Recueil des lettres missives de Henri IV/1581/17 août ― Au roy, mon souverain seigneur

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1581. — 17 août.

Orig. — Biblioth. impér. de Saint-Pétersbourg, Ms. 913, lettre n° 54. Copie transmise par M. Allier, correspondant du ministère de l’Instruction publique.


AU ROY, MON SOUVERAIN SEIGNEUR.

Monseigneur, Encore que l’entreprinse executée sur la ville de Perigueulx, qui est une de celles qu’il vous a pleu nous accorder pour seureté, ayt beaucoup alteré les espritz de ceulx qui s’estoient desjà affermis en l’observation de la paix, la lettre que j’ay eu cest honneur de recevoir de Vostre Majesté, du premier de ce moys, tesmoignant le deplaisyr que cest attemptat vous a apporté et la volonté en laquelle vous estes de le faire reparer, a produit ung merveilleux contentement à toutz ceulx qui sont amateurs de la paix. Mais je vous supplie tres humblement, Monseigneur, que les effectz confirment ung chacun de l’esperance qu'ils ont desjà conceue ; car aultrement il est à craindre que l’impunité de ceste contravention n’en engendre beaucoup d’aultres. J’apporte tout ce qui est en moy pour rendre Vostre Majesté obeye parmi ceulx de la Religion ; auxquels j’ay soubdain envoyé la coppie de vostre lettre, tant pour les faire contenir en debvoir, que pour les rendre certains du temps que l’assemblée se pourra faire à Nerac avec ceulx qu’il vous plaist envoyer par deçà. J’eusse bien desiré, Monseigneur, que c’eust esté plus tost, cognoissant que la longueur et retardement d’une si bonne œuvre ne peut apporter que beaucoup de prejudice au service de Vostre Majesté, mesme en ceste province, où il n’y a que trop de personnes à qui les mains demangent. Je ne me lasseray jamais d’attendre tant qu’il playra à Vostre Majesté, mais je crains que ces remises ne donnent occasion aulx ungs et aulx aultres d’entreprendre diversement. Je m’en voy cependant faire ung court voyage en mon pays de Bearn, d’où je seray de retour, en mesme temps que ceulx qu’il vous plaira envoyer pour l’entiere execution de la paix pourront arriver ; avec lesquels je vacqueray avec toute la sincere affection qui se peut desirer, tant pour ce qui est de mon gouvernement que pour le Languedoc, où (à ce que mon cousin, monsr le marechal de Montmorency, me vient d’escrire, et que j’ay entendu par les depputés de Castres et de Carcassonne qu’il m’a envoyés) plusieurs actes hostilles se commectent d’une part et d’aultre. Pour à quoy remedier, nous avons advisé de poursuivre par la force et d’une commune main les autheurs de ces volleries et desobeïssances, affin que voz pauvres subjects soient soullagés des languissantes miseres qu’ils souffrent. Et sur ce, Monseigneur, je supplie le Createur conserver Vostre Majesté avec toute santé et prosperité D’Eauze, ce xvije aoust 1581.

Vostre tres humble et tres obeissant subject

et serviteur,


HENRY.