance apportée par les vers à rouvrir leurs anciennes galeries, lors même qu’ils n’en rejetaient pas de terre. J’ai de mon côté souvent observé le même fait, et, en général, l’ouverture des galeries est protégée par un amas de petits cailloux, de bâtons ou de feuilles. M. Farrer a également observé que les vers vivant au-dessous du sol de l’atrium amassaient souvent, autour de l’ouverture de leurs galeries, de gros grains de sable, et toutes les petites pierres qu’ils pouvaient trouver.

13 septembre ; temps doux et humide. En 31 points différents il y eut réouverture des galeries ou déjections déposées, ces dernières toutes déformées.

14 septembre ; 34 trous ou déjections de fraîche date, ces dernières déformées toutes.

15 septembre ; 44 trous nouveaux et seulement 5 déjections, toutes déformées.

18 septembre ; 43 trous nouveaux, 8 déjections déformées.

Le nombre des déjections dans les champs d’alentour était maintenant très considérable.

19 septembre ; 40 trous, 8 déjections (déformées).

22 septembre ; 43 trous, seulement quelques déjections nouvelles (déformées).

23 septembre ; 44 trous, 8 déjections.

25 septembre ; 50 trous, pas d’indications sur le nombre des déjections.

13 octobre ; 61 trous ; le nombre des déjections n’est pas rapporté.

Après un intervalle de 3 ans, M. Farrer examina de nouveau, sur ma demande, le sol de béton et il trouva les vers encore à l’œuvre.

Sachant quelle force musculaire les vers possèdent, et voyant le béton si tendre en beaucoup de points, je ne fus pas surpris de le trouver pénétré par leurs galeries ; mais un fait beaucoup plus surprenant, c’est que M. Farrer reconnut que le mortier, entre les pierres non taillées des épaisses parois qui limitaient les chambres, avait été traversé par les vers. Le 26 août, c’est-à-dire 5 jours après la mise à jour des ruines, il observa les ouvertures de 4 galeries sur le faîte brisé de la paroi orientale (W dans la figure 8), et, le 15 septembre, on trouva d’autres ouvertures dans le même lieu. Il faut aussi noter que dans la paroi perpendiculaire de la tranchée (elle était beaucoup plus profonde qu’elle n’est représentée dans la figure 8), on découvrit 3 galeries de construction récente, courant obliquement bien au-delà de la base de l’ancienne paroi.

Nous voyons donc qu’un grand nombre de vers vivaient au-dessous du sol et des parois de l’atrium, à l’époque à laquelle on fit les fouilles ; et, ensuite, qu’ils apportaient presque journellement à la surface, de la terre provenant d’une grande profondeur. Il n’y a pas la moindre raison de douter que les vers n’aient toujours agi ainsi, depuis l’époque à laquelle le béton fut assez décomposé pour leur permettre de le traverser ; et même avant cette époque, ils auront probablement habité au-dessous du sol, dès qu’il aura laissé passage à la pluie de manière à maintenir humide la terre au-dessous. Sol et parois doivent ainsi avoir été minés sans interruption, et de la terre fine a dû être accumulée par-dessus pendant de longs siècles, pendant un millier d’années peut-être. Les galeries au-dessous des parois et du sol, étaient probablement aussi nombreuses autrefois qu’elles le sont maintenant, si, avec le temps, elles ne s’étaient pas écroulées de la manière décrite plus haut, la terre sous-jacente aurait été criblée de passages comme une éponge ; mais comme il n’en est rien, nous pouvons être sûrs qu’elles se sont écroulées. Le résultat inévitable d’un tel écroulement pendant des siècles consécutifs aura été l’affaissement lent du sol et des parois, et leur enfouissement sous les déjections accumulées. L’affaissement d’une surface pendant qu’elle est encore presque horizontale, peut paraître improbable au premier abord ; mais la chose ne présente en réalité pas plus de difficulté que pour le cas des objets disséminés librement à la surface d’un champ, et nous avons vu que dans le cours de quelques années, ils s’étaient enfouis plusieurs pouces au-dessous de la surface, bien qu’ils formassent encore une couche parallèle à celle-ci. L’enfouissement du sentier pavé et bien de niveau dans ma prairie est un cas analogue qui s’est offert à ma propre observation. Même les parties du sol de béton que les vers n’ont point pu percer, auront été presque certainement minées et se seront affaissées comme les grandes pierres de Leith Hill Place et de Stonehenge, car le sol au-dessous doit avoir été humide. Mais la vitesse de l’affaissement n’aura pas été tout à fait égale dans les différentes parties, et le sol ne resta pas complètement de niveau. Les fondations des murs d’enceinte sont, ainsi que le montre la section, à une très petite profondeur de la surface ; elles auront donc tendu à s’affaisser à peu près aussi vite que le sol de béton. Ceci ne serait pas arrivé, si les fondations avaient été profondes comme dans le cas de quelques autres ruines romaines que nous décrirons tout à l’heure.

En dernier lieu, nous pouvons admettre qu’une grande partie de la terre végétale fine qui couvrait le sol et les restes des parois renversés de cette villa, et qui, en certains endroits, atteignait une épaisseur de 16 pouces, a été apportée d’en bas par les vers. Des faits que nous indiquerons ci-après, ne laissent pas de doute qu’une partie de la terre la plus fine, ainsi ramenée en haut, n’ait été détachée, à chacune des fortess pluies, de la surface en pente du champ. Si cela n’avait pas eu lieu, il se serait accumulé sur les ruines une plus grande quantité de terre végétale que celle qui s’y trouve à présent. Mais, outre les déjections des vers, un peu de terre apportée à la surface par des insectes et une certaine quantité de poussière, il a dû venir des parties supérieures du champ, depuis qu’il est cultivé, une grande quantité de terre fine entraînée par la pluie ; de dessus les ruines, elle sera passée dans les parties inférieures de la pente, et l’épaisseur actuelle de la terre végétale est la résultante de ces divers agents.

Je puis ajouter ici un exemple d’affaissement de pavé qui a eu lieu de nos jours ; il m’a été communiqué en 1871 par M. Ramsay, directeur du Geological Survey (comité pour le relevé géologique du terrain) of England. Un passage non couvert, de 7 pieds de long sur 3 pieds 2 pouces de large, menait de sa maison dans le jardin, et était pavé de dalles de pierre de Portland. Plusieurs de ces dalles avaient une surface de 16 pouces carrés, d’autres étaient plus grandes et quelques-unes un peu plus petites. Ce pavé s’était affaissé d’à peu près 3 pouces tout le long au milieu du passage, et de deux pouces de chaque côté ; c’est ce que l’on pouvait voir aux lignes de ciment qui avaient originairement uni les dalles aux murs. Le pavé était donc devenu légèrement concave tout le long au milieu ; mais il n’y avait pas d’affaissement à l’extrémité, tout près de la maison. M. Ramsay ne pouvait pas s’expliquer cet affaissement, jusqu’au moment où il remarqua que des déjections de terre noire étaient souvent déposées le long des lignes de jonction entre les dalles, déjections que le balayeur faisait régulièrement disparaître. Les différentes lignes de jonction, y compris celles d’avec les murs latéraux, avaient en tout une longueur de 39 pieds 2 pouces, le pavé n’avait pas l’air d’avoir été rechangé et la maison avait été, paraît-il, bâtie 87 ans auparavant. En tenant lieu de toutes ces circonstances, M. Ramsay ne doute pas que la terre rapportée en haut par les vers depuis le premier pavement, ou plutôt, depuis que la décomposition du mortier a permis aux vers d’y creuser leurs galeries, par conséquent en beaucoup moins de 87 ans, a suffi à faire affaisser le pavé au point indiqué plus haut ; ce qui n’a pas eu lieu tout contre la maison, où le sol sous-jacent sera resté presque sec.

Beaulieu Abbey Hampshire. — Cette abbaye a été détruite par Henri VIII, et il ne reste aujourd’hui qu’une partie du mur de l’aile située vers le sud. Le roi a, pense-t-on, fait enlever la plupart des pierres pour bâtir un château ; en tout cas, elles ne sont pas restées sur place. La position du transept de la nef fut déterminée, il n’y a pas longtemps, lorsqu’on trouva les fondations, et la place en est maintenant marquée par des pierres enfoncées dans le sol. Là où autrefois se dressait l’abbaye, s’étend aujourd’hui une surface unie de gazon qui ressemble à tous égards au reste du champ. Le gardien, qui est très vieux, dit que le sol n’a jamais été nivelé de son temps. En 1853, le duc de Buccleugh fit creuser trois trous dans le sol, à quelques toises l’un de l’autre, à l’extrémité occidentale de la nef, et c’est ainsi que l’on découvrit le pavé en mosaïque de l’abbaye. Ces trous furent ensuite bordés de maçonnerie et garnis de trappes de manière à pouvoir sans difficulté inspecter et conserver le pavé. En examinant l’endroit le 5 janvier 1872, mon fils William trouva que le pavé gisait dans les trois trous à des profondeurs respectives de 6 3/4 pouces, 10 et 11 1/2 au-dessous de la surface de gazon d’alentour. Le vieux gardien assura qu’il devait souvent enlever du pavé des déjections de vers, et il l’avait fait à peu près six mois auparavant. Mon fils recueillit toutes celles de l’un des trous, dont la superficie était de 5,32 pieds carrés et la masse totale pesait 7,97 onces. En admettant que cette quantité se soit accumulée en six mois, le montant en un an sur une toise carrée, serait de 1,68 livres ; c’est là, sans doute, une quantité considérable, mais elle est encore très petite, comparée à celle qui, comme nous l’avons vu, est souvent déposée dans les champs et les pâturages. Lorsque, le 22 juin 1877, je visitai l’abbaye, le vieillard me dit qu’il avait déblayé les trous environ un mois auparavant, mais bon nombre de déjections avaient été déposées depuis. Je soupçonne qu’il imagine avoir balayé le pavé plus souvent qu’il ne l’a fait en réalité, car, à plusieurs égards, les conditions étaient très peu favorables à l’accumulation même d’une petite quantité de déjections. Les carreaux sont assez larges, c’est-à-dire à peu près 5 1/2 pouces carrés, et le mortier entre les carreaux était, dans la plupart des endroits, intact, de sorte que les vers ne pouvaient amener de la terre de dessous qu’en certains points. Les carreaux reposaient sur un lit de béton et, en conséquence, les déjections consistaient en grande partie (à savoir, dans la proportion de 19 à 33) de particules de mortier, de grains de sable et de petits fragments de roc, de brique ou de carreau, et ces substances ne sauraient guère être agréables aux vers et, à coup sûr, elles ne sont pas nutritives pour eux.

Mon fils creusa des trous en différents endroits dans l’espace circonscrit par les anciens murs de l’abbaye et à plusieurs toises de distance des carrés en brique décrits plus haut. Il ne trouva pas de carreaux, bien qu’ils se rencontrent en d’autres parties, comme on sait ; mais en un point il rencontra du béton, sur lequel des carreaux avaient autrefois reposé. La terre végétale fine au-dessous de l’herbe, sur les côtés des différents trous, avait une épaisseur qui variait de deux pouces seulement jusqu’à 2 3/4 pouces et elle reposait sur une assise de 8 3/4 pouces à plus de 11 pouces consistant de fragments de mortier et de débris de pierres avec les intervalles exactement comblés de terre noire. Dans le champ d’alentour, à une distance de 20 toises de l’abbaye, la terre végétale fine était épaisse de 11 pouces.

Des faits précédents on peut conclure que, lorsque l’abbaye fut détruite et les pierres enlevées, il resta sur toute la surface une assise de décombres ; dès que les vers purent traverser le béton décomposé, et les jointures entre les carreaux, ils comblèrent lentement de leurs déjections les interstices laissés dans les décombres gisant au-dessus, et ces déjections s’accumulèrent ensuite jusqu’à une épaisseur de presque 3 pouces sur toute la surface. En ajoutant à cette quantité la terre qui se trouve entre les fragments de pierres, environ 5 à 6 pouces de terre ont dû être apportés de dessous le béton ou les carreaux. Le béton ou les carreaux ont dû, par conséquent, s’affaisser d’à peu près autant. La base des colonnes des ailes est maintenant enterrée sous la terre végétale et le gazon. Il n’est pas probable qu’elle ait été minée par les vers, car les fondations auront certainement été posées à une profondeur considérable. Si les colonnes ne se sont pas affaissées, les pierres dont elles étaient construites ont dû être enlevées de dessous le niveau primitif du sol.

Chedworth, Gloucestershire. — En 1866, on a découvert en ce lieu les restes d’une grande villa romaine sur un terrain qui, de temps immémorial, avait été couvert de bois. Il semble qu’on n’avait jamais soupçonné que des constructions anciennes fussent enterrées jusqu’à ce qu’un garde-chasse, en fouillant des garennes de lapins, rencontra les ruines[3]. Mais par la suite on découvrit dans différentes parties du bois, le sommet de murs en pierres, faisant un peu saillie au-dessus de la surface du sol. La plupart des pièces de monnaie trouvées ici datent de Constance (qui mourut en 350 de l’ère chrétienne) et de la famille de Constantin. Mes fils Francis et Horace visitèrent l’endroit au mois de novembre 1877, pour déterminer le rôle que pouvaient avoir joué les vers dans l’enfouissement de ruines aussi étendues. Mais, les ruines étant entourées de trois côtés par des talus assez escarpés dont la terre est emportée en bas par la pluie, le lieu n’était guère favorable aux recherches. En outre la plupart des appartements anciens avaient été recouverts de toits pour protéger les pavés élégants de mosaïque.

Quant à l’épaisseur du sol au-dessus de ces ruines, je puis y ajouter quelques indications encore. Tout près des chambres situées vers le nord, il y a un mur endommagé dont le sommet était recouvert d’une couche de terre noire de 6 pouces d’épaisseur ; en creusant un trou du côté extérieur de ce mur, où le sol n’avait jamais été remué auparavant, on trouva de la terre noire, pleine de pierres et épaisse de 26 pouces, reposant sur le sous-sol intact d’argile jaune. À 22 pouces de la surface, on rencontra une mâchoire de cochon et un fragment de carreau. Quand on fit les premières fouilles, de grands arbres poussaient sur les ruines et le tronc de l’un d’eux était encore en place immédiatement au-dessus d’un mur de séparation près de la chambre de bains, pour montrer l’épaisseur de la couche superposée et elle s’élevait ici à 38 pouces. Dans une petite chambre qui, après avoir été déblayée, n’avait pas été recouverte d’un toit, mes fils observèrent une galerie de vers traversant le béton en décomposition et on trouva un ver en vie à l’intérieur de ce béton. Dans une autre chambre à ciel ouvert, on vit sur le sol des déjections de vers ; il s’y était ainsi accumulé un peu de terre à la surface et il y poussait maintenant de l’herbe.

Brading, île de Wight. — On y a découvert en 1880 une belle villa romaine et à la fin du mois d’octobre on avait plus ou moins complètement déblayé jusqu’à 18 chambres. On trouva une pièce de monnaie datant de 337 de notre ère. Mon fils William visita l’endroit avant la fin des fouilles ; il me communique que, dans la plupart des chambres, le sol était d’abord couvert de beaucoup de décombres et de pierres renversées dont les intervalles étaient complètement comblés de terre végétale ; dans cette terre il y avait, au dire des ouvriers, une masse de vers ; au-dessus, il y avait de la terre sans aucunes pierres. La masse entière avait dans la plupart des endroits de 3 pieds jusqu’à plus de 4 pieds d’épaisseur. Dans une chambre très grande, la terre superposée n’était épaisse que de 2 pieds 6 pouces, et, après qu’on l’eût enlevée, il y eut tant de déjections périodiquement déposées entre les carreaux qu’on fut obligé de balayer la surface presque tous les jours. Dans la plupart des chambres, le sol était bien de niveau. Le sommet des murs en ruines n’était, en certains endroits, recouvert que de 4 à 5 pouces de terre seulement, de sorte qu’à l’occasion, la charrue venait à le heurter ; mais en d’autres endroits, il était recouvert d’une épaisseur de 13 à 18 pouces de terre. Il n’est pas probable que ces murs puissent avoir été minés par les vers et s’être affaissés, car les fondations reposaient sur un sable rouge très dur dans lequel des vers ne pouvaient guère creuser de galeries. Pourtant le mortier entre les pierres des murs d’un hypocauste avait été traversé par un grand nombre de galeries de vers, comme mon fils le remarqua. Les restes de cette villa se trouvent sur un sol descendant en pente sous un angle d’environ 3 degrés et ce sol paraît être en culture depuis longtemps. Une grande quantité de terre fine a donc, sans doute, été enlevée aux parties supérieures du champ par la pluie et a puissamment contribué à l’enfouissement de ces ruines.

Silchester, Hampshire. — Les ruines de cette petite villa romaine ont été mieux conservées que n’importe quelles autres de même sorte, en Angleterre. Les restes d’un mur, haut dans la plupart des endroits de 15 à 18 pieds et s’étendant en cercle sur un mille et demi environ, circonscrivent aujourd’hui un espace d’à peu près 100 acres de terre cultivée, sur laquelle se dressent une ferme et une église[4]. Autrefois, quand le temps était sec, on pouvait poursuivre la ligne des murs ensevelis sous terre, d’après l’aspect offert par la moisson en pied ; et récemment des fouilles très étendues ont été entreprises par le duc de Wellington, sous la direction de feu le Révérend J.-G. Joyce, et elles ont mis à découvert un grand nombre de constructions de vastes dimensions. M. Joyce a fait des sections bien soignées, qu’il a coloriées, et il a mesuré l’épaisseur de chaque couche de décombres pendant que les fouilles se faisaient ; je dois à son obligeance des copies de plusieurs d’entre elles. Lorsque mes fils Francis et Horace allèrent visiter ces ruines, il les y accompagna et ajouta ses notes aux leurs.

M. Joyce présume que la villa a été habitée par les Romains à peu près trois siècles ; il a dû, sans doute, s’accumuler beaucoup de décombres à l’intérieur de l’enceinte pendant cette longue période. La villa paraît avoir été détruite par un incendie et la plupart des pierres qui avaient servi aux constructions ont été enlevées depuis. Ces circonstances ne facilitent pas la détermination du rôle joué par les vers dans l’enfouissement des ruines ; mais comme on a rarement ou qu’on n’a même jamais fait en Angleterre de sections soigneuses des décombres recouvrant une villa ancienne, je vais donner des copies des parties les plus caractéristiques de quelques-unes de celles faites par M. Joyce. Elles sont trop longues pour pouvoir figurer ici dans toute leur étendue.

Une section de l’est à l’ouest, longue de 30 pieds, fut faite à travers une chambre dans la basilique, appelée maintenant « salle des marchands ». Le sol dur de béton encore couvert çà et là de tesseræ, se trouva à 3 pieds au-dessous de la surface du champ qui ici était horizontal. Sur le sol de béton, il y avait deux grands tas de bois carbonisé dont un seulement est figuré dans la partie de la section ci-contre. Ce tas était couvert d’une mince assise blanche de stuc ou plâtre en décomposition, au-dessus de laquelle était une masse d’une apparence singulièrement tourmentée et composée de morceaux de carreaux, de mortier, de décombres et




Fig. 9. — Section dans une chambre de la Basilique à Silchester. Échelle 1/18.
de gravier fin, épaisse en tout de 27 pouces. M. Joyce pense qu’on se servit du gravier pour faire le mortier ou béton qui s’est décomposé depuis, probablement par la dissolution d’une partie de la chaux. L’état




Fig. 10. — Section d’une salle de la Basilique de Silchester. Échelle 1/32.
tourmenté des décombres peut être dû à ce qu’on y a cherché depuis des pierres de construction. Ce lit était couvert de terre végétale fine, épaisse de 9 pouces. Ces faits nous permettent de conclure que la salle fut détruite par un incendie et que beaucoup de décombres tombèrent sur le sol ; les vers les traversèrent et en apportèrent lentement en haut la terre végétale qui forme maintenant la surface horizontale du champ.

La figure 10 représente une section médiane d’une autre salle de la Basilique, appelée œvarium ; cette salle a 32 pieds 6 pouces de long. Il semble que nous ayons ici les traces de deux incendies séparés par une période pendant laquelle se sont accumulés les 6 pouces de « mortier et de béton avec les fragments de carreaux. » Au-dessous d’une des assises de bois carbonisé, on a trouvé une pièce d’une grande valeur, une aigle en bronze, ce qui prouve que les soldats ont dû déserter la place dans un moment de panique. La mort de M. Joyce m’a empêché de déterminer au-dessous de laquelle des deux assises l’aigle avait été trouvée. Le lit de blocaille superposé au gravier resté intact formait, je pense, le sol primitif, car il est de niveau avec celui d’un corridor en dehors des murs de la salle ; mais le corridor n’est pas marqué sur la section donnée ci-contre. L’épaisseur maximum de la terre végétale était de 16 pouces, et de la surface du champ revêtu de gazon jusqu’au gravier resté intact, l’épaisseur était de 40 pouces.

La section montrée par la figure 11 représente une excavation faite au milieu de la ville et elle est citée ici parce que le lit de terre « végétale riche » atteignait, à ce que rapporte M. Joyce, l’épaisseur assez rare de 20 pouces. Il y avait du gravier à une profondeur de 48 pouces de la surface ; mais on n’a pas déterminé s’il était là dans sa position naturelle, ou s’il avait été rapporté et renfoncé, comme cela se présente en quelques autres endroits.



Fig. 11. — Section d’une salle de la Basilique de Silchester. Échelle 1/32.


La section que montre la figure 12 a été prise au centre de la Basilique, mais bien qu’elle ait 5 pieds de profondeur, on n’a pas atteint le sous-sol naturel. Le lit indiqué sous le nom de « béton » a probablement été autrefois le niveau d’un sol d’appartement, tandis que les lits au-dessous paraissent les restes de bâtisses plus anciennes. La terre végétale n’avait ici que 9 pouces d’épaisseur. Dans quelques autres sections qui n’ont pas été copiées ici, nous avons aussi des exemples de bâtiments élevés sur les ruines d’autres plus anciens. Dans un des cas, il y avait une assise d’argile jaune d’épaisseur très inégale entre deux lits de débris dont l’intérieur reposait sur un sol de tesseræ. Les restes des vieux murs paraissent avoir, dans quelques cas, été grossièrement abattus jusqu’à un niveau uniforme, de manière à fournir des fondations pour un bâtiment provisoire ; M. Joyce soupçonne que quelques-uns de ces bâtiments étaient des hangars de claies plaqués d’argile, ce qui expliquerait la présence de l’assise d’argile mentionnée plus haut.

Retournons maintenant à ce qui nous intéresse plus immédiatement. On observa des déjections de vers sur le sol de plusieurs des chambres et dans l’une d’elles la mosaïque était d’une rare perfection. Les tesseræ consistaient ici de petits cubes de grès dur, d’environ 1 pouce, et plusieurs d’entre eux étaient détachés et saillaient légèrement au-dessus du niveau général. Sous tous les tesseræ détachés, on trouva une ou quelquefois deux galeries ouvertes de vers. Ainsi donc les vers avaient traversé les vieilles parois de ces ruines. On examina un mur qui venait d’être mis à jour pendant les fouilles alors entreprises ; il avait été construit de gros silex et avait 18 pouces d’épaisseur. Il paraissait encore en bon état, mais quand on enleva le sol au-dessous, on trouva, dans la partie inférieure, le mortier tellement décomposé que les silex s’en détachèrent par leur simple poids. Au milieu du mur, à 29 pouces de profondeur, au-dessous de l’ancien sol de la chambre et à 49 1/2 pouces de la surface du champ, on trouva un ver en vie, et le mortier était traversé par plusieurs galeries.




Figure 12. — Section du centre de la Basilique de Silchester.

En mettant à découvert, pour la première fois, un autre mur, on vit sur son sommet en ruines l’ouverture d’une galerie. On la poursuivit très bas dans l’intérieur du mur en séparant les silex les uns des autres ; mais, quelques-uns d’entre eux étant fort adhérents, on dérangea le tout en abattant le mur, ce qui empêcha de poursuivre la galerie jusqu’au fond. Dans un troisième cas, les fondations en apparence bien conservées d’un autre mur gisaient à une profondeur de 4 pieds au-dessous de l’un des sols et naturellement à une profondeur bien plus considérable au-dessous du niveau de la terre. On arracha du mur un gros silex à environ un pied de la base, ce qui demanda beaucoup de force, le mortier étant encore bien conservé ; mais derrière le silex, au milieu du mur, le mortier était friable et il y avait là des galeries de vers. M. Joyce et mes fils s’étonnèrent de trouver le mortier si noir dans ce cas-ci et dans plusieurs autres, et aussi d’y rencontrer de la terre végétale à l’intérieur des murs. Il se peut qu’une partie de cette terre ait été mise là au lieu de mortier par les auteurs de ces anciennes bâtisses, mais il ne faut pas oublier non plus que les vers garnissent d’humus noir l’intérieur de leurs galeries. D’autre part, il est presque certain que des espaces libres auront été, à l’occasion, laissés entre les gros silex de forme irrégulière, et nous pouvons être sûrs que les vers auront comblé de leurs déjections ces espaces, dès qu’ils purent percer la paroi. L’eau de pluie suintant le long des galeries aura aussi transporté dans toutes les crevasses de petites parcelles de couleur foncée. M. Joyce, au commencement, fut très sceptique à l’égard de la somme de travail que j’attribuais aux vers, mais à la fin des notes qui se rapportent aux murs mentionnés en dernier lieu, il ajoute : « Ce dernier cas me causa plus de surprise et contribua davantage à me convaincre qu’aucun autre. J’aurais pu dire, et il m’arriva de le faire, qu’il était tout à fait impossible que des vers eussent traversé un tel mur. »



Fig. 13. — Section du sol affaissé dans une chambre pavée de tesseræ à Silchester. Échelle 1/40. Nord, ligne horizontale, sud.


Dans presque toutes les chambres, le pavé s’est affaissé beaucoup, surtout vers le milieu ; c’est ce que montrent les trois sections ci-après. On prit les mesures en tendant une corde fortement et dans une direction horizontale au-dessus du sol. La section de la fig. 13 fut prise du nord au sud en travers d’une chambre longue de 18 pieds 4 pouces, avec un pavé presque intact, tout près du « Red Wooden Hut ». Dans la moitié située vers le nord, l’affaissement allait jusqu’à 5 ¾ pouces au-dessous du niveau du sol, tel qu’il se trouve maintenant tout près des parois ; cet affaissement était plus considérable dans la moitié vers le nord que dans celle vers le sud ; mais d’après M. Joyce, le pavé en entier s’est évidemment affaissé. En plusieurs endroits, les tesseræ semblaient comme un peu écartés des parois, tandis que dans d’autres ils étaient encore en contact intime avec elles.

Dans la fig. 14, nous voyons une section du sol pavé du corridor méridional ou ambulatoire d’un quadrilatère dans une fouille faite près de « the Spring ». Le pavé a une largeur de 7 pieds 9 pouces, et les murs en ruines font maintenant saillie de 3/4 de pouce au-dessous de son niveau. Le champ en pâturage était incliné ici de 3° 40 du nord au sud. La nature du sol de chaque côté du corridor est indiquée dans la section. Il consistait en terre remplie de pierres et d’autres débris, couvert d’humus foncé en couche plus épaisse du côté le plus bas, c’est-à-dire méridional, que de celui situé vers le nord. Le pavé était à peu près de niveau, sur des lignes tirées parallèlement aux parois latérales, mais il s’était affaissé au milieu jusqu’à 7 3/4 pouces.

Une petite chambre située non loin de celle représentée dans la fig. 13, avait été agrandie du côté méridional par le locataire romain ; il y avait ajouté 5 pieds 4 pouces dans la largeur. Pour cela, on avait abattu le mur méridional de la maison, mais les fondations de l’ancien mur étaient restées enfouies à une petite profondeur au-dessous du pavé de la chambre ainsi agrandie. M. Joyce croit que ce mur enfoui doit avoir été bâti avant le règne de Claudius II, qui mourut en 270 de l’ère chrétienne. Nous voyons dans la section



Fig. 14. — Section du nord au sud du sol affaisé d’un corridor pavé de terreræ. En dehors des ruines des murs extérieurs, on a montré, sur une petite étendue, le sol dans lequel les fouilles étaient faites. La nature du sol au-dessous des tesseræ est inconnue. Silchester. Échelle 1/36.
ci-contre de la figure 15 que le pavé en mosaïque s’est affaissé moins au-dessus du mur enfoui qu’ailleurs ; et ainsi s’étend à travers la chambre, en ligne droite, une légère convexité ou protubérance. C’est ce qui nous amena à y faire creuser un trou, et alors on découvrit le mur enfoui dessous.

Dans ces trois sections et dans plusieurs autres qui ne sont pas données ici, nous voyons que les anciens pavés se sont affaissés considérablement. Autrefois M. Joyce attribuait cet affaissement simplement au lent tassement du sol. Qu’il y ait eu tassement jusqu’à un certain point, cela est fort probable, et on peut voir dans la section 15 qu’au-dessus de la partie de la chambre agrandie vers le sud qui doit avoir été bâtie sur un sol encore lâche, le pavé s’était, sur une largeur de 5 pieds, affaissé un peu plus qu’il ne l’avait fait dans la partie ancienne au nord. Mais cet affaissement peut bien n’avoir pas de rapport avec l’agrandissement de la chambre ; car, dans la figure 13, une moitié du pavé s’est affaissée plus que l’autre moitié, sans cause apparente. Dans un passage garni de briques conduisant à la maison même de M. Joyce et construit il y a six ans seulement, il est survenu la même espèce d’affaissement que dans les bâtiments d’ancienne date. Néanmoins il ne semble pas probable que cela puisse expliquer l’affaissement dans sa totalité. Les architectes romains creusaient le sol à une profondeur extraordinaire pour y poser les fondations de leurs murs et ceux-ci étaient épais et bien solides ; il est donc à peine croyable qu’ils n’aient





Fig. 15. — Section du sol affaissé d’une chambre pavée de tesseræ ainsi que des murs extérieurs en ruines de la même chambre à Silchester, cette chambre avait été agrandie autrefois et les fondations de l’ancien mur étaient restées enterrées. Échelle 1/40.
pas fait attention si le lit sur lequel reposaient leurs pavés en mosaïque et souvent garnis d’autres ornements était solide ou non. Il faut donc, ce me semble, attribuer l’affaissement en majeure partie à ce que le pavé a été miné par les vers, et nous savons qu’ils y travaillent encore. M. Joyce même a fini par admettre que leur action doit avoir eu des effets considérables. La grande quantité de terre fine recouvrant les pavés peut ainsi s’expliquer, et sans cela on ne saurait en donner de raison. Mes fils ont observé que dans une chambre dans laquelle le pavé ne s’était affaissé que très peu, la quantité de la terre superposée était extraordinairement petite.

Les fondations des murs gisant généralement à une profondeur considérable, ou bien elles ne se sont pas affaissées du tout par l’action des travaux de mines exécutés par les vers, ou bien elles seront affaissées beaucoup moins que le sol même de la chambre. Ce dernier résultat proviendrait de ce que les vers ne travaillent pas souvent beaucoup au-dessous des fondations, mais plus spécialement encore de ce que les murs ne cèdent pas, quand ils sont traversés par les vers, tandis que les galeries successivement formées dans une masse de terre d’une profondeur et d’une épaisseur égale à celle de l’un des murs, auraient coulé bien des fois depuis l’abandon des ruines et se seraient affaissées. Les murs ne pouvant pas s’affaisser beaucoup, ou ne le pouvant pas du tout, le pavé immédiatement adjacent aura été empêché de céder par son adhérence à eux. Ainsi, la courbure actuelle du pavé est bien facile à comprendre.

Ce qui m’a surpris le plus, par rapport à Silchester, c’est que pendant toute la série de siècles qui se sont écoulés depuis l’abandon des anciens bâtiments, la terre végétale ne se soit pas accumulée au-dessus d’eux en couche plus épaisse que celle observée ici. Dans la plupart des endroits, elle n’a que 9 pouces environ d’épaisseur, mais en quelques lieux elle a 12 pouces et même davantage. Dans la fig. 12, elle est indiquée comme épaisse de 20 pouces, mais cette section a été dessinée par M. Joyce, avant que son attention se fût spécialement concentrée sur ce point. Le sol circonscrit par les anciens murs est décrit comme incliné légèrement vers le sud ; mais il y a des parties qui, d’après M. Joyce, sont presque horizontales, et il paraît que la terre végétale est en général plus épaisse ici qu’ailleurs. Dans d’autres portions, la surface s’incline de l’ouest à l’est, et M. Joyce décrit le sol d’une chambre comme couvert, à l’extrémité occidentale, de décombres et de terre végétale jusqu’à 28 1/2 pouces d’épaisseur, mais à l’extrémité située vers l’est l’épaisseur du revêtement n’est que de 11 1/2 pouces. Une pente très faible suffit pour que les déjections de fraîche date s’écoulent vers le bas par les fortes pluies ainsi une grande quantité de terre finira par arriver aux ruisseaux et aux rivières du voisinage, et elle sera emportée au loin. Par là peut s’expliquer, je crois, l’absence de couches puissantes de terre végétale sur ces anciennes ruines. Ici, la plus grande partie du terrain a d’ailleurs été en culture depuis longtemps, et cela aura beaucoup contribué à ce que la pluie enlève de la terre fine.

La nature des assises immédiatement au-dessous de la terre végétale est, dans quelques-unes des sections, un peu embarrassante. Nous voyons, par exemple, dans la section d’une tranchée pratiquée dans une prairie (fig. 14), inclinée du nord au sud sous un angle de 3° 40’, que la terre végétale du côté supérieur n’a que 6 pouces d’épaisseur, et qu’elle en a 9 du côté inférieur. Mais cette terre repose sur une masse (d’une épaisseur de 25 1/2 pouces du côté supérieur) « de terre végétale d’un brun foncé, comme dit M. Joyce, parsemée d’un grand nombre de petits cailloux et de morceaux de carreaux d’apparence corrodée ou usée » L’état de cette terre de couleur foncée ressemble à celui d’un champ longtemps labouré, car la terre se mélange ainsi à des pierres et des fragments de toutes sortes qui ont été longtemps exposés aux actions atmosphériques. Si, pendant le cours d’une longue série de siècles, cette prairie et les autres champs maintenant en culture ont été labourés de temps à autre, puis laissés à l’état de pâture, il est facile de se rendre compte de la nature du sol dans la section précédente. Les vers auront continuellement apporté à la surface de la terre fine venant d’en bas, et elle aura été remuée par la charrue dès que le champ aura été cultivé. Mais après un certain temps, il se sera accumulé une couche de terre fine plus épaisse que celle que pouvait atteindre la charrue ; et il se sera formé au-dessous de la terre végétale superficielle une courbe semblable à la masse de 25 1/2 pouces, dans la figure 14, et cette dernière aura été apportée à la surface à une époque plus récente et aura été tamisée par les vers.

Wroxeter, Shropshire. — La vieille ville romaine d’Uriconium a été fondée au commencement du deuxième siècle, sinon plus tôt encore, et elle a été détruite, d’après M. Wright, probablement entre le milieu des quatrième et cinquième siècles. Les habitants furent massacrés, et on a trouvé des squelettes de femmes dans les hypocaustes. Avant 1859, le seul reste de la ville au-dessus du sol était une portion d’un mur massif haut d’environ 20 pieds. Le terrain d’alentour est légèrement ondulé et on le cultive depuis longtemps. On a remarqué que les céréales mûrissaient prématurément sur certaines bandes étroites et que la neige restait sans se fondre, en certains endroits, plus longtemps que dans d’autres. Ces observations ont fait entreprendre, comme je l’ai appris, des fouilles sur une grande échelle. On a ainsi mis à découvert les fondations d’un grand nombre de bâtiments et de plusieurs rues. L’espace circonscrit par les murs anciens est irrégulièrement ovale, et sa longueur est d’à peu près 1 3/4 de mille (mille anglais, c’est-à-dire 1 kilomètre). Un grand nombre des pierres ou des briques employées dans ces constructions ont dû être enlevées ; mais les hypocaustes, les bains et autres constructions souterraines se trouvèrent passablement conservés, comblés qu’ils étaient de pierres, de carreaux brisés, de décombres et de terre. Le sol ancien des différentes salles était recouvert de blocaille. Désireux que j’étais de connaître l’épaisseur du manteau de terre et de décombres qui avait si longtemps caché aux regards les ruines en question, je m’adressai à M. le docteur H. Johnson, qui avait dirigé les fouilles ; il eut l’extrême bonté de visiter l’endroit à deux reprises différentes pour l’examiner à propos de mes questions, et il fit creuser un grand nombre de tranchées dans quatre champs restés jusque-là intacts. Le tableau qui suit donne le résultat de ses observations. Il m’a aussi envoyé des échantillons de la terre végétale et il a répondu autant qu’il le pouvait, à toutes mes questions.


Mesures prises par M. le Dr  Johnson pour fixer l’épaisseur de la terre végétale au-dessus des ruines romaines à Wroxeter


Tranchées creusées dans un champ appelé « Old Works. »


Épaisseur de la terre végétale en pouces
1. 
À une profondeur de 36 pouces, on rencontra du sable en position 
20
2. 
À une profondeur de 33 pouces, on rencontra du béton 
21
3. 
À une profondeur de 9 pouces, on rencontra du béton 
 9


Tranchées creusées dans un champ appelé : « Shop Leasows ». C’est le champ le plus élevé dans l’enceinte des anciens murs et il descend en pente de tous les côtés, sous un angle de 2° à partir d’un point situé près du centre.

Épaisseur de la terre végétale en pouces
4. 
Sommet du champ, tranchée profonde de 45 pouces 
40
5. 
Tout près du sommet du champ, tranchée profonde de 36 pouces 
26
6. 
Tout près du sommet du champ, tranchée profonde de 28 pouces 
28
7. 
Près du sommet du champ, tranchée profonde de 36 pouces 
24
8. 
Près du sommet du champ, tranchée profonde de 39 pouces à l’une des extrémités ; la terre passait ici graduellement au sable sous-jacent en position, et son épaisseur est un peu arbitraire. À l’autre extrémité de la tranchée, on rencontra une chaussée à 7 pouces seulement de profondeur, et la terre végétale n’avait ici que 7 pouces d’épaisseur 
24
9. 
Tranchée tout près de la précédente, profonde de 28 pouces 
15
10. 
Partie inférieure du même champ, tranchée profonde de 30 pouces 
17
11. 
Partie inférieure du même champ, tranchée profonde de 31 pouces 
17
12. 
Partie inférieure du même champ, tranchée profonde de 36 pouces, profondeur à laquelle on rencontra du sable en position 
28
13. 
Dans une autre partie du même champ, tranchée profonde de 9 1/2 pouces, s’arrêtant au béton 
xxx9 1/2
14. 
Dans une autre partie du même champ, tranchée profonde de 9 pouces, s’arrêtant au béton 
9
15. 
Dans une autre partie du même champ, tranchée profonde de 24 pouces ; là on rencontra du sable 
16
16. 
Dans une autre partie du même champ, tranchée profonde de 30 pouces ; là, on rencontra des pierres ; à une extrémité de la tranchée, la terre végétale était épaisse de 12 pouces, à l’autre extrémité elle en avait 14 
16


Petit champ situé entre « Old Works » et « Shop Leasows », à peu près à la même hauteur, je pense, que la partie supérieure du champ précédent.

Épaisseur de la terre végétale en pouces
17. 
Tranchée profonde de 26 pouces 
24
18. 
Tranchée profonde de 10 pouces, et alors venait une chaussée 
10
19. 
Tranchée profonde de 34 pouces 
30
20. 
Tranchée profonde de 31 pouces 
31


Champ du côté, situé vers l’est de l’espace circonscrit par les anciens murs.


Épaisseur de la terre végétale en pouces
21. 
Tranchée profonde de 28 pouces, et alors on rencontra du sable en position 
16
22. 
Tranchée épaisse de 29 pouces, point auquel on rencontra du sable en position 
15
23. 
Tranchée profonde de 14 pouces, à ce point on rencontra un bâtiment 
14


M. le Dr  Johnson a distingué, sous le nom de terre végétale, la terre qui différait d’une manière plus ou moins tranchée dans sa couleur foncée et sa structure, du sable ou du gravier situé au-dessous. Dans les échantillons qui m’ont été envoyés, la terre végétale ressemblait à celle qui est immédiatement au-dessous du gazon dans les vieux pâturages, sauf qu’elle contenait souvent de petites pierres, trop grandes d’ailleurs pour avoir passé par le corps des vers. Mais les tranchées décrites plus haut avaient été creusées dans des champs dont aucun n’était à l’état de pâturage ; tous, au contraire, étaient depuis longtemps cultivés. En songeant aux observations faites à propos de Silchester sur les effets de la culture longtemps continuée, unis à l’action des vers qui apportent à la surface les parcelles les plus fines, la terre végétale, ainsi désignée par M. le Dr  Johnson, semble assez mériter son nom. Là, où il n’y avait pas de chaussée, de pavé, ni de mur au-dessous, son épaisseur était plus grande que partout ailleurs ; en beaucoup d’endroits elle dépassait 2 pieds, et, en un certain lieu, elle s’élevait à plus de 3 pieds. L’épaisseur maximum était près du sommet presque horizontale du champ appelé « Shop Leasows », et même en partie sur ce sommet. Ce maximum se retrouvait dans un petit champ adjacent et, je crois, à peu près de la même hauteur que le « Shop Leasows. » D’un côté, ce dernier est incliné sous un angle d’un peu plus de 2°, et je me serais attendu à ce que la terre végétale étant entraînée par les fortes pluies fût plus épaisse dans la partie inférieure que dans la supérieure ; mais dans deux des tranchées sur trois que l’on avait ouvertes ici, il n’en était pas de la sorte.

En beaucoup d’endroits où des rues couraient au-dessous de la surface, ou bien où d’anciennes bâtisses se trouvaient encore, la terre végétale n’avait que 8 pouces d’épaisseur, et M. le Dr  Johnson s’étonna de n’avoir jamais entendu dire qu’en labourant le sol, les ruines eussent été rencontrées par la charrue. Lorsque le sol fut mis pour la première fois en culture, les anciens murs auront, pense-t-il, peut-être été renversés exprès et les creux auront été comblés. Cela peut bien avoir été le cas ; mais si, après l’abandon de la ville, le sol était resté pendant de longs siècles non cultivé, les vers auraient apporté à la surface assez de terre fine pour recouvrir complètement les ruines, à supposer que celles-ci eussent été minées et se fussent affaissées. Les fondations de quelques-uns des murs, par exemple celles de celui qui se dresse encore à 20 pieds environ au-dessus du sol, et celles de la place du marché reposent à la profondeur extraordinaire de 14 pieds ; mais il est bien peu probable que cette profondeur de fondations ait été le cas général. Le mortier employé dans les constructions doit avoir été excellent, car il est encore extrêmement dur dans certaines parties. Partout où des murs de quelque hauteur ont été mis à jour, ils sont, pense M. le Dr  Johnson, encore en position perpendiculaire. Des murs reposant sur des fondations aussi profondes ne peuvent pas avoir été minés par les vers et, par conséquent, ils ne peuvent pas s’être affaissés comme cela paraît avoir eu lieu à Abinger et à Silchester. Par suite, il est très difficile d’expliquer qu’ils soient maintenant parfaitement recouverts de terre ; mais, quant à savoir quelle portion de ce revêtement consiste en humus et quelle portion en blocaille, c’est ce que je ne saurais dire. La place du marché, avec ses fondations profondes, était recouverte de 6 à 24 pouces de terre. Le sommet des murs en ruines d’un caldarium ou salle de bains, profond de 9 pieds, était également recouvert de près de 2 pieds de terre. Le sommet d’une arche qui conduisait à une fosse à cendres profonde de 7 pieds n’était pas recouverte de plus de 8 pouces de terre. Dès qu’un bâtiment qui ne s’est pas affaissé est recouvert de terre, nous devons supposer ou bien que les assises supérieures de pierres ont été, à une époque quelconque, enlevées de main d’homme, ou bien que la terre a, du terrain adjacent, été emportée plus bas par les fortes pluies, ou été enlevée et déposée plus loin pendant les tempêtes ; et cela aura pu tout particulièrement arriver là où le sol a été longtemps en culture. Dans les cas précédents, le terrain adjacent était un peu plus élevé que les trois sites spécifiés, autant qu’il m’est possible d’en juger d’après des cartes et des indications fournies par M. le Dr  Johnson. Si, cependant, un grand tas de pierres brisées, de mortier, de plâtre, de bois de construction et de cendres, tombait sur les restes d’un bâtiment quelconque, l’ensemble de ces restes finirait, avec le temps, par disparaître sous la terre fine par la désagrégation de ces matières et l’action des vers passant, pour ainsi dire, la terre au crible.

Conclusion. — Les exemples indiqués dans ce chapitre montrent quel rôle considérable ont joué les vers, en Angleterre, pour enfouir et cacher aux yeux plusieurs bâtiments romains et autres d’ancienne date ; mais sans doute la terre détachée des terrains plus élevés du voisinage par la pluie et le dépôt de poussière par le vent se seront unis pour contribuer puissamment à recouvrir ces restes. La poussière aura tendu à s’accumuler partout ou d’anciens murs en ruines saillaient un peu au-dessus de la surface d’alors et fournissaient ainsi quelque abri. Le sol des anciennes chambres, salles et passages, s’est généralement affaissé, en partie par suite du tassement du sol, mais surtout parce que les vers l’avaient miné par dessous. L’affaissement même a été généralement plus grand au milieu que près des parois. Les parois elles-mêmes, partout où leurs fondations ne reposent pas à une grande profondeur, ont été minées par les vers et se sont, par suite, affaissées. L’inégalité de l’affaissement causé par là explique probablement les grandes crevasses que l’on peut voir dans beaucoup de murs anciens, et aussi leur inclinaison sur la position perpendiculaire.



  1. Leçons de Géologie pratique, 1845. p. 142.
  2. Il a paru un compte-rendu succinct de cette découverte dans le Times du 2 janvier 1878, et un autre plus étendu dans le Builder du 5 janvier 1878.
  3. On a publié plusieurs descriptions de ces ruines ; la meilleure est due à M. James Farrer dans « Proc. soc. of antiquaries of Scotland », vol. VI, deuxième partie, 1867, p. 278. Consulter aussi J.-W. Grover, « Journal of the British Arch. soc., » June, 1866. M. le professeur Buckman a également publié une brochure, intitulée : Notes on the Roman Villa at Chedworth, 2e  édition, 1873, Cirencester.
  4. Ces détails sont empruntés à l’article « Hampshire. » de l’ouvrage intitulé : Penny Encyclopædia.