Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/13

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(13ème Livraison.)

DESCRIPTION
DE TOMBEAUX.
Planches 49, 50, 51, 52.


CIMETIÈRE DE MONTMARTRE.

Planche 49.

TOMBEAU DE M. THIAN.

Ce tombeau, construit en pierre, est le premier qu’on voit à gauche en entrant. Sa forme est celle d’un cipe. Sa partie supérieure est ornée d’une guirlande de feuilles de chêne, dont les deux extrémités viennent s’appuyer sur deux torches funéraires, flanquées aux angles, et qui, après avoir été faites au tour, ont été ensuite sculptées et artistement ajustées avec des broches de fer. Le milieu de la partie circulaire présente un rond creux, entouré d’une couronne de feuilles de chêne, et dans le milieu duquel est un sablier, orné, de chaque côté, d’ailes de chauves-souris, qui représentent la nuit des tombeaux ; le tout est d’une belle proportion. Une balustrade en treillage en forme l’enceinte.


MÊME CIMETIÈRE.

Planche 50.

TOMBEAU DE MADAME DE CETTO.

En descendant par le chemin en face de la porte, on trouve d’abord, à droite et sur le bord du chemin, ce tombeau qui est construit en pierre. Il a la forme d’un beau sarcophage carré, dont les encognures sont flanquées de pilastres pœstum, sur lesquels est posée une corniche architravée, et un fronton à oreillons, surmonté d’une urne d’un beau marbre brun. Les tables renfoncées sur lesquelles on a gravé les inscriptions en lettres d’or, sont en marbre noir, et les croix des faces latérales d’un marbre d’agathe orientale. Les arbres du voisinage donnent à ce monument un aspect vraiment pittoresque.


CIMETIÈRE DE VAUGIRARD.

Planche 51.

TOMBEAU DU JEUNE PRINCE DE CROY.

Ce monument, qui est en pierre, se voit à gauche, lorsqu’on entre dans le cimetière par la barrière de Vaugirard. Sa forme est celle d’un tombeau antique.

À quelque pas derrière cette sépulture, on voit une petite dalle de pierre d’une forme carrée, et scellée dans le mur. On y lit cette touchante inscription :

Premier nivôse, an 11,6 heures du matin, (22 déc. 1802.)
Louise LEFÈVRE,
Agée de 23 ans,
Victime de la mode meurtrière.
Vertus, grâces, beauté, modestie, âme bonne
Et sensible, la firent estimer et chérir.
Repose en paix, ô ma Louise !
Six ans de bonheur… comme un éclair
Se sont écoulés.
Morte à tous les yeux
Tu vivras dans mon cœur.
Et Rose elle a vécu ce que vivent les roses.

Une branche de rosier dont la fleur est tranchée, et, une flèche rompue, sont gravées sur cette pierre.


CIMETIÈRE DE STE-CATHERINE,
FAUBOURG SAINT-MARCEL.

Planche 52.

TOMBEAU DU JEUNE BERTHAUX.

Ce petit monument, élevé par la tendresse à un fils chéri, se compose d’un socle en pierre, surmonté d’un autre socle en marbre blanc, veiné, et ombragé par un groupe de grands saules, pleureurs, qui lui donnent un effet très-pittoresque. On le voit dans le premier renfoncement à gauche, près le mur du fond.

À droite du deuxième socle, on a gravé le portrait de ce jeune homme, de profil et au trait, et sur le côté gauche, des attributs de peinture et de musique.

Derrière on lit ces mots :

Comme une fleur tombée avant l’été,
Il vécut peu d’instans et mourut regretté.



TOMBEAU DE MADAME DUBOCAGE.
(Suite.)

Lorsque madame Dubocage partit pour Rome, Voltaire lui adressa les vers suivans :

Allez au Capitole, allez, rapportez-nous
Les myrtes de Pétrarque et les lauriers du Tasse ;
Si tous deux revivaient, ils chanteraient pour vous.
En voyant vos beaux yeux et votre poésie,
Tous deux mourraient à vos genoux
Ou d’amour ou de jalousie.

Voici d’autres vers adressés à madame Dubocage par le poète de Ferney :

J’avais fait un vœu téméraire
De chanter un jour, à la fois,
Les grâces, l’esprit, l’art de plaire,
Le talent d’unir sous ses lois
Les dieux du Pinde et de Cythère.
Sur cet objet fixant mon choix,
Je cherchais ce rare assemblage.
Nul autre ne put me toucher ;
Mais je vis, hier, Dubocage,
Et je n’ai plus rien à chercher.

………Elle rappelait mademoiselle de Scudéry, qu’on avait vue, en 1671, remporter un pareil prix à l’académie française ; mais elle n’avait, avec cette vieille muse, que ce seul trait de ressemblance ; aussi lui adressa-t-on le madrigal suivant :

D’Apollon, de Vénus, réunissant les armes,
Vous subjuguez l’esprit, vous captivez le cœur,
Et Scudéry jalouse, en verserait des larmes ;
Mais, sous un autre aspect, son talent est vainqueur :
Elle eut celui de faire oublier sa laideur.
Tout votre esprit n’a pu faire oublier vos charmes.

Lorsqu’elle eut publié le Paradis terrestre, imitation du Paradis perdu, de Milton, Voltaire lui adressa ces jolies stances :

Milton, dont vous suivez les traces,
Vous prête ses transports divins.
Eve est la mère des humains
Et vous êtes celle des Grâces.

Comment n’eût-elle pas séduit
La raison la plus indomptable !
Vous lui donnez tout votre esprit :
Adam était bien pardonnable.

Elle le rendit criminel,
Et vous méritez nos louanges ;
Eve séduisit un mortel,
Et vous auriez séduit les anges.

Madame Dubocage mit le sceau à sa renommée littéraire par la Colombiade, poème en dix chants, et ce fut par cet ouvrage qu’elle termina sa carrière poétique.

On a aussi, de cette femme célèbre, la tragédie des Amazonnes, dont la chute rappela celle de Genséric, par madame Deshoulières. À ces productions poétiques, il faut ajouter des Mélanges, en vers et en prose, traduits de l’anglais ; quelques Traductions de l’italien ; des Voyages en Hollande, en Angleterre et en Italie.

Quelques années avant sa mort, l’auteur des Lettres à Emilie, sur la Mythologie, lui adressa les vers suivans :

On regrète le temps passé sans vous connaître :
Combien on eût joui d’un commerce si doux !
Il semble que plus tôt on aurait voulu naître
Pour avoir le bonheur de vieillir avec vous.

Lorsque, vers son déclin, le soleil nous éclaire,
L’éclat de ses rayons n’en est point affaibli.
On est vieux à vingt ans, si l’on cesse de plaire ;
Et qui plait à cent ans, meurt sans avoir vieilli.




CIMETIÈRE DE VAUGIRARD.


TOMBEAU DE MARIANO.


À la droite du spectateur du tombeau de Zélia, et tout près, on en voit un autre, dont la structure est à peu près la même, et qui n’en est séparé que par le même treillage. Ce monument est bien exécuté. Le petit jardin est bien entretenu. Il est planté d’arbustes verts, et le saule pleureur de Zélia y étend même ses rameaux et son ombre. Un treillage, avec tout ce qui l’entoure, est soigné par un ami intime de Mariano, et peut-être l’amant de sa sœur, que, dans son cœur, il avait choisie pour épouse. Je l’ai vu souvent orner ce tombeau de couronnes, et le jardin de fleurs. Comme sculpteur, c’est lui qui a fait la sculpture et ériger ce monument à la mémoire de trois personnes qui lui étaient chères. Il m’a dit que, si jamais la fortune lui était favorable, et lui permettait un jour de se retirer à la campagne, il transporterait avec lui les cendres de ses amis, pour leur élever un monument pittoresque, digne expression de l’amitié tendre qu’il avait pour eux.

On lit sur l’urne :

Ils sont réunis
Pour l’éternité.


sur le socle :

À l’amitié !


sur le même socle, à gauche :

À l’innocence !


et sur la droite :

À la beauté !

Sur le grand socle qui supporte l’urne, on lit :

Santi-Giosi, dit MARIANO,
Agé de 22 ans,
Talcétateur romain.

à gauche, sur le même socle :

J. B. S. Jules MUNERET,
Agé de 7 ans,
Neveu de Mariano,
Fils de M. Muneret,
Peintre en miniature.

et à droite, sur le même socle :

M. H. Fortunée GIOSI,
Agée de 16 ans,
Née à Rome,
Sœur de Mariano.

Sur la table saillante en marbre, on lit :

Ames sensibles,
Versez une larme sur cette tombe :
Elle renferme les corps
De trois infortunés,
Asphixiés par la vapeur du charbon.
Cet événement funeste
Arriva le 19 octobre 1813,
Et laissa dans l’abandon
Et la plus profonde douleur
Une mère et deux sœurs
Dont Mariano était le soutien
Et faisait la félicité.
Ses vertus et ses rares talens
L’avaient rendu cher
A ses camarades d’atelier
Du musée Napoléon,
Et du musée des Monumens français,
Qui lui ont érigé,
Ainsi qu’à son aimable sœur
Et à son malheureux neveu,
Ce monument
Faible marque de leur éternel souvenir.