Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 48

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 145-149).


CHAPITRE XLVIII.
DE LA FÊTE ET DE L’OFFICE DE LA DÉDICACE DE L’ÉGLISE.


Puisque nous avons dit, dans la première partie, comment on doit consacrer une église, il nous reste à ajouter ici quelque chose sur l’office que l’on dit à la fête de la Dédicace des églises.

I. Cette fête donc est célébrée solennellement par l’Eglise. À ce sujet il est dit en saint Jean : « Les encénies eurent lieu, c’est-à-dire la fête de la Dédicace fut célébrée à Jérusalem, et Jésus se promenait dans le temple, dans le portique de Salomon » pour la confirmation de cette fête [De consec, dist. i, Sulemnitates) ; et on appelle cet endroit portique de Salomon, parce que Salomon avait coutume d’y prier, et y pria le jour de la dédicace du temple.

II. Cette fête se célébrait aussi dans l’Ancien-Testament, d’où vient qu’on lit dans le Ier livre des Machabées (c. iv) : « Judas Machabée choisit des prêtres sans tache, et ils purifièrent les choses saintes » ou le temple ; car l’Église militante peut être purifiée, mais non l’Eglise triomphante, comme saint Augustin le dit dans une homélie sur les mots précités : Facta sunt encenia. Les Juifs célébraient solennellement ce jour oia le temple fut consacré.

III. Or, les Juifs célébrèrent les encénies pendant huit jours ; d’où il paraît que nous devons aussi pendant huit jours solenniser la fête de la Dédicace, connue on le voit dans le chapitre précité des Machabées (Solemnitates, § i). Mais il est surprenant que les Juifs aient célébré les encénies pendant huit jours, puisqu’ils ne solennisèrent la Pâque et la skénopégie que pendant sept jours seulement (Ut. de cons., d. i). A ceci nous répondons que cette festivité désigne spécialement la dédicace éternelle, dans laquelle l’Eglise, savoir l’ame sainte, sera tellement dédiée, c’est-à-dire unie à Dieu, qu’elle ne pourra servir à d’autres usages, ce qui arrivera dans l’octave de la résurrection. Et c’est pour cela que dans le Nouveau-Testament cette fête a une octave. Cette église est construite par le baptême, la doctrine et la pénitence. C’est là qu’on entend la hache et les ferrements de tout genre, c’est-à-dire tous les genres de fléaux et toutes les disciplines, savoir dans l’Église militante, qui est figurée par la tente de Moïse ; car les tentes sont pour les soldats. Or, ce temple de Salomon désigne l’Eglise triomphante, dans laquelle on n’entend pas ces bruits.

IV. Dans l’office du matin on dit les psaumes où il est fait mention des portes, qui sont spécialement la crainte et l’amour, comme on le voit dans le psaume Domini est terra, à ces mots : Attollite portas, principes, vestras, etc. On dit de même ceux où l’on fait mention de l’autel, comme dans ce psaume : Judica me, Deus, et discerne causam ; de même ceux où il est question de la cité, comme ceux-ci : Deus noster refugium et Magnus Dominus noster ; de même ceux dans lesquels on fait mention des vestibules et des portes, comme ceux-ci : Quam dilecta tabernacula tua et Fundamenta ejus in montibus sanctis. Mais on demande pourquoi alors on dit le psaume Domine Deus salutis meæ. À cela, certains ont répondu que c’est parce qu’il y est fait mention des sépulcres ; mais cette raison ne vaut rien, parce qu’il n’y est pas fait mention des sépulcres où habitent et sont ensevelis les corps des fidèles près de l’église, mais des sépulcres des méchants ; d’où nous prétendons que l’on dit ce psaume, parce que c’est un psaume pénitentiel, et il est spécialement question ici de l’oraison qu’on doit faire dans l’Eglise ; d’où il est dit ici : « Que ma prière s’élève en ta présence. » Or, le Seigneur dit, touchant l’Église : « Ma maison sera appelée une maison de prière. » Le huitième psaume est : Qui habitat in adjutorio Altissimi, « Celui qui demeure dans l’asile du Très-Haut, » c’est-à-dire dans l’Église, parce qu’il y est dit : Altissimum posuisti refugium tuum, « Tu as pris le Très-Haut pour ton refuge et pour ton asile, » car l’Église a été fondée sur toutes les montagnes, sur le sommet des montagnes.

V. Or, la dernière antienne, c’est-à-dire celle de Magnificat, à vêpres, est : Pax æterna, etc., parce que l’on célèbre la Dédicace afin que nous soyons dédiés ou consacrés et que nous ayons cette éternelle paix. Or, pendant les heures on dit ce capitule : Vidi civitatem ( Apoc., chap. xxi) ; et celui-ci : Ecce tabernaculum (ibid.) ; et celui-ci : Unusquisque propriam mercedem (Ier Cor., iii) ; et celui-là : Fundamentum aliud nemo potest ponere (Cor. iii). Assurément, à cette fête se rapporte ce que vit Jacob, savoir, l’échelle et les anges montant et descendant ; c’est-à-dire qu’il vit toute l’Église dans une vision, et érigea une pierre, c’est-à-dire le Christ, qui est la pierre placée aux fondations, et il est la pierre angulaire et le fondement qui soutient tout l’édifice. Il l’a élevée, dis-je, comme un titre, comme un souvenir triomphal, en répandant de l’huile dessus. En effet, Jacob, c’est-à-dire le prélat, a versé l’huile sur la pierre, qui est le Christ, pour montrer son chrême ou son onction. Jacob a prophétisé la même chose, en disant : « Ce lieu-ci est terrible, ce n’est rien moins que la maison de Dieu et la porte du ciel. Le Seigneur est vraiment dans ce lieu et je ne le savais point, » car l’Église est terrible aux démons, à cause de la ressemblance qu’elle a avec Dieu, qu’elle possède. C’est pourquoi, à la messe, l’introït est : Terribilis est locus iste (Genèse, chap. xxviii).

VI. Suivent ces mots : Et vocabitur aula Dei, « Il sera appelé le palais de Dieu. « C’est le bienheureux Grégoire qui a ajouté cela de lui-même, parce qu’ici Dieu est prêt à exaucer, comme le Seigneur l’a dit à Salomon (IIIe liv. des Rois, xiii) : « J’ai exaucé ta prière, etc. » Or, pourquoi est-il terrible ? On le montre dans le petit verset : « Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de sa splendeur, » c’est-à-dire dans ses membres, et c’est pour cela que l’Église est terrible aux démons. Or, dans la consécration de l’autel, l’introït est : Dicit Dominus sermones mei (Isaïe, chap. xix et xvi). L’épitre est tirée de l’Apocalypse (chap. xxi) : Vidi civitatem sanctam Jerusalem, etc. Le répons est : Locus iste, « Ce lieu, » c’est-à-dire l’église matérielle, « est saint, » parce qu’elle a été sanctifiée, afin que le Seigneur y exauçât les prières, et c’est pourquoi il recommande la sainteté à ceux qui prient ; car Salomon pria pour que le Seigneur y exauçât ceux qui l’y prieraient, et le Seigneur lui dit : « Ta prière a été exaucée. » Or, ceci a été désigné dans le IIe livre des Rois (chap. viii), quand Salomon, après avoir consacré le temple, dit : « Quiconque aura prié dans ce lieu, tu l’exauceras dans le lieu de ton tabernacle (dans le ciel) ; et quand tu l’auras exaucé, tu lui seras propice. » L’alleluia, dans certaines églises, est : quam metuendus est ( Gen., c. xxviii) ; l’évangile, Egressus Jesus (Luc, chap. xix), parce qu’il y est dit : Hodie salus, etc., « Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison. » Dans certaines églises, cependant, on lit l’évangile de saint Mathieu, où il est dit : « Et ils ne purent renverser cette maison, car elle était bâtie sur la pierre la plus solide, » Suit l’offertoire, tiré des paroles de David dans les Paralipomènes (Ier liv., dern. chap.), ou, selon d’autres, des paroles de Salomon : « Seigneur, je t’ai offert avec joie toutes ces choses dans la simplicité de mon cœur ; » car il avait offert des sacrifices inestimables, qui désignent les bonnes œuvres ou les bons désirs, qui sont des biens inestimables et pour le nombre et pour le prix. Suit la postcommunion Domus mea, etc. (Isaïe, chap. lvi ; Math., chap. vii).

VII. Remarque que si la fête de la Dédicace de l’Église arrive dans la passion du Seigneur, on la célèbre la semaine suivante. Si c’est à l’Ascension, on en fait l’office, et celui de la Dédicace est différé ; car Salomon dédia le temple le douzième jour du mois, et la skénopégie se trouvait le dixième jour du mois. Il célébra la Dédicace du temple pendant sept jours ; il prorogea la skénopégie jusqu’après la Dédicace.


FIN DU SEPTIÈME LIVRE.