Recherches sur les végétaux nourrissans/Description du Moulin-râpe

La bibliothèque libre.


Dans le nombre des eſſais entrepris à cet égard, il n’en eſt point, ſans contredit, qui ſemble avoir plus approché du but deſiré, que ceux de M. Ravelet, qui eſt venu généreuſement nous en offrir le réſultat : ce patriote zélé dont le génie inventif eſt propre à tout, ayant conçu l’idée d’une machine d’après la ſimple opération de la râpe, n’a épargné ni foins ni dépenſes pour l’exécuter & ſeconder nos vues ; il nous a paru utile de faire graver cette machine dont l’Auteur a acquis des droits inconteſtables à la reconnoiſſance du Gouvernement & des bons Citoyens : c’eſt lui-même qui s’exprime dans la deſcription que nous en publions.


Deſcription du Moulin-râpe,
& de ſes acceſſoires.


Depuis que la culture des pommes de terre a été adoptée en Europe, pluſieurs Nations ont tenté différens moyens pour en extraire l’amidon qu’on y a découvert. Un ſeigneur ſuédois, qui m’a ſait l’honneur de me venir voir l’année dernière, connoiſſant toutes les machines imaginées à cet effet, fut frappé d’étonnement à la vue de la mienne, en m’avouant qu’elle lui paroiſſoit un chef-d’œuvre dans ſon genre. Je ne crains donc pas d’avancer qu’il n’en exiſte nulle part de ſemblable à celle dont je vais donner la deſcription.

Ne dût-il réſulter des travaux publiés ſur les pommes de terre qu’une culture plus abondante de ces racines, le but principal ſera toujours rempli, abſtraction faite des différentes formes ſous leſquelles on en ſait uſage. Quels avantages pour nos pauvres Vignerons, ſi au lieu de ſe nourrir de mauvais pain, compoſé & mélangé d’orge, d’avoine, de criblures de blés où l’ivraie domine, ils plantoient au pied de leurs vignes des pommes de terre ! elles leur donneroient la moitié de l’année au moins un aliment ſain, ſubſtanciel, & en même temps cette vigueur & cette fraîcheur qui caractériſent les habitans du Nord de la France, auxquels ces racines ſervent en partie de nourriture ; c’eſt alors que je me féliciterais d’avoir concouru pour ma part à cette révolution heureuſe qui doit être l’objet des vœux de tout Patriote !

Le Moulin-râpe a une forme cylindrique, & repréſente un tonneau ; il eſt diviſé dans ſon intérieur en trois parties ; un arbre de fer ſurmonté d’une manivelle porte une roue de même métal, ſur laquelle eſt placée une râpe, & traverse dans toute ſa profondeur toutes les différentes pièces qu’il contient, pour aller ſe repoſer perpendiculairement ſur une crapaudine pratiquée au fond. La première diviſion eſt une trémie de la capacité de deux boiſſeaux qui aboutit à la râpe, & dont le fond eſt un engrénoir où les pommes de terre s’introduiſent & ſe fixent pour être râpées enſuite par le mouvement horizontal & circulaire de cette râpe ; le tonneau pour cette opération eſt rempli d’eau.

La ſubſtance râpée tombe dans un réſervoir pratiqué à cet effet au-deſſous de la râpe ; elle eſt continuellement diviſée & délayée par le moyen d’une machine adaptée a l’arbre, & l’amidon paſſant par un tamis de crin croiſé, tombe dans un réſervoir qui lui eſt deſtiné & qui forme la troiſième diviſion : à chaque réſervoir eſt une bonde pratiquée pour extraire au beſoin les différentes matières qui s’y trouvent dépoſées.

L’extraction de l’amidon ne doit ſe faire que le ſoir après l’opération du râpage : on doit porter cet amidon ſur des épuroirs dont les fonds ſont de coutil fin, pour y ſubir les lavages néceſfaires, enſuite ſur les ſéchoirs, puis au moulin à broyer pour le renfermer enſuite dans des ſacs.

Ce moulin, du mécaniſme le plus ſimple, peut être mû par un ſeul homme, qui râpera en quatre minutes deux boiſſeaux de pommes de terre : les pièces les plus eſſentielles ſont la râpe & l’engrénoir ; toutes deux exigent une attention ſingulière, car de leur perfection & de leur dimenſion, dépend le ſuccès de la machine que nous allons décrire.

Le corps du moulin doit être compoſé de fortes douves, bien ajuſtées de largeur & d’épaiſſeur, contenues par quatre cerceaux de fer : le fond eſt ſemblable à celui d’un tonneau, renfermé dans une rainure profonde & ſupporté deſſous par une traverse de deux pouces d’épaiſſeur en forme de T renverſé dont les extrémités correſpondantes aux trois pieds du moulin compoſés de trois douves, qui pour cet effet excèdent en longueur les autres de ſix pouces : ces pieds ſont renforcés chacun par un demi-rondin adapté à la partie intérieure, dont l’effet en donnant de la ſolidité aux douves, eſt encore de ſupporter les barres du fond entaillées & incruſtées à l’extrémité ſupérieure de ces rondins.

Au centre de ces barres, ſur le point même du compas, doit être percé un trou, à pouvoir y introduire une vis d’un pouce de gros & ſept de longueur, portant un œillet à un bout, afin de la pouvoir introduire au moyen d’une tringle de fer qui ſe paſſe dans l’œillet, & à l’autre extrémité, cernée comme un dez à coudre, pour ſervir de crapaudine & recevoir dans l’intérieur du tonneau la pointe de l’arbre de fer, le moteur de toute la machine.

Cet arbre, placé perpendiculairement dans le centre intérieur du moulin, excède les s de trois pouces, afin d’y placer une manivelle dont il eſt couronné : pour l’empêcher de déverser & lui faire conſerver la ligne perpendiculaire, on doit placer dans l’intérieur du tonneau, à quatorze pouces de ſes rebords ſupérieurs, un croiſillon de bois de deux pouces d’épaiſſeur & deux pouces & demi de largeur, en dos d’âne, afin que l’amidon en tombant des iſſues de la râpe ne puiſſe s’y dépoſer ; il eſt fixé par ſes extrémités aux parois, avec des vis & incruſté dans des ſupports à bois debout : il doit être percé au centre, pour pouvoir y introduire le corps de l’arbre, & garni d’une douille de fer polie dans l’intérieur, préciſément du même diamètre, afin qu’il ne puiſſe vaciller dedans, cauſer par ſa rotation des reſſauts, & déranger par cet effet le niveau de la roue de fer auquel eſt adaptée la râpe.

Pour fixer cette roue, dont je vais donner la deſcription, on doit ménager à la forge dans le corps de l’arbre, & préciſément ſur le niveau du croiſillon, une ambaſe de ſix lignes de ſaillie en tout ſens, ſur laquelle la roue doit repoſer, & y être fixée ſolidement dans un carré parfait, où elle eſt emmanchée de force.

Cette roue a quatre rayons, emmanchés au ceintre à queue d’aronde ; ce ceintre porte neuf lignes en carré, & treize pouces & demi dans tout ſon diamètre : à deux pouces ſe demi de diſtance de celui-ci, & pour mieux ſupporter la plate-forme de la râpe, on en doit placer une deuxième de tôle, d’une ligne d’épaiſſeur & de ſept de diamètre, incruſtée à demi-fer dans les rayons qui contiennent le premier, de manière que la plate-forme de la roue préſente une ſurface bien égale, dreſſée à la règle ; & pour que la plate-forme des rayons ne puiſſe obſtruer la piqûre de la râpe qui porteroit deſſus, les vives-arêtes ſupérieures en doivent être abattues, pour n’en préſenter qu’une ſeule en forme de ſaîte : de plus, ces rayons ſont inclinés verticalement de gauche à droite, afin que par le mouvement circulaire de la roue, l’eau dont le tonneau doit être rempli juſqu’à la hauteur de la râpe, ne puiſſe refouler contre, & nuire au dégorgement de la pulpe qui arrêteroit l’effet du râpage.

La râpe, dont le modèle eſt repréſenté à la figure 3, eſt l’agent le plus eſſentiel du moulin, elle doit être du même diamètre que la roue dont nous venons de donner la deſcription ; s’y adapter en l’introduiſant par ſon centre à travers l’arbre & s’y fixer par des vis à têtes fraiſées ; pour cet effet il faut tracer avec le compas, dans toute la circonférence, à quatre lignes & demie de ſes extrémités, un trait ſur lequel ſont percés huit trous de la grosseur des vis, qui doivent correſpondre à huit autres du même calibre, pratiqués également dans le ceintre de la roue, en obſervant que ces vis jouent librement, vu que la râpe a beſoin d’être enlevée chaque jour de ſervice pour être nettoyée & remplacée par une autre en bon état ; elle doit être faite de tôle laminée, d’une demi-ligne d’épaiſſeur, & après avoir tracé au compas un trait a vingt-huit lignes du centre, & un deuxième à ſix pouces, on doit la diviſer en trente-deux rayons ; on trace enſuite diamétralement, par le moyen d’un calibre ſur chacun de ces trente-deux rayons, à partir du premier au centre de l’axe à celui parallèle & oppoſé de l’extrémité, une ligne de forme ſpirale qui doit ſervir de guide pour la piqûre & faciliter le dégorgement de la pulpe & des pellicules des pommes de terre : ſeize de ces lignes ſpirales doivent être piquées d’un ſens, & les ſeize autres de celui oppoſé : celles dont la piqûre paſſe à l’envers étant deſtinées à ſervir d’iſſue à la matière râpée, doivent avoir trois fois plus d’ouverture que celles deſtinées au râpage, dont les trous ne ſont que d’une demi-ligne d’ouverture.

A la râpe doit aboutir la trémie au fond de laquelle eſt pratiqué l’engrénoir ; cette trémie ne doit être éloignée de la râpe que d’une ligne au plus pour la liberté de ſon jeu : lorſqu’elle eſt fixée on en approche ou on en éloigne la râpe à volonté, à la faveur de la crapaudine à vis ſur laquelle porte la pointe de l’arbre mentionné, cette trémie eſt compoſée comme le corps du moulin & cerclé de trois cerceaux de fer, garnis à ſes rebords de deux poignées du même métal, pour la placer & l’enlever à volonté ; elle eſt revêtue dans ſon intérieur de feuilles de fer-blanc ; ſa circonférence du fond doit être la même que celle de la piqûre de la râpe, ce qui revient à douze pouces de diamètre dans œuvre ; & celle d’enhaut, à prendre extérieurement depuis ſes rebords, doit correſpondre préciſément à l’ouverture du moulin, afin de pouvoir y être emmanchée juſte & s’y repoſer au moyen d’un rebord d’un pouce de ſaillie pratiqué à la circonférence, qui lui donne une aſſiſe, formant en même temps un cordon régnant tout autour du tonneau qui lui ſert de couronnement.

Suſpendue ainſi par ſes rebords à une ligne au-deſſus de la râpe, la trémie doit y être fixée ſolidement ; pour cet effet, on doit adapter à ſa circonférence extérieure, & à trois pouces de l’extrémité inférieure des douves, quatre équerres de fer, de ſix lignes carrées & de trois pouces de branche ; une de ces branches eſt percée de trous à paſſer des vis pour être adaptée aux douves, & l’autre eſt limée de manière à pouvoir aboutir à une retraite pratiquée aux douves du tonneau, pour les recevoir chacune & y être chaſſée comme une baïonnette à un fuſil.

Ce qui doit compoſer le fond de cette trémie eſt donc l’engrénoir : il conſiſte dans un croiſillon de bois, percé à ſon centre d’un trou à pouvoir paſſer l’arbre, ayant des branches de trois pouces d’épaiſſeur & quatre de largeur ; il eſt contenu par les extrémités dans un cerceau de tôle de même hauteur que l’épaiſſeur de ſes branches, & dont le diamètre doit ſe rapporter à celui du fond de la trémie, auquel il doit être incruſté & adapté par le moyen de quatre vis.

Pour que les racines à râper puiſſent s’engréner ſous la plate-forme inférieure des branches & ſe fixer ſur la râpe, il faut en détacher en-deſſous, à partir d’un trait de ſcie dirigé ſur chacun, à un pouce du trou du centre, depuis la vive-arête du carré à droite pour pénétrer à dix-huit lignes d’épaiſſeur la vive arête oppoſée, toute la partie fixée par le trait ; répéter à ſens oppoſé la même opération à la plate-forme ſupérieure, & ainſi à chaque branche, en ſorte que la pièce découpée de cette manière, repréſente les ailes d’un moulin à vent, dont l’inclinaiſon, chantournée de droite à gauche, offre aux racines une ouverture, où elles ſont attirées par le mouvement circulaire de la râpe, & rapées juſqu’à la pellicule à mesure qu’elles y pénètrent.

Le moulin-râpe eſt diviſé en trois parties ; la première eſt la trémie où l’on met les racines, à râper ; la deuxième, le réſervoir de la pulpe ; & la troiſième enfin eſt deſtinée à ſervir d’entrepôt à l’amidon : ce qui ſert de ſéparation à ces réſervoirs eſt un tamis repréſenté à la figure 3 ; ce tamis eſt une toile de crin croiſé, montée ſur un cerceau de gros fil de fer qui doit occuper tout le diamètre du moulin, & ſe placer ſur un autre de bois, appliqué dans toute ſa circonférence ſur les douves pour ſervir de taſſeaux ; il doit être percé dans ſon centre, & garni d’une douille pour paſſer la pointe de l’arbre qui va ſe repoſer ſur la crapaudine.

Pour pouvoir extraire l’amidon, on doit pratiquer au niveau des douves qui compoſent le fond du moulin, une bonde de quatre pouces de diamètre & de deux de ſaillie ; cette bonde eſt garnie d’une gorge de fort fer étamé, renforcée à l’orifice d’un cordon, & ſoudée à l’autre extrémité à une plaque de ſix pouces de diamètre, en forme de bobèche, qui s’applique ſur les douves du tonneau, & y eſt clouée par deux rangs de clous d’épingle à têtes rondes, & garnie entre deux de vieux linge pour empêcher la filtration de l’eau.

A l’égard de l’extraction de la pulpe, on doit pratiquer une ſemblable bonde au réſervoir qui lui eſt deſtiné, préciſément au niveau du tamis ; l’une & l’autre ſont fermées d’un tampon de liége : il y a de plus deux trous pratiqués dans le corps du tonneau ; le premier, placé au réſervoir de l’amidon, préciſément ſous le cercle qui porte dans l’intérieur du tamis, ſert à déſigner ſi le réſervoir eſt plein, ce qu’on aperçoit en débouchant, par l’eau ou l’amidon qui en découle ; le deuxième, placé au niveau de la roue qui porte la râpe, détermine la hauteur de l’eau dont le moulin doit être rempli lors de l’opération.

Ces trous ſont garnis d’une douille de fer étamé, d’un pouce de ſaillie & du même diamètre, adaptée d’ailleurs de la même manière que les bondes & de la même forme dans leurs proportions ; au moyen de deux fortes poignées de fer attachées à chaque côté au corps du moulin, on peut le tranſporter aiſément ſuivant le beſoin : il doit être garni en outre de quelques clous à crochets, ainſi qu’on peut le voir à la planche, pour y accrocher une ſpatule de bois dont le râpeur doit ſe ſervir pour dégorger de temps à autre la trémie; d'un crochet de fer, afin de pouvoir extraire l'amidon amoncelé dans ſon réſervoir, & d'un poëlon pour puiſer de l'eau conſacrée à divers uſages.

Dans cet état, le moulin eſt poſé ſur un marche-pied, s'y trouve fixé par les deux pieds de devant, au moyen d'un couplet, dont une moitié adaptée à chacun, & l'autre au marchepied, doit cependant lui laiſſer la faculté de pouvoir être penché en devant : le noyau qui unit les deux couplets, qui eſt une cheville de fer, doit être amovible pour pouvoir déplacer le moulin au beſoin ; ce marche-pied compoſé de deux fortes planches de deux pouces d'épaiſſeur & de huit pieds de longueur, doit être ſupporté par huit pieds, de hauteur à pouvoir approcher un baquet qui aboutiſſe préciſément ſous le fond du moulin, & échancré ſur le devant, pour que ce baquet puiſſe être recouvert d'environ ſix pouces par le fond du tonneau.

Le baquet placé ainſi ſous le moulin, eſt également compoſé de douves bien jointes, ferrées de même & garnies aux extrémités ſupérieures de deux fortes poignées pour pouvoir être tranſportées facilement ; on doit de plus pratiquer à ſa ſace, à égale diſtance, quatre trous d’un pouce de diamètre, garnis de douille ſemblable à celle du moulin : ces quatre iſſues ſont deſtinées à l’écoulement graduel des eaux après le dépôt de l’amidon obtenu des divers lavages de la pulpe.

Il eſt indiſpenſable d’avoir au moins trois de ces baquets pour ſubſtituer l’un à l’autre, afin que le travail ne ſouffre nulle interruption : il doit y avoir à chacun de ces baquets, à quatre pouces de leur ouverture dans l’intérieur, deux taſſeaux oppoſés & cloués aux douves, pour recevoir une planche qui doit les traverser dans tout leur diamètre, & ſur laquelle doit ſe placer un tamis repréſenté à la figure 1.re deſtiné à recevoir la pulpe chaque fois que l’extraction s’en fait : ce tamis, dont le fond eſt une toile de crin croiſé, & de hauteur à aboutir préciſément ſous la gorge de la bonde ſupérieure, doit y être incliné par le moyen d’un croiſillon, qui, des bords du baquet répondant à ceux du fond du tamis, doit le tenir comme arc-bouté ſous cette bonde : la forme en étant repréſentée à la planche ; ſupplée à la deſcription qu’on pourroit en faire.

Au mur oppoſé à celui du moulin, doivent être endoſſés trois épuroirs deſtinés à purger l’amidon de toutes ſes parties hétérogènes ; ils ſont compoſés d’un chaſſis de douze pieds de longueur, diviſé en trois parties, & porté par huit pieds, dont l’élévation de terre aux extrémités des plates-bandes doit être de deux pieds huit pouces : ces plates-bandes ſont de bois de chêne, de quinze lignes d’épaiſſeur ſur cinq pouces de profondeur, & ſolidement aſſemblées. A un pouce des extrémités du fond, eſt clouée une toile de coutil très-fin, dont la largeur & la longueur doivent excéder celle du chaſſis de quatre pouces en tout ſens, afin de donner lieu à la toile de former une pente néceſfaire aux écoulemens & à l’opération de l’épurage ; ce coutil eſt perce enſuite au milieu en inciſion cruciale, afin de pouvoir y adapter une douille de fer étamé d’un pouce de diamètre, fait en forme de bobèche ; cette douille doit être très-solidement ſoudée, & emmanchée à la plaque, percée au poinçon de trois rangs de trous à paſſer une aiguille, afin de pouvoir être cousue ſolidement à la toile : cette plaque y eſt placée à l’envers, & il ne doit excéder à l’endroit qu’un cordon ménagé à l’embouchure de la douille, & un anneau de fer étamé ſoudé dans toute ſa direction intérieure ; de cette manière, la queue de la bobèche doit pendre à l’envers, afin de diriger l’écoulement des fluides dans les terrines placées deſſous.

Cet anneau eſt deſtiné à élever le milieu de la toile à volonté, avant de la charger d’amidon, & à la baiſſer lorſqu’il s’agit de faire écouler les eaux ; pour faciliter cette opération, une traverse de bois à trois pans doit être placée en couliſſe, en forme de queue d’aronde ſur les plates-bandes de l’épuroir ; cette traverse eſt percée dans le milieu d’une mortoiſe à pouvoir recevoir une crémaillère de forte tôle dentelée, portant un anneau à l’extrémité ſupérieure & un crochet à la partie inférieure, deſtiné à porter l’anneau ſoudé à la bobèche ; cette crémaillère doit être renfermée dans ſa mortoiſe par une cheville de fer qui la traverse en paſſant entre la bandelette ſur laquelle ſont priſes les dents & l’autre oppoſée : c’eſt ſur cette cheville que doivent s’accrocher à volonté les dents, pour ſuſpendre à l’élévation qu’il convient, le fond de l’épuroir.

Au reſte cet atelier doit être meublé de divers uſtenſiles dont il ſeroit ſuperflu de donner une deſcription détaillée : ce ſont de grands cuviers pour pouvoir laver les pommes de terre ; des paniers d’oſier à mailles ouvertes pour les égoutter & les plonger dans une nouvelle eau ; une pelle pour les agiter dans le cuvier, ainſi qu’un ballet pour en détacher les parties tenaces ; des baquets d’entrepôt, des tonneaux à portée du ſervice, pour dépoſer la pulpe & l’eau ; pluſieurs ſeaux ; une mesure de boiſſeau, & enfin quelques terrines de rechange.

Paſſons maintenant à la deſcription du ſecond atelier & des uſtenſiles dont il doit être meublé ; il eſt deſtiné à recevoir l’amidon au ſortir des épuroirs, pour y être ſéché, broyé, tamiſé & renfermé dans des ſacs de coutil de la contenance de cent livres : une pièce eſſentielle eſt le ſéchoir ; il conſiſte en un chaſſis de quinze pieds de longueur, ſelon remplacement, les plates-bandes de même hauteur & épaiſſeur que celles des épuroirs, le fond garni également de coutil fin cloué de la même manière.

Le chaſſis, ainſi garni de ſon coutil, doit ſe placer en couliſſe ſur un coffre ſait à panneaux, de même dimenſion que le chaſſis, & lui ſervir de chapiteau & de fond par le haut : une cimaiſe qui doit régner tout autour, à l’exception de la face adoſſée au mur, doit maſquer la jonction des deux pièces & ſervir en même temps de couliſſe, ne devant être clouée qu’au chaſſis, qui, pour la ſolidité de l’aſſemblage, doit être également diviſé en trois parties, ainſi que les trois épuroirs dont nous avons parlé.

On pratique à la face, entre deux panneaux, deux portes, pour pouvoir y introduire deux poêles remplies de braiſe, qu’on aura ſoin de remuer de temps en temps lorſque la toile ſera chargée de l’amidon, qui ſe trouvant alors en maſſe, aura beſoin d’être diviſé en le remuant & le retournant ſouvent avec une pelle à blé, pour éviter que la fermentation ne s’y établiſſe, & que l’amidon ne contracte une odeur aigre & un goût déſagréable de levain.

L’amidon étant bien ſéché, on le paſſe par un tamis de foie ; ce qui reſte ſur le tamis, ſe trouve pour lors dans l’état d’amidon en grain ; mais d’une plus forte conſiſtance, & par conſéquent plus difficile à ſe laiſſer pulvériſer. Ce ſeroit induire en erreur que de propoſer les moyens dont ſe ſervent les Amidoniers pour réduire l’amidon en poudre ; l’uſage de deux cylindres de bon bois cannelé, me paroît plus propre à remplir cet objet : placés horizontalement, à une diſtance convenable l’un de l’autre, ſurmontés d’une trémie garnie d’une auge à balançoirs, ainſi que les bluteaux de foie en uſage chez les Boulangers ; que l’amidon qui paſſeroit du cylindre tombe dans le bluteau de ſoie, & que ce bluteau ſoit enfin renfermé dans un coffre proportionné à la grandeur de toute la machine, le tout mis en mouvement par le moyen d’une manivelle, on broyeroit & on tamiſeroit en même-temps ; on repaſſeroit enſuite les grains qui ſe trouveroient à l’extrémité du bluteau ; on mettroit l’amidon dans des ſacs, en obſervant toujours de les tenir dans un endroit ſec.

Il ſeroit encore eſſentiel que dans cet atelier, on pratiquât trois ou quatre étages de rayons compoſés de perches rondes, éloignées de ſix pouces l’une de l’autre, dont la profondeur fût relative à la grandeur des ſacs & à la diſtance des étages, telle à pouvoir les placer facilement ; par ce moyen, on peut être aſſuré de conſerver pendant une longue ſuite d’années, l’amidon de pommes de terre, pourvu qu’il ſoit pur, parſaitement ſéché, & dépoſé dans un endroit à l’abri de l’humidité.

Après avoir fait la deſcription de tout ce qui concerne le Moulin-râpe & de ſes différens acceſſoires, nous aurions pu entrer dans le détail de ſes effets & de la manipulation en général ; mais on en aura aiſément l’idée au bout de quelques jours de travail, & d’après la légère eſquiſſe que nous allons en tracer.

Le Moulin établi ſur les principes énoncés plus haut, il eſt neceſfaire pour en tirer le parti le plus avantageux, qu’il ſoit ſervi par quatre hommes ; les deux plus robuſtes ſeront occupés au râpage, le troiſième à nettoyer les racines, à en remplir le coffre, à tenir toujours plein d’eau le réſervoir deſtiné à l’opération ; enfin le travail du quatrième auroit pour objet d’enlever l’amidon, de le purger de ſes hétérogénéités, de le ſécher, de le tamiſer & de le mettre en ſacs.

Le travail ainſi diſtribué, le Moulin rempli d’eau à la hauteur convenable, & la trémie chargée de pommes de terre, un des deux Ouvriers chargés du râpage, ſe place ſur le marche-pied, &, par le moyen de la manivelle, met en action la râpe, qui en quatre ou cinq minutes doit réduire en pulpe les deux boiſſeaux ; pendant cet intervalle le camarade place le tamis ſous la bonde, & après l’opération retire le tampon pour donner lieu à l’écoulement des eaux & de la pulpe du réſervoir, le remplit de nouveau du déficit d’eau, ainſi que la trémie, de pommes de terre ; en montant ſur le marche-pied, il répète à ſon tour la même opération, & ainſi ſucceſſivement l’un & l’autre toute la journée.

L’écoulement des eaux provenant du râpage d’un ſetier de pommes de terre, ſuffiſant pour combler le baquet deſtiné à le recevoir ; l’Ouvrier chargé du ſoin de l’amidon, doit retirer ce baquet & en ſubſtituer un autre ſous la bonde : tandis que ce ſecond baquet ſe remplit à ſon tour, le dépôt de l’amidon étant achevé dans le premier, il en doit faire écouler graduellement la totalité de l’eau par les différentes iſſues pratiquées à cet effet, afin de n’y laiſſer que l’amidon, enſuite retirer de deſſous le Moulin le deuxième baquet pour lui ſubſtituer le premier, & alternativement pendant que dure l’opération.

Après quoi l’Ouvrier doit retirer l’amidon de ſon réſervoir, au moyen du crochet de fer deſtiné à cet uſage, pour n’en former qu’une ſeule maſſe avec celui qui a paſſé par les écoulemens de la pulpe, la rafraîchir à pluſieurs repriſes avec de nouvelle eau, puis la paſſer au travers du tamis de ſoie ſur les épuroirs où elle ſubit encore différens lavages ; là avant d’être porté ſur les ſéchoirs, la diviſer & la remuer de temps à autre juſqu’à ce qu’elle ſoit parſaitement sèche, & enfin pour dernière opération, la broyer, la tamiſer & la renfermer dans des ſacs : il ne nous reſte plus maintenant qu'à donner l'explication de la Planche.


Explication de la Planche.


La première Figure repréſente le Moulin-râpe.

A, Le Marche-pied ſur lequel il doit être placé.

B, Le Baquet au pied pour recevoir les écoulemens des bondes.

C, La Bonde par où doit s'extraire l'amidon de ſon réſervoir.

D, L'Orifice pratiqué au réſervoir pour connoître s'il eſt rempli.

E, Le Crochet de fer dont on doit ſe ſervir pour cet effet.

F, La Bonde du réſervoir à la pulpe.

G, L'Orifice pratiqué à la partie ſupérieure de ce réſervoir, afin de déterminer la hauteur de l'eau dont le Moulin doit être rempli avant d'opérer.

H, La ſpatule de bois dont l'Ouvrier doit ſe ſervir pour engréner au beſoin.

I, Le Poêlon pour puiſer l'eau.

K, Le Couvercle qui doit fermer l'orifice de la trémie.

L, Ce même Couvercle détaché à droite.