Recueil des éloges historiques vol 1 - Avertissement

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Recueil des éloges historiquesFirmin Didot FrèresTome 1 (p. lvii-lix).
AVERTISSEMENT.




Les petites biographies écrites avec bienveillance auxquelles on a donné le nom d’Éloges historiques, ne sont pas seulement des témoignages d’affection que les corporations savantes croient devoir aux membres que la mort leur enlève ; elles offrent aussi à la jeunesse des exemples et des avertissements utiles, et à l’histoire littéraire des documents précieux. Parmi cette foule de travaux particuliers qui contribuent journellement à étendre les connaissances humaines, il en échapperait beaucoup à la mémoire et à la reconnaissance de la postérité si des mains amies ne s’empressaient de les consigner par écrit. Rien n’est d’ailleurs plus propre à multiplier ces travaux que les marques publiques d’estime qu’ils reçoivent. Combien de jeunes esprits nos solennités littéraires n’ont-elles pas enflammés, et jetés dans une carrière, noble sans doute, mais pénible et périlleuse ; car, il faut l’avouer, il n’est que trop facile de s’y égarer ! Mais c’est précisément une autre utilité de ce genre d’écrits, et peut-être la principale, que de marquer les fausses routes où tant d’hommes supérieurs n’ont pas laissé de s’engager, séduits par leur imagination ou par le désir de recueillir trop promptement les suffrages de la multitude.

La vie des savants nous enseigne à chaque page que les grandes vérités n’ont été découvertes et établies que par des études prolongées, solitaires, dirigées constamment sur un objet spécial, guidées sans cesse par une logique méfiante et sévère. Partout on y voit manquer le but, et à l’homme qui dissipe les forces de son esprit en les appliquant à des objets trop variés ; et à celui qui, abandonnant l’expérience et le calcul, s’embarrasse lui-même dans ses paroles et dans ses raisonnements ; et à celui qui, trop pressé de jouir, ne donne pas à son sujet le temps et l’attention qu’ils exigent. Mais, partout aussi, à côté de ces difficultés on voit de douces jouissances, des jouissances indépendantes même du succès : le bonheur de l’étude est peut-être le seul qui ait ce privilège, de pouvoir tenir lieu de tous les autres.

C’est sous ces divers points de vue que l’auteur a envisagé ses fonctions ; jamais il n’a pensé remplir un simple ministère d’apparat : une bonne direction à donner à la jeunesse, les progrès futurs des sciences, tout ce que la société peut en retirer d’avantages, l’ont sans cesse occupé ; et ces idées seules ont pu le soutenir contre le sentiment de sa faiblesse, et diminuer le découragement que devaient naturellement lui donner les ouvrages inimitables de ceux qui l’ont précédé. C’est aussi sur elles seules qu’il se repose aujourd’hui pour espérer quelque indulgence de ses lecteurs.


Au Jardin du Roi, septembre 1819.