Rappelez-vous la fleur

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Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 205-206).

RAPPELEZ-VOUS LA FLEUR

Rappelez-vous la fleur que, pour vous, j’ai coupée
Sur le sombre rosier qui n’avait qu’une fleur :
Les fraîcheurs d’une nuit lente l’avaient trempée,
Et d’abord votre lèvre y but comme un long pleur.

Puis, sa tête divine étant déjà penchée,
Je vis vos petits doigts irrités et nerveux
Pétrir la triste rose à sa tige arrachée
Et la tordre dans l’or confus de vos cheveux.

Ah ! quand vous meurtrissiez, de votre main savante,
Sa couronne de pourpre et son feuillage vert,
J’ai, sous vos doigts cruels, comme une fleur vivante,
Senti saigner mon cœur à son cœur grand ouvert !