Rational (Durand de Mende)/Volume 2/Quatrième livre/Chapitre 01

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 2p. 1-28).


CHAPITRE PREMIER.


DE LA MESSE, ET DE TOUT CE QUI A LIEU PENDANT LA MESSE.


I. Entre tous les mystères (sacramenta) de l’Eglise, il est constant que celui qui tient le premier rang est celui que l’on célèbre pendant l’office de la messe sur la table du très-saint autel ; mystère qui représente ce festin de l’Eglise pour lequel le père tue le veau gras afin de fêter le retour de son fils, et où il lui offre le pain de vie et le vin mixtionné de la sagesse.

II. Or, c’est le Christ lui-même qui a institué cet office, lorsqu’il termina le Nouveau-Testament, en partageant son royaume à ses héritiers, comme son Père en avait disposé pour lui-même, afin qu’ils mangent sur sa table et boivent dans son royaume, ce que l’Eglise a consacré ; car, comme ils soupaient, Jésus prit le pain, et, rendant grâces, le bénit et le brisa, et le donna à ses disciples en disant : « Recevez et mangez ; ceci est mon corps qui, pour vous, sera livré ; faites ceci en commémoration de moi. » Donc, les apôtres, formés par cet enseignement, commencèrent à offrir fréquemment le très-saint mystère pour la cause que le Christ avait indiquée expressément, conservant la même forme dans les paroles et la même matière dans les espèces (in rebus), ainsi que l’Apôtre le déclare aux Corinthiens, quand il leur dit : « J’ai appris du Seigneur ce que je vous ai appris à mon tour, à savoir : que le Seigneur Jésus, dans cette nuit où il devait être livré, prit du pain, et, rendant grâces, le rompit et dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps, etc. » Donc, l’office de la messe est plus digne et plus solennel que le reste des divins offices. Voilà pourquoi on doit parler dans cette quatrième partie de lui avant les autres offices, partie dans laquelle nous consulterons le Speculum du pape Innocent III, touchant quelques mystères et quelques points attaqués par les hérétiques.

III. Assurément (comme on l’a dit plus haut), le Seigneur Jésus, prêtre selon l’ordre de Melchisédech, institua la messe quand il transmua (transmutavit) le pain et le vin en son corps et en son sang, en disant : « Ceci est mon corps, cela est mon sang ; » ajoutant aussitôt : « Faites cela en commémoration de moi. »

IV. Et les apôtres ont ajouté à cette messe, en disant non-seulement les susdites paroles, mais même en y joignant en sus l'Oraison dominicale.

V. D’où vient que l’on dit que le bienheureux Pierre, le premier, célébra ainsi la messe dans les pays d’Orient, où, après la passion du Seigneur, il occupa pendant quatre ans la chaire sacerdotale ; et ensuite il prit la chaire d’Antioche, où il ajouta trois oraisons à la messe. Or, dans l’origine de la naissante Église, on disait autrement la messe qu’à présent, comme on le dira dans la sixième partie, au chapitre de la Parascève ou Vendredi saint, et, par la suite du temps, la seule récitation de l’épître et de l’évangile constitua la célébration de la messe.

VI. Ensuite, le pape Célestin établit qu’on chanterait l’Introït avant la messe, comme on le dira au chapitre de l’Introït. On lit que les autres parties de la messe y furent, en divers temps, ajoutées par les autres papes, comme Gélase, Célestin et Grégoire, et d’autres, autant que le culte de la religion chrétienne croissant, il parut qu’elles conviendraient davantage pour la décence. On parlera de cela dans la préface de la sixième partie.

VII. On lit dans le canon (De. cons., d. i, Jacobus) que Jacques, frère du Seigneur, évêque de Jérusalem[1], et Basile, évêque de Césarée, nous ont transmis dans leurs écrits la manière de célébrer la messe (ordinem celebrandi missam). On dit encore que ce fut Jacques, fils d’Alphée, qui, le premier entre les apôtres, célébra la messe ; car, à cause de l’excellence de sa sainteté, les apôtres lui firent cet honneur, qu’après l’ascension du Seigneur le premier d’entre eux il célébra la messe à Jérusalem[2], même avant d’avoir été ordonné évêque ; ou peut-être on dit que le premier il l'a célébrée, parce que l’on assure que le premier il l’a dite revêtu des ornements pontificaux ; et ainsi Pierre, après lui, le premier célébra la messe à Antioche, et Marc à Alexandrie.

VIII. Mais certains hérétiques perfides nous reprennent de ce que nous lisons à la messe les évangiles lacérés en petites parties, et de ce qu’à la messe primitive, c’est-à-dire outre l’oraison dominicale, nous ajoutons quelque chose en sus ; car il est écrit : « Si quelqu’un ajoute à cela. Dieu enverra sur lui les plaies écrites dans ce livre. » Ils nous reprennent aussi de ce qu’en sus du Nouveau-Testament et des préceptes des apôtres, nous avons encore établi d’autres règles et le nouvel enseignement des docteurs, et de ce que nous les observons contre ce que le Christ a dit : « Vraiment, vous avez rendu inutile le commandement de Dieu pour conserver votre tradition. » Et ailleurs : « Toute plantation que n’aura pas plantée mon Père, qui est dans les cieux, sera arrachée. » Et l’Apôtre : « Ne veuillez point vous laisser entraîner à des doctrines diverses et étrangères. » Et encore : « Personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé, qui est le Christ. »

IX. Ils disent encore que l’Église du Christ n’a chanté ni messe ni matines, que ni le Christ ni les apôtres ne l’ont instituée, et qu’on ne la chantait point dans le temps des apôtres, et que l’on n’entendait pas alors parler de messe dans le monde, et qu’on ne trouvait rien d’écrit sur ce sujet ; mais que ce que la messe représente est appelé la Cène par les évangélistes, et que ni dans l’Église au commencement, ni les apôtres ne la chantaient avec l’orgue, instrument de musique, ni à haute ou basse voix (alta nec dulci voce cantabant), nous reprenant de ce que nous faisons ces choses, et de ce que nous disons les nocturnes et les autres heures canoniques, en induisant faussement contre nous cette parole du prophète Amôs :« Je changerai vos festivités en deuil, et tous vos cantiques en gémissements. » Et cette parole du prophète [Ezéchiel] : « Ils entendent tes paroles et ne les pratiquent pas, parce qu’ils les changent en un cantique qu’ils repassent dans leur bouche pendant que leur cœur suit son avarice, et tu leur es comme un air de musique que l’on chante d’une manière douce et agréable. ».

X. Cependant, leur erreur est très-évidemment réfutée et tourne à leur confusion, d’après ce qui sera dit dans la préface de la cinquième partie. Encore, dans la primitive Église, les divins mystères étaient célébrés en hébreu ; mais, au temps de l’empereur Adrien Ier, on commença d’abord à les célébrer en grec dans l’Église orientale des chrétiens.

XI. Certes ! on trouve que l’office de la messe a été établi d’une manière si providentielle, qu’il contient en grande partie ce qui a été fait par le Christ et dans le Christ depuis le moment où il descendit du ciel jusqu’à celui où il y monta, et qu’il les représente d’une admirable manière, tant dans les paroles que dans les signes.

XII. Et cet office même se renferme en quatre parties, à savoir : les personnes, les œuvres, les paroles et les choses. Il y a trois ordres de personnes, à savoir : les célébrants, les ministres ou aides, et les assistants. Il y a trois espèces d’œuvres, à savoir : les gestes, les actes et les mouvements. Il y a aussi trois variétés de paroles : les oraisons, les modulations et les leçons ou lectures. Semblablement, il y a trois manières de choses, à savoir : les ornements, les instruments et les éléments ; car toutes ces choses sont pleines de divins mystères, comme on l’a dit dans la préface de cet ouvrage.

XIII. En effet, autrefois le temple était divisé en deux parties et partagé par un voile. La première partie était appelée la sainte ou le saint, et la seconde (ou intérieure) la sainte des saints ou le saint des saints. Or, tout ce qui a lieu pendant l’office de la messe avant la secrète est en quelque sorte dans la première partie de l’édifice sacré ; mais ce qui a lieu pendant la secrète est au dedans du saint des saints. Or, il y avait au dedans du saint des saints des autels d’encens, l’arche du Testament et la table sur l’arche, comme on l’a dit dans la première partie, aux chapitres de l’Église et de l’Autel, et comme on le trouve dans l’Exode ; et, sur la table, les deux chérubins de gloire en regard l’un de l’autre. Là entrait seul le pontife, une seule fois dans l’année. Il avait, en cette occasion, les noms des pères ou patriarches écrits sur le rational et sur le surhuméral, et portait le sang et les charbons, qu’il mettait tous, en priant, avec le parfum, dans l’encensoir, jusqu’à ce que la fumée l’environnât comme d’une ombre. Ensuite, il aspergeait de sang la table et l’autel ; puis il sortait devant le peuple et lavait ses vêtements : car il n’était pas réputé pur avant le soir, après l’immolation du veau roux.

XIV. Jadis, ces choses furent des signes ; mais elles s’évanouirent après que leurs significations furent arrivées. Car la première partie de l’édifice sacré signifie la présente Église, le saint des saints le ciel, le pontife le Christ, le sang sa passion, les charbons la charité du Christ, l’encensoir sa chair même, l’encens brûlé la bonne odeur des prières, l’autel les cohortes du ciel, l’arche le Christ selon l’humanité, la table Dieu le Père, les deux chérubins les deux Testaments qui se regardent à l’envi mutuellement parce qu’ils s’accordent ensemble, le vêtement qu’on lave signifie l’homme, le soir de l’homme symbolise ce vêtement. Compare donc ce qui avait lieu jadis et ce que le Christ a fait, et considère avec attention comment le ministre de l’Église représente et reproduit ces choses pendant l’office de la messe. Il sera encore touché un mot de la signification de ces choses au Canon de la messe, au commencement d’une de ses parties. Par l’arche, on entend aussi l’humilité du Christ, de laquelle tout bien nous est advenu par sa miséricorde.

XV. Et remarque que, de même qu’on lit dans l’Exode (cap. xxv et xxxvii) qu’on fit au-dessus de l’arche un propitiatoire d’or, c’est-à-dire une table d’or, de la même longueur et de la même largeur que celles de l’arche, afin qu’elle fût suffisante pour la couvrir. Et on appelait cela l’oracle (oraculum), parce que le Seigneur donnait de ce lieu des réponses à ceux qui le priaient (orantibus). On l’appelait aussi propitiatoire, parce que lorsque le Seigneur parlait de cet endroit il était rendu propice au peuple, ou parce qu’au jour de propitiation on voyait toujours la gloire du Seigneur descendre en ce lieu. Et de là vient que le tabernacle ou lieu placé sur la partie postérieure de l’autel, dans lequel le Christ, notre propitiation, c’est-à-dire l’hostie consacrée, est gardée aujourd’hui, s’appelle propitiatoire, etc. Or, de l’une et de l’autre parties de l’oracle, savoir, dans les deux angles antérieurs, on plaça deux chérubins d’or, qui sont, selon Josèphe, deux animaux volatiles, ayant une figure comme jamais aucun homme n’en a vu. Moïse dit qu’il les aperçut figurés sur le trône de Dieu. Un chérubin regardait l’autre ; ils avaient cependant le visage tourné vers le propitiatoire, et, les deux ailes étendues par derrière et se touchant mutuellement, ils voilaient l’oracle et couvraient le propitiatoire. Or, le propitiatoire figure le Seigneur incarné, dont [saint] Jean dit : « Il est propitiateur pour nos péchés. » Les deux chérubins sont les deux Testaments, à savoir, le Nouveau et l’Ancien. Or, comme ils ne sont pas en désaccord, mais qu’ils racontent d’accord ensemble le mystère de l’incarnation du Christ, l’un en prophète, l’autre en témoin qui assure, ils dirigent sur le propitiatoire le visage de leur intention, et se regardent mutuellement.

XVI. Il y a encore trois sacrifices de l’Église qui, dans l’Ancien-Testament, sont symbolisés par le propitiatoire, l’encensoir et l’autel ; ce sont le sacrifice de la pénitence, de la justice et de l’eucharistie. Touchant le premier, il est dit : « Un esprit brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu. Tu ne mépriseras pas, ô Dieu ! un cœur contrit et humilié. » Touchant le second : « Alors tu recevras le sacrifice de la justice. » Touchant le troisième : « Je te sacrifierai une hostie c( de louange. » Sur l’autel du corps, la chair est immolée par la contrition ; dans l’encensoir du cœur[3], la dévotion est le feu qui brûle l’encens ; dans le propitiatoire de Dieu le Père, le sang est offert par la rédemption. Or, le prêtre offre ces trois sacrifices pendant la messe : le premier au Confiteor, le second à la préface, le troisième à l’action[4] de grâces (ou consécration). Car voici les trois choses que, selon le Prophète, Dieu regarde favorablement dans l’homme, et requiert de lui : chérir la miséricorde, faire justice, et marcher attentivement avec Dieu. Qu’il chérisse donc la miséricorde celui qui veut offrir le sacrifice de la pénitence. Qu’il fasse justice celui qui veut offrir le sacrifice de la justice. Qu’il marche attentivement avec Dieu celui qui veut offrir le sacrifice de l’eucharistie.

XVII. Voilà pourquoi le bienheureux Bernard dit : « Mes frères, en immolant l’hostie de gloire, joignons la parole aux paroles, le sens au sens, l’affection à l’affection, l’élévation à l’élévation, la perfection à la perfection, l’humilité à l’humilité, la liberté à la liberté. » Donc, que celui qui doit célébrer la messe offre au Très-Haut ce sacrifice dont le Psalmiste dit : « Un esprit brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu. » Et ailleurs : « Immole à Dieu un sacrifice de louange. » Et l’Apôtre : « Offrez vos corps, comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, afin que votre obéissance soit raisonnable ; mortifiez donc, sur l’autel de votre cœur, vos membres, qui sont sur la terre l’impureté, la débauche, la mauvaise concupiscence et l’avarice, afin que vous puissiez vous sacrifier vous-mêmes à Dieu, avec un cœur pur et un corps chaste. »

XVIII. Or, dans le sacrement du corps du Christ, selon [saint] Augustin, « le prêtre ne parfait rien, plus en bien qu’en mal, pourvu qu’il demeure avec les autres dans l’arche et observe la forme révélée par la colombe, parce que ce n’est pas par le mérite du prêtre, mais par la parole du Créateur, que se consomme ce sacrement. » Car l’or est également véritable dans le coffre du voleur comme dans le trésor du roi. D’où vient que le pontife Caïphe, persécuteur du seul et très-véritable grand-prêtre (bien qu’il ne fût pas sincère, lui), cependant le conseil qu’il donna fut vrai ; [mais] il ne donna pas le sien, mais celui de Dieu, et pareille chose a lieu de la même manière dans l’Église. Donc, l’iniquité du prêtre n’empêche pas l’effet du sacrement, pas plus que l’infirmité du médecin n’empêche la vertu de la médecine. Or, quoique l’opus operans (l’œuvre opérante) soit parfois impure, cependant l’opus operatum (l’œuvre opérée) est toujours pure. Et de même que tout est pur pour ceux qui sont purs, ainsi tout est impur pour ceux qui sont impurs. Donc, quand un méchant reçoit la vie, il encourt la mort. De même, au contraire, lorsque le bon souffre la mort, il acquiert la vie. Car celui qui mange indignement le corps du Christ mange son jugement. Mais ce que disent de ces hommes le Prophète : « Je maudirai vos bénédictions, » et Grégoire : « Leur bénédiction se change en malédiction, et leur prière en péché, » s’entend des hommes retranchés de l’Église et qu’elle ne peut plus souffrir, ou qui sont connus pour tels, dont la bénédiction doit, en tant qu’aux évêques, être réputée à l’égal d’une malédiction, parce que, selon [saint] Augustin (1re question) : « Pour le mal qui est en eux en telle ou telle proportion, on dit qu’ils souillent les sacrements, lorsque, cependant, ils restent immaculés ; car ils sont aux bons le chemin de la récompense, aux réprouvés celui du jugement. » D’où vient que [saint] Augustin dit : « Si la vertu du sacrement est spirituelle, elle est reçue comme une pure lumière par ceux qui doivent en être illuminés pour leur salut ; mais, en passant par ces ministres impurs comme par un canal, elle n’est pas souillée. »

XIX. Cependant les sectateurs d’Arnauld, hérétiques perfides, disent qu’on ne lit nulle part que le Christ ait livré l’Eghse, son épouse, en garde à des ministres impurs et luxurieux, ou leur ait donné le pouvoir de célébrer les sacrés mystères, ou leur ait donné les clefs de son royaume ou le pouvoir de lier et de délier, « parce qu’eux seuls (comme dit Grégoire), les justes placés dans cette chaire, ont le pouvoir de lier et de délier comme les apôtres, eux qui gardent avec la doctrine de ces hommes leur vie et leur foi. » D’où vient, comme ils disent, que les sacrements donnés par de pareils hommes n’ont aucune valeur et ne profitent pas pour le salut. Car on lit dans le livre des Nombres : « Tout ce qu’un homme impur aura touché, il le rendra impur. » Et le Christ : « Un arbre mauvais ne peut produire de bons fruits. » Dieu dit à David, pécheur : « Pourquoi racontes-tu ma justice, et fais-tu passer mes louanges par ta bouche ? » Et l’Apôtre : « Tout est pur pour ceux qui sont purs ; mais rien n’est pur pour ceux qui sont souillés et pour les infidèles. » Et [saint] Grégoire (In Pastorali, l. I, cap. x et xcix, dist. § i) : « Lorsqu’un homme qui déplaît est envoyé pour intercéder, l’ame de l’homme irrité est provoquée aux dernières extrémités. » Aussi, dans le même ouvrage (1. III, cap. xii) : Il est nécessaire que sa main soit pure, cette main qui a soin de laver les souillures, de peur que, sale elle-même, elle ne souille davantage tout ce qu’elle aura à toucher, qui l’est déjà. »

XX. Or, on célèbre la messe à la troisième, à la sixième et à la neuvième heures[5] : à la troisième heure, parce que, selon [saint] Marc, le Christ à cette heure fut élevé en croix et crucifié par les langues des Juifs, qui criaient : « Crucifie-le ! » et parce qu’à cette heure l’Esprit saint descendit sur les apôtres y en langues de feu[6] ; à la sixième heure, parce qu’à cette heure, selon [saint] Mathieu, le Christ fut vraiment crucifié et immolé ; et à la neuvième heure, parce qu’à cette heure, suspendu à la croix, il rendit l’esprit. Le pape Télesphore établit que la messe ne serait pas dite avant la troisième heure, ce qu’on doit entendre des messes publiques et populaires, parce que, comme dit [saint] Augustin, « ces choses ne devraient pas être faites en public, de peur que le peuple ne se retire des messes publiques que l’on dit à la troisième heure. » Or, on la chante les jours de dimanche, de fêtes et aux veilles des fêtes, à la troisième heure ; à la sixième heure, pendant le Carême ; à la neuvième heure, les jours de jeûnes, et aussi, d’après l’institution du pape Pelage et des autres, les jours des jeûnes, non pas cependant de tous. Mais les samedis des Quatre-Temps elle peut être célébrée tard [sero], à cause des ordres sacrés que l’on sait appartenir au dimanche suivant. Et, comme la messe doit être dite à jeun, voilà pourquoi, afin qu’on ne jeûne pas moins, on la commence après vêpres, et ainsi le jeûne est prolongé jusqu’à la nuit ; ce dont on parlera dans la sixième partie, à l’article du Samedi de Pâques. Mais de ce que la messe est parfois chantée de très-grand matin (summo mane), il faut en conclure que cela est de coutume et non d’ordre. Cependant le pape Léon montait à l’autel, pour célébrer la messe, au point du jour ou à la première partie du jour ; je ne sais si c’était par nécessité ou par règle, ou bien s’il usait seulement en cela du pouvoir apostolique, ou s’il faut entendre cela d’une messe particulière. Mais ceux qui, par nécessité, commencent avant la troisième heure, ou offrent le saint sacrifice après la sixième heure ou la neuvième, par amour de Dieu, afin que le jour ne se passe pas pour eux sans sacrifice, peuvent être excusés avec les disciples qui arrachaient des épis le jour du sabbat, et avec David qui mangeait les pains de proposition ; ou parce qu’à la messe on fait mémoire de la passion, de la mort, de la sépulture, de la résurrection et de l’ascension. Voilà pourquoi on la chante à tant d’heures diverses : à la troisième heure, en mémoire de la passion et de l’ascension ; après la sixième heure, en mémoire de la mort ; après la neuvième heure, en mémoire de la sépulture ; au matin, peut-être en mémoire de la résurrection. Quelques-uns assurent encore que le Seigneur fut crucifié au milieu des heures (in meditulio horarum, midi) ; et voilà pourquoi tantôt on prend une heure, tantôt l’autre. D’où vient que l’Église célèbre la messe entre une heure et l’autre.

XXI. Mais le jour de la naissance du Seigneur on chante la première messe de nuit (à minuit] comme on le dira à l’article même de cette fête. Au reste, si dans le Carême deux offices se rencontrent, que nous appelons jours doubles (dies duplices), on dit la messe de la fête à la troisième heure et sans génuflexion ; mais l’office du jeûne se dit à la neuvième heure et avec génuflexion. Aussi, dans le temps de l’Avent la messe doit, dans les festivités des saints, être célébrée à la troisième heure. Mais nul ne doit, selon les règles, célébrer le même jour plusieurs messes, parce que le Christ a souffert une seule fois, et il est on ne peut plus heureux celui qui peut aussi célébrer dignement une messe.

XXII. Personne ne peut célébrer deux messes avec un seul sacrifice, ou une seule messe avec deux sacrifices ; cependant on peut, dans un seul canon, consacrer plusieurs hosties. Car, en effet, le prêtre doit toujours avoir une hostie prête pour les malades.

XXIII. Le prêtre peut aussi célébrer une seule messe avec le sacrifice, et une autre sèche (missam siccam)[7]. On dit messe sèche, parce que, si le prêtre ne peut pas consacrer, parce que peut-être il a déjà célébré, ou pour une autre cause, il peut, après avoir pris l’étole, lire l’épître et l’évangile, dire l’oraison dominicale et donner la bénédiction : de plus, si par dévotion et non par superstition, il veut dire tout l’office de la messe sans offrir le sacrifice, qu’il prenne tous les vêtements sacerdotaux et qu’il célèbre la messe dans son ordre, jusqu’à la fin de l’offrande, passant outre la secrète, qui appartient au sacrifice. Mais il peut dire la préface, quoiqu’on paraisse y appeler les anges à la consécration du corps et du sang du Christ. Cependant, qu’il ne dise rien du canon, mais qu’il ne passe pas outre Foraison dominicale et ne dise pas ce qui suit, qu’on doit dire à voix basse et en silence ; qu’il n’aie ni calice, ni hostie, et qu’il ne dise ni né fasse rien de ce qui se dit ou se fait sur le calice ou sur l’eucharistie. Il peut dire encore : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous » (Pax Domini sit semper vobiscum). Et à partir de là, qu’il poursuive et achève l’office de la messe selon son ordre ordinaire. Il est mieux cependant d’omettre le reste.

XXIV. Mais il y en a qui commencent la messe du jour, la célébrant dans son ordre jusqu’à l’offrande ; ensuite, ils commencent une autre messe et la chantent jusqu’au même endroit, et ils font la même chose plusieurs fois s’ils le veulent ; et, après avoir commencé la messe des vivants, ils commencent parfois la messe des morts, la poursuivant jusqu’au même endroit[8], et ensuite, continuant de là, ils disent autant de secrètes[9] qu’ils ont commencé de messes, disant seulement une fois le canon et consacrant ; et à la fin ils disent autant d’oraisons qu’ils ont commencé d’offices de la messe. Mais nous réprouvons cela comme une chose détestable.

XXV. Cependant le prêtre peut parfois célébrer plusieurs messes dans un seul jour. Premièrement, à la fête de la naissance du Seigneur, comme on le dira dans la sixième partie, à l’article de cette fête. Secondement, lorsque la nécessité l’exige ; par exemple, si quelqu’un meurt. Cependant le Concile de Carthage dit « que si l’évêque ou une autre personne meurt après la troisième heure, sa commémoration doit être faite seulement par des prières et sans qu’on célèbre la « messe pour lui. » Troisièmement, par honnêteté ou par honneur, comme si quelque grand personnage survenant veut ouïr la messe. Quatrièmement, selon quelques-uns, pour cause d’utilité ; par exemple, pour les pèlerins, pour les étrangers, pour les voyageurs, pour les malades, pour les fiancés (sponsos), et à cause de la rareté des clercs, et à cause de la pauvreté des églises, qui n’ont pas de prêtres attitrés (proprios). Cinquièmement, comme dit Richard, évêque de Crémone (in Mitrali) : « Lorsque deux festivités se rencontrent, on peut aussi en célébrer trois, tant parce que cela a lieu licitement lors de la Noël, que parce que la passion du Christ est trice partite ou partagée en trois parties. Car il souffrit des langues de ceux qui l’insultaient, des mains de ceux qui le frappaient et des clous de ceux qui le crucifiaient. Il fut aussi immolé par les patriarches dans leurs actions[10], sacrifié par les prophètes dans leurs paroles, et réellement offert par son Père et par lui-même. » Sixièmement, pour la même raison, si, dans un jour de jeûne, il se rencontre quelque fête solennelle, le prêtre peut célébrer une messe de la fête et l’autre du jeûne, si un autre prêtre ne se trouve pas là.

XXVI. On lit aussi que le pape Léon célébra souvent sept fois et parfois neuf fois la messe dans le même jour. Cependant le prêtre qui doit célébrer une autre messe le même jour prendra seulement dans la dernière la perfusion ou ablution (perfusionem)[11], parce que, s’il la prenait dans la première, il ne serait pas à jeun, et ainsi il serait empêché de célébrer une autre messe ; mais ailleurs (alias), autant de fois qu’il célèbre, autant de fois il prend le corps du Christ et aussi la perfusion ou ablution.

XXVII. Mais est-ce qu’il consacre après avoir dîné ? Je réponds ainsi : Cela est permis, mais il ne doit pas le faire. En effet, le jeûne n’est pas d’absolue nécessité, comme saint Augustin le témoigne clairement dans le canon in D. c. ; autrement le Seigneur n’eut pas consacré. Cependant maître Hugues[12] dit le contraire.

XXVIII. Or, dans les anciens temps, lorsque les hérésies pullulaient et attaquaient la Trinité, d’après l’institution d’Alcuin, maître de Charles (Charlemagne), à la demande de Boniface, archevêque de Mayence, il fut établi par ce prélat qu’à la première férie (le dimanche)[13] on dirait la messe de la Trinité ; à la deuxième férie, celle de la sagesse ; à la troisième férie, de l’Esprit saint ; à la quatrième, de la charité ; à la cinquième férie, des anges ; à la sixième, de la croix ; à la septième, de la bienheureuse Vierge. Mais cette cause venant à cesser, cette pratique cessa, et l’office du dimanche ayant été réglé, il fut établi que la première férie aurait son office, à savoir : de la Trinité ; la seconde des anges, parce qu’ils furent créés ce jour-là, premièrement dans la possession des biens gratuits ; et ensuite la lumière fut séparée des ténèbres, c’est-à-dire les bons anges des mauvais, parce qu’alors les mauvais tombèrent, mais les bons furent affermis et confirmés.

XXIX. Et, dans la première férie, les anges furent créés avant les biens de la nature. On chante aussi la messe pour les morts dans la seconde férie, afin que nous leur appliquions les mérites des anges. Et parce que, comme disent quelques-uns dans la première férie, ceux qui sont dans le purgatoire ont du rafraîchissement, et aussitôt, à la seconde férie, ils retournent à leurs peines et à leur labeur,

XXX. Voilà pourquoi, afin que nous leur venions en aide dans leurs douleurs, on célèbre la messe pour eux dans la seconde férie. Dans la troisième férie, pour les péchés ; dans la quatrième, pour la paix ; dans la cinquième, pour la tribulation : et dans la troisième férie on doit répéter l’introït de la messe du dimanche. Il a été aussi établi qu’on jeûnerait dans la quatrième férie (le mercredi), et que, semblablement en ce jour, on doit dire la messe du dimanche, à moins qu’on n’en soit empêché par une festivité. Dans la cinquième férie, on doit de même répéter l’office du dimanche, l’introït, l’épître et l’évangile, parce qu’on dit que le jeudi (dies jovis) est cousin du dimanche[14] (cognata dici Dominicœ), comme on le dira au chapitre de l’Entrée du Pontife à l’autel. Dans la sixième férie, de la croix ; en effets ce jour est propre au Christ et à la croix, parce qu’il voulut être crucifié et mourir dans ce jour (le vendredi) pour le salut du genre humain.

XXXI. Dans la septième férie (samedi), de la bienheureuse Vierge ; ce qui prit son origine et son commencement de ce que jadis, dans une église de la cité de Constantinople, il y avait une image de la bienheureuse Vierge devant laquelle était suspendu un voile qui la couvrait tout entière ; mais ce voile, dans la sixième férie après vêpres, s’écartait de l’image sans que personne y touchât, et par le seul miracle de Dieu, comme s’il était emporté dans le ciel, afin que l’image pût être parfaitement vue par le peuple. Et après la célébration des vêpres, le samedi, le même voile descendait devant le même portrait ou image, et y demeurait jusqu’à la sixième férie. Lorsqu’on vit ce miracle, on arrêta que toujours, dans cette férie, on chanterait la messe de la bienheureuse Vierge.

XXXII. Il y a aussi une autre raison : c’est que, lorsque le Seigneur eut été crucifié et fut mort, que ses disciples s’enfuyaient et désespéraient de sa résurrection, en elle seule demeura toute la foi, en ce samedi ; car elle savait comment elle l’avait porté sans fatigue et enfanté, et voilà pourquoi elle était certaine qu’il était le Fils de Dieu et qu’il devait ressusciter le troisième jour d’entre les morts. Et c’est là la raison pour laquelle le jour du samedi, plus que tout autre jour, est propre à la bienheureuse Marie.

XXXIII. La troisième raison, c’est que le samedi est la porte et l’entrée au jour du dimanche. D’où vient que, lorsque nous sommes au samedi, nous sommes près du dimanche. Or, le jour du Seigneur est le jour du repos, et symbolise la vie éterternelle. De là vient que lorsque nous sommes dans la grâce de notre Seigneur nous sommes en quelque sorte devant la porte du paradis. Donc, comme la bienheureuse Vierge elle-même est pour nous la porte qui conduit au royaume des cieux, que symbolise le dimanche, voilà pourquoi nous solennisons sa mémoire dans la septième férie qui précède le dimanche.

XXXIV. Quatrièmement, afin que la solennité de la Mère soit continuée par celle du Fils. Cinquièmement, afin qu’une festivité ait lieu dans le jour où Dieu s’est reposé de tout ouvrage.

XXXV. Il est encore à remarquer que, dans l’office de la messe où l’on représente la passion du Christ, nous nous servons de trois espèces de langues, savoir : la grecque, l’hébraïque et la latine, pour rappeler que le titre de la croix du Christ fut écrit en ces trois langues (S. Jean, xix), et pour marquer que toute langue, que l’on entend par cette triplicité, doit louer et confesser Dieu, parce que N. S. J.-C. est dans la gloire de Dieu le Père ; car, quoiqu’il y ait beaucoup de sortes de langues, celles-là cependant sont les principales. L’hébraïque, à cause de l’ancienne loi, et parce qu’elle est la mère des autres. La grecque, à cause de la philosophie (sapientiam), La latine, à cause de la noblesse et de la domination de l’empire romain. Les paroles latines, ce sont les épîtres, les évangiles, les oraisons et les cantiques (cantus). Les grecques sont : Kurie eleison, kriste eleison et umas. Les hébraïques sont : Alléluia, amen, sabaoth et osanna. De là vient encore qu’à la messe du pontife romain, dans les principales solennités, on lit l’évangile et l’épître non-seulement en latin, mais aussi en grec, pour marquer l’union étroite des deux peuples sous une seule et même foi, ou bien parce que l’Église est composée non-seulement des Latins, mais encore des Grecs ; et vois cela dans la sixième partie, au chapitre de la Parascève ou Vendredi saint.

XXXVI. Mais on demande si le prêtre doit célébrer la messe en présence de moins de deux personnes ? Et il semble que non ; car le pape Sother a aussi établi que nul ne s’imagine de célébrer solennellement la messe, si ce n’est en présence de deux personnes, et ayant avec lui une troisième personne qui lui réponde avec les autres. En effet, quand le prêtre dit : Dominus vobiscum (Que le Seigneur soit avec vous), et à la secrète : Orate pro me (Priez pour moi), il convient que plusieurs voix répondent à son salut et à son invitation. Mais il y a [encore] un autre point, qui est celui de la nécessité, dans lequel il peut célébrer en présence d’une seule personne, et dans un autre cas, qui est celui du mépris de la religion.

XXXVII. Il faut croire pieusement aussi, et cela est prouvé par des autorités certaines, que les anges de Dieu assistent en qualité de compagnons ceux qui prient et se tiennent auprès d’eux, selon cette parole du Prophète : « Je chanterai à ta louange en présence des anges. » Et l’Ange dit à Tobie : « Quand tu priais avec larmes, moi j’ai présenté ta prière au Seigneur. » Mais dans le canon [même] de la Messe sont contenues ces paroles : « Nous te supplions et nous te prions, Dieu tout-puissant, d’ordonner que ces choses soient portées par les mains de ton saint ange sur ton sublime autel. » De plus, chaque homme a son ange attitré pour le garder. De là vient que le Seigneur, dans l’Évangile, parlant des petits enfants, dit : « Leurs anges voient toujours la face de mon Père. » Donc, nous les avons comme participants dans la prière, eux qui seront nos coassociés dans la gloire éternelle. Cependant le prêtre seul ne peut célébrer le divin office sans l’aide d’un ministre ou servant, comme cela a été prévu d’avance dans la Constitution d’Alexandre. Le XIIe canon (quœst. i) du Concile de Tolède a encore établi ceci, à savoir : qu’en quel temps ou qu’en quel lieu où il y a peu de prêtres, on offre le saint sacrifice ; que tout prêtre qui sacrifie à Dieu ait derrière lui l’aide d’un secours prochain, afin que si, par un cas quelconque, celui qui monte à l’autel pour y célébrer les divins offices tombe à terre troublé ou blessé, il ait toujours derrière lui quelqu’un qui prenne intrépidement sa place. Si, toutefois, on dit la messe en un temps de paix ; s’il n’y a pas de guerre en ce lieu ; si l’Église est riche en clergé, et si elle a beaucoup de clercs [on agit alors autrement].

XXXVIII. Mais, généralement, on doit dire que c’est la messe ordinaire à laquelle assistent les prêtres, à laquelle on répond, on fait l’offrande et l’on communie, ainsi que la composition elle-même des prières le démontre par une règle manifeste.

XXXIX. L’introït se rapporte au chœur des prophètes, parce que, selon [saint] Augustin, « Moïse fut le ministre de l’Ancien-Testament, et les prophètes sont les ministres du Nouveau. » Kurie eleison se rapporte à ces prophètes qui vivaient près de l’avènement du Seigneur, desquels furent Zacharie, et Jean-Baptiste son fils. Gloria in excelsis appartient au ciel, qui devait annoncer aux bergers la joie qu’éprouvèrent les anges de la nativité du Seigneur. La première collecte se rapporte à ce que le Seigneur faisait environ l’âge de douze ans, savoir, lorsque, montant à Jérusalem, il s’asseyait au milieu des docteurs, écoutant et interrogeant. L’épître appartient à la prédication de [saint] Jean. Le répons se rapporte à la bonne volonté des apôtres, savoir, comment ils furent appelés par le Seigneur et comment ils le suivirent. Allelu-Ia appartient à l’allégresse de leur ame, qu’ils avaient à la suite de ses promesses et de ses miracles, qu'il faisait ou qu’ils faisaient par son nom. L’évangile regarde le temps depuis sa prédication jusqu’au temps prédit [de sa mort]. Et ce qui a ensuite lieu pendant l'office de la messe se rapporte à ce temps qui est depuis le dimanche, quand les enfants des Hébreux allèrent au-devant de lui, jusqu’au jour de son Ascension ou de la Pentecôte. L’oraison dite secrète (la secrète), jusqu’à Nobis quoque peccatoribus, désigne cette oraison à laquelle Jésus s’exerçait sur le mont des Oliviers. Et ce qui a lieu après signifie ce temps pendant lequel le Seigneur fut couché dans le sépulcre. Quand on met le pain dans le vin, cela montre que l’ame de Dieu retourne dans son corps. La salutation qui suit signifie les saints faits ensuite par le Christ aux disciples. La fraction du pain (oblatœ)[15] figure la fraction du pain faite par le Seigneur aux disciples dans Emmaüs. Ces choses seront dites plus complètement en leurs lieux. On parlera, dans la septième partie, de la messe pour les morts et de leur office.

XL. Jusqu’à présent, la messe ne doit être dite, à moins d’une grande nécessité, que dans les lieux consacrés à Dieu, c’est-à-dire dans les sanctuaires (in tahernaculis) consacrés par les prières qu’adressent à Dieu les pontifes. Donc, il ne faut pas dire la messe dans les maisons profanes, sans la permission de l'évêque, parce qu’il est plus saint de ne pas chanter ou de ne pas entendre la messe que de faire cela dans les lieux où il ne le faut pas. D’où vient qu’il est écrit : « Vois à ne pas offrir tes holocaustes en tout lieu que tu trouveras ; mais en tout lieu dont le Seigneur, ton Dieu, aura fait élection. » On parlera de cela dans la préface de la cinquième partie. Mais il peut y avoir nécessité, comme de la dire dans un navire ou dans une armée, sous un pavillon (sub papillione), ou sous le ciel (sub dio) si l’on ne peut avoir un pavillon ; mais, alors, avec une table ou un autel portatif (altari viatico). Et le prêtre ne doit pas célébrer la messe, sans la permission de l’évêque, sur l’autel où l’évêque l’a célébrée le même jour.

XLI. Toutefois, le pape Sixte a statué qu’on ne célébrerait pas la messe ailleurs que sur un autel [stable]. Le pape Félix P a établi qu’on célébrerait la messe sur les tombeaux ou monuments élevés à la mémoire des martyrs (memorias martyrum)[16]. Le pape Boniface II a établi que pendant la célébration de la messe les clercs seraient séparés des laïques. Le pape Martin statua qu’on chanterait la messe à haute voix alta voce). Le pape Vigile établit qu’on la dirait dans la partie orientale de l’église.

XLII. Il faut aussi remarquer que pendant la messe on représente le combat et la victoire du prêtre contre l’antique ennemi. Nous parlerons de la marche (processus, procession) à ce combat, au chapitre de l'Entrée du Pontife à l’autel, sur la fin. Nous avons montré, dans la préface de la troisième partie, quels sont les armes et le combat du prêtre.

XLIII. La messe imite encore en quelque sorte un jugement. D’où vient aussi que le canon s’appelle (actio) action. Or, l’action c’est la cause produite en justice ; mot à mot, cela signifie le barreau. En effet, pendant la messe il s’agit de notre cause ; le sanctuaire est le prétoire, Dieu est le juge, le diable l’accusateur, les ministres ou servants les témoins, le prêtre l’avocat et le défenseur. Il est Moïse, qui portait la cause du peuple devant le Seigneur, lui par le patronage duquel la ruse et la fausseté sont confondues, notre innocence entièrement prouvée, nous sommes absous, la colère du juge est apaisée, et la faute remise par sa miséricorde. Au reste, la messe est appelée un mystère, parce qu’elle se produit au dehors, et un sacrifice, parce qu’on l’offre devant tous et pour tous.

XLIV. Et l’office de la messe est surtout divisé en deux parties, savoir : la messe des cathécumènes et la messe des fidèles.

XLV. La messe des catéchumènes, c’est depuis l’introït jusqu’à l’offertoire. Cette messe (missa) tire son nom de emittere, mettre dehors, renvoyer, parce que quand le prêtre commence à consacrer l’eucharistie on renvoie les catéchumènes hors de l’église. D’où vient que, très-anciennement, après la lecture de l’évangile, le diacre avait coutume de crier à haute voix, dans le jubé (supra pulpitum) : « S’il y a ici quelque catéchumène, qu’il sorte dehors, » comme on le dira dans la sixième partie, à l’article de la Quatrième Férie (mercredi) du quatrième Dimanche de Carême. Ce qui avait lieu parce que, quoique les catéchumènes, fussent instruits et fortifiés (instructi) dans la foi, cependant ils n’avaient pas encore pris la seconde naissance ou le baptême, et voilà pourquoi ils n’étaient pas encore du corps de l’Église, pas plus que les Juifs et les Gentils. C’est pourquoi ils ne devaient pas assister aux sacrés mystères de l’autel, que l’on ne confie qu’aux fidèles baptisés, et parce qu’on ne doit pas montrer les trésors de l’Église à ses ennemis. D’où vient qu’il est écrit touchant quelques-uns qui représentaient le type ou la figure de catéchumènes, et n’ayant pas encore pris une seconde naissance : « Or, Jésus ne se confiait pas à eux, sachant ce qu’il y avait dans l’homme. » De là vient encore qu’il est dit dans le canon du Concile de Carthage (De consecratione, distinct. i, Episcopus) que « l’on empêche le Gentil, l’hérétique et le Juif d’entrer dans l’église et d’ouïr la parole de Dieu jusqu’à la fin de la messe des cathécumènes, et aussi les incestueux » (XXXV, dist. III, De incest., et cap. seq.).

XLVI. Mais la messe des fidèles a lieu depuis l’offertoire jusqu’à la postcommunion, et cette messe (missa) tire son nom de dimittere, congédier, parce que lorsqu’elle est achevée on congédie chaque fidèle à sa demeure.

XLVII. Or, parfois messe (missa) est un nom collectif, parce que tantôt on l’appelle messe depuis l’introït jusqu’à l’offertoire, et tantôt depuis l’introït jusqu’à l’ite missa est (Allez, la messe est dite), et cela avec plus de vérité, parce qu’alors l’hostie est achevée, la victime est consommée. Parfois, ce qui est plus usité, on appelle messe tout l’office, depuis l’introït jusqu’à l’ite missa est, ou l’invocation du nom du Seigneur que fait le prêtre sur l’autel, invocation en quelque sorte transmise, d’autant plus que le peuple fidèle transmet ses prières, ses supplications et ses vœux au Très-Haut, par le ministère sacré du prêtre, qui tient la place de médiateur entre Dieu et les hommes, c’est-à-dire celle du Christ. Parfois, cependant, ce nom signifie l’office que l’on dit à voix basse, et parfois seulement les paroles avec lesquelles on consacre le corps du Seigneur.

XLVIII. Parfois messe (missa) est un nom propre, parce qu’il signifie le Christ qui fut envoyé (missus) par le Père en ce monde. Il signifie aussi l’ange qui est envoyé (mittitur) afin que, par ses mains, l’hostie soit offerte sur le sublime autel du Seigneur. Or, le sacrifice même, c’est-à-dire l’hostie est appelée messe (missa)[17], comme en quelque sorte si l’on disait (transmissa) qu’elle est transmise, savoir : d’abord, par le Père à nous, afin qu’elle habitât avec nous ; ensuite, par nous au Père, afin qu’elle intercède à son tour pour nous auprès de lui. Elle est encore transmise : premièrement, à nous, par Dieu le Père, par l’incarnation du Christ, son Fils, qui fut envoyé du ciel, et ensuite au Père par nous, par sa passion ; de même, dans le sacrement de l’autel, elle est transmise à nous : premièrement, par le Père, en vertu de la sanctification par laquelle il commença à être avec nous ; ensuite, au Père par nous, en vertu de l’oblation par laquelle il intercède pour nous auprès du Père. Car cette mission ou légation est seule suffisante et capable pour délier les inimitiés et les offenses qui sont entre Dieu et les hommes. Quand donc le diacre dit à la fin de la messe : « Ite, missa est, » c’est la même chose que s’il disait : « Retournez chez vous, » ou « Suivez le Christ, » parce que la messe ou l’offrande, c’est l’hostie du salut placée entre nos mains pour apaiser Dieu le Père.

XLIX. On peut aussi, et d’une autre manière, diviser la messe en quatre parties, selon l’Apôtre dans la Ie épître à Timothée, chap. ii. Le canon du Concile de Tolède la fait aussi consister et se renfermer en supplications, en oraisons, en demandes et en louanges ou actions de grâces, dont on expliquera les formules dans la cinquième partie, à l’article de Tierce. La première partie s’étend — depuis l’introït jusqu’à l’offertoire, et on lui donne le nom de supplications, c’est-à-dire prédications qui ont lieu avant que l’on commence à bénir les espèces (species). La seconde, jusqu’à la fin de l’oraison dominicale, savoir, à cet endroit : Libera nos, quœsumus, Domine, etc. (Délivre-nous, nous t’en supplions. Seigneur, etc.). La troisième, jusqu’à la communion, à savoir, selon [saint] Augustin, les oraisons que l’évêque dit après la communion (la postcommunion). La quatrième, jusqu’à la fin, à savoir, selon [saint] Augustin, quand, après l’Ite missa est ou Benedicamus Domino (Bénissons le Seigneur), le peuple répond : Deo gratias (Grâces soient rendues à Dieu). Mais, selon les autres, la première partie s’étend depuis l’introït jusqu’à Te igitur ; la seconde, jusqu’à Oremus prœceptis salutaribus, etc. ; la troisième, jusqu’aux collectes (collectas)[18] ; la quatrième, jusqu’à l’ite missa est. Encore, parce que le Christ a versé son sang par cinq parties de son corps, voilà pourquoi l’office de la messe, depuis l’offertoire et auparavant, est subdivisé en cinq parties, comme on le dira en son lieu, etc. Et aussi, parce que sur la croix seule eut lieu l’effusion du sang en cinq jets, voilà pourquoi aussi le seul canon est subdivisé en cinq parties : la première jusqu’à Pridie, la seconde jusqu’à Memento, la troisième, jusqu’à Prœceptis, la quatrième jusqu’à l’embolis[19], la cinquième jusqu’aux collectes, etc.[20].

  1. S. Jacques-le-Mineur.
  2. A cause de quoi il est appelé par S. Epiphane le Chef du sacrifice, et communément le Liturgique, comme qui dirait le Sacrificateur par excellence : aussi dit-on qu’il composa la première liturgie, que nous avons encore.
  3. Li cuers doit estre
    Semblans à l’encensier
    Tous clos envers la terre,
    Et overs vers le ciel.

    « Le cœur doit être semblable à l’encensoir, entièrement fermé du côté de la terre et ouvert vers le ciel. »
      Le Séraphin, poème Mss. de la Bibl. imp., n° 1862. « Ce poème inconnu, dit M. le comte de Montalembert, semble avoir ainsi devancé la magnifique expression de Bossuet, lorsqu’il dit du cœur de Mme « de La Vallière qu’il ne respirait plus que du côté du ciel. » (V. Introd. de l’Histoire de S. Elis, de Hongrie, p. xc, note 2.)

  4. [Actio, dit Du Cange, Canon missae, sic dictus, quia in eo sacramenta conficiuntur dominica, inquit Walafrid Strabon (lib. de Reb. eccles., cap. 22)]. Actio, c’est le canon de la messe, Honoré d’Autun (lib. 1, cap. 8). [Missa quoddam judicium imitatur ; unde et Canon Actio vocatur. Actio autem est causa, quae in publico conventu coram judicibus agitatur. ] Intenter une action, comme l'on dit de nos jours. Le même auteur (cap. 103) : [Canon dicitur Regula, quia per eum regulariter fit sacramentorum confectio. Hic etiam Actio dicitur, quia causa populi in eo cum Deo agitur]. (V. Hugues de Saint Victor, 1. 2, De Offic. eccles., cap. 29 ; — Bernon Aug., cap. 1, et le Micrologue, c. 12.)
  5. [Hora tertia, sexta et nona.] L’heure de tierce, de sexte et de none.
  6. C’est en mémoire de cela que le Veni Creator Spiritus se chante toujours avant la messe et à l’heure de tierce ou troisième heure (hora tertia).
  7. « Cette sorte de messe…, qui vulgairement est appelée messe sèche ou messe de navigation, encore aujourd’hui est usitée en quelques endroits pour marque d’une singulière dévotion envers la messe. On la nomme sèche, parce qu’elle est célébrée sans consécration et communion, avec le simple récit des autres prières qui la composent. On l’appelle aussi de navigation, parce que, comme il n’est pas permis de dire la messe sur mer dans un vaisseau, pour le danger qu’il y a de répandre le sang qui est dans le calice, à cause des fréquentes agitations des vagues, ceux qui sont sur mer, ne pouvant mieux faire, se consolent au moins par cette sorte de messe, laquelle se dit en cette manière : Le prêtre, étant revêtu d’un surplis seulement et d’une étole, sans autre chose, et ne mettant sur l’autel ni l’hostie ni le calice, prend le Missel en ses mains, dans lequel il lit l’épître, l’évangile et le Pater ; après quoi il donne la bénédiction au peuple… Mathieu Galenus assure que telles messes sont fort usitées en Flandre. La pratique encore en est commune en quelques diocèses de France, et on s’en sert en certains endroits aux enterrements qui se font l’après-dînée, ou lorsqu’il n’y a qu’un prêtre en ces lieux-là qui a déjà célébré la messe, et qu’il survient quelque nécessité qui oblige de recourir à Dieu par l’entremise des personnes qui sont spécialement vouées à son service. » Bocquillot fait remonter l’antiquité de cette sorte de messe au IXe siècle : « L’on ne peut douter, dit-il, que Prudence, évêque de Troyes (en Champagne), ne l’ait trouvée en usage de son temps, ou ne l’ait introduite en faveur des malades qu’on allait communier en viatique ; car il la décrit dans un Pontifical Mss. qu’on a de lui. » (V. Bocquillot, Traité hist. de la Liturgie ou de la Messe, l. 2, chap. 7, p. 394 ; — Grimaud, la Liturgie sacrée, partie 1, chap. 10, p. 59 et 60. — V. Du Gange, Missa sicca ; et D. Carpentier, Supplem. ad Gloss. Du Gange, v » Missa ficta.)
  8. Pierre-le-Chantre, de Paris, écrivain du XIIe siècle, donne de cette bizarre coutume une explication curieuse ; c’est dans le chapitre 27 de son Verbum abbreviatum qu’elle se trouve. Ce docteur, parlant des prêtres qui célébraient de son temps des messes à double face par esprit d’intérêt, c’est-à-dire qui disaient une messe jusqu’au temps de l’offrande, et, voyant que personne ne venait rien apporter à l’endroit de l’offertoire, recommençaient une autre messe, et ainsi jusqu’à trois et quatre fois, et ne continuaient ensuite le sacrifice que lorsqu’ils avaient reçu des offrandes ; après, dis-je, avoir décrit cet abus en des termes énergiques, il dit : [Hi similes sunt cantantibus fabulas et gesta ; qui, videntes cantilenam de Landrico non placere auditoribus, statim incipiunt de Narcisso cantare : quod si nec placuerit, cantant de alio] ; « Ils sont semblables aux chanteurs de contes et de chansons de gestes, qui, voyant que la chanson de Landri ne plaît pas aux auditeurs, commencent aussitôt celle de Narcisse, et, si elle ne plaît pas, ils en chantent une autre. » Pierre-le-Chantre mourut vers 1197 ; il est curieux de voir, environ un siècle après (1284), se continuer une pratique dont le pieux théologien nous fait connaître la source et les abus.
  9. Secretelas. [Secretella, oratio quæ etiamnum Secreta appellatur, quam subsequitur Praefacio.] Les Statuts Mss. d’Augerius’, évêque de Conserie (en Irlande), anno [1280], expliquent ainsi ce mot : [Deinie respiciens librum, manibus ut prius ante humeros elevatis dicit Secretellas, et in fine ultimae Secretellœ dicens, Per omnia sæcula sæculorum…, Sursum corda, etc.] (V. du Cange, Secretella.)
  10. Par exemple, le sacrifice d’Abraham figure de la passion du nouvel Isaac, le Christ, fils de Dieu.
  11. Perfusio a le sens d' Ablution dans les auteurs liturgiques. « Cum scilicet sumptis sacræ Eucharistiæ speciebus, sacerdoti vinum et aqua infunduntur ut digitos abluat, ditDu Gange, verbo Perfusio. » Statuta Ord. Præmonstrat., dist. 1, cap. 1. [Cum aliquis in Natali Domini vel alias de necessitate duas missas debuerit celebrare, post primam missam, sumpto sacramento Eucharistiæ, vinum perfusionis, sive ablutionis non sumat, sed abi ad sumendum tradat.] (V. ibid., Super fusio, Profusio.)
  12. Hugues de Saint-Victor.
  13. V. Du Cange, verbo Feriœ.
  14. Guillaume Durand donne de ce proverbe d’écolier une explication purement liturgique (V. § 20, chap. 6, lib. 4) ; nous croyons cependant que la plus naturelle est celle-ci. Voici à quelle origine on rapporte le motif de la célébration du jeudi observé par les écoliers : Diogène Laërce (Vies des Philosophes) raconte que Anaxagoras étant prêt d’expirer, les principaux de la ville de Lampsaque, où il mourut, lui demandèrent s’il ne leur voulait rien ordonner. Il leur commanda de donner tous les ans congé aux enfants et de leur permettre de jouer à pareil jour que celui de sa mort. Cette coutume s’est toujours conservée depuis, bien qu’on ne s’en rappelle guère l’origine.
  15. Oublies. Les hosties, ou pain à chanter (la messe), que les prêtres consacrent à l’autel, étaient appelées oblatæ. Fulbert, évêque de Chartres (ep. 1), dit : [Multæ oblatæ propter vota offerentium, unus panis est propter unitatem corporis Christi]. Le 5e Concile d’Arles (can. 1) : [Ut oblatæ quæ in sacro offeruntur altari a comprovincialibas episcopis, non aliter nisi ad formam Arelatensis offerantur ecclesiaî]. Et parce que les oublies de cuisine et de pâtisserie sont faites de la même façon, elles furent aussi appelées oblatæ, comme le prouve ce passage de Geoffroy, abbé de Vendôme, qui (lib. 1) en décrit ainsi la confection : [His panibus, quos oblatas appellant, conficiendis pariter et coquendis exhibebat ministerium. Cumque ille instrumentum ferreum, ut sæpe vidistis, hujusmodi panibus coquendis Calefecisset, et illas ferri patenas, quae sibi concatenatæ artificiosa diligentia nunc aperiuntur, nunc relaxantur, suscipiendis quæ coquenda erant, aperuisset]. On ne peut mieux décrire l’outil employé encore aujourd’hui à la fabrication des oublies, des hosties et des pains à cacheter. Enfin, Ison (De miraculis S. Othmari, l. 1, c. 3) dit que les oublies d’autel étaient de forme ronde : [Quaedam panis rotulæ, quæ vulgo oblatæ dicuntur]. On donnait le nom d’oublieurs à ceux qui, au moyen-âge, se livraient exclusivement à la confection de cette sorte de pâtisserie ; aujourd’hui, il n’est resté qu’à ceux qui la vendent par les rues. — Amalaire (ap. Baluze, t. 2, capit., col. 1364) dit, en parlant de la fraction deThostie en trois parts, qu’elle représente cette fraction du pain que notre Seigneur fit aux deux disciples dans Emmaûs, et que c’est en mémoire des trois parts qu’il en fit alors que le prêtre observe de briser l’hostie en trois parties. — Arnulphus Roffensis (ep. 2, in Spicil. d’Acheri, t. 2, p. 434) dit que, dans la primitive Eglise, toutes les hosties avaient la forme et l’épaisseur d’une pièce de monnaie {in forma nummi). — Raymond (in Summula) rapporte, à propos de la confection de l’hostie, de la qualité de la farine, etc., six vers que nous transcrivons ici :

    ---1
    Munda sit oblata, nunquam sine lumine cantes.
     
    ---------------2
    Hostia sit modica, sic Presbyteri faciant hanc.
     
    -----3 -------4 --------5 ---------6 -----------7
    Candida, triticea, tenuis, non magna, rotunda,

    ---1 -------------------2
    Expers frumenti, non salsa sit hostia Christi.
     
    -------------------3 -------------------4
    Spernitur oblata duplex, vel a terra levata

    ------------5 -------------6 -------------7
    Facta, vel inflata, vel discolor, aut maculata ;


    où l’on voit les sept qualités et les sept défauts du pain à chanter. — Nous voyons, par la Vie de S. Cutbert et par le premier livre des Miracles de S. Omer (Othmarus), que les chrétiens d’Occident avaient coutume d’ensevelir leurs morts avec des hosties non consacrées sur la poitrine. (V. plus loin la note que nous avons faite sur les nos 5 et 6 du chap. 30 du liv. 4 du Rational, qui a pour titre : [De la Confection des Hosties, dites pains d’autel ou pains à chanter] ; — Du Cange, verbo Oblata.)

  16. « Memoria, dit Du Cange, monumentum, sepulcrum, mnèmeion. » Monument, tombeau, et en grec souvenir, tels sont les sens attachés au mot Memoria par les auteurs ecclésiastiques ; mais on donnait surtout le nom de Memoriæ aux oratoires bâtis sur les corps des saints ou qui renfermaient leurs reliques. Cette désignation devint plus tard commune à toute église ou édifice sacré : aux autels (1), aux châsses (2), à tout ce qui avait servi à un saint (3), au jour anniversaire de sa fête (4), enfin aux funérailles de tout chrétien (5). — Exemples : (1) Vita S. Bertulfi, saec. 5 Bened., part. 1, p. 59 : [In Blandiniensi namque ecclesia Memoriam fidelium defunctorum construxit fidelium vivorum industria]. — (2) Miracula S. Landeberti, saec. 3 Bened., part. 1, p. 80 : [Dignam ei praeparaverunt mansiunculam, quæ opere artificum mirabili et copiosa mole auri et argenti et gemmarum et lapidum pretiosorum… fabricata est… Ibique, ut decebat, urbana et venerabilis mirifica Memoria haec praegrandi ecclesia composita est], — (3) Translat. S. Launomari, saec. 4 Bened., part. 2, p. 248 : [Missi eo monachi secum deferunt gloriosi baculum confessoris… At ne quis ignoraret istam sancti Memoriam suae inesse ecclesiae, superpositus altari rei fidem exhibebat]. — (4) Joannes Hierosolymitanus, l. 3, in Stratagemata B. Job : [Propterea et Memorias sanctorum facimus, et parentum nostrorum vel amicorum in fide morientium dévote Memoriam agimus, etc.]. — (5) Provinciale Cantuar. Eccl., 1. 3., tit. 14 : [Peractis a viris ecclesiasticis mortuorum Memoriis, etc.].
  17. Voir la note 1 page 417).
  18. Ce mot a deux sens : [Collecto, Sunaxis (Synaxe), sacrum missae sacrificium, ad quod christiani coire et colligi soient : populi ad sacra ecclesiarum officia peragenda conventus, atque adeo quodvis officium ecclesiasticum]. Voilà pour le premier sens, exemple : [Collecta, ditPapias, dicitur eo quod colligatur populus in unum, ut ostendat Christum in Evangelio venturum]. — Collecta dans le second sens : [Oratio, quam is qui clero vel monachis prseest, fmito et expleto quolibet canonico ofticio, velut omnium astantium vota et preces in unum colligens, publiée et voce altiori récitât ; sic dicta, inquit Micrologus, de Observât. Eccles., cap. 3, eo quod sacerdos, qui legatione fungitur pro populo, ad Dominum omnium petitiones ea oratione colligat atque concludat.] (V. Rupert, lib. 1 de divin. Offic, cap. 19 : [Collectœ, dit-il, quae dicuntur ad complendum, orationes sedentis in cœlo capitis nostri Josu Christ signant]. Et Alcuin, lib. de divin. Offic. : [Collecta dicta est a collectione, eo quod ex auctoritate divinarum Scripturarum sic collecta, quae in Ecclesia leguntur]. Du Cange, Gloss., vocibus Collecta, nos 6 et 8.
  19. Dans l’édition du Rational de Lyon, en 1592, on lit embolismum ; mais c’est une faute. ( V. Du Cange, Embolismus.) C’est embolis ou embolum qu’on aurait dû mettre. Ce mot, chez les auteurs ecclésiastiques, signifie cette partie qui termine l’oraison dominicale, savoir : Sed libera nos a malo. Amen, parce que, comme dit S. Cyprien (Serm. 6, et, après lui, Amalaire, 1. 3 de Eccl. Offic, cap. 29) : [In consummatione orationis venit clausula, universas petitiones et preces nostras collecta brevitate concludens]. L’Ordre romain : [Sequitur in altum praefatio dominicae Orationis, et Oratio dominica cum emboli sua, in quatres articuli orationis inveniuntur]. (V. Bona, lib. 2, Rer. liturgie, c. 15, n » 2.)
  20. La messe était anciennement divisée en messe des catéchumèmes et messe des fidèles. Dans la suite, divers auteurs ont fait d’autres divisions arbitraires. Nous la divisons, d’après le P. Lebrun (Explication… de la messe, t. 1, p. 7), en six parties, qui se distinguent facilement. La première est la préparation publique qui se fait au bas de l’autel ; la seconde commence à l’introït et contient les instructions et les prières qui se font à l’autel jusqu’à l’oblation ; la quatrième est le canon ou la règle de la consécration ; la cinquième, qui commence au Pater, renferme la préparation à la communion et la communion même ; la sixième est l’action de grâces.