Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/15

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(15ème Livraison.)

DESCRIPTION
DE TOMBEAUX.
Planches 57, 58, 59, 60.


CIMETIÈRE DE MONT-LOUIS.

Planche 53.

TOMBEAU DE LA FAMILLE DELADREUE.

Pour arriver à ce monument, on se dirige, en entrant dans le cimetière, à gauche, vers l’avenue des tilleuls. Au bout de cette allée, on se détourne sur la droite et on le trouve le long du bosquet où s’élève le monument de Jacques Delille. Il est construit en marbre, granit de Flandres, et a la forme d’un petit temple de l’ordre paestum. Sa toiture, formée de même marbre, est supportée par quatre pilastres ornés de leurs chapitaux. Au dessous de ce monument, qu’entoure une balustrade en fer, est un caveau qui renferme plusieurs corps, dont voici l’épitaphe principale :

Ici repose
Jean-Charles DELADREUE,
Ancien mnd. épicier-droguiste, à Paris ;
Décédé le 17 janvier 1809,
Agé de 73 ans,
Universellement honoré et chéri
De son vivant ; il emporte la vénération
Et les regrets.


CIMETIÈRE DE MONTMARTRE.

Planche 58.

TOMBEAU DE MADEMOISELLE CÉCILE.

Ce tombeau se voit dans le fond du vallon qui fait face à la principale porte. Il est en pierre, d’une belle forme, et a bien l’aspect d’un monument funéraire. Un massif de lilas le couvre de son ombrage, et lui donne une teinte aussi agreste que lugubre. C’est bien là la nuit du tombeau.

CIMETIÈRE DE MONTMARTRE.

Planche 59.

TOMBEAU DE MONSIEUR ET DE MADAME PAYRE.

Ce monument est situé dans le vallon qui est vis-à-vis la porte d’entrée, à droite, en y entrant, et au pied du coteau où il se trouve engagé. Sa forme est celle d’un sarcophage d’un bon style, élevé sur une estrade, et décoré, dans sa partie supérieure, d’une petite corniche à la capucine, architravée. Il est surmonté d’une urne circulaire ; le socle qui le supporte et le tailloir qui en fait le couronnement, sont carrés sur leur plan. L’ensemble de ce sépulcre a six pieds et demi de long sur cinq de large.

Un honteux divorce n’a point séparé ces époux pendant leur vie et leurs cendres se confondent après leur mort. Époux, qui contemplez leur tombe, apprenez, par leur union, à ne jamais rompre les nœuds de votre hymen,


CIMETIÈRE DE VAUGIRARD.

Planche 60.

TOMBEAU DU COMMISSAIRE BLAVIER.

Ce tombeau se voit à gauche, en entrant par la grande porte du petit Vaugirard. C’est une espèce de sarcophage, construit en pierre, surmonté d’une dalle et adossé contre le mur de clôture : sa partie supérieure est ornée d’un sablier sculpté en relief, dans un renfoncement demi-circulaire.



SUR LA MORT DE MADAME DE***.


Elle a vécu ce que vivent les roses.


Quelle est, sous l’épaisseur d’un lugubre feuillage,
Cette tombe, où les fleurs s’unissent aux cyprès ?
Quels sont de toutes parts, ces sanglots, ces regrets.
Ce morne désespoir, qu’en secret je partage ?
La pitié me conduit vers ce fatal séjour.
J’y vois, près du tombeau, la plaintive Jeunesse :
Ses cheveux sont épars, une sombre tristesse
Voile ses yeux mourans, qu’importune le jour ;
À ses côtes gémit l’inconsolable Amour…

Quel objet nouveau se présente ?
C’est la Reine des Arts, en longs habits de deuil.
Elle approche, soupire, et sa main languissante
Peut à peine graver ces mots sur le cerceuil :
» Arrêtez-vous dans ce lieu solitaire ;
» À ce funèbre monument
» Le malheureux redemande une mère,
» Les beaux arts un appui, le monde un ornement…
Ah ! je le reconnais, trop aimable Rosire ?
Tous les cœurs t’ont nommée à ces augustes traits ;
Jouis donc des tributs de ce nouvel empire :
Ton âme parmi nous survit à tes attraits,

Ombre charmante que j’adore,
Puissent jusques à toi parvenir mes douleurs !
La même muse, hélas ! qui chantait ton aurore ;
Vent, lorsque tu n’es plus, te célébrer encore ;
Je t’offrais de l’encens, et je t’offre des pleurs.

Ô toi, de nos destins souveraine sanglante,
Inflexible divinité,
Horrible mort ta faulx dans l’ombre étincelante,
Frappe indistinctement, les talens, la beauté ;
Puissai-je, signalant le transport qui m’anime,
De tes avares mains arracher la victime ?
Puissai-je… vains désirs ! D’effroyables tombeaux.
Des antres inconnus te servent de retraite ;
Tu triomphes enfin ; ta rage est satisfaite :
Les jours de nos regrets sont tes jours les plus beaux…
Poursuis, livre aux humains une éternelle guerre,
Mais choisis des objets dignes de tes fureurs ;
Et s’il faut que toujours tu moissonnes la terre,
Ôtes-lui ses poisons, mais laisses-lui ses fleurs,



CIMETIÈRE DE MONT-LOUIS.

TOMBEAU DU MARÉCHAL DE CAMP DE BERMUY,
et
DU LIEUTENANT DE CAVALERIE DEMÉLITO.

Pour arriver à ces tombeaux l’on prend, en entrant dans le cimetière, la grande allée sinueuse à droite. Vous la suivez jusqu’au bout du bocage qui sert de sépulture au ministre Mestrézat, au ministre Rabaut, à madame Cottin et autre protestant. Ce charmant bocage se trouve à gauche près du bord de l’allée. (Voyez sur le petit plan en tête du volume, le no  35.) Le derrière de ces tombeaux se trouve à droite derrière le petit bocage sur le bord de l’allée.

Ces tombeaux se composent chacun d’une dalle de pierre de liais perpendiculaire d’environ 5 pieds, de haut sur 25 pouces de large. Ces deux monumens sont souvent ornés de couronnes de fleurs d’immortelle ; la totalité du terrain est couvert en partie de gazon et de fleurs de chaque saison, de grands lauriers-roses ; des orangers, des grenadiers encaissés font l’ornement de cette sépulture, qui est entourée d’une balustrade à panneaux de croix saint-André, en forte serrurerie, revêtue d’un treillis de fil de fer, lequel est garni de chèvre-feuille, de lilas, de rosiers et autres arbustes. Derrière les monumens, le long de la balustrade, on a planté des lilas et autres arbustes à haute tige.

Cette sépulture est sur un emplacement très-solitaire et d’un silence lugubre ; la verdure, l’ombrage, les cyprès mélancoliques, tout vous invite à une douce méditation. Derrière et sur un des côtés de ces monumens on a pratiqué un chemin bordé extérieurement et couvert par des arbres et arbustes d’un ancien bocage au long duquel on a adossé deux bancs à dossier en menuiserie, pour la commodité de la famille et pour celle du voyageur. L’un de ces tombeaux est habité, l’autre, qui est celui du Mal. de Bermuy, est vuide, voilà pourquoi l’on le nomme cénotaphe (suivant cette étymologie grecque Kenotaphion, qui signifie la même chose.) parce que le corps de la personne pour qui il a été élevé a été perdu dans une bataille.

Ces deux monumens n’ont pu être gravés, dans ce Recueil, parce que celui du Mal. De Bermuy est semblable à celui de Mme. de Durefort (Voyez la planche 3 de la 1ère livraison du 1er volume), et celui du lieutenant Demelito est semblable à celui de Mlle Étevé, excepté que dans la partie circulaire de la pierre on a gravé les armoiries de la famille de Miot Demélito (planche 80 de la 20me livraison du 2me volume.)
D. O. M.
A la mémoire
D’Auguste-Marie
JAMAIN de BERMUY,
Maréchal de camp,
Major des grenadiers à cheval de la garde,
Chef intrépide
D’une troupe intrépide.
Tué le 18 juin 1815
Sur le champ de bataille de Waterloo :




LA GARDE MEURT ET NE SE REND PAS :




Rosalie-Françoise-Caliste
MIOT DEMÉLITO, sa veuve,
Qu’une même journée
A privée d’un époux et d’un frère,
N’ayant pu réunir sous une même terre
Leurs dépouilles chéries,
A fait élever ce simple monument.




Une fille qui n’a joui qu’un moment
Des caresses d’un père,
Un fils qui ne les a jamais reçues,
Viendront un jour confondre leurs larmes
Avec celles de leur mère.


Vers écrits au crayon sur cette pierre tumulaire.

Il est mort pour la liberté ;
Français, effeuillons sur sa tombe
Les lauriers qu’il a mérités ;
Si comme une fleur l’homme tombe,
Sa vertu jamais ne succombe ;
Mais passe à l’immortalité.
F. H…