Recueil des lettres missives de Henri IV/1583/17 décembre ― À mon cousin monsieur de Matignon

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1583. — 17 décembre.

Orig. — B. R. Fonds Béthune, Ms. 8860, fol. 64 recto.


À MON COUSIN MONSR DE MATIGNON,

MARESCHAL DE FRANCE.

Mon Cousin, Vous dictes que le Roy trouve mauvais que j’aye reprins la possession de ma ville et maison du Mont de Marsan, demeure ordinaire de mes predecesseurs, et que Sa Majesté trouve bon de continuer la garnison que vous avez mise en la ville de Bazas. Je crois qu’il est si grand observateur de son edict de pacification, comme il faict assez entendre par toutes ses lettres et escripts, que, estant ceste action toute contraire à son edict, conferences et aux reglemens et accordz passez entre nous, il ne le pourroit avoir commandé sans qu’on luy ait desguisé et mal interpreté mes actions, et sans luy avoir donné occasion de tirer telles conclusions sur de faulx advis et presuppositions, et luy avoir celé la façon et moderation dont j’ay usé en me remectant en ma maison. Tout cela ne peut tendre qu’à me rendre odieux et m’esloigner de sa bonne grace. De quoy je ne puis estre que trez mal content, et que de ceste façon on veuille à mes despens se faire valoir. On avoit auparavant desguisé ou mal exposé à Sa Majesté ce que j’ay faict à Tartas ; et pour le regard du Casse, aprés que j’ay prins tant de peine, en personne, à raser et applanir ses fortifications, on a faict entendre à Sa Majesté que je n’ay faict aultre chose que les esgratigner. J’espere qu’Elle en cognoistra la verité et qu’à la fin Elle en sera esclaircie, à la confusion de ceulx qui me veullent troubler, et que, suivant sa bonté acoustumée, Elle m’en vouldra faire la raison. Vous mettez en oultre quelque garnison dedans Condom, et de ceste façon vous environnez ma maison de Nerac de tous coustez. Je ne sçais ce que vous entendez faire, ne quelle auctorité vous voulez prendre en mon gouvernement ; de quoy je vouldroys bien estre promptement esclaircy. Au reste, mon Cousin, je vous ay mandé que les soldatz qui sont és villes de seureté sont reduictz à la faim, parce qu’estans en places povres et desgarnies de commoditez, ils n’ont aucun moyen de vivre, n’ayans rien receu jusqu’icy depuis quatre mois de leur entretenement, dont les deniers sont neantmoins imposez et levez. Il n’y a encores esté pourveu. Messrs de la ville de Bordeaulx m’en ont faict parler ; je ne puis sinon les remettre à ceux qui disposent desdicts deniers, car la necessité presse, et ne peut attendre davantage. Sur ce, je prieray Dieu, vous tenir, mon Cousin, en sa saincte et digne garde. Du Mont de Marsan, ce xvije decembre 1583.

Vostre bien affectionné et asseuré amy,


HENRY.