Recueil des lettres missives de Henri IV/1572/3 décembre ― À monsieur de Losse

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1572. — 3 décembre.

Copie. – B. R. Fonds Leydet, liasse vi. Extrait des archives de l’abbaye de Losse.


À MONSIEUR DE LOSSE[1].

Monsr de Losse, J’ay receu voz lettres du tiers du mois dernier passé. Je voudrois bien vous avoir prez de moy, cognoissant assez et de longue main combien de bonne affection vous me portés, et à tout ce qui concerne le bien de mon service. Je vous prieray donc de diligenter de mettre ordre à voz affaires dans vostre maison pour me venir trouver au plus tost. Et si d’avantaige vous vous acheminiez par avant d’entendre nostre deslogement vers la Rochelle[2], donner ordre que les gentilshommes mes vassaulx, que vous aurez trouvés de bonne volonté de m’accompagner en ce voyage[3], se tiennent tousjours prests pour se rendre la part que je leur feray sçavoir, les asseurant ainsy qu’ils seront les bienvenuz. Aussy serés-vous bien, Monsr de Losse, et d’aussy bon cœur que je prie Dieu vous avoir en sa saincte garde. De Paris, ce tiers jour de decembre 1572.

Vostre tres bon maistre et amy,
HENRY.


  1. Comme cette lettre est écrite de Paris et adressée évidemment à un gentilhomme résidant alors dans le pays du prince, il ne peut s’agir ici du capitaine de la garde écossaise du Roi, dont la reine Marguerite dit dans ses mémoires : « Monsieur de Losse, bon homme vieil qui avoit esté gouverneur du Roy mon mari. » Mais la lettre est probablement écrite à M. de Losse, nommé, en 1573, lieutenant de roi, dans la partie de la Guienne au sud de la Garonne ; mort en 1580.
  2. On a dit plus haut l’inutilité des lettres adressées de la cour aux Rochellois. (Voy. [[Recueil des lettres missives de Henri IV/1572/10 septembre ― À messieurs les maire, eschevins et pairs de la ville de la Rochelle|lettre du 10 sept. 1572]].) Le siége de la Rochelle fut alors décidé, et le roi de Navarre eut ordre d’y accompagner les princes. (Voy. lettre du 6 mars 1573 et suiv.) Il y « estoit mené, dit Legrain, en la même sorte que Tamerlan menoit Bajazet au siége des villes, excepté que nostre prince avoit ses coudées et enjambées plus franches que n’avoit Bajazet. » (Décade du roy Henry le Grand, l. II.)
  3. Il y avait alors un mérite de dévouement dans les devoirs rendus au jeune roi de Navarre, qui se trouvait dans une situation si précaire, avec son cousin le prince de Condé. « Ils cederent à la force, disent les secrétaires de Sully, mais sans que cette obeyssance aveugle rendît leur condition beaucoup meilleure, sinon par boutades et suivant les caprices de la cour ; tantost ce prince estant traicté comme libre, et lors ses domestiques avoient liberté de le venir servir (à quoy vous vous rangiez fort soigneusement), et tantost comme prisonnier et criminel, et lors vous estiez tous chassez. » (Œconomies royales, Ire partie, chap. v. Édit. originale dite des V V verts, in-fol. imprimée, sous une feinte rubrique, au château de Sully.)