Rational (Durand de Mende)/Volume 2/Quatrième livre/Chapitre 30

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 2p. 178-197).


CHAPITRE XXX.
DE L’OBLATION DU PRÊTRE,
de l’office de ses ministres pendant ce temps-là, de la patène, et des offrandes du peuple et des clercs.


I. Le célébrant s’étant lavé les mains, le diacre ou le prêtre qui l’assiste, étendant ses mains munies d’une blanche serviette (tobalia)[1], prend les mains de l’évêque comme pour l’aider à se lever de son fauteuil ; cependant, ce n’est pas tant pour l’aider que pour l’inviter, lui qui est la figure du Christ, à se lever et à prier pour le peuple, selon cette parole : « Lève-toi, Seigneur, secoure-nous. » Et ailleurs : « Lève-toi, toi qui dors. » Cette blanche serviette que l’assistant tient entre ses mains est pour figurer qu’il n’y a que la vue de la pureté de nos mains, c’est-à-dire de nos œuvres, qui engage le Seigneur à nous aider tous auprès de son Père. Or, si l’on rapporte cette cérémonie au pontife, vicaire du Christ, on peut dire alors qu’il est invité à venir en aide à ceux pour lesquels il prie, en voyant la blancheur de leurs mains, et à donner à sa prière toute l’efficacité possible. C’est le Christ qui est le principal auteur de toutes les bonnes œuvres qui se font dans l’Église, comme on le lit dans Isaïe : « Seigneur, c’est toi qui as fait en nous toutes nos bonnes œuvres. » Or, l’évêque tient la place de Dieu. Quant au ministre, qui est comme son serviteur, comme son coadjuteur, il représente l’Église coopérant avec le Christ, et qui, dans tout ce qu’elle fait, est la servante et aide du Christ, qui est le principe de toutes ses actions, cmme dit l’Apôtre : « Nous sommes les coadjuteurs de Dieu, » qui donne la serviette, c’est-à-dire le respect dévoué ; car, selon l’Apôtre, ce nous ne sommes pas capables de former de nous-mêmes aucune bonne pensée comme venant de nous-mêmes ; mais c’est Dieu qui nous en rend capables. »

II. Ensuite, l’évêque ou le prêtre célébrant entre dans le sanctuaire et monte à l’autel consacré ; il représente alors le Christ, qui entra dans une grande chambre haute toute meublée, pour y faire la cène avec ses disciples et leur donner son corps. Quand le célébrant reçoit l’offrande de la main de ses assistants, il représente ce que raconte Jean l’évangéliste en ces termes : « Jésus, dit-il, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie, où il avait ressuscité Lazare d’entre les morts. On lui apprêta là à souper, et Marthe servait. »

III. L’évêque s’avance à l’autel sans mitre et sans crosse, revêtu des ornements sacrés, comme on l’a dit en son lieu. Considère l’ordre du sacrifice : l’évangile se dit d’abord, la foi suit dans le symbole, ensuite sont offerts les présents. Il faut, en effet, d’abord entendre la parole de Dieu : « Comment, dit l’Apôtre, croiront-ils dans le Seigneur, si personne ne leur prêche ? » Ensuite, nul ne peut offrir à Dieu un présent qui lui soit agréable, s’il n’a une foi droite, parce que sans la foi est impossible de plaire à Dieu. Nous devons donc parler ici des trois espèces d’offrandes, savoir : de l’offrande du prêtre, des assistants et du peuple. Le prêtre s’offre lui-même le premier à Dieu.

IV. On doit offrir à Dieu ce qui vient de Dieu, c’est-à-dire les âmes, qui ont en elles la ressemblance de Dieu imprimée ; puis on offre les choses nécessaires au sacrifice, savoir : le pain, le vin et l’eau, et autres choses convenables.

V. Et remarque que dans l’Ancien-Testament on mettait sur la table du tabernacle douze pains azymes très-blancs (11), six à chaque bout de la table, et chaque pain était sur un plat d’or garni d’une poignée d’encens.

VI. Ces pains furent appelés sacerdotaux, parce que les seul prêtres pouvaient les prendre, les ôter de l’autel pour les manger, ou, selon Josèphe, parce que le Seigneur avait commandé que les seuls prêtres les pétriraient, les feraient cuire, les placeraient sur la table et les y prendraient, toutes choses que cependant ils n’observèrent pas. Et cela prouve que les prêtre doivent faire les hosties eux-mêmes (12).

VII. On appelait ces pains pains de proposition, parce qu’il étaient placés sur la table de proposition, devant le Seigneur, comme un souvenir éternel des douze tribus des enfants d’Israël, ou parce qu’ils étaient porro positi, c’est-à-dire placés pour un long temps, savoir, pour toute une semaine. Car dès le point du jour du sabbat on en mettait de nouveaux et de tout chauds sur cette table, et ils y restaient, sans qu’on y touchât, jusqu’au sabbat suivant, et alors on les enlevait, ou ils y restaient toujours dans le même ordre qu’on les y avait mis.

VIII. L’hostie est ronde, parce que la terre appartient au Seigneur avec tous les pays qu’elle renferme dans son cercle et avec tous ceux qui l’habitent (viii dist., Quo jure) ; et la forme même de l’hostie représente Celui qui n’a ni commencement ni fin, puisqu’il est l’alpha et l’oméga, le commencement des commencements et la fin des fins (Apocalypse, chap. i) ; et, cmme la figure ronde est formée point par point, cela veut dire que tout part de lui et que tout retourne à lui, ce qui a fait dire au Psalmiste : « La vérité forme ton entourage. » On a parlé de cette figure dans la préface de la seconde partie, et i en traitera encore dans la sixième partie du canon, aux mots Accepit panem.

IX. On offre deux choses, un don et un sacrifice. On appelle don tout ce qu’on offre en or, en argent ou en toute autre matière. Cependant un don et un présent sont deux choses différentes, comme on le dira à l’article de la première partie du canon, aux mots Hœc dona.

X. Le sacrifice, c’est la victime et tout ce qu’on brûle sur l’autel ou ce qu’on y met comme une chose devenue sacrée ou cmme un symbole, parce que l’hostie est consacrée pour nous par une parole mystérieuse, en mémoire de la passion du Seigneur. Mais certains hérétiques pervers nous reprochent d’être grandement présomptueux, parce que nous sacrifions et parce que nous appelons sacrifice la consécration de l’hostie, tandis que l’Écriture dit par la bouche du Seigneur : « Je ne veux pas de sacrifice. » Et Isaïe : « Qu’on ne m’offre plus un vain sacrifice. » Et dans l’Évangile : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice. » David : « Si tu avais souhaité un sacrifice, je n’aurais pas manqué à t’en offrir ; mais tu n’aurais pas les holocaustes pour agréables. » Touchant cela, nous avons dit ce que c’est qu’un sacrement, dans la première partie, au chapitre des Sacrements de l’Église. Tout ce l’on donne à Dieu lui est ou dédié ou consacré. Ce que l’on dédie se donne avec des paroles (dicendo datur), d’où vient le nom même de dédicace. Donc, ceux qui pensent que la consécration a le même sens que la dédicace sont dans l’erreur. Le mot immolation, employé par les anciens, vient de ce qu’on plaçait un gâteau rond (mola) sur la tête de la victime devant l’autel. Les libations (mactari) viennent après l’immolation ; mais maintenant on fait en même temps l’immolation et du pain et du vin contenu dans le calice.

XI. La libation a été remplacée par la seule offrande du calice, selon cette parole : « Il a offert à Dieu le sang de la vigne ; » et selon cette expression du poète : « Maintenant, offrez les coupes à Jupiter. » Or, faire des libations, c’est répandre ; et dans l’antiquité, tout ce qu’on offrait de liquide, comme le vin et l’huile, s’appelait libation ou effusion, tandis que les offrandes sèches, comme le pain et l’encens, recevaient le nom d’oblation.

XII. Chez les anciens, les hosties s’appelaient sacrifices, et on les offrait avant de marcher contre les ennemis (hostes). On donnait le nom de victime au sacrifice que l’on immolait après la victoire, pour remercier le ciel d’avoir vaincu les ennemis, et l’on parlera de cela à l’article de la Sixième partie du Canon, aux mots Qui pridie, et les victimes étaient de plus grands sacrifices que les hosties. Ou bien on les appelait victimes, parce que l’animal que l’on devait tuer était amené lié (vincta) aux pieds des autels.

XIII. L’holocauste est l’action par laquelle on offrait un animal entier, comme un agneau ou un veau, que l’on brûlait dans le feu de l’autel. Car elon en grec veut dire entier, et kauston embrasement. Toutes les choses sacrées que les Latins appellent cérémonies y sont nommées orgies chez les Grecs, Cependant on les appelle convenablement cérémonies, du verbe latin carere, parce que les hommes se privent (carent), pour leur usage, de ce qu’ils offrent dans les solennités religieuses. D’autres donnent le nom de cérémonies aux observances des Juifs, qui s’abstenaient de certaines nourritures, conformément à l’ancienne loi, et ils tirent ce nom du verbe latin carere, parce que les Juifs manquent (carent) des choses dont ils s’abstiennent. Le sacrement du pain et du calice s’appelle eucharistie, comme on le dira aux mots Qui pridie.

XIV. Enfin, à l’égard de l’oblation du prêtre, ses assistants remplissent leurs offices, le diacre d’abord, en dépliant et en arrangeant le corporal sur l’autel, pour montrer que l’évangile figure d’une manière complète le Christ ou son corps, en un mot son humanité seule. Car le corporal représente le corps du Christ, comme on l’a dit dans le précédent chapitre. Ensuite, le sous-diacre préparera avant toutes choses le calice, en y mettant le pain et le vin que le prêtre doit consacrer ensuite ; et la loi, qui est convenablement désignée ici par le sous-diacre, a figuré d’avance le mystère de cette offrande, quand elle dit que Melchisédech, prêtre du Seigneur, offrit à Abraham du pain de froment et du vin exprimé de la grappe, deux choses que le Christ devait plus tard produire et consacrer en vérité, comme on le dira dans la Sixième partie du Canon, aux mots Accepit panem.

XV. L’offrande du pain et du vin représente les pieux désirs des fidèles, soit à l’égard de l’immolation, ou en vue de l’hostie vivante. Le pain figure le corps du Christ, le vin son sang, et l’eau le peuple. Le mot pain vient du grec pan qui veut dire tout, parce que ce pain sera toute notre vie dans le siècle futur, et le vin est ainsi appelé a vite, de la vigne, à laquelle le Seigneur se compare dans l’Évangile. Aqua, l’eau, est ainsi appelée du mot latin æqualitas, égalité, parce que ce sacrement nous égale (æquat) aux anges. Mais, quoqu’il y ait deux espèces, il n’y a cependant pas deux sacrifices, car l’unité de paroles fait l’unité du sacrifice. C’est ce manteau dont les fils de Noé voilèrent leur père, et dont les chrétiens couvrent l’ivresse du Christ, c’est-à-dire sa passion sous le sacrifice[2].

XI. Ensuite, le sous-diacre, portant de la main gauche le calice couvert du corporal, et l’offrant au diacre, signifie que le Seigneur remplit l’office de sous-diacre quand il ouvrit le livre, et de diacre quand il dit : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir. » Le diacre reçoit de la main du diacre la patène avec l’hostie, et la tient entre le pouce et l’index de ses deux mains, après avoir interposé cependant un linge (manipulo) entre ses pouces et la patène. Les mains du sous-diacre, ce sont les œuvres de la loi ; la patène, c’est l’étendue du cœur ; le manipule, ce sont les œuvres de l’Évangile ; le pouce, la force de la vertu ; l’index, le discernement. Toutes ces choses ont lieu pour montrer que les œuvres de la loi, l’étendue du cœur et les actions charitables ne suffisent pas pour être sauvé, si elles ne sont aidées et menées à bonne fin par les œuvres de l’Évangile, dont le diacre est le hérault, et si l’on n’y joint la force de la vertu et le discernement de l’esprit. On met l’index sur le pouce, pour montrer qu’il ne faut pas déployer la force de la vertu sans le discernement, qui est la mère et le fondement de toutes les vertus (Extra De offic. Euc., cap. i).

XVII. Ensuite, le diacre présente au pontife la patène avec l’hostie, conformément au décret du Concile d’Ancyre (Anthiritani) (i dist., Presbyteros ; xxv dist., Perlectis), pour marquer que c’est par la tradition évangélique, dont le diacre est la figure, que l’Église est arrivée à l’autel, c’est-à-dire à un rit solennel ; car la loi, dont le sous-diacre est la figure, a seulement symbolisé d’avance ce sacrifice de notre salut, comme on l’a dit ci-dessus. Ensuite, le pontife ou le prêtre place l’hostie sur l’autel ; le diacre garde le calice avec le vin, et le met lui-même sur l’autel. Sur quoi il faut remarquer que l’hostie représente le corps et non le sang du Christ, et le prêtre le Christ même. Or, le prêtre offre l’hostie sans le secours de qui que ce soit, en disant : « Reçois, ô Père saint… cette hostie sans tache que j’offre, » parce que le Christ s’est offert lui-même à Dieu le Père sur l’autel de la croix. Et le prêtre met l’hostie de l’autel sur le corporal, comme sur un blanc linceul, donnant ainsi à entendre que le Christ lui-même a institué ce sacrement, et qu’il en a légué la tradition et l’observance à l’Église, en disant : « Ceci est mon corps… faites ceci en mémoire de moi… » Le prêtre arrange et place l’hostie sur le corporal, en faisant le signe de la croix, parce que, de même que l’offrande du Christ fut faite sur la croix, ainsi l’offrande du prêtre, qui a lieu en mémoire de celle du Christ, doit être faite avec le signe de la croix. Il place aussi le corporal sur la croix faite avec le chrême lors de la consécration de l’autel, parce que le Christ a attaché sa chair à la croix. Le vin dans le calice représente le sang du Christ, et c’est pourquoi le diacre seul, et non le prêtre, figure du Christ, tient le calice, pour montrer que dans l’immolation du Christ le sang fut séparé du corps. Cependant le diacre n’offre pas seul le calice, mais de concert avec le prêtre, et il le met sur la palle dite corporal, ou plutôt entre lui et le prêtre ; ce qui ressort de ce qu’il ne dit pas j’offre au singulier, comme fait le prêtre à l’oblation de l’hostie, mais : « Seigneur, nous t’offrons le calice du salut. » D’où il apparaît clairement que tous deux doivent prononcer ces paroles. Or, le diacre offre le calice avec le prêtre, parce que non-seulement le Christ s’est offert lui-même à Dieu le Père, mais aussi parce que par son Évangile, dont le diacre est la figure et le porteur, il a institué les cérémonies de ce sacrifice et les a confiées à l’Église. C’est le diacre, comme prédicateur de l’Évangile, qui doit, en vertu de sa charge, révéler et manifester cette institution et cette recommandation que l’Église militante est tenue d’observer. C’est pourquoi le diacre doit partager avec le prêtre le soin d’offrir le calice, mais non pas cependant celui de consacrer, parce que cet office n’appartient qu’au seul prêtre.

XVII. Cependant c’est à l’évêque ou au prêtre seul à mêler dans le calice le vin et l’eau, chose qu’il n’est permis de faire à aucun de leurs inférieurs, parce que c’est le Christ seul qui a racheté les peuples par son sang. De plus, ce mélange désigne l’union du peuple avec le Christ, d’où il s’ensuit qu’elle ne peut avoir lieu que par la grâce du Christ, dont le pontife et l’évêque sont la figure. On mêle le vin et l’eau dans le calice[3], en vertu d’un décret du pape Alexandre Ier.

XIX. Premièrement, pour marquer que jamais un peuple n’a pu être sauvé sans l’effusion du sang, et aussi que l’effusion du sang a toujours sauvé un peuple. En effet, le Christ s’est réconcilié avec son peuple en mourant. Car il est écrit que les grandes eaux représentent les peuples nombreux. Le Christ a répandu son sang pour son peuple, comme il le témoigne lui-même : « Ceci est mon sang, le sang du Nouveau-Testament, qui sera répandu pour beaucoup en rémission des péchés. » Deuxièmement, pour marquer que du côté du Christ il sortit à la fois du sang et de l’eau. Car le Christ n’est jamais séparé du peuple, et le peuple du Christ. Et lorsqu’on mêle l’eau avec le vin, alors le peuple s’unit au Christ (De consec., dist. ii, Cum omne, prope finem). La loi de Moïse figura aussi d’avance ce mystère, comme l’Apôtre l’explique en disant : « Ils buvaient de l’eau de la pierre spirituelle qui les suivait ; cette pierre, c’était le Christ » (De consec., dist. ii, Revera). Le prêtre verse l’eau dans le calice afin que, de même que l’eau est unie au vin, ainsi le peuple soit toujours uni au Christ. Troisièmement, ce mélange a lieu pour faire comprendre que la divinité et l’humanité sont unies en une seule personne (De consec., dist. ii, cap. iii, iv et v). Car la divinité est figurée par le vin, l’humanité par l’eau ; donc celui qui, servant à l’autel, donne au prêtre l’eau sans le vin ou le vin sans l’eau, sépare, autant qu’il dépend de lui, la divinité de l’humanité[4]. On parlera de cela à l’article du Canon, aux mots : Hoc est corpus meum et à ceux-ci : Hic est calix,

XX. C’est avec raison que le prêtre assistant, avant de verser le vin et l’eau dans le calice, en répand d’abord un peu par terre, non-seulement pour laver le col ou l’endroit du vase par lequel l’eau ou le vin doit couler, ou pour chasser une petite impureté qui aurait monté à la surface d’un de ces deux liquides, mais aussi pour montrer que le sang et l’eau coulèrent du côté du Christ jusqu’à terre, mystère que le célébrant se prépare à accomplir.

XXI. Il faut considérer aussi qu’on bénit l’eau[5] quand on la mêle au vin, tandis que, cependant, on ne bénit pas le vin ; et cela, comme disent quelques-uns : Premièrement, parce que ce vin attend qu’on le bénisse ; mais cette raison ne paraît pas suffisante, car alors le vin est tout entier, puisque dans la bénédiction du vin sous le nom de calice on bénit à la fois tant le vin que l’eau[6]. D’où vient qu’on peut dire, d’une autre manière, que le vin ici symbolise le Christ, qui n’a nullement besoin d’être bénit ; l’eau figure le peuple, qui, dans cette vie, ne peut être sans péché, et qui, pour l’éviter, a besoin de la bénédiction de Dieu pour être rendu digne d’être uni au Christ, comme on l’a dit ci-dessus. C’est donc pour marquer cela qu’on bénit l’eau quand on la mêle avec le vin. Deuxièmement encore, on ne bénit pas le vin parce que le sous-diacre, qui n’a pas le droit de bénir, doit, selon son office, le verser dans le calice, comme on l’a dit ci-devant. Troisièmement, parce que le peuple est symbolisé par l’eau ; il est uni au Christ seulement par la bénédiction de la grâce du Christ, que figure le prêtre en bénissant l’eau. Et l’on doit mettre plus de vin que d’eau, au jugement du prêtre, de telle sorte cependant que l’eau soit absorbée par le vin et garde le goût de ce dernier ( Extra De celeb. miss, perniciosus), et cela pour marquer que l’Église doit s’incorporer au Christ et non le Christ à l’Église. Ce qui a fait dire à saint Augustin : « Tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair ; mais tu seras changé en moi. » On parlera encore de cela au mot précité : Hic est calix, et dans la sixième partie, à l’article du Jeudi saint, vers la fin. Le pape Alexandre, cité plus haut, établit que l’oblation se ferait avec du pain azyme et en petite quantité, et il dit à ce sujet : a Plus cette oblation est petite, plus elle est précieuse. »

XXII. Il ne faut pas aussi oublier qu’aux messes particulières celui qui présente au prêtre la burette du vin ne baise pas sa main, ce qu’il ne fait qu’en lui donnant l’eau, parce que le vin représente le Christ, l’eau le genre humain, et le baiser la paix rétablie entre Dieu et l’homme. Régulièrement, pourtant, lorsqu’on présente quelque chose au célébrant ou qu’on reçoit quelque chose de lui, on lui baise la main pour montrer que tout le culte et tout le respect qu’on rend à Dieu, dont le célébrant tient la place, doivent procéder de la ferveur, de la charité et de l’amour figurés par le baiser de la main. On a aussi parlé de ce baiser à l’article de l’Évangile, et on en traitera au chapitre du Baiser de paix. A Rome, on pose le calice à droite de l’hostie (oblatœ), et à juste titre, puisque le célébrant s’apprête, en quelque sorte, à recevoir le sang qui coula du côté droit du Christ ; c’est aussi pour marquer que le sang et l’eau tombèrent du flanc droit du Christ. En outre, si la croix que l’on fait ordinairement sur l’hostie et le calice n’est pas bien dirigée à droite, elle n’a pas lieu sur l’hostie, ce qui cependant doit nécessairement se faire ainsi. Car on doit commencer le signe de la croix sur l’hostie et l’achever sur le calice, comme l’indique évidemment la réunion de divers endroits et termes du canon. On parlera de cela dans la huitième partie du Canon, aux mots : Hostiam sanctam.

XXIII. Communément, cependant, ailleurs on met l’hostie entre le prêtre et le calice : Premièrement, pour montrer que le Christ est le médiateur de Dieu et des hommes (x dist., Quando), et c’est dans ce sens que le prêtre représente Dieu le Père ; l’hostie, le Christ ; l’eau dans le calice, le peuple ; et nous ne pouvons arriver à la joie de la résurrection que par la médiation du Christ. Deuxièmement, l’hostie est plus près du prêtre que le calice, parce qu’on lit que le Christ la consacra bien avant que de donner son sang aux apôtres ; mais cette raison est mieux comprise des Romains, qui commencent les signes de croix sur l’hostie et les achèvent sur le calice. Enfin, quand le prêtre prend la patène avec l’hostie, la burette avec l’eau, le calice avec le vin, l’encensoir avec l’encens, il fait sur toutes ces choses le signe de la croix, afin de déjouer, par la vertu de la croix, toutes les embûches de la malignité du diable, pour qu’elles ne prévalent pas, en quelque manière, contre le prêtre ou le sacrifice.

XXIV. Et remarque que, relativement aux burettes ou ampoules dans lesquelles on met le vin et l’eau pour le sacrifice, il est à considérer, au point de vue spirituel, que dans une petite substance sont renfermés d’incompréhensibles mystères à venir. Ampulla (ampoule) veut dire en quelque sorte ampla bulla (une large boule) : elle est la figure du cœur humain, qui doit être étendu de toute la largeur de la charité. Les ampoules ou vases à offrir le vin, ce sont les prédicateurs qui reprennent leurs auditeurs d’une manière mordante, ou qui, enivrés de la grâce de l’Esprit saint, communiquent aux autres leur ivresse. Quant aux aiguières ou vases à eau, ce sont les docteurs qui ont bu l’eau de la science du salut, et qui se sont largement abreuvés à la source de vie. Mais continuons à poursuivre l’explication de ce que nous avons dit plus haut, et passons à un autre ordre d’idées.

XXV. Dans certaines églises, le sous-diacre porte le calice à gauche, la patène couverte du corporal à droite ; un chantre porte l’hostie à consacrer, avec un linge (favone) dessus, et la burette au vin ; un autre apporte l’eau qu’on doit mêler avec le vin ; enfin, le diacre verse l’eau dans le calice, qu’il présente au prêtre ou à l’évêque. Le sous-diacre, c’est le Christ ; le calice, la passion ; la patène, la croix ; le côté gauche, la vie présente ; le droit, la vie future ; le corporal, l’Église ; le premier chantre figure le peuple juif ; le second, les Gentils ; l’ampoule, la dévotion ; l’hostie, le corps ; le vin, le sang ; l’eau, l’Église ; l’archidiacre, le Christ ; le prêtre ou l’évêque, Dieu le Père.

XXVI. Or, le sous-diacre porte le calice à gauche, parce que le Christ a bu de l’eau du torrent en son chemin, c’est-à-dire qu’il a souffert la passion en cette vie ; on porte la patène à droite, parce que par la croix il est parvenu à la gloire : c’est pourquoi Dieu l’a exalté ; avec le corporal par-dessus, parce que l’Église ne cesse d’imiter sa passion. On blanchit le corporal ; et l’Église se moule sur le Christ, à travers un grand nombre de tribulations. Notre sous-diacre, c’est-à-dire le Christ, a porté la patène avec le calice, quand il a porté la croix dans sa passion.

XXVII. Le premier chantre apporte l’hostie couverte d’un linge, et la burette au vin, parce que la primitive Église reçut des Juifs la foi de la passion, avec tout le dévouement (devotione) de son ame. Il ne porte pas l’hostie dans ses mains nues, mais avec un linge blanc ou une serviette propre et pure, pour marquer que le corps du Christ n’est dignement reçu que par ceux qui crucifient leur chair avec ses vices et ses concupiscences.

XXVIII. L’autre chantre qui apporte l’eau que le diacre mêle avec le vin et qu’il présente au prêtre ou à l’évêque, c’est la gentilité qui a offert la multitude de ses peuples que le Christ a offerts à son tour à Dieu le Père dans sa passion. On peut encore dire avec justesse que l’autel est la table du Seigneur, autour de laquelle il mangeait avec ses disciples ; la pierre consacrée, la croix ; le calice, le sépulcre ou la passion du Christ, dont on a parlé dans la première partie, au chapitre des Peintures ; et la patène, qui vient de patere, signifie un cœur large et vaste. Sur cette patène, c’est-à-dire sur l’étendue de la charité, on doit offrir le sacrifice de la justice, afin que l’holocauste de l’ame soit agréable à Dieu. Les apôtres avaient cette largeur du cœur, lorsque Pierre disait : « S’il me fallait mourir avec toi, je ne te renierais point. » Tous les apôtres dirent aussi la même chose au Christ. Mais cette ampleur du cœur les abandonna et se cacha, quand tous, ayant abandonné leur maître, s’enfuirent et se cachèrent.

XXIX. C’est pour symboliser cette fuite qu’après avoir reçu l’hostie le prêtre cache la patène sous le corporal, ou au moins que le sous-diacre, l’ayant enlevée de dessus l’autel, la tient enveloppée par derrière. Cela désigne la fuite ou la retraite des disciples, ou l’aveuglement de leur infidélité ; puisque, pendant que s’offrait le véritable sacrifice, ayant abandonné le Christ, ils s’enfuirent et se cachèrent, comme il le leur avait prédit lui-même, « Je vous serai (leur avait-il dit) à tous une occasion de scandale. Car il est écrit : Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, après que ce je serai ressuscité, j’irai devant vous en Galilée. » On ne laisse à découvert qu’une petite partie de la patène, pour montrer que la bienheureuse Vierge et le bienheureux Jean l’évangéliste ne s’enfuirent pas et ne se cachèrent pas, comme on le dira au chapitre du Sanctus. C’est pourquoi le prêtre, avant de dire : Pax Domini, comme pour annoncer la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur, reprend la patène, parce que le soir du même jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où les disciples étaient assemblés de peur des Juifs étant fermées, Jésus vint, et se tint au milieu d’eux et leur dit : La paix soit avec vous, » rassemblant ainsi ses brebis que la frayeur avait fait fuir.

XXX. La patène, qui, à cause de sa forme, symbolise la divinité, qui n’a ni commencement ni fin, est tenue cachée jusqu’à l’oraison dominicale, pour montrer que la divinité est cachée et voilée pour nous en ce monde ; mais quand, dans l’oraison dominicale, nous disons : Panem nostrum, on la montre, pour marquer que, quand nous aurons notre pain qui est dans les cieux, alors la divinité, qui dans ce monde est cachée et voilée, se manifestera à nous, et nous verrons Dieu tel qu’il est. On parlera de cela au chapitre de la reprise de la Patène. Cependant, en certains endroits on tient la patène découverte pour montrer que le prêtre prie pour obtenir les biens éternels qui nous ont été révélés par la prédication du Christ. Car la patène, qui est ronde, figure très-bien l’éternité, qui n’a ni commencement ni fin.

XXXI. C’est avec raison que le sous-diacre tient la patène par derrière, comme s’il disait : « Imitez-moi, car j’ai oublié le passé et je m’avance vers l’avenir. » Il insinue aussi par là que nous devons rapporter toutes nos actions au Christ et à la couronne éternelle. La patène, en dehors du calice et sens dessus dessous, représente la pierre soulevée et roulée hors du sépulcre. Et remarque que le diacre donne à tenir la patène au sous-diacre, indiquant ainsi que le Christ a conféré à ses disciples le pouvoir de prêcher le royaume de Dieu. On verra encore ce qui concerne ce sujet au chapitre de la Reprise de la Patène.

XXXII. Pour ce qui concerne l’offrande du peuple, il est à remarquer que le peuple doit faire des offrandes, selon cette parole de l’Exode : « Tu ne paraîtras pas en présence de ton Dieu les mains vides » (De consec., dist. i, Omnis). Par l’offrande de présents, nous pouvons aussi rappeler le souvenir du grand nombre de victimes qui furent offertes par le peuple, quand le roi Salomon consacra au Seigneur un temple et un autel. Or, c’est à son exemple que le peuple fidèle offre sa personne et des dons à Dieu ; car, dans l’Ancien-Testament, le peuple se rassemblait à Jérusalem, à l’époque de certaines grandes solennités, savoir : Pâques, la Pentecôte et la fête des Tabernacles, pour prier dans le temple, et ils étaient tenus, à ces époques, de faire des offrandes. Et remarque que dans l’Ancien-Testament le peuple offrait le sacrifice légal et volontaire pour le péché, réservant pour l’action de grâces les dons, les vœux et les holocaustes.

XXXIII. Le sacrifice légal, ce sont les dîmes et les prémices que la loi ordonnait d’offrir (Deutéronome, chap. xii). Le sacrifice volontaire est celui que le peuple offrait de lui-même pour le péché et pour la transgression de la loi. Les dons, c’était ce qu’il offrait pour la décoration du temple. Les vœux étaient pour éviter les dangers de la maladie ou de la guerre. On a parlé, ci-devant, de l’holocauste ; et, à propos de tout ce que nous venons d’énumérer, il est dit, dans les Paralipomènes, que les princes firent des offrandes pour acquitter leurs vœux, de leur propre mouvement, pour le péché, pour le royaume, pour le sanctuaire, pour Juda.

XXXIV. Le cérémonial de la synagogue a passé dans le culte de l’Église, et les sacrifices d’un peuple charnel ont été changés aux observances d’un peuple spirituel. Car, de même que quand Moïse descendit de la montagne le peuple lui offrit divers dons pour la construction du tabernacle, ainsi, quand l’évêque quitte le pupitre, les chrétiens viennent lui offrir leurs dévotes oblations. L’un apporte de l’or, pour imiter les Mages, qui offrirent de l’or au Seigneur. L’autre de l’argent, pour suivre l’exemple de ceux qui mettaient de l’argent dans le tronc du temple. Celui-ci quelque chose de ses biens, pour s’associer à ceux qui, par les mains de Paul et de Barnabé, donnaient ce qui était nécessaire aux pauvres. Et il ne faut pas faire attention à la quantité ou à l’apparence des offrandes, mais plutôt à l’intention de celui qui fait son offrande, selon cette parole des Proverbes : « Honore de ton bien le Seigneur ton Dieu. » Et Thomas, iv : « Fais l’aumône de ton bien. » Et les Mages offrirent au Christ, nouveau-né, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, selon cette parole du Psalmiste : « Les rois t’offriront des présents. » Selon Grégoire, on ne se rend pas agréable, par ses présents, mais les présents sont agréables suivant la main qui les fait[7]. On offre aussi le sacrifice légal, consistant en dîmes et en prémices ; le sacrifice volontaire, qui se compose des oblations spontanées pour le péché, en se rachetant par la pénitence, en rendant grâces à Dieu lorsqu’on en a reçu quelque grâce ; on offre des dons, lorsqu’on donne de quoi bâtir des églises, ou des vases sacrés, ou quelque autre chose. On offre des vœux, quand on accomplit en partie ce qu’on a promis à Dieu. Ils offrent des holocaustes ceux qui abandonnent le siècle et distribuent leurs biens aux pauvres.

XXXV. Celui qui offre baise la main du prêtre, ce qui figure la foi jointe aux œuvres, et l’on a parlé ci-dessus de cela. Celui qui offre le pain et le vin symbolise les disciples qui vinrent préparer tout ce qui était nécessaire pour la pâque.

XXXVI. Mais les clercs et les moines aussi qui ont des biens à administrer ne font d’offrande qu’à l’office des Morts, quand un prêtre dit sa première messe, et dans certaines solennités principales (De consec., d. i, Alia). Et parce qu’ils vivent d’offrandes et qu’ils se sont offerts eux-mêmes à Dieu, ils ne sont pas obligés de faire des offrandes. Les hommes passent avant les femmes à l’offrande. Comme le sexe le plus fort, ils figurent les martyrs, qui, dans la primitive Eglise, ayant souffert un grand nombre d’injures, offrirent au Christ une victime, en mourant pour lui. Ensuite viennent les femmes, ce sexe plus fragile ; et elles figurent les confesseurs, qui, au temps de la paix, offrirent leurs louanges comme autant d’hosties au Seigneur. En outre, l’homme est le chef (caput) de la femme, c’est pourquoi elle doit lui céder le pas (ff. De edendo, Argentarius),

XXXVII. Les sous-diacres et les acolytes reçoivent les offrandes qu’on apporte à l’évêque, pour montrer qu’il ne doit pas administrer de ses mains, mais par celles des autres, les biens du temps.

XXXVIII. C’est avec raison que le pontife romain ne touche de ses mains aucune offrande autre que celle pour les morts, qu’il reçoit de ses mains, pour fermer la bouche à l’erreur de ces dogmatisateurs qui disent que les aumônes ne servent pas aux morts ; et il ne touche que l’offrande du pain, autant par respect pour le saint sacrifice, qui se fait avec du pain, que parce qu’il est le vicaire de Celui qui dit de lui : « Je suis le pain de vie. » Il reçoit les autres offrandes à ses pieds, à cause de ce qu’on lit dans les Actes des apôtres, que les fidèles offraient à Dieu ce qu’ils avaient vendu, et qu’ils en déposaient le prix aux pieds des apôtres ; et aussi parce que tout est à lui, comme on en a touché un mot à l’article de l’Evangile. Le prêtre touche de la main les offrandes, parce qu’il représente ce que dit le Lévitique, chapitres i et iv : « Il mettra la main sur la tête de l’hostie, et elle sera reçue de Dieu, et lui servira d’expiation. »

XXXIX. Et remarque qu’on offre le pain et le vin pour les morts, d’après ce passage de Tobie, chapitre iv : « Mets ton pain et ton vin sur le tombeau du juste, » c’est-à-dire fais-en l’offrande. On offre une somme ou de l’argent, à l’exemple de Judas Machabée, qui envoya offrir douze mille drachmes d’argent, afin qu’on fît un sacrifice pour les péchés des morts. Enfin, les fidèles mettaient aux pieds des apôtres le prix de leurs biens, comme on l’a dit ci-devant. Cette offrande est un flambeau pour éclairer ceux qui sont dans les ténèbres du purgatoire, comme si celui qui fait une offrande pour les morts disait : « Seigneur, que la lumière éternelle luise pour eux, etc. »

XL. Moïse, voyant que le peuple avait fait beaucoup d’offrandes, fit dire par un hérault que personne ne présentât plus rien (Exode, chap. xxxv et xxvi). Cependant, on n’a vu à notre époque aucun prêtre imposer un terme aux offrandes. En quelques endroits, les paroissiens offrent, le jour de Noël, des pains qu’ils appellent pains des calendes (panes… calendarios), à cause de ce qu’on lit dans le Lévitique, chapitre xxii : « Vous offrirez deux pains au prêtre pour son usage propre, et vous appellerez ce jour un jour très-solennel et très-saint, etc. » Après qu’on a reçu les offrandes du peuple, et pendant que le chœur chante l’offertoire, l’évêque ou le prêtre retourne à l’autel, parce que le Christ, après avoir reçu les vœux de la troupe fidèle, qui chantait : « Hosanna au plus haut des cieux, » entra dans le temple, dans le voisinage duquel il allait être bientôt immolé.

  1. C’est notre vieux mot toaille, touaille, aujourd’hui toile.
  2. Hoc est enim illud pallium, quod Noe filii contexerunt, quo christiani Christi ebrietatem, id est passionem sub sacrificio tegunt.
  3. C’est pour imiter Jésus-Christ, qui, dans la dernière pâque qu’il fit avec ses apôtres, consacra la coupe pascale, dans laquelle, selon le rit des Juifs, il y avait du vin et de l’eau. En effet, S. Justin (Apolog., 2) ; S. Irénée (De heres., lib. 4, cap. 57) ; S. Cyprien (epist. 63) ; les Pères du troisième Concile de Carthage (canon 4), et ceux du Concile in Trullo (canon 32), nous apprennent que, selon la tradition, le vin que Jésus-Christ consacra était mêlé d’eau.
    Outre cette raison naturelle et essentielle, les Pères ont cru qu’il fallait mettre de l’eau dans le calice pour deux raisons mystiques, rapportées par Durand. La première, pour figurer le peuple uni à Jésus-Christ ; et la seconde, pour figurer l’eau qui coula du côté de Jésus sur la croix. Dans le rit Ambrosien, et selon un grand nombre d’anciens Missels, en mettant le vin et l’eau on dit : « Du côté du Christ sortit du sang et de l’eau, » De latere Christi exivit sanguis et aqua.
  4. Au VIe siècle, les Arméniens ne mirent point d’eau dans le calice, et prétendirent s’autoriser d’une des homélies de S. Jean Chrysostôme sur S. Mathieu, Mais les Pères du Concile in Trullo, assemblés en 692 à Constantinople, où S. Jean Chrysostôme avait été évêque, firent voir que les Arméniens entendaient fort mal les écrits de ce saint docteur, qui avait seulement combattu les hérétiques qui ne sacrifiaient qu’avec de l’eau. Les Pères ajoutent que l’usage de mêler de l’eau avec du vin est fondé sur la tradition universelle des églises depuis Jésus-Christ, et ils déclarent que l’évêque ou le prêtre qui ne mettra que du vin dans le calice sera déposé comme un novateur qui ne suit pas l’ordre prescrit par les apôtres et qui n’exprime qu’imparfaitement le mystère du sacrifice (Conc. Trull., canon 32). Le décret d’union avec les Arméniens, dans le Concile de Florence, déclara aussi qu’il était nécessaire de mettre de l’eau dans le calice : « Cui (vino), ante consecrationem, aqua modicissima admisceri debet, etc. » (Conc, t. 12, col. 536).
  5. « Aux messes des Morts, le prêtre ne bénit pas l’eau par le signe de la croix, » disent les rubriques ; c’est une suite de la raison mystique indiquée par Durand. On n’emploie pas ce signe extérieur pour bénir l’eau, qui signifie le peuple, parce qu’on est tout occupé des âmes du purgatoire, qui ne sont plus en voie d’être bénites par le prêtre.
  6. Le prêtre ne met qu’un peu d’eau (rubrique) dans le calice, parce que ce qu’on met dans le calice pour le consacrer doit être censé du vin. Les chartreux se servent d’une petite cuillère pour n’y mettre que quelques gouttes d’eau (*). L’Ordre romain d’Amelius parle ainsi de la cuillère avec laquelle on met trois gouttes d’eau (**) ; et le Concile de Tibur, tenu en 895, dit qu’il faut deux fois plus de vin que d’eau, « afin que la majesté du sang de Jésus-Christ y soit plus, abondammnent que la fragilité du peuple représenté par l’eau » (***). Voilà encore la raison mystique qui donne lieu à l’oraison suivante que le prêtre dit en versant l’eau dans le calice : Deus, qui humanæ substantiæ, etc.

    (*) Capit cochlear, et unam aut duas aquse guttas infundit. (Ordin. Cartus, cap. 32, n° 10.)
    (**) Et post aquœ benedictionem, ponit cum cochleari tres guttas aquæ. (Ordo rom., xv.)
    (***) Ut duæ partes sint vini, tertia vero aquæ : quia major est majestas sanguinis Domini, quam fragilitas populi, qui per aquam designatur, juxta illud : Populi multi, aquæ multæ (canon 19).
  7. La façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne, dit Corneille.