Recueil des lettres missives de Henri IV/Préface

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PRÉFACE.
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L’importance et l’intérêt des lettres de Henri IV avaient dès longtemps été aperçus ; mais on n’avait publié que des parcelles de cette royale correspondance, aussi nombreuse que variée.

Après quelques lettres politiques, dont la publication était réclamée par les événements du jour, et qui furent immédiatement imprimées, les deux premiers ouvrages, et les plus dignes de considération, qui aient réuni une série de lettres d’Henri IV, sont les Mémoires de deux grands ministres : Mornay et Sully. L’un a surtout fait connaître les lettres qu’il avait lui-même rédigées ; l’autre celles qui prouvent la confiance et la célèbre amitié dont son Roi l’honorait. Plus tard on publia quelques correspondances diplomatiques[1]. L’Allemagne protestante rechercha surtout dans les lettres d’Henri le Grand les combinaisons religieuses d’une vaste politique européenne ; M. de Rommel, à Cassel, a fait en 1840, pour la correspondance de Henri IV, roi de France, avec Maurice le Savant, landgrave de Hesse[2], ce que des éditeurs d’Utrecht firent, dès 1679, pour les lettres latines[3], écrites de 1583 à 1587, et remises à tous les princes protestants de l’Europe par Jacques de Ségur, ambassadeur du roi de Navarre. Au XVIIIe siècle, on s’occupa surtout du prince galant et spirituel. Les charmantes lettres d’amour, alors en la possession du président Hénaut[4] et publiées dans le Mercure de France [5], citées en certain nombre par Voltaire[6], reparurent dans plusieurs petits recueils, durant cette période[7]. Les premières années de notre siècle admirèrent avant tout dans Henri IV la bonté du cœur[8]. On voulut même trouver dans ses lettres la marque de cette sensibilité qui, on peut le dire, était plutôt du goût et de la mode d’alors, que de l’allure joviale et délibérée du héros béarnais. Sa bonté véritable, sa popularité, sa franchise, devinrent, à la restauration, comme un ressort politique, dont l’impulsion est sensible dans ce qui fut publié assez précipitamment alors de lettres d’Henri IV[9]

En réunissant aux sources respectables des mémoires contemporains toutes les lettres de Henri IV publiées dans ces divers petits recueils, on ne parviendrait à former qu’un assemblage incohérent et incomplet. C’est ici que la recherche des pièces originales et le dépouillement des collections manuscrites de nos grands dépôts publics, travaux si judicieusement encouragés par le gouvernement actuel, deviennent des moyens sûrs pour obtenir un ensemble satisfaisant. Il y fallait joindre un appel fait par toute la France aux anciennes familles qui conservent avec vénération, dans leurs archives, des lettres de Henri IV, et même étendre cet appel bien au delà de nos frontières.

Un littérateur du siècle dernier s’était flatté de pouvoir seul assembler les éléments d’une telle publication, pour former, dans des proportions assez étendues, un choix des lettres de Henri IV. « Nous disons un choix, écrivait l’abbé Brizard[10], et non un recueil complet ; car alors il faudrait des volumes. On a lieu de s’étonner de la multitude des lettres qui existent de sa main, et comment ce prince, qui a mené une vie si active et si agitée, a pu trouver des moments pour tant écrire… Ce sont ces vestiges épars de la bonté, de l’esprit et de la valeur de Henri IV, que nous nous proposons de réunir : nous avons déjà rassemblé un grand nombre de ces lettres ; mais celles que l’on connaît font désirer plus vivement celles qu’on ne connaît pas encore. On voit avec peine que ces précieux restes, fidèles dépositaires de l’âme du meilleur des rois, ensevelis dans la poussière des bibliothèques, ou confondus dans des papiers de famille, soient comme perdus pour le public, si avide de tout ce qui intéresse ce grand homme. Nous ne négligerons rien pour parvenir à les rassembler. C’est un monument que nous voulons élever à la gloire de ce prince, d’autant plus glorieux qu’il en fournira seul tous les matériaux. »

Probablement l’abbé Brizard finit par reconnaître l’insuffisance de moyens isolés[11] pour atteindre le but qu’il se proposait. Du moins n’ai-je trouvé aucune trace d’un commencement d’exécution[12].

Il n’en fut pas ainsi d’un plan qu’avait formé l’abbé de l’Écluse des Loges. Obéissant au goût de son temps, où ne régnait pas le même respect qu’aujourd’hui pour les récits historiques contemporains des événements racontés, il avait dénaturé les Œconomies royales de Sully, en substituant la forme ordinaire d’une narration à cette singulière allocution de quatre secrétaires à leur maître, durant quatre volumes in-folio[13]. Son édition arrangée est encore aujourd’hui la plus répandue. Quelque inopportune que pût nous paraître à présent une telle opération, ce fut, pour le littérateur qui l’entreprit, une occasion d’admirer les lettres de Henri IV et d’en aller curieusement consulter les originaux dans nos grandes collections de manuscrits. L’abbé de l’Écluse fit le dépouillement d’une partie des fonds que possédait de son temps la Bibliothèque du Roi. Il joignit à cette récolte abondante les tributs des collections particulières dans lesquelles il avait accès. Ainsi, avec les lettres fournies par les grands ouvrages contemporains que nous avons cités d’abord, il rassembla environ deux mille lettres, dont les copies, presque toutes de sa main, sont conservées au cabinet des manuscrits à la Bibliothèque du Roi. Toutefois, excepté pour les extraits de quelques collections particulières de son temps, aujourd’hui dispersée[14], ces nombreuses copies de l’abbé de l’Écluse nous sont de peu d’utilité[15].

Au lieu de l’ordre chronologique, le seul admissible dans un recueil de ce genre, il établit un classement qui rapprochait toutes les lettres adressées à un même personnage, quelle que fût la date de ces lettres. Tout porte à croire qu’il n’adopta ce plan qu’après avoir essayé sans succès de surmonter les innombrables difficultés de la disposition par dates.

Le travail très-considérable que prouve la quantité de matériaux rassemblée par l’abbé de l’Écluse dut lui faire assez bien apprécier l’étendue du sujet pour qu’il finît par apercevoir l’insuffisante de ses efforts ; car il ne donna point définitivement de publicité à ce travail, tout disposé pour la presse[16]. Comme, par ses études antérieures, il se trouvait mieux préparé que personne à publier une telle collection, il est à présumer qu’un seul homme, quelles que fussent l’étendue de ses relations personnelles et la force de ses moyens d’action, n’aurait pu guère aller plus loin.

Il fallait, pour retrouver tout entière la correspondance d’Henri IV, réunir les recherches de l’érudition avec les moyens d’action du gouvernement, tels que les présente, depuis 1835, l’organisation des travaux d’histoire près du ministère de l’Instruction publique, et tels que les a soigneusement employés dans cette occasion le ministre actuel de ce département.

M. Villemain, en projetant, il y a deux ans, une publication complète des lettres de Henri IV, et en me confiant le soin de la diriger, établit aussitôt une active correspondance, qui ne tarda pas à faire affluer des principales collections particulières, des archives de famille, des dépôts publics de nos départements et des États étrangers, une abondance de communications, destinée sans doute à s’augmenter encore durant l’impression du reste de l’ouvrage, mais dont les résultats sont déjà surprenants : le nombre en dépasse 2 900 lettres, parmi lesquelles l’envoi des pays étrangers figure pour 1 068[17]. C’est une belle preuve de ce que peut la recherche de la vérité historique dans un temps d’ordre et de paix ; et après l’heureux effet d’un concours si libéral, on serait en droit d’ajouter que la culture de l’histoire, telle qu’on la comprend aujourd’hui en Europe, contribue à y entretenir un esprit de tolérance et de justice.

En France, où la gloire de Henri IV est un patrimoine national, les particuliers ont rivalisé avec le gouvernement pour contribuer à compléter l’œuvre de ce prince en apportant de toutes parts les fragments qu’ils en possédaient : les collections d’autographes célèbres et de manuscrits précieux ont fourni 477 lettres[18].

Les anciennes familles qui ont conservé des archives plus ou moins complètes les ont presque toutes ouvertes avec empressement, et 618 lettres sorties de cette noble source sont venues enrichir notre recueil[19].

Le zèle des principaux fonctionnaires des départements à répondre à l’appel de M. le ministre de l’Instruction publique, et l’émulation des correspondants historiques de son ministère, par toute la France, ont puissamment contribué à rendre très-productives les recherches faites dans toutes les archives publiques et dans toutes les bibliothèques de la province, comme le prouve le nombre de 745 lettres[20] provenant de cette source si variée.

A la suite de chacune des deux grandes périodes de la vie de Henri IV, nous donnons une liste complète des sources d’où viennent les lettres qui y sont rassemblées, avec l’indication de la place assignée à chacune dans le classement chronologique. Là se trouvent réunis aux communications diverses dues à la correspondance du Ministre et à ce qui nous est directement parvenu, ce qu’ont fourni les ouvrages imprimés, et ce que nous avons recueilli dans les grands dépôts publics de la capitale.

On sait combien est étendue la bibliographie historique du XVIe siècle et du XVIIe siècle, de quelle surabondance de documents originaux on se trouve comme accablé, au milieu des grandes collections manuscrites de la Bibliothèque royale. Si les habitudes et la pratique de l’érudition sont indispensables pour explorer ces deux sources immenses, sinon complétement, du moins sans être exposé à de graves omissions, le concours des hommes éminents à qui ces dépôts sont confiés, les précieuses indications des plus habiles bibliographes, ne sont pas moins nécessaires.

Aucun de ces secours ne nous a manqué. Des relations de quinze années avec les savants qui ont fait une étude spéciale de notre histoire, et dont la plupart sont nos confrères à l’Institut, nous ont valu, comme toujours, d’utiles avis, de judicieuses remarques. Ceux d’entre eux à qui est remise la conservation des manuscrits et des ouvrages imprimés à la Bibliothèque du Roi, à celle de l’Arsenal, à la Mazarine[21], à Sainte-Geneviève, à la bibliothèque du cabinet du Roi au Louvre, ou qui ont la garde des sections historique, administrative et judiciaire aux Archives du Royaume, ont mis à nous seconder, par les précieuses communications de leurs dépôts respectifs, un soin, un empressement, une persévérance, qui ne nous ont point surpris, mais dont la mention est ici l’un des devoirs les plus agréables.

Notre illustre confrère M. Mignet, l’un des deux commissaires nommés par M. le ministre de l’Instruction publique pour nous prêter le secours de leur expérience et de leurs lumières dans tant de questions délicates que soulève la publication d’un tel recueil, a vu les épreuves avant l’impression ; M. le ministre des Affaires étrangères, sur l’appui duquel une entreprise qui intéresse notre histoire devait compter en toute assurance, a autorisé avec empressement la communication de ce qui pourrait nous servir dans les archives de son département. M. Mignet nous a gracieusement ouvert ces importantes archives, dont la direction lui est confiée. Ce que nous y avons puisé, réparti dans le plan chronologique de l’ouvrage, y offrira l’attrait d’un intérêt croissant. Car dans les différentes séries des lettres composant cette correspondance d’un prince doué du talent épistolaire, bien peu égalent la grâce exquise des lettres à Marie de Médicis, dernière partie de la communication des Affaires étrangères.

De plus fréquents rapprochements avec l’autre membre de la commission, M. Monmerqué, notre confrère, non-seulement d’Institut, mais d’Académie, ont rendu presque journalière son utile et bienveillante intervention dans notre travail. Il en a suivi la marche et les détails avec un intérêt soutenu, dont je ne saurais trop hautement le remercier. Les inappréciables trésors de sa double bibliothèque, formée avec tant de goût et de science, à Paris et dans son château de Cuissy, me sont, je puis le dire, prodigués avec cette libéralité du vrai savoir joint à un caractère élevé. Pour ne point répéter le nom de M. Monmerqué presque à toutes les pages de ces volumes, je dois insister dans la préface sur ce que j’ai obtenu de ses connaissances bibliographiques, de ses aperçus si fins, de cette provision si riche de faits rares et curieux, utiles secours dans l’interprétation des plus légères traces historiques offertes par les allusions d’une correspondance qui date de deux siècles et demi. Entre les lettres de Henri IV qui me sont parvenues par des communications diverses, un certain nombre (et je dois citer avant tout la collection particulière de la Reine) m’ont été confiées en original. Ces communications-là offrent toujours à l’édition, des garanties d’exactitude supérieures à celles des copies, prises quelquefois avec moins d’expérience paléographique que de zèle[22]. Quant aux manuscrits des grands fonds de la Bibliothèque du Roi, on sait combien ils sont riches en pièces originales, ou en minutes et en copies anciennes d’une incontestable authenticité. La magnifique collection en 1 923 volumes in-folio de pièces de ce genre dont le comte de Béthune fit présent à Louis XIV passe avant tout, et contient à elle seule presque autant de lettres de Henri IV que toutes les autres sources réunies. Le dépouillement des fonds Dupuy, Harlay, Colbert, Fontanieu, etc. a donné aussi les résultats qu’on en devait attendre[23].

L’écriture de Henri IV est toujours nette et lisible, se rapprochant plus d’une écriture moderne que celle de ses secrétaires. Dans cette dernière, qui tient davantage du caractère dit gothique, règne la parfaite régularité, guide sûr des paléographes.

Un certain nombre d’anciennes copies sont d’une lecture difficile ; quelques minutes premières des secrétaires d’état sont presque indéchiffrables. J’apprécie continuellement, au milieu de ces difficultés, l’utile concours des trois auxiliaires fort instruits qui m’ont été accordés par M. le ministre de l’Instruction publique. MM. de Fréville et Bernhard sont sortis de cette école royale des Chartes, heureuse pépinière des sujets les plus distingués; et M. d’Abel de Chevallet[24] avait déjà puisé dans sa participation aux travaux du classement des manuscrits à la Bibliothèque royale, le même genre d’expérience. Chez tous trois le zèle du travail est constamment entretenu par un véritable dévouement pour l’œuvre de Henri IV, et, je puis dire aussi, par un attachement, bien réciproque, pour l’éditeur. Cette union aura tourné, je l’espère, au profit de l’édition, objet de nos soins.

Également bien secondé à l’Imprimerie royale (ce dont ne peut douter quiconque a eu recours à cet établissement si digne d’être cité comme modèle), j’ai pu donner à la disposition typographique une netteté et une régularité nécessaires à l’effet d’ensemble d’un livre formé de tant de pièces diverses. Des deux grandes sections formées par l’histoire même de Henri IV, avant et depuis son avénement à la couronne de France, la première réunit les lettres du prince, puis du roi de Navarre[25], et ces diverses parties, décomposées dans l’ordre chronologique, sont subdivisées, chacune, par années et par mois. Chaque lettre est précédée de la date précise ou approximative qui lui est assignée. Lorsque cette date n’est point fournie par la lettre même, les crochets [ ] où elle est intercalée constatent un renseignement provenant d’ailleurs, ou la conjecture par laquelle j’ai suppléé au manque de tout renseignement.

Il en est de même pour les suscriptions : lorsqu’une copie n’a point donné comme transcrits sur l’original le nom et le titre de la personne à qui une lettre est adressée, l’adresse, suppléée par nous, est placée entre crochets. S’il s’agit d’une de ces lettres intimes, dont les originaux ne portent jamais de suscription, comme dans la correspondance du prince avec ses maîtresses, la suscription, pour signe distinctif de plus, est imprimée en capitales italiques.

Entre la date et la suscription de chaque lettre, se trouve la mention de la source dont elle provient, ou, lorsque cette source est autre qu’un des grands dépôts publics de Paris, le nom de la personne, ou bien le titre du magistrat aux soins de qui nous en avons dû la communication. Cette mention de la provenance est précédée d’une de ces indications : original autographe, ou original[26], ou minute, ou copie, ou imprimé, suivant que la pièce d’après laquelle nous publions la lettre a l’un de ces caractères. Souvent, outre l’original, nous avons eu une ou plusieurs copies, un ou plusieurs textes imprimés. Il en est fait mention : ce qui met le lecteur à même, non-seulement de distinguer l’imprimé de l’inédit, mais de savoir jusqu’à quel point chaque pièce était déjà répandue ou divulguée[27].

La courte salutation qui (principalement dans les lettres antérieures à l’avénement au trône) précède la signature, comme Vostre bien bon et asseuré ami[28], Vostre meilleur mestre[29], Vostre tres-humble, tres-obeyssant et tres-fidele sujet, fils et serviteur[30], Vostre bon frere à vous faire service[31], etc. est de la main du Roi, ou plutôt assez souvent aussi du secrétaire de confiance, dit le secrétaire de la main, chargé spécialement de contrefaire l’écriture du Roi. Jacques l’Allier, seigneur du Pin, remplissait auprès de Henri IV, roi de Navarre, ces fonctions délicates, qui, sous Louis XIV, furent exercées, comme on sait, par le président Roze. L’un et l’autre, suivant la volonté du maître, ne bornait pas son emploi à contrefaire la signature et ce dernier salut qui la précède. Beaucoup d’autographes sont certainement du secrétaire de la main, dont le talent consistait précisément à ne permettre guère de distinguer les traits de la main royale des traits de la sienne. L’honneur d’une lettre autographe, que le prince pouvait avoir souvent de l’intérêt à accorder dans les moments où il avait le moins de loisir, dans un de ceux où, comme le roi de Navarre l’écrivait à M. de Ségur, il n’avait pas le temps de se moucher[32], rendait ce secrétaire indispensable pour ces circonstances, et pour d’autres où les usages d’étiquette exigeaient que la lettre fût autographe. Cette phrase, « Excusés si je ne vous escris de ma main, » suppose donc, outre le manque de loisir ou l’état d’indisposition allégués, l’absence du secrétaire de la main, ou la surcharge même d’écritures qui accablait quelquefois celui-ci. Dans ces moments de presse, il est arrivé parfois que du Pin a laissé s’introduire quelques légères traces de sa propre écriture au milieu de l’imitation de celle du maître. Nous avons pu en constater plusieurs exemples, grâce aux fines observations du possesseur de la plus belle collection d’autographes célèbres, M. Feuillet de Conches, dont le goût éclairé autant que libéral a si bien mérité de ce recueil. Il résulte de ces observations que telle lettre, d’une écriture différente de celle du Roi, mais dictée par lui-même, portera un caractère d’authenticité personnelle plus qu’une autre lettre, en apparence autographe, qu’il n’aura fait que signer sans la lire, qu’il n’aura même ni lue ni signée[33]. Et, parmi celles qui sont réellement tracées en entier de sa main, beaucoup de billets très-courts seront d’un intérêt inférieur à des lettres d’une autre main, rédigées et même contre-signées par un de ses habiles secrétaires, qui s’étaient identifiés, en quelque sorte, avec sa pensée et son expression habituelle.

Souvent le secrétaire du Pin écrivait en son propre nom, et quelques-unes des lettres ainsi adressées à des ambassadeurs n’étaient que des moyens convenus de leur faire parvenir plus sûrement une missive secrète écrite par le Roi dans les interlignes, en encre de sympathie, invisible jusqu’au moment où on la faisait reparaître par l’opération chimique dont l’ambassadeur avait emporté la recette. Quelques lettres ainsi écrites sont conservées encore aujourd’hui à la Bibliothèque du Roi ; et bien que les mots tracés dans les interlignes par ce procédé soient beaucoup plus pâles que le reste, et probablement d’une nuance encore affaiblie par l’effet du temps, l’attention, la patience et l’habileté paléographique que mon collaborateur M. de Fréville a mises dans cette difficile transcription ont augmenté de quelques importantes révélations la correspondance d’Henri IV.

C’est encore à la sagacité des calculs de ce jeune savant que le second volume du recueil doit déjà l’interprétation de plusieurs lettres en chiffre, dont on n’avait pu, jusqu’à présent, trouver la clef aux archives des Affaires étrangères ou dans la collection Feuillet de Conches. Le seul déchiffrement du mot elle, formé de deux lettres répétées deux fois, a été le point de départ de M. de Fréville pour retrouver toute la clef[34].

Les innombrables recherches généalogiques, base principale de mes notes, ont eu pour solide appui les connaissances, vraiment uniques en ce genre, de mon très-savant ami M. Léon Lacabane, premier employé au département des manuscrits à la Bibliothèque, et spécialement chargé du cabinet des Titres. Grâce à lui, MM. Bernhard[35], de Chevallet et de Fréville ont pu poursuivre, en quelque sorte, jusqu’aux dernières limites la recherche des noms des plus simples gentilshommes cités dans la correspondance de Henri IV. Pour la plupart de ces noms, la recherche n’a pas été infructueuse, comme on le verra par le grand nombre de familles sur lesquelles j’ai pu présenter des notions certaines. Dans les familles encore existantes, la communication des lettres de Henri IV, conservées avec leurs titres, a été parfois accompagnée d’anciens parchemins, de généalogies, de brevets, de preuves dressées par d’Hozier ou Chérin, renseignements précieux, mais que j’ai admis seulement après m’être assuré que rien n’y était dû à la complaisance du juge d’armes. Je me suis attaché à ce que la mention d’une race ancienne fût entourée des mêmes garanties, dans mon commentaire, que l’admission du nom d’un chevalier croisé dans la salle des Croisades au musée de Versailles[36].

Aussi un certain nombre de noms sont restés non expliqués, malgré ces renseignements des familles, malgré les preuves de l’Ordre du Saint-Esprit, les preuves exigées pour certains honneurs de la cour et autres pièces du cabinet des Titres, les histoires imprimées de plusieurs grandes maisons, comme les Montmorency, les Montesquiou, les Béthune, les Castelnau, etc. les excellents historiens de Thou et dom Vaissète, les nobiliaires de diverses provinces, les meilleurs dictionnaires biographiques, le Dictionnaire de la noblesse de la Chesnaye des Bois, l’Armorial général de France de d’Hozier, les estimables travaux de MM. Laine et Borel d’Hauterive, l’Histoire des pairs de France de M. de Courcelles, etc. enfin l’ouvrage qui reste la base fondamentale de toute étude généalogique, l’Histoire de la maison de France et des grands officiers de la couronne, par le père Anselme. Nommer cet immense travail du savant augustin, c’est rappeler une fécondité inépuisable des notions les plus instructives à toutes les personnes qui ont cherché notre histoire dans les fastes de la noblesse, comme dans l’une des trois principales sources d’où elle découle pendant près de dix siècles[37].

Malgré cette abondance de secours, si je n’ai pu parvenir à reconnaître et à appliquer sûrement plusieurs noms, je ne pense pas que le nombre en paraisse très-grand, eu égard à la difficulté, souvent presque inextricable, de retrouver le nom de famille de ces gentilshommes, dont chacun était toujours désigné par un nom de fief, différent non-seulement de celui de sa famille, mais des autres noms de fiefs sous lesquels, en même temps, étaient connus dans le monde son père, ses frères, ses enfants. Ainsi, dans une famille noble qui se serait composée du père, de trois ou quatre fils, de huit ou dix petits-fils, il y aurait eu une quinzaine de personnes aussi proches, ayant le même nom de famille, et désignées dans le monde par quinze appellations différentes.

À cela il faut ajouter les variétés les plus singulières dans la manière d’écrire les noms propres, à cette époque d’une orthographe libre de toute règle, et où les meilleurs esprits, les hommes les plus doctes, qui avaient fait de la question une étude attentive, regardaient l’introduction des règles comme prématurée. « J’ai peu curieusement regardé à l’orthographie, dit du Bellay, la voyant aujourd’hui ainsi diverse qu’il y a de sorte d’escrivains ; j’approuve et loue grandement les raisons de ceulx qui l’ont voulu reformer, mais voyant que telle nouveauté desplait autant aux doctes comme aux indoctes, j’ayme beaucoup mieux louer leur invention que de la suivre, pour ce que je ne fais pas imprimer mes œuvres en intentions qu’ils servent de cornets aux apoticaires[38]. »

Les tentatives que rappelle ainsi du Bellay furent en effet si peu encouragées, qu’elles passent inaperçues dans la bibliographie de cette époque. Or le public attend de nous l’œuvre de Henri IV dans la plus pure intégrité ; nous avons dû nous attacher à la reproduire avec les formes du temps, les seules qui ne la travestissent point.

Mais un parti restait à prendre pour les autographes. Henri IV s’était fait à son propre usage une orthographe de fantaisie, dont les bizarreries excessives, même pour son temps, deviennent parfois une sorte d’énigme. Nous avons remarqué souvent, en voyant quelqu’un lire une de ces lettres pour la première fois, que l’attention nécessaire à cet exercice de lecture, d’un genre tout nouveau, distrayait très-défavorablement du sens même du discours.

Pour ces lettres-là, pour celles dont nous n’avons eu que des copies défectueuses ou des textes imprimés récemment, nous avons suivi la marche qui nous était tracée par les originaux écrits avec le plus de soin. Il va sans dire que nous en avons admis les irrégularités. Du Bellay, renonçant à l’amélioration de l’orthographe comme à une entreprise impossible, a constaté avec sagacité un état de chose dont nous pouvons aujourd’hui rendre raison. Les règles qu’eût dictées alors l’écrivain le plus illustre auraient pu se trouver fort différentes de celles qui finirent par s’établir peu à peu vers la fin du XVIIe siècle, et qui de nos jours ont atteint une rigueur presque mathématique.

Ce que ne pouvait juger du Bellay, c’est que de son temps l’incertitude de l’orthographe tenait à l’incertitude du langage, aux variantes de la prononciation. Voir dans ce vague une sorte d’accident, de négligence, de hasard, et non une condition essentielle, inhérente alors à notre langue, ce serait méconnaître la principale action de l’Académie française au XVIIe siècle, ce serait méconnaître aussi les rapports de la philologie avec l’histoire. Car, d’une part, notre langue, moins éloignée de ses origines, conservait davantage dans l’expression graphique les traces latines de l’étymologie ; de l’autre, l’écriture étant aussi en partie une sorte d’écho de la prononciation, employait indifféremment les lettres qui pouvaient la rendre. Or cette prononciation variait suivant les provinces, dont le langage différait alors comme les coutumes.

J’ai regardé la fidélité, et une fidélité scrupuleuse, comme mon premier devoir d’éditeur ; si j’ai cherché à remplir de mon mieux un autre devoir par des notes indispensables, du moins ai-je eu grand soin de ne jamais introduire le commentaire dans le texte, en modifiant d’une manière quelconque ce texte si digne de vénération[39]. Le lecteur est sûr de ne prendre nulle part la conjecture de l’éditeur, quelque plausible qu’elle puisse être, pour les paroles mêmes de Henri IV. Et j’ai la confiance de voir cette réserve approuvée de quiconque a réfléchi sur l’intérêt de l’authenticité dans les monuments écrits de l’histoire.

Les irrégularités remarquées dans la manière d’écrire les noms de terre de la noblesse se retrouvent nécessairement dans le vocabulaire topographique des provinces parcourues par Henri IV. Mais ici la marche du prince peut utilement circonscrire l’espace où il faut chercher les noms de lieux difficiles à appliquer. Pour fixer son itinéraire, j’ai trouvé des secours, que rien n’aurait remplacés, dans le journal de sa dépense conservé à Pau, et embrassant les années écoulées de 1576 à 1589[40]. Les dates des ordonnances fournissent les mêmes éléments pour le règne de Henri IV, roi de France.

Ces moyens, d’une authenticité incontestable, sont les premiers à employer dans le classement des lettres sans date, pour peu qu’il s’y remarque quelque trace du lieu où se trouvait alors ce prince. Mais combien de lettres ne renferment ni date ni le moindre indice du lieu de séjour ! L’étude patiente et détaillée des nombreux auteurs contemporains, et des documents manuscrits relatifs aux mêmes événements, peut seule fournir alors des inductions légitimes, rendre significatives des allusions à peine indiquées, faire connaître les faits historiques accomplis dans l’intervalle d’une lettre à l’autre, surprendre les ressorts, jusqu’alors ignorés, de plusieurs événements, et mettre sur la voie de rapprochements souvent heureux.

Dans la période embrassée par les deux premiers volumes que nous offrons presque simultanément au public, un très-petit nombre de lettres ont été réservées, faute d’avoir pu restituer la date d’une manière plus ou moins approximative. Nous savons, du reste, combien une telle opération est délicate et combien la critique pourra s’y exercer utilement. Loin de la récuser, nous invoquons ses avis, dans l’intérêt de l’histoire et du perfectionnement d’un travail où tant de détails sont réunis. Sur les divers points de la France parcourus par Henri IV, les savants de chaque province doivent posséder des renseignements spéciaux qui n’ont pu nous être tous communiqués. Il en est de même sur les familles. Les rectifications qu’on voudrait bien nous indiquer trouveront place dans le supplément, car un supplément est inévitable. Outre les lettres auxquelles il semble impossible d’assigner une place chronologique, tout ce qui nous arrive de communications nouvelles, passé la date qui y répond, est nécessairement réservé, ainsi que plusieurs lettres de recommandation, de congratulation, d’une dictée vague ou banale.

J’ai dû mettre cependant à écarter ce genre de lettres une grande circonspection : une correspondance royale, quelque distingué que soit l’esprit du prince qui l’écrit, n’a pas seulement un intérêt littéraire et biographique. On peut même dire qu’au point de vue le plus élevé se place l’intérêt de l’histoire du pays.

Dans cette collection des documents de notre histoire, imprimés aux frais de l’État, la publication des lettres de Henri IV, rassemblées par les moyens puissants du Gouvernement, devait recevoir un entier développement. On n’a pu avoir la prétention de rendre le recueil complet, puisque beaucoup de ces lettres sont encore ignorées sans doute dans des papiers de famille en désordre, ou dans quelqu’une de ces vastes archives de province dont le pêle-mêle attend le classement d’un archiviste instruit et vraiment courageux. Mais du moins avons-nous rendu ce recueil aussi complet que possible. Telle lettre originale et datée, peu importante au premier abord, peut remplir utilement une lacune, établir une transition nécessaire dans cet ensemble de faits d’une si imposante authenticité, qui se recompose pour l’histoire. Beaucoup de lettres de la plus haute importance pour les affaires de la France et pour ses relations avec l’Europe, par exemple presque toutes celles que nous a conservées du Plessis-Mornay, ont été rédigées par des secrétaires d’état. Nous avons eu toujours grand soin d’en faire mention ; et ces lettres comparées aux autres montreront quelle unité de vues, quelle inspiration commune on est partout en droit de reconnaître entre les principaux ministres de Henri IV et ce Roi lui-même. Telle est, dans cette correspondance, l’influence vraiment monarchique de Henri IV, avant et depuis son avénement au trône de France, qu’il communique à ses secrétaires non-seulement ses vues, mais jusqu’aux formes de son style et de son langage, même dans des lettres où l’on serait loin de s’attendre à retrouver les vives traces de sa brillante inspiration.

Sa correspondance, pour être complète, digne de lui, digne de notre histoire, devait comprendre toutes les lettres missives, c’est-à-dire, toutes les lettres allant réellement à une adresse spéciale, écrites à un individu ou à une corporation. Nous avons dû exclure tous les actes législatifs ou judiciaires portant à cette époque le nom de lettres, tels que lettres royaux, lettres patentes, lettres de jussion, d’abolition, d’érection, de confirmation, etc. et aussi les lettres de cachet, les lettres closes et autres circulaires de convocation.

Quel doit être l’effet d’un tel recueil pour l’histoire de Henri IV, de son règne et de son temps ? Quel doit en être aussi le résultat moral et littéraire ? Nous ne pourrions répondre convenablement à cette question que si l’ouvrage entier paraissait en même temps que la préface. Mais la préface n’est immédiatement suivie que des deux premiers volumes. C’est au terme du travail entier, qu’il me sera permis d’offrir une appréciation générale des notions dont viendra d’être enrichie l’histoire, et d’en évaluer l’importance respective, jusqu’à la dernière des lettres, écrite la veille de l’attentat de Ravaillac, après avoir accompagné jusqu’au dernier jour de sa carrière le royal auteur.

Ce que nous pouvons, dès à présent, affirmer, c’est qu’aucun de ces heureux traits dont se compose l’image que nous nous sommes tous faite de Henri IV, ne sera effacé par ses écrits ; que cette noble figure historique, en restant aussi aimable d’esprit, d’ardeur et de bonté, laissera voir de plus en plus l’homme supérieur, le prince vraiment digne du trône, le héros français par excellence.


  1. Voyez les cinq volumes intitulés Ambassades de M. de la Boderie, édit. de 1750. La 1re édition est de 1733. Ce recueil contient les lettres du Roi et celles des secrétaires d’état à M. Antoine Le Fèvre, seigneur de la Boderie.
  2. Cet ouvrage a été imprimé, à Paris, chez Jules Renouard, en un vol. gr. in-8o
  3. C’est un volume in-12, de très-petit format, ayant bien plus la disposition d’un livre de poche que d’un recueil de pièces officielles. Nous en donnons ci-après le titre entier, page 530, not. 1.
  4. Elles avaient été léguées à ce savant magistrat par le comte d’Argenson, et sont aujourd’hui à la bibliothèque de l’Arsenal.
  5. 1765 et années suivantes.
  6. Dans les additions à l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations.
  7. L’Esprit d’Henri IV, ou anecdotes les plus intéressantes, traits sublimes, réparties ingénieuses et quelques lettres de ce prince, 1770, in-8o et 1771, in-12. — Les Amours de Henri IV, roi de France, avec ses lettres galantes, 1781, in-18. — Lettres d’Henri IV à Corisande d’Andouins, 1788, in-12.
  8. Lettres inédites d’Henri IV et de plusieurs personnages célèbres, etc. par A. Sérieys. Paris, an x, in-8o. — Vie militaire et privée de Henry IV, d’après ses lettres inédites au baron de Batz, celles à Corisande d’Andouins, etc. Paris, an xii, in-8o.
  9. Lettres de Henri IV à madame de Grammont… à Jean d’Harambure, etc. imprimées pour la première fois en collection, et publiées par N. L. P. Paris, 1814, un petit volume in-12. — Henri IV peint par lui-même. Paris, 1814, in-12. — Fastes de Henri IV, surnommé le Grand, contenant l’histoire de la vie de ce prince, ses bons mots ; etc. dédié aux bons Français ; par Adolphe Revel. Paris, 1815, in-8o.
  10. Dans son opuscule intitulé De l’amour de Henri IV pour les lettres. Paris, 1786, in-18
  11. Ses ressources de publicité paraissent avoir été assez bornées, surtout quand on les compare à celles de la presse actuelle. Il fit graver un fac-simile d’une lettre de Henri IV (voyez ci-après, p. 121, not. 2.), auquel je ne connais rien de comparable par la perfection vraiment surprenante de l’imitation ; et à la fin de son petit ouvrage anonyme, que nous venons de citer, et qui n’est pas très-répandu, il donne cet avis : « Nous prévenons que nous nous ferons un plaisir de distribuer gratuitement cette gravure curieuse à tous ceux qui nous la feront demander : ne pouvant satisfaire tout le monde, nous en donnerons du moins jusqu’à ce que la planche soit épuisée. » Et il ajoute : « On peut faire tenir les lettres de Henri IV à M. l’abbé Brizard, rue des Grands-Augustins. C’est également à lui qu’il faut s’adresser pour se procurer des exemplaires de la lettre gravée de ce prince. »
  12. Peut-être aussi ces papiers furent-ils détruits, comme tant d’autres, à la révolution.
  13. Sur cette forme bizarre, adoptée par Sully, voyez la dissertation de Levesque de la Ravalière dans les Mémoires de l’académie des inscriptions et belles-lettres, t. XXI, p. 541.
  14. Par exemple le cabinet de M. Joly de Fleury, celui du président de Meinières.
  15. Nous comparons toujours cependant ses copies avec les autres sources, et nous ne manquons pas d’en joindre la mention.
  16. Son manuscrit, dont il se défit en 1751 pour une somme de deux mille livres, appartient aujourd’hui à la Bibliothèque du Roi, où il forme quatre volumes du supplément français, nos 1009 - 1, 2, 3 et 4.
  17. Outre la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, qui n’a pas fourni moins de 400 lettres, nous devons citer les envois de Florence, de Londres, de la Suisse, de Turin, de Milan, de Saxe, de Danemarck ; des archives pontificales du Vatican ; de la bibliothèque de l’abbaye du Mont-Cassin ; de la bibliothèque Ambrosienne de Milan, etc. Partout MM. les ambassadeurs, ministres ou chargés d’affaires de France, sur la demande de M. le ministre de l’Instruction publique, ont mis à ces recherches le zèle qu’on devait attendre d’eux pour une entreprise honorable au nom français.
  18. Au premier rang de cette catégorie, il faut citer M. Feuillet de Conches, chef du protocole au ministère des Affaires étrangères ; M Monmerqué, conseiller à la cour royale de Paris, membre de l’académie des inscriptions et belles-lettres ; M. Libri, membre de l’académie des sciences ; M. Auguis et M. le baron Méchin, membres de la chambre des députés ; M. Lucas de Montigny, membre du conseil de préfecture du département de la Seine ; M. le baron de Marguerit.
  19. Après les collections particulières du Roi et de la Reine, et une communication spéciale des archives de la couronne, nous devons dès à présent nommer au moins M. le baron de Scorbiac, à Montauban ; M. le général comte de la Loyère, en Bourgogne ; M. le chevalier Artaud de Montor, et M. le duc de Luynes, membres de l’académie des inscriptions et belles-lettres ; M. le duc de Crillon, pair de France ; M. le vicomte de Panat, et M. le marquis de La Grange, membres de la chambre des députés ; M. le marquis de Lusignan, dans la Vendée ; M. le baron Gaston de Flotte, à Marseille ; madame la duchesse de Vicence ; M. le vicomte de Puységur, à Rabastens ; M. le comte de Bourbon-Busset, à Busset en Bourbonnais.
  20. Le département de la Gironde a les premiers titres à être cité parmi ceux qui ont bien mérité de ce recueil, grâce aux soins de M. Ferdinand Leroy, aujourd’hui préfet de l’Indre, et qui auparavant a mis si bien à profit pour les lettres de Henri IV, ses fonctions de secrétaire général à Bordeaux. M. le secrétaire municipal de la même ville a fait, de son côté, d’importantes communications ; et la richesse de ce double tribut fait vivement désirer le prochain classement des archives provinciales et parlementaires de l’ancienne Guyenne. On peut se faire quelque idée de ce que révélerait l’ordre introduit dans cet immense dépôt, resté jusqu’à ce jour amoncelé, en voyant que les registres secrets du parlement de Normandie, par les soins du savant greffier en chef de la cour royale de Rouen, M. Floquet, correspondant de l’Institut, nous ont valu un tribut de 98 lettres de Henri IV. L’envoi de M. le préfet de Tours et celui de M. Clerx, bibliothécaire à Metz, sont de la même importance. Nous regrettons d’être réduit ici à une simple énumération, pour les noms de MM. Dupasquier, à Lyon ; de Formeville, à Caen ; Le Glay, à Lille ; Belhomme et Moquin-Tendon, à Toulouse ; Le Cointre-Dupont et Rédet, à Poitiers ; Duvernois et Clercs, à Besançon ; Louis Paris, à Reims ; Maillet, à Rennes ; de Samazeuilh, à Castel-Jaloux. C’est cependant un devoir, en regrettant d’ajourner la liste qui contiendra tant d’autres noms honorables, de consigner dès à présent, par une mention toute particulière, le nom de M. Gustave de Clausade, correspondant du ministère de l’Instruction publique, à Rabastens, à qui nous devons les 120 copies très-soignées des lettres fournies par les archives de M. le baron de Scorbiac et de M. le vicomte de Puységur ; et nous devons déclarer aussi que plusieurs indications fort précieuses des ressources que pouvait fournir le Béarn, notamment les comptes de la dépense du Roi de Navarre, les livres de la bibliothèque de l’honorable M. Manescau, à Pau, et 25 bonnes copies de lettres conservées dans les archives d’anciennes familles de la province, avec des notes sur ces familles, nous ont été procurées par M. Camille Jubé de la Pérelle, sous-chef du bureau des travaux historiques, au ministère de l’Instruction publique.
  21. C’est à M. de la Villegille, secrétaire du comité des travaux historiques au ministère de l’Instruction publique, que nous devons la copie des lettres de Henri IV conservées à la Mazarine.
  22. Nous craignons, par exemple, que l’imperfection singulière des copies qui ont été envoyées de Londres, et dont la révision, dès longtemps réclamée, ne nous est point encore parvenue, ait été la cause de quelques incorrections dans celles de ces lettres que renferment nos deux premiers volumes.
  23. Nous devons mention particulière à deux manuscrits de la Bibliothèque du Roi, à peu près inconnus jusqu’ici, et que nous n’aurions point connus sans M. Lacabanc : les mémoires sur Geoffroy de Vivans, écrits avec une scrupuleuse exactitude, de la main du savant abbé Leydet, auteur de tant d’utiles recherches sur le Périgord et le Quercy ; ensuite le recueil des lettres adressées au vicomte de Gourdon, où un intérêt de vanité a sans doute engagé quelque membre de cette famille à introduire d’assez notables altérations pour rendre suspectes presque toutes les lettres de ce recueil, qui sans cela nous eût été si précieux, et dont une seule lettre nous a paru irréprochable. Ce manuscrit n’est pas le seul exemple que nous pourrions citer de tentatives de ce genre. Toutefois, bien que le nombre des lettres données comme de Henri IV, et éliminées comme fausses, altérées ou douteuses, soit peu étendu, nous avons toujours mieux aimé, dans les cas d’incertitude, augmenter ce nombre de telle lettre qui pourrait être reconnue plus tard authentique, que d’introduire une lettre apocryphe dans un recueil dont l’authenticité est l’impérieuse condition.
  24. L’étude particulière que M. de Chevallet a faite de la grammaire française et de l’état de notre langue au XVIe siècle a trouvé une utile application dans la copie de ces anciens textes.
  25. Nous n’avons pu donner comme titre courant aux deux volumes dont se compose cette période, le titre général du recueil, Lettres missives de Henri IV, parce que ce prince, comme roi de Navarre, se nommait Henri III. Pour éviter la confusion de ces deux noms, le commencement du premier volume a pour titre courant, Lettres missives du prince de Navarre ; le reste de ce volume et tout le second : Lettres missives du roi de Navarre.
  26. C’est-à-dire où il n’y a de l’écriture du Roi que la signature, et le court salut qui la précède.
  27. On verra par là que le nombre des lettres jusqu’à présent inédites surpasse beaucoup celui des autres.
  28. Aux grands seigneurs et à beaucoup d’autres gentilshommes.
  29. Aux officiers de sa maison.
  30. À Catherine de Médicis.
  31. À quelques souverains.
  32. Lettre du 8 juillet 1585, tome II.
  33. Ceci n’est point donné comme une conjecture, mais comme une conséquence nécessaire de l’ordre de faits que j’ai été à même de constater.
  34. C’est-à-dire pour distinguer dans ces caractères énigmatiques les signes appelés les non-valeurs ou les inutiles, toujours en bien plus grand nombre que les autres, les signes répondant aux lettres de l’alphabet (plusieurs pour la même lettre), et enfin ceux qui représentent ad libitum une lettre alphabétique ou un remplissage sans valeur. La planche II du second volume donne un échantillon, des moins compliqués, du chiffre de la correspondance du roi de Navarre.
  35. L’heureuse aptitude de M. Bernhard aux investigations historiques est déjà notoire par le succès qu’ont obtenu à l’Institut ses deux essais, dont l’un (ses Recherches sur la corporation des ménétriers de la ville de Paris) a mérité de l’académie des inscriptions et belles-lettres la distinction d’une médaille d’or.
  36. Il est bien entendu que chaque nom, plus ou moins répété dans la correspondance, n’est l’objet que d’une seule note. La seconde table de chaque volume renvoie à la page où le lecteur trouvera ces renseignements sur les noms qu’il remarquerait à l’un des autres endroits où ils sont répétés sans la note.
  37. Les deux autres sources sont les nanales du clergé et de la royauté. L’étude historique du tiers-état, objet des travaux si profonds de notre éloquent et savant confrère M. Augustin Thierry, nous paraît exposer l’existence permanente du corps social, et les lentes modifications de cette organisation si importante, plutôt que montrer la marche des événements, la succession des faits principaux, ce qui constitue le récit de l’histoire.
  38. Œuvres de Joachim du Bellay. Paris, Frédéric Morel, 1574, in-8o, fol. 44 recto. Epistre au lecteur sur le poeme de l’Olive. Il dit ailleurs : « Cette nouvelle (mais legitime à mon jugement) façon d’escrire est si mal receue en beaucoup de lieux, que la nouveauté d’icelle eust peu rendre l’œuvre, non gueres de soy recommandable ; mal plaisant, voire contemptible aux lecteurs. » (Defense et illustration de la langue françoise, même volume, fol. 28 recto.)
  39. La seule apparence d’interprétation contextuelle que je me sois permise est la ponctuation ; la seule modification est l’emploi régulier des lettres majuscules et minuscules. Si un mot illisible, une partie du papier détruite, une lacune quelconque, m’a obligé à compléter le sens de la phrase, en suppléant à ce qui manquait, j’ai toujours imprimé entre crochets [ ] ce que j’ai ajouté, ne fût-ce qu’un mot.
  40. Malgré de fortes lacunes dans ces registres, il reste un assez grand nombre des cahiers mensuels du journal de la dépense ordinaire de ce prince et des comptes de sa petite écurie, toujours à sa suite, pour m’avoir permis de constater, pendant une grande partie de ces treize années, ses séjours et son itinéraire. Ces cahiers, au nombre de deux cent trente-neuf, m’ont été communiqués par M. le préfet des Basses-Pyrénées, à la demande de M. le ministre de l’Instruction publique. Aidé de mon collaborateur M. de Fréville, j’ai mis en ordre ces nombreux registres, que j’ai examinés, d’un bout à l’autre, dans les moindres détails. Les observations historiques et statistiques qui résultent de ce travail sont la matière d’un mémoire lu à l’académie des inscriptions et belles-lettres, destiné à la collection des Mémoires de cette compagnie.