Rational (Durand de Mende)/Volume 1/Deuxième livre/Chapitre 05

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 1p. 182-183).


CHAPITRE V.
DU LECTEUR.


I. Le lecteur (selon [saint] Isidore) a tiré son nom de legere, lire, comme le psalmiste, a psalmis canendis, des psaumes qu’il doit chanter. Or, le lecteur prêche, c’est-à-dire lit ou récite aux peuples la règle qu’ils doivent suivre. Et le psalmiste chante pour exciter à la componction les âmes de ceux qui l’entendent, malgré que certains lecteurs prononcent d’un ton si lamentable, à haute voix et avec un organe retentissant, qu’ils obligent certaines personnes à pleurer et à se lamenter. Les lecteurs sont encore nommés pronuntiatores (héraults), parce qu’ils prononcent clairement, ou de manière à être entendus de loin. Car leur voix doit être si forte et si distincte, qu’elle remplisse les oreilles de tous, même de ceux qui, par leur place, en sont éloignés.

II. Aux lecteurs encore il appartient de lire les leçons et les légendes (Vies des Saints) aux matines, et d’annoncer, c’est-à-dire de lire aux peuples ce que les Prophètes ont prédit et ce que les Apôtres ont dit. C’est en effet pour cela qu’on les ordonne, afin qu’ils lisent distinctement et à haute voix, pour qu’on puisse bien les comprendre, les livres de Dieu, comme nous apprenons qu’Esdras fit dans l’Ancien-Testament.

III. Il appartient aussi à l’office du lecteur de bénir le pain et tous les fruits nouveaux. Les lecteurs sont la même chose que les historiographes en vers qui existaient chez les Gentils. Le pape Martin statua qu’il ne serait permis à personne de chanter ou de lire au milieu du peuple, excepté aux lecteurs ordonnés par l’évêque.

IV. Or, selon le décret du Concile de Tolède (xxiii, d. Lector)y lorsqu’on ordonne un lecteur, l’évêque fait au peuple un discours touchant sa personne, où il lui montre sa foi, sa vie et son intelligence. Après quoi, en présence du peuple, il lui donne le livre dans lequel il doit lire, en lui disant : « Reçois ce livre, et sois le prédicateur de la parole de Dieu ; si tu remplis fidèlement et utilement les devoirs de ta charge, tu auras une place à côté de ceux qui auront administré aux peuples la parole de Dieu. » Donc, la donation du livre et les susdites paroles sont la substance de cet ordre, et le reste est affaire de solennité.

V. Nous remplissons la charge de lecteur, lorsque nous corrigeons ceux qui vivent mal dans le sein de l’Église et que nous formons quelqu’un aux bonnes mœurs. Le Christ remplit cet office quand, au milieu des Anciens, ayant ouvert le livre du prophète Isaïe, il lut distinctement, et de manière à être compris, le passage où il est dit : « L’esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a oint, etc. »