Recueil des lettres missives de Henri IV/1582/19 mars ― À monsieur Scorbiac

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1582. — 19 mars.

Orig. — Arch. de M. le baron de Scorbiac, à Montauban. Copie transmise par M. Gustave de Clausade, correspondant du ministère de l’Instruction publique.


À MONSR SCORBIAC,

CONSEILLER DU ROY MON SEIGNEUR, EN SA COURT DE PARLEMENT DE THOULOUSE ET CHAMBRE D’EDICT.

Monsr Scorbiac, J’envoy ce laquay vers les srs de Clervant et du Pin. Je vous prie l’instruire du lieu où il les pourra trouver, et faire tenir aux srs de Terride, de Fontrailles[1] vicomte de Gourdon, de Renyés[2] et aultres les lettres que je leur escry, ensemble à ceulx des villes. Je suis venu jusques icy pour avoir ce bien de communiquer avec la Royne, mere du Roy mon seigneur, resolu de ne passer oultre, bien que par les lettres qu’elle m’a escript de Chenonceau, elle desirast que je donnasse jusques à Champigny. Je luy ay envoyé le sr de Lesignan pour faire mes excuses si Je ne puis aller si avant, ayant une si belle et grande troupe de noblesse prés de moy, avec mon oncle de Rohan[3], et mon cousin, le comte de la Rochefoucaud[4]. Je vous envoye une coppye de la lettre que le Roy m’a escripte du ve de ce mois, de laquelle vous ferez part à ceulx que vous cognoistrez estre besoing, leur donnant advis de l’ordre certain et resolu que je tiens en mon voyage, durant lequel on n’a peu rien apercevoir qui donne encores occasion de crainte et deffiance. Mon cousin, monsieur le Prince, m’a accompagné jusqu’à quatre lieues d’icy, d’où il s’en est retourné à Sainct Jehan. Faites moy entendre ce qui se passe en voz quartiers ; et je prieray sur ce le Createur vous tenir, Monsr Scorbiac, en sa saincte garde. Escript à Sainct Mexan[5], le xixe de mars 1582.

Vostre bien bon amy,


HENRY.


  1. Michel d’Astarac, baron de Marestang et de Fontrailles, vicomte de Congolas, fils aîné de Jean-Jacques d’Astarac et d’Anne de Narbonne, fut colonel de la cavalerie de la reine Jeanne de Navarre, sénéchal d’Armagnac, gouverneur des ville et château de Leytours, lieutenant général et commandant en Guyenne en l’absence du roi de Navarre, lieutenant général des pays d’Armagnac, Cominges, Astarac, Gaure, Loumagne et Rivière-Verdun, gentilhomme de la chambre du Roi, et capitaine de cent hommes d’armes. Il avait eu une jambe emportée d’un coup de canon à la bataille de Jarnac, et vivait encore en 1604.
  2. Latour-Reinier ou Regniés, sauvé à la Saint-Barthélemy par son ennemi le sieur de Vezins ou Voisins, qui l’emmena en Guyenne de la manière la plus farouche et la plus généreuse ; aventure si bien racontée par de Thou. M. de Reinier était l’un des principaux chefs des protestants du Midi.
  3. René de Rohan, vicomte de Rohan, fils aîné de René I, vicomte de Rohan, et d’Isabelle d’Albret, grand’tante de Henri IV. Il mourut à la Rochelle, en 1586, à l’âge de trente-six ans.
  4. François, comte de la Rochefoucauld, prince de Marsillac, seigneur de Verteuil, fils de François, comte de la Rochefoucauld, tué à la Saint-Barthélemy, et de Sylvie Pic de la Mirandole, conseiller du Roi et capitaine de cinquante hommes d’armes des ordonnances, fut un des partisans les plus dévoués du roi de Navarre. Deux ans auparavant il lui avait amené à Nérac trois cents chevaux et huit cents hommes d’infanterie, au moment où ce prince allait être entièrement accablé par le maréchal de Biron. Le comte de la Rochefoucauld fut tué par les ligueurs devant Saint-Iriès-la-Perche, le 15 mars 1591.
  5. Saint-Maixent, où le roi de Navarre a séjourné maintes fois pendant les guerres de religion en Poitou, est aujourd’hui un chef-lieu de canton du département des Deux-Sèvres.