Recherches sur les végétaux nourrissans/Cinquième Objection

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de terre que pour celle des blés ſemés ſur le meilleur ſol, elles rapporteront toujours de quoi dédommager amplement de tous les frais ; d’ailleurs cette Plante préſente le moyen de tirer parti des plus mauvaiſes terres où il ne croît pas même de l’herbe ; toutes ſont favorables à la pomme de terre.

Encore une fois, une culture reconnue ſi avantageuſe, depuis un ſiècle qu’elle eſt pratiquée avec ſuccès par des Nations ſages, qui bien inſtruites en matière rurale, la regardent comme la baſe & le ſoutien de leur exiſtence ne ſauroit être balancée par aucun inconvénient que l’on puiſſe raiſonnablement citer : je ne doute pas même que le concours des Cultivateurs intelligens ne ſoit porté un jour à perfectionner les premiers efforts qui ont été tentés à cet égard, en dépit de tous les détracteurs.


Cinquième Objection.


Quand il ſeroit poſſible de juger, à l’inſtant de la plantation de la pomme de terre, du défaut de récolte future des grains, par la raiſon que ceux-ci auroient été frappés par la gelée, comme en 1791 ou que la germination ne ſe ſeroit pas développée comme il faut, ſeroit-on encore à temps d’en prévenir les ſuites par une culture plus abondante de pommes de terre, y auroit-il ſuffiſamment de ſemence pour ſeconder toutes les vues


Réponse.


On ſe ſerviroit alors de toutes les facultés productives que la pomme de terre a reçues de la Nature, & comme il pourrait bien ſe faire que dans la diſette de ces racines il ne fût pas poſſible de ſe paſſer de la nourriture qu’elles procurent, on ſe ſerviroit alors des pelures & même des baies ou fruits qui formeroient également des tubercules ; la première année ils ſeroient petits, la ſeconde plus gros, & la troiſième enfin, ſemblables à l’eſpèce dont ils proviendroient : cette Plante vient auſſi de bouture, comme nous l’avons remarqué : on emploîroit dans cette circonſtance les meilleures terres, on ne ſeroit avare ni de labours ni d’engrais, enfin on reuniroit tous les ſoins employés ordinairement à la culture des grains, ce qui multiplieroit d’autant plus la pomme de terre.

On a calculé qu’il falloit un arpent de terre ſemé en blé, pour nourrir un homme pendant un an, à cauſe de l’année de jachère ; or le même eſpace de terrein le plus ingrat, conſacré aux pommes de terre, produira au moins de quoi alimenter trois hommes, non-seulement par rapport au produit qui ſera infiniment plus conſidérable, mais encore par la raiſon que l’année ſuivante produira à peu-près autant de ces racines : on ne devroit jamais fonder la ſubſiſtance journalière ſur des productions dont la récolte eſt incertaine.


Sixième Objection.


Depuis l’inſtant où les pommes de terre ſont plantées juſqu’à celui où l’on doit en faire la récolte, il y a un intervalle de ſix mois au moins, pendant lequel on eſt privé de cette reſſource, & l’on ne ſauroit en prolonger la durée ; quelle différence des grains qui ſe gardent des temps infinis moyennant quelques précautions, & qui ſouffrent même les voyages de long cours ſans perdre de leurs propriétés.