Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 18

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 68-70).


CHAPITRE XVIII.
DES SEPT DORMANTS.


I. Il nous faut parler maintenant des sept Dormants. Six d’entre eux furent puissants à Ephèse du temps que le César Decius persécuta l’Église de Dieu. Aussitôt qu’ils entendirent parler de la persécution, ils s’enfuirent sur une montagne et se cachèrent dans une caverne, emportant avec eux une grande somme d’argent, mais peu de nourriture. Leurs noms étaient Maximien, Marc, Martinien, Denys, Jean, Sérapion et Constantin. Étant dans la caverne, le premier jour, ils consommèrent tout ce qu’ils avaient à manger et dirent à leur serviteur : « Demain, tu nous achèteras des vivres, car nous avons peu mangé aujourd’hui ; » et ensuite ils s’endormirent. Et Decius les chercha, car il apprit qu’ils étaient chrétiens. On lui rapporta qu’ils s’étaient enfuis dans d’autres pays ou qu’ils s’étaient cachés dans la montagne ; instruit de cela, Decius fit boucher la caverne avec des pierres. Longtemps après, environ trois cents ans plus tard, un homme voulut construire une étable près de cette caverne ; il fit un grand feu qui calcina les pierres qui obstruaient l’entrée de la caverne, et aussitôt la lumière du feu brilla dans le souterrain. Les sept Dormants se réveillèrent, et les six qui étaient riches dirent au septième qui était leur esclave : « Le jour a paru, va nous acheter des vivres ; » car ils croyaient n’avoir dormi qu’une nuit. L’esclave s’en alla donc à la ville et vint au marché, étonné outre mesure devoir des croix dans les bourgs, sur les places et dans les carrefours. Après avoir acheté sa viande, il offrit la pièce de monnaie qu’il avait. Les bouchers, ne la connaissant pas, lui dirent : « Où as-tu eu cet argent ? » — « Je l’ai acquis par mon travail, » répondit-il. — Ils lui repartirent : « D’où es-tu ? » — « De ce pays, » répondit-il. Alors ils lui demandèrent : « Qui sont tes parents ? » — Il leur répondit : « Ce sont tels et tels. » Et les bouchers ne connaissaient aucun de ceux qu’il nommait, car leurs noms depuis longtemps étaient ensevelis avec eux. Ils lui dirent ensuite : « Sous quel empereur es-tu né ? » — « Sous Decius, » répondit-il. Alors ils furent surpris tant à cause de la pièce de monnaie, qu’à cause des paroles que leur rapportait l’esclave qu’ils prenaient pour un insensé. Ils l’attachèrent et le conduisirent devant l’évêque de la ville ; celui-ci l’ayant interrogé avec soin et lui ayant demandé qui il était, où il avait trouvé cette pièce de monnaie et plusieurs autres choses encore, l’esclave lui rapporta tout ce qu’il avait raconté. Alors l’évêque, avec tout le peuple de la ville, s’étant dirigé vers la caverne, trouva les six autres dormants qui s’étaient encore endormis. On les réveilla, et, après les avoir conduits à la ville, l’évêque les interrogea sur tout ce qui leur était arrivé. On se convainquit qu’ils étaient restés dans la caverne pendant près de trois cents ans. On trouva encore dans la caverne les bandes de plomb qu’y avaient placées ceux que Decius avait envoyés pour en boucher l’entrée. Les empereurs qui régnaient alors étaient Honorius et Arcadius, qui auparavant doutaient de la résurrection des morts, et ils y crurent fermement, à la vue de ce prodige. Les sept jeunes gens précités restèrent pendant quelques jours avec l’évêque et moururent ensuite sans douleur (morte libera). On les appela martyrs, à cause de ce long séjour dans la caverne.