Rayons perdus (1868)/En passant en chemin de fer

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Alphonse Lemerre (p. 30-32).
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EN PASSANT EN CHEMIN DE FER.


PANTOUM


Discrets, furtifs & solitaires,
Où menez-vous, petits chemins?
Vous qu'on voit, pleins de frais mystères,
Vous cachant aux regards humains.

Où menez-vous, petits chemins
Tapissés de fleurs & de mousse?
Vous cachant aux regards humains,
Que votre ombre doit être douce !

Tapissés de fleurs & de mousse,
Abrités du froid & du vent,

Que votre ombre doit être douce
A celui qui s'en va rêvant!

Abrités du froid & du vent,
Le voyageur vous voit & passe.
A celui qui s'en va rêvant,
Peut-être ouvririez-vous l'espace?

Le voyageur vous voit & passe,
Il se retourne en soupirant :
Peut-être ouvririez-vous l'espace
A son coeur malade & souffrant?

ïl se retourne en soupirant.
Emporté plus loin dans la vie.
A son coeur malade & souffrant
Votre silence fait envie.

Emporté plus loin dans la vie.
Le voyageur reviendra-t-il ?
Votre silence fait envie,
O chers petits chemins d'avril !

Le voyageur reviendra-t-il

Fouler l'herbe que l'agneau broute?
O chers petits chemins d'avril !
Qui l'at;end au bout de sa route?

Fouler l'herbe que l'agneau broute,
Au moins, c'aurait été la paix.
Qui l'attend au bout de sa route?
Pourquoi fuit-il l'ombrage épais?

Au moins c'aurait été la paix,
La fraîcheur sauvage & champêtre.
Pourquoi fuit-il l'ombrage épais?
Le bonheur était là, peut-être.

La fraîcheur sauvage & champêtre,
Loin de tous les regards humains,
Le bonheur était là, peut-être,
Dans un de ces petits chemins.

Loin de tous les regards humains,
Mes rêves cachent leurs mystères,
Dans un de ces petits chemins
Discrets, furtifs & solitaires!