Recueil des lettres missives de Henri IV/1583/Vers le 12 décembre ― À mon cousin monsieur de Matignon

La bibliothèque libre.



[1583. — vers le 12 décembre.]

Orig. autographe. — B. R. Fonds Béthune, Ms. 8828, fol. 5 recto.

Cop. — B. R. Suppl. fr. M5. 1009-4.


À MON COUSIN MONSR DE MATIGNON.

MARESCHAL DE FRANCE.

Mon Cousin, Je suis bien marry des desordres, violences et contraventions à l’edict, qui se commectent ordinairement avec impunité. Si Bazas eust esté maintenu en l’estat porté par l’edict et suivant noz conventions et promesses, signées de nous, cela ne seroit advenu. Mais un mal attire l’autre. À Bazas on a mis en garnison vingt, entre autres gens, condamnez à mort par la justice ; on y a faict venir deux ou trois prevostz à la fois, pour intimider ceux de la Religion ; on leur a faict entendre que, pour leur seureté, ils en debvoient sortir. Les aultres ont esté chassez, de sorte qu’il y a grand nombre des principaulx habitants dehors et qui n’y peuvent rentrer avec seureté, Je treuve mauvais que Le Casse use de courses et violences et qu’il fasse prisonniers. C’est chose à quoy il fault pourveoir. Mais je serois bien d’avis qu’on en usast suivant ce que j’ay faict entendre à monsr de Bellievre, parce que sans forces on ne pourroit en venir à bout ; qui apporteroient une alteration grande, laquelle n’est aulcunement convenable en ce temps. De sorte que quelque autre voie sera plus expediante, ainsy que j’ay prié le dict sr de Bellievre vous escrire plus particulierement. Entre les maulx il est besoing de choisir le moindre, et je vous prie, mon Cousin, que ce soit le plus tost que faire se pourra. J’attends la response du Roy mon seigneur sur la prorogation du temps des villes de seureté, et sur le payement des guarnisons qui y sont. Je vous prie, mon Cousin, donner ordre que ce pendant elles puissent vivre. Et lorsqu’elles seront payées, ceux de qui on aura pris les vivres seront satisfaicts ; et le service du Roy se fera trop mieux, cherchant doulcement telz moyens et en usant sans aigrir les choses, que envoyant des prevostz sur les lieux pour empescher ceux des dictes guarnisons de recouvrer des vivres pour subvenir à la necessite, qui n’a point de loy. Car je leur ay permis d’en prendre où il y en aura, avec asseurance de les payer. Attendant la response et mandement de Sa Majesté, m’asseurant, mon Cousin, que vous le vouldrez faire ainsy, je ne vous en diray davantaige, si ce n’est pour vous prier de vous asseurer tousjours de la bonne volonté de

Vostre plus affectionné cousin et asseuré amy,


HENRY.