Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 28

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 85-87).


CHAPITRE XXVIII.
DE LA NATIVITÉ DE LA BIENHEUREUSE MARIE.


I. La fête de la Nativité de la bienheureuse vierge Marie, c’est-à-dire du jour où elle vint au monde, est célébrée par la raison que la Vierge fut sanctifiée dans le sein de sa mère, d’après ces paroles du Psalmiste : « Le Très-Haut a sanctifié son tabernacle. » Dans cette fête on lit la généalogie du Sauveur, qui est aussi celle de la bienheureuse Marie, puisqu’elle a eu la même généalogie ; d’où on lit l’évangile de saint Mathieu (chap. i) « Livre de la génération de Jésus-Christ, » dont il a été parlé dans la sixième partie, à Noël, et sous la fête des apôtres Philippe et Jacques. Et l’épître est : Ego quasi (Eccles., c. xxiv). D’autres églises disent : Dominus possedit me (Prov., c. viii). On chante aussi l’histoire des louanges de la vierge Marie. Cependant, dans certaines églises on lit le Cantique des cantiques, qui convient plutôt à la fête de l’Assomption de la vierge Marie, comme il a été dit en son lieu. On dit aussi, aux heures, le capitule Ego quasi vitis (Eccles., c. xxxiv).

II. Assurément, jadis on ne célébrait point cette fête ; mais un certain homme religieux, pendant plusieurs années, entendit les anges qui solennisaient cette fête cette nuit dans les cieux ; et comme il en demandait la cause, il lui fut révélé que les anges se réjouissaient à cause de la naissance de la bienheureuse Mario, qui avait eu lieu en cette nuit. Le pape s’étant assuré de l’authenticité de cette révélation, décréta que l’on solenniserait celle fête, pour se conformer à l’usage de la cour céleste, ou pour s’unir d’intention à la cour céleste, en célébrant cette solennité.

III. Cette fête n’a pas de jeûne d’institution ; elle peut cependant en avoir un de dévotion. Autrefois encore, elle n’avait pas d’octave ; mais le pape Innocent IV en institua une : car le siège de Rome étant devenu vacant par la mort du pape Grégoire, comme les nouveaux cardinaux ne pouvaient se réunir et que les Romains, qui les tenaient renfermés (dans le conclave) depuis plusieurs jours, leur causaient mille désagréments, ces cardinaux promirent par vœu à la Reine des cieux que si, par ses mérites, ils pouvaient se réunir et se retirer librement, ils décréteraient ensuite la célébration de l’octave de sa Nativité, depuis longtemps négligée ; et ainsi leur choix tomba sur le pape Célestin, et ils furent délivrés. Mais le même Célestin ne vécut que dix-huit jours et ne put accomplir ce vœu, et ce fut le pape Innocent, qui fut élu ensuite pour lui succéder, qui l’accomplit.

IV. Et remarque que l’Eglise solennise trois nativités, savoir celle de saint Jean-Baptiste, celle de la bienheureuse Marie et celle du Christ. En effet, Jean fut pour ainsi dire Lucifer, l’étoile du matin ; car, de même que cette étoile précède le jour, ainsi lui-même il précéda le Christ, et le premier il prêcha publiquement. Marie fut l’aurore du jour, et la nativité du Christ a été le lever du soleil, parce qu’en lui a apparu la splendeur du Père. Or, les trois nativités précitées désignent les trois nativités spirituelles : car, avec Jean, l’homme renaît dans l’eau ; avec Marie il renaît parla pénitence, et avec le Christ nous renaissons dans la gloire. Donc, comme il est nécessaire que la contrition précède la nativité du baptême dans les adultes, et également la nativité dans la gloire, c’est pourquoi, avec raison, ces deux nativités de Jean et du Christ ont des vigiles.

Mais comme la pénitence tout entière remplace la vigile, il n’a pas été nécessaire que la Nativité de la Vierge fût précédée d’une vigile, et c’est pourquoi cette fête n’a point de vigile ou de jeûne. Et il faut savoir que le bienheureux Fulbert, cardinal-évéque, composa ces trois répons : Stirps Jesse ; Solem justitiœ ; et Chorus novœ Jérusalem.