Rational (Durand de Mende)/Volume 1/Troisième livre/Chapitre 14

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 1p. 262-264).
Livre troisième


CHAPITRE XIV.
DE L’ANNEAU.


I. L’anneau est le gage assuré (sacramentum) de la foi, avec lequel le Christ a fiancé son épouse, la sainte Église, afin qu’elle puisse dire d’elle-même : « Mon Seigneur Jésus-Christ m’a fiancée par son anneau, » dont les gardiens et les dispensateurs sont les évêques et les prélats, qui portent des anneaux en témoignage de ces fiançailles, et dont l’épouse dit dans les Cantiques : « Ceux qui, pendant la nuit, veillent à la garde de la ville m’ont trouvée. » C’est aussi pour la même maison que le père donna un anneau à son fils quand il revint à la maison paternelle, comme le montre cette parole de l’Évangile : « Mettez un anneau à sa main. » C’est de ce passage de l’Évangile qu’on croit que l’usage de l’anneau a été introduit et reçu.

II. Donc l’anneau du pontife signifie l’intégrité de la foi, afin sans doute qu’il chérisse comme lui-même l’Église de Dieu, qui lui a été confiée comme une fiancée, et qu’il la garde prudente et chaste au céleste Epoux, selon cette parole : « Je vous ai fiancée à un seul homme, qui est le Christ, » et qu’il se souvienne qu’il est non seigneur et maître, mais pasteur. C'est de ce fiancé et de sa fiancée que [saint] Jean l’évangéliste dit : « Celui qui a fiancé une vierge est son époux, et l’ami de l'époux, qui assiste à leur union et l’apprend avec joie, se réjouit à cause de la voix de l’époux. » Or, l’évêque est le représentant (vicarius) et l’ami de l’époux, et, s’il est son représentant, il est en quelque sorte l’époux de la fiancée de son ami.

III. Les anciens scellaient aussi les lettres avec leur anneau. De là vient que l’évêque porte l’anneau, parce qu’il doit sceller pour les infidèles les mystères de l’Écriture et les sacrements de l’Église, mais les révéler aux humbles. Enfin, pour ce qui se rapporte à notre chef (capiti), qui est le Christ, l’anneau au doigt signifie le don du Saint-Esprit ; car le doigt tendu en indicateur et séparé des autres est la figure de l’Esprit saint, selon cette parole : « Le doigt de Dieu est ici. » Et ailleurs : « Si moi, par le doigt de Dieu, je chasse les démons, par qui vos enfants les chassent-ils ? »

IV. Et l’anneau, qui est d’or et rond, signifie la perfection des dons de l’Esprit saint que le Christ a reçue sans mesure, parce qu’en lui la plénitude de la divinité habite corporellement. Maintenant, celui qui est venu d’en haut est sur tous, et Dieu ne lui a pas donné son esprit dans une mesure bornée, lorsqu’il a dit : « Celui sur qui tu verras l’Esprit saint à la fois descendre et se reposer, celui-là est celui qui doit être baptisé par toi, car l’Esprit de sagesse et d’intelligence se reposera sur lui. » Et lui, il a distribué différents dons de sa plénitude, donnant (selon l’Apôtre) aux uns la parole de la science, aux autres le pouvoir de guérir les maladies, aux autres d’opérer des miracles, etc. Ce qu’imite encore le pontife visible, lorsque, dans l’Église, il ordonne les uns prêtres, les autres diacres, d’autres sous-diacres, et ainsi de suite. Or, ce n’est pas sans raison qu’au doigt de l’évêque brille un anneau orné d’une pierre précieuse, par le mystère de laquelle nous sont données à entendre les magnifiques onctions de la grâce. On a suffisamment parlé de l’anneau de l’époux dans la première partie, au chapitre des Sacrements de l’Église, pour qu’on n’ait pas besoin d’en faire encore ici mention.