Rational (Durand de Mende)/Volume 2/Sixième livre/Chapitre 002

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 3p. 155-166).


CHAPITRE II.
DU TEMPS DE L’AVENT (4).


I. Comme nous avons dit plus haut que les offices de l’Église commencent par l’Avent du Seigneur, qui est le temps du renouvellement, c’est donc avec raison que nous commençons par traiter ce chapitre.

II. Il faut noter d’abord que ce fut le bienheureux Pierre qui institua que l’on célébrerait d’une manière spéciale les trois semaines entières qui, communément, précèdent la naissance du Christ ; en commémoration de son avènement, à ces trois semaines il faut en ajouter une quatrième qui, toutefois, n’est pas complète, puisque la veille de Noël n’appartient pas au temps de l’Avent, comme on le dira plus bas. On célèbre donc l’Avent pendant quatre semaines, pour glorifier le Seigneur, parce qu’il y a quatre avènements du Fils de Dieu ; mais la dernière semaine n’est jamais terminée, parce que la gloire qui sera accordée aux saints dans le dernier avènement, c’est-à-dire au jugement dernier, n’aura jamais de terme. Le premier avénement est l’avènement du Christ dans la chair, c’est-à-dire dans la chair que prit le Christ dans le sein de la Vierge ; et sur cet avènement on dit : Hosanna filio David ! Benedictus qui venit in nomine Domini, « Hosanna au fils de David : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » Le second avènement est l’avènement spirituel, celui qui a lieu tous les jours dans le cœur des fidèles par l’Esprit saint, sur quoi saint Jean dit : « Nous viendrons à lui, ci nous ferons chez lui notre demeure. » Et dans la Sagesse on lit (c. ix) : « Seigneur, envoie ta sagesse, afin qu’elle réside avec moi. » C’est de ces deux avènements que parle Habacuc (c. ii), lorsqu’il dit : « S’il diffère sa venue, attends-le, parce qu’il viendra et ne tardera pas avenir. » Le troisième avènement a lieu à la mort de tout homme ; c’est de cet avènement que parle le bienheureux Jacques, lorsqu’il dit : « Soyez patients jusqu’à l’avènement du Seigneur ; » et saint Mathieu (c. xxiii) : ce Si le père de famille savait l’heure à laquelle doit venir le voleur, etc. C’est pourquoi, tenez-vous prêts, etc. » Et plus loin : « S’il vient dans la première veille, c’est-à-dire dans la jeunesse, et dans la seconde veille, etc., et qu’il nous trouve en cet état, c’est-à-dire faisant pénitence, bienheureux sont ces serviteurs. » Le quatrième avènement sera celui où il viendra avec une grande majesté, et cet avènement arrivera au jour du jugement. Sur cet avènement, voici ce qu’on lit dans Isaïe (c. iii) : « Dieu viendra pour le jugement, avec les anciens de son peuple. »

III. Et remarque que le premier avènement a délivré les âmes de la servitude du diable, le second les délivre du péché, le troisième les affranchit de la peine, le quatrième délivre les corps. Cependant l’Église ne célèbre que deux avènements, savoir l’avènement dans la chair et l’avènement pour le jugement ; et elle confond ensemble le premier et le second, car le Seigneur a fait son avènement dans la chair pour le faire aussi dans notre ame ; c’est pourquoi il est dit : « Venant, il viendra et ne tardera pas. » Venant, c’est-à-dire dans la chair, il viendra, c’est-à-dire dans notre ame ; de plus, parce que l’un et l’autre avènement appartiennent à la miséricorde, de même le troisième et le quatrième avènement sont pris dans le même sens, parce que l’un et l’autre n’ont qu’un effet sous le rapport de la justice. L’Église célèbre donc l’avènement du Christ sous deux rapports, pour inspirer à ses enfants tout à la fois la crainte et l’amour de Dieu ; d’où on lit dans le Psalmiste : « Levez-vous, ouvrez-vous, portes éternelles, etc. » La crainte du Seigneur est sainte, qui reste pour l’éternité, et l’amour du Seigneur est saint, qui durera également pendant l’éternité ; d’où on lit dans saint Paul (I ad. Corinth., c. xiii) : « La charité ne tombe jamais ; » car nous devons le craindre comme Seigneur et l’aimer comme père. Et l’on voit dans Malachie : « Si je suis père, où est l’amour ? et si je suis le Seigneur, où est la crainte ? » On célèbre donc l’Avent pendant quatre semaines.

IV. Dans la première semaine, ce que l’Église chante se rapporte spécialement au premier avènement. La seconde et la troisième se rapportent au second avènement, et cela parce qu’il n’y eut que les anciens patriarches qui attendirent le premier avènement ; mais le second a été attendu des anciens et l’est aussi par les modernes. Dans la quatrième semaine, l’Église rappelle le temps où le Christ descendit dans le sein de la Vierge ; c’est pourquoi elle prononce cette prière : Rorate, cœli, desuper, et nubes pluant justum, « Cieux, faites tomber votre rosée, et que des nuées s’échappe le juste. » Aperiatur terra, et germinet Salvatorem, « Que la terre ouvre son sein et enfante le Sauveur. » L’Église aussi rappelle le temps qui se trouve entre le premier et le second avènement, entre la Pentecôte et l’Avent du Seigneur, temps où elle chante Alleluia, dans l’espérance de la résurrection, et Gloria in excelsis, pour la justice qui lui a été rendue ; et elle dit tous les jours Alleluia, parce que son espérance n’est pas affaiblie. Mais elle ne dit pas tous les jours Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonœ voluntatis, « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ; » elle ne le dit qu’aux jours de fête, parce qu’elle loue toujours Dieu dans la foi, mais non toujours dans les œuvres. Tous les jours, en effet, elle offense Dieu, quoique par la foi elle garde toujours la justice ; nous avons parlé de cela dans la préface de cette partie, et on en parlera encore au chapitre des Sept Jours après Pâques. Au reste, par les trois semaines de l’Avent, nous entendons les Pères des trois époques.

V. Les premiers furent ceux d’avant la loi, qui, très-éloignés de Dieu, s’écriaient : Ad te levavi. Les seconds, ceux qui vécurent sous la loi et qui, formés par sa doctrine, furent plus près de la lumière ; dans l’introït, on les appelle peuple de Sion. Les troisièmes furent les prophètes, et surtout les contemporains de la naissance du Christ, comme Siméon ; et parce qu’ils furent auprès du Sauveur, on leur adresse dans l’introït ces paroles : Gaudete. Quelques-uns assurent encore que, dans l’office de la première semaine, il s’agit de la vocation des Juifs ; dans l’office de la seconde, de la vocation des Gentils. C’est pourquoi on y prononce ces paroles : ad salvandas omnes gentes, « pour sauver toutes les nations ; » dans l’office de la troisième, il est question de la vocation de l’un et l’autre peuple ; c’est pourquoi on y dit : Nota sit omnibus hominibus. La première est encore chantée dans la personne de Jean ; la seconde, dans la personne des prophètes ; la troisième, dans la personne des apôtres ; la quatrième, dans celle des docteurs. Dans le temps de l’Avent, on supprime le Gloria in excelsis, qui appartient à la Nativité, afin qu’on le chante dans la nuit de la Nativité avec plus de dévotion et d’avidité, pour marquer que cette hymne fut chantée pour la première fois par les anges dans la nuit de la Nativité, et que la gloire du Christ est plus grande dans l’Église de la loi nouvelle qu’elle ne le fut sous la loi, au temps de l’ancienne. On supprime aussi l’ite missa est, qui se rapporte à la résurrection. Or, c’est avec raison que l’on omet ces deux chants dans l’Avent, puisqu’alors on est dans l’attente de l’un et de l’autre. C’est pour la même raison que l’on omet Pax vobis, qui se rapporte aussi à la résurrection. On ne dit pas non plus le Te Deum laudamus, « Nous te louons, ô mon Dieu ! » parce que celui que nous attendons n’est pas encore présent, et que ce cantique ne s’adresse ordinairement qu’à ce qui est présent. Et remarque que ces trois chants ne se trouvent pas toujours ensemble, comme nous le dirons dans la préface de la septième partie. Mais pour quoi ne supprime-t-on pas Alleluia dans ce temps, puisque c’est un cantique de joie ; car, dans l’Avent, on jeûne et on ne célèbre pas de mariages.

VI. En outre, ce jeûne est un jeûne de pénitence, ou un jeûne qui marque la joie. Si c’est un jeûne de pénitence et de deuil, on doit supprimer tous les chants de joie ; si c’est un jeûne de joie et d’allégresse, on doit dire tous les cantiques de joie et d’allégresse, et en particulier Gloria in excelsis. Voici la solution : Ce jeûne est un jeûne partie de joie, partie de tristesse. C’est un jeûne de joie par rapport au premier avènement, c’est-à-dire dans la chair, dont on fait mention en ce temps ; c’est un jeûne de tristesse par rapport au second avènement, c’est-à-dire pour le jugement, dont on fait mention ici. Voilà pourquoi, en ce temps, on dit quelques cantiques d’allégresse, à cause de l’avènement de la miséricorde et de la joie, et on en tait certains et l’on jeûne, à cause de l’avènement de la Justice divine et de la Trinité. On ne supprime donc pas Alleluia, parce que le temps de l’Avent renferme quelque joie, à cause de l’espérance de l’incarnation du Christ attendu par nos pères, et à cause delà certitude de notre glorification future, qui nous est donnée par le premier avènement. Mais il n’en est pas ainsi dans la Septuagésime, parce que tout ce temps est un temps de deuil ; c’est pourquoi on ne dit point alors les cantiques des anges, mais les cantiques des hommes, comme nous allons le dire. Mais, dans les fêtes de Neuf Leçons qui tombent dans l’Avent, on doit célébrer la messe des fêtes solennelles à tierce, avec Gloria in excelsis, etc., et Ite missa est, et les ministres et le prêtre quittent les chapes noires ou violettes, pour revêtir les chapes des fêtes solennelles, suivant que la fête le requiert. On dit à none la messe du jeûne, et alors on quitte les dalmatiques, vêtement nommé subtile, ou tunicelle, tunicella, pour reprendre les ornements qui conviennent à ce temps et au jeûne, comme on l’a dit dans la troisième partie, au chapitre de la Dalmatique. Dans ce temps, on ne dit pas non plus dans l’église l’office de la bienheureuse vierge Marie, parce que tout l’office de ce temps a trait aux louanges de la Vierge.

VII. Et remarque que le pape Urbain II, qui fut élevé sur la chaire de Pierre l’an 1078, et dont le pontificat dura douze ans et quatre mois, décréta, dans le Concile de Clermont, que l’office de la bienheureuse Vierge Marie serait dit chaque jour, et que le samedi on le célébrerait solennellement. C’est dans cet office du matin que l’on dit les leçons O beata Maria ! quis digne, qui sont tirées de ce sermon de saint Augustin : Loquimur, dilectissimi, etc. Dans ce temps aussi, on ne doit pas faire mémoire spéciale d’aucun des saints qui ont précédé l’avénement du Christ, non que tous ces saints soient descendus dans les limbes ; mais l’Église d’Occident ne célèbre point leur solennité, non plus que celle des saints qui ont précédé l’Avent du Seigneur, parce que, comme dans ce temps l’Église solennise l’avénement du Fils de Dieu, il ne doit pas s’y mêler d’autre solennité ; car le plus petit cède le pas au plus grand, et la puissance du magistrat cesse à l’arrivée du prince. C’est pourquoi, comme le Christ est la récompense et la couronne de tous les saints, qu’il est tout pour tous et qu’il suffit à chacun, il serait superflu d’avoir recours aux suffrages des autres et de les mendier (c. De pala. sacrœ. largi. scrineis., in princ. lib. xii). Cependant on fait avec raison mémoire de tous les saints en général, parce que, bien que les saints aient éprouvé de l’avénement du Fils de Dieu une joie particulière et qu’ils en aient reçu une récompense spéciale, cependant ils ont conçu une plus grande joie de la joie de tous, de la joie générale, parce qu’ils ont vu la créature raisonnable élevée d’une manière ineffable par son union avec la nature divine ; et, comme le bien commun l’emporte sur le bien particulier, et que, par conséquent, la joie générale des saints l’emporte sur la joie particulière de chacun d’eux ; comme aussi le motif de joie dont nous avons parlé ci-dessus a existé pour tous les saints de l’un et l’autre Testaments, c’est pourquoi il convient, dans le temps de l’avènement du Seigneur, de faire mémoire générale et commune de tous les saints ; et, pour cette commémoration générale de tous les saints, on dit chaque jour l’antienne Ecce Dominus veniet et omnes sancti ejus cum eo, et erit lux magna in die illa, « Voici que le Seigneur viendra et tous ses saints avec lui, et en ce jour brillera une grande lumière ; » ce qui se rapporte au quatrième avènement, où apparaîtra la gloire des saints. Avec cette antienne on dit encore cette oraison : Conscientias nostras, Domine, visitando purifica, « Seigneur, visite et purifie nos consciences, » que l’on fait concorder avec l’antienne, et dans laquelle on fait en général mémoire de tous les saints, à ces mots : ut veniens cum omnibus sanctis, ce qui se rapporte au quatrième avènement, c’est-à-dire où le Seigneur apparaîtra dans sa majesté. Cependant, dans beaucoup d’endroits on supprime ces paroles : cum omnibus sanctis, et alors l’oraison a trait au deuxième avènement, c’est-à-dire à l’avènement du Christ dans nos âmes. On ne fait pas non plus mémoire de la croix, comme dans les autres temps, afin que le Seigneur ne semble pas avoir souffert avant d’être né, et, de plus, afin de ne pas aller contre ce précepte de l’Exode : « Tu ne feras pas cuire le chevreau dans le lait de sa mère, » c’est-à-dire « Tu ne crucifieras pas le Christ tendre enfant et encore à la mamelle. » C’est contrairement à ce précepte que les Juifs se comportèrent en crucifiant le Christ le même jour qu’il fut conçu, c’est-à-dire le vendredi, comme certains l’assurent.

VIII. Or, il faut remarquer que, dans le temps de l’Avent, toutes les antiennes du dimanche, à matines et à laudes, se terminent par Alleluia, pour marquer la joie que nous éprouvons de la certitude que nous avons de l’arrivée du Sauveur, afin que ce soit comme une prédiction que l’on fait à l’office du matin, et pour en marquer notre allégresse et notre joie à matines et laudes. Dans la première, la seconde et la troisième semaines, on répète les répons du dimanche ; mais la quatrième en renferme de propres, qui se chantent pendant la semaine. Ils sont au nombre de quinze, parce que celui qui doit venir et que l’on attend a institué l’Ancien et est sur le point de fonder le Nouveau-Testament. Or, le nombre quinze est composé du nombre sept et du nombre huit. Le nombre sept se rapporte à l’Ancien, et le nombre huit au Nouveau-Testament. A chaque semaine aussi, on renouvelle le chant, à cause de la joie de ceux qui marchent dans la voie, qui s’élèvent de vertus en vertus, ce pour voir le Dieu des dieux dans Sion. »

IX. On doit encore remarquer que le premier dimanche de l’Avent ne peut commencer plus tôt que le cinquième jour avant les calendes de décembre, ni plus tard que le troisième après les nones de décembre (du 27 novembre au 3 décembre). Le premier dimanche de l’Avent coïncide avec chacune des sept lettres comprises entre les calendes et les nones précitées, et elles représentent le dimanche le plus rapproché du dimanche qui est le premier de l’Avent ; mais dans ce dimanche de la fête du bienheureux André, soit avant, soit après les calendes de décembre, se trouve toujours le commencement de l’Avent, et cela nonobstant la coïncidence de la fête même de saint André.

X. L’Avent doit renfermer vingt-et-un jours, c’est-à-dire trois semaines au moins, excepté la veille de la Nativité. Cependant, quand l’Avent commence un dimanche, s’il arrive aussi que la Nativité tombe un dimanche, le temps de l’Avent doit durer pendant quatre semaines ; autrement, la vigile de la Nativité et le samedi des quatre-temps se rencontreraient le même jour, ce qui ne peut être (lxxi d., De levi)y parce que ces deux jours ont leur office propre et se rapportent à des temps différents ; car le samedi des quatre-temps se rapporte à l’Avent tandis que la veille de la Nativité se rapporte au temps de la joie puisqu’elle n’appartient pas à l’Avent, mais à la Nativité. Ainsi l’Avent n’aurait pas vingt-et-un jours en en retranchant la vigile de Noël, comme on l’a dit. Il est évident que la vigile de Noël appartient au temps de la joie, d’après la disposition ou l’ordonnance de saint Grégoire, qui tire de l’Evangile les dernières antiennes de l’Avent, c’est-à-dire Completi sunt dies, « Les jours sont accomplis ; » Et ecce completa sunt omnia, « Et voilà que tout est accompli. » Quand donc la Nativité tombe un dimanche, on célèbre les quatre-temps l’avant-dernière semaine. Si la Nativité arrive le lundi ou un des autres jours de la semaine jusqu’au dimanche, on célébrera la vigile après le vingt-et-unième jour ; si la fête coïncide avec un lundi, on dira le dimanche l’office de la vigile. Comme elle n’a pas d’office propre, alors on chantera Alleluia, à cause du dimanche ; mais on jeûnera le samedi précédent, tant à cause de la vigile de Noël qu’à cause du mercredi des Cendres. Nous en parlerons encore au chapitre des Jeûnes.

XI. On ne doit pas aussi ignorer que, bien qu’au commencement, ou le premier dimanche de l’Avent, on chante l’introït Ad te levavi animam meam, Deus, « J’ai élevé mon ame vers toi, ô mon Dieu ! » cependant, si l’on y fait une sérieuse attention, on verra que le dimanche précédent est, à quelques égards, une préparation à l’Avent, comme l’indique l’épître que l’on y lit, suivant quelques-uns : Ecce dies veniunt, dicit Dominus, « Voici que les jours arrivent, dit le Seigneur ; » Et suscitabo David germen justum, etc., « Et je susciterai à David un rejeton juste. » Il en est de même de la fin de l’Évangile du même jour : Abiit Jesus trans mare Tiberiadis : « Jésus s’en alla par-delà la mer de Tibériade (Évangile de saint Jean, c. ii). Il insinue la même chose en disant : « Voici véritablement le prophète qui doit venir dans le monde pour racheter le peuple, etc. » En effet, il est assez convenable de commencer le dimanche précédent, parce que celui qui désespère ne pourrait respirer s’il ne recevait précédemment la promesse d’une vraie délivrance. En entendant cette promesse, il respire enfin et s’écrie : Ad te levavi animam meam, Deus, etc., « J’ai élevé mon ame à toi, ô mon Dieu ! » C’est donc la cinquième semaine avant la Nativité du Seigneur que commence la préparation à l’Avent, à certains égards. C’est pourquoi, dans les anciens Graduels et Lectionnaires, on lui donne le titre suivant : Cinquième dimanche avant la Nativité du Seigneur. Car, à partir de ce dimanche jusqu’à la Nativité du Seigneur, il y a cinq offices du dimanche, cinq épîtres et cinq évangiles ; mais c’est le quatrième dimanche avant la Nativité que commence la préparation à l’Avent, quant à l’office du matin, à la diversité multipliée et au changement des offices. Il y a donc quatre offices dominicaux, à partir de ce dimanche jusqu’à la Nativité ; c’est pourquoi, dans les nouveaux Antiphonaires, il est intitulé : Quatrième Dimanche.

XII. On a coutume de donner quatre raisons de ce double titre des livres et de ce double prélude de l’Avent. La première, c’est que, par le Lectionnaire, nous indiquons que l’avénement du Seigneur dans le monde a été désigné par les cinq âges du monde ; par l’Antiphonaire, nous rappelons que l’avènement du Seigneur a été annoncé par quatre ordres de livres, c’est-à-dire par la loi, par les prophètes, par les psaumes et par le commencement de l’Évangile, qui rapporte la conception du Seigneur. Nous appelons commencement de l’Évangile ce qui appartient au livre de saint Luc, qui a traité d’une manière plus complète que les autres évangélistes l’histoire qui précède immédiatement la nativité du Seigneur, et qui raconte, par exemple, ce qui a trait à la mission de l’ange envoyé pour annoncer à Zacharie la naissance du Précurseur ; à la prophétie du cantique Benedictus Dominus Deus Israël, quia visitavit et fecit redemptionem plebi suæ, « Béni soit le Seigneur Dieu d’Israël, parce qu’il a visité et racheté son peuple ; » à l’archange Gabriel, député vers la Vierge, et autres choses semblables.

XIII. La seconde raison, c’est que l’auteur du Lectionnaire nous exhorte à purifier le sanctuaire de notre cœur, qui a été souillé par les cinq sens, afin de le rendre digne de recevoir Dieu, parce que le Roi qui doit venir aurait horreur d’habiter au milieu de l’impureté. L’auteur de l’Antiphonaire nous enseigne comment il faut purifier notre corps, formé de quatre éléments, pour préparer au Roi qui doit venir, à Dieu, une demeure digne de lui, d’après ces paroles : « Moi et mon Père, nous viendrons à lui et ferons chez lui notre demeure. »

XIV. La troisième raison, c’est qu’on change le chant au quatrième dimanche de l’Avent, qui a trait aux hommes spirituels, et non au cinquième dimanche, qui a trait aux hommes du siècle, comme on le dira dans le chapitre suivant ; car c’est à ceux qui vivent de l’esprit de chanter un cantique nouveau, mais non aux enfants du siècle, qui, gardant encore comme un cachet de vétusté, doivent plutôt gémir sur leurs plaies encore saignantes que se livrer à la joie. Or, cette rénovation du chant désigne la joie des élus, qui progressent de vertus en vertus jusqu’à ce qu’ils voient le Dieu des dieux dans Sion.

XV. La quatrième raison, c’est qu’il y a dans l’Église deux ordres d’hommes qui attendent l’Avent ou avènement du Seigneur, et qui s’étudient à le recevoir dignement à sa venue. L’un de ces ordres s’occupe dans la vie du siècle, l’autre dans la vie spirituelle. Les hommes du siècle, qui s’appliquent aux affaires passagères de la vie qui s’administrent au moyen des cinq sens du corps, sont désignés par les cinq semaines ; ils sont figurés par ce passage de l’évangile de saint Jean : Erant viri, quasi quinque millia, « Il y avait environ cinq mille hommes. » En effet, les cinq mille hommes qui suivirent Dieu désignent ceux qui, placés encore au sein de la vie du siècle, ont su faire un bon usage des biens extérieurs qu’ils possèdent. Ce sont eux qui sont rassasiés par les cinq pains ; c’est à eux que l’on doit proposer les préceptes de la loi, et ils sont désignés par le nombre cinq, à cause des cinq livres de Moïse. Par les quatre semaines, on désigne les hommes spirituels, qui rejettent loin d’eux tous les biens passagers de cette vie ; qui, dans le dénûment, suivent le Christ dénué de tout, et qui sont encouragés par les quatre évangiles à s’élever à une perfection plus grande. Nous voyons qu’à ces derniers se rapporte le nombre quatre, d’après un autre évangile, où on lit que quatre mille hommes, élevés par la perfection évangélique, sont rassasiés avec sept pains, c’est-à-dire instruits et remplis par la grâce des sept dons du Saint-Esprit. C’est cette distinction que Dieu figurait, quand il ordonna à Moïse de placer sept colonnes à l’entrée du tabernacle, une devant l’oracle, et quatre devant le saint des saints, comme on le lit dans l’Exode (chapitres xxvi et xxxii). Les cinq colonnes placées extérieurement représentent les hommes du siècle, qui s’occupent surtout des affaires extérieures de la vie. Les quatre colonnes placées devant le saint des saints désignent les hommes spirituels, qui, placés comme à l’intérieur, se dévouent plus parfaitement au Seigneur. La colonne placée devant le tabernacle désigne l’unité de la foi, à laquelle sont attachés les uns et les autres. C’est pour cette raison que les clercs séculiers chantent cinq psaumes à l’office du soir, tandis que les moines et les religieux n’en chantent que quatre, en quoi ils désignent une plus grande perfection. Car ce qui est carré reste solide et toujours le même dans toutes ses parties ; de même l’homme parfait, en tout lieu et en tout temps, est immuable et toujours le même.