Reflets d’antan/Hymne national

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Reflets d’antanGrander Frères, Limitée (p. 195-205).

Hymne national


 
Cieux, déroulez sur notre tête
Vos voiles de pourpre et d’azur.
Montez, arômes du foin mûr.
Que la terre, en ce jour, revête
Et sa richesse et sa beauté !
Qu’en murmurant la source coule
Dans l’herbe du pré velouté !
Que l’oiseau voltige et roucoule !
Que tout s’unisse à ces concerts
D’un peuple qui demande place
Parmi les grands peuples qu’embrasse
L’orbe éclatant de l’univers !

Ah ! prête-moi ta douceur infinie,
Voix de l’espoir que j’entends en tout lieu !
Ah ! prête-moi ta divine harmonie,
Voix de l’amour qui chantes devant Dieu !


Ouvrez, ouvrez votre aile diaphane,
Anges gardiens de mon jeune pays !
Écoutez-moi ; mon chant n’est point profane ;
Portez à Dieu les hymnes que je dis.

Vole moins lente,
Ô belle nuit !
Vole moins lente.
Non âme ardente
Aime le bruit,
La voix dolente
Du temps qui fuit.
Que l’aube éveille
Les gais échos,
La fleur vermeille,
Le chant des flots !
Lève ton voile,
Ô nuit d’amour !
Lève ton voile,
Voici le jour.
Éteins l’étoile
Qui luit encor
Aux voûtes sombres.
Dans ton essor
Chasse les ombres.


De tes doux feux,
Aurore blonde,
Éclaire, inonde
Les champs des cieux.
Parais lumière,
Ô jour, parais !
Que la chaumière,
Que le palais,
Que la rivière,
La cime altière
De nos forêts,
Et la poussière
De nos guérets
Bondissent de joie !
Que le papillon,
Dans un chaud rayon,
Plein d’amour déploie
Son aile de soie,
Se berce et tournoie
Comme une fleur au vent !
Qu’une chanson plus douce
Monte du nid de mousse
Sur le rameau mouvant !


C’est jour d’ivresse ;
Que la tristesse
Sèche ses pleurs !
C’est jour de fête,
Que chaque tête
Porte des fleurs !

L’aurore s’est levée et l’ombre s’est enfuie.
Sur l’humide forêt que le vent chaud essuie,
Ô soleil ! tes rayons tombent comme une pluie.

Enfants du Canada, laissez le fier taureau
Bondir, libre du joug, sur l’herbage nouveau ;
Laissez dans le sillon le soc et le hoyau.

C’est la fête immortelle
Et sans cesse nouvelle
Où l’amour se révèle,
L’amour du sol natal,
Où l’espoir se ranime
À ton aspect sublime,
Drapeau national !

Ô bardes, accordez les violons rustiques !
Que vos refrains joyeux et vos pieux cantiques

Montent comme un parfum jusqu’aux divins Portiques !
Mêlez vos nobles voix aux bruits troublants des eaux
Aux murmures du vent qui berce les roseaux,
Aux accords printaniers des sauvages oiseaux.

Car c’est l’heure où tu jures
Le pardon des injures,
L’éternelle union ;
L’heure où ta foi s’affirme,
Où le Seigneur confirme
Tes droits, ô nation !

Brunes filles des champs, dansez sur la prairie.
Vierges, cueillez des fleurs, la pelouse est fleurie ;
Cueillez des fleurs, ô vous, les fleurs de la patrie !

Que les blés aux grains d’or dans le sillon fertile,
Que l’océan d’azur où l’étoile scintille,
Et la voile de lin sur la nef qui vacille ;

Que l’arbre couronné d’un feuillage odorant,
Le brouillard qui revêt un manteau transparent,
La mauve qui se baigne et se berce au courant ;


Ah ! que tout ce qui brille : Étoiles, fleurs ou flammes,
Que tout ce qui soupire : Oiseaux, brises, ou lames,
Et que tout ce qui prie : Enfants, hommes et femmes,
Entonne, en ce beau jour, un hymne solennel
Comme l’hymne divin de l’Archange Michel,
Quand l’enfer se ferma sur les damnés du ciel !

Car c’est l’heure où tu jures
Le pardon des injures,
L’éternelle union ;
L’heure où ta foi s’affirme,
Où le Seigneur confirme
Tes droits, ô Nation !

Ah ! prête-moi ta douceur infinie,
Voix de l’espoir que j’entends en tout lieu !
Ah ! prête-moi ta divine harmonie,
Voix de l’amour qui chantes devant Dieu !

Peuple, ouvre ton âme à la joie ;
Défends ta foi, ta liberté.
Peuple, bénis la main qui broie
Les fers de la captivité.


Honni soit à jamais le traître
Pour qui le peuple est un troupeau !
Honni soit le sceptre du maître,
S’il devient le fouet du bourreau !
Garde le sol que ton pied foule,
Peuple semeur, il est a toi.
Garde, chrétien, le sol où coule
Le sang des héros de la foi !

Peuple, tu te souviens encore
Des grandes leçons des aïeux ;
Tu te souviens que ton aurore
D’un vif éclat remplit les cieux ;
Qu’au bruit d’une salve guerrière,
Le feu brillait dans ta paupière,
Et les élans brisaient ton cœur ;
Qu’aux jours de joie ou de souffrance,
Bien haut le drapeau de la France
Se déployait au champ d’honneur !

Tu te souviens du promontoire
Où Lévis, longtemps attendu,
De la France, par la victoire
Sut racheter l’honneur perdu.


Et n’est-il plus dans ta mémoire
Celui qui promena ta gloire
Du pôle nord jusqu’au midi ?
Qui semble commander à l’onde,
Et qui vit tout le Nouveau Monde
De ses nobles faits étourdi ?
Ton cœur s’enflamme, et tu tressailles
Au fier souvenir des batailles
De Chateauguay, de Carillon...
De Verchères où notre héroïne,
Debout sur son fort en ruine,
Lançait la foudre en tourbillon !
Et tu serais un peuple lâche ?
Et tu serais déjà lassé ?
Et tu refuserais la tâche
Que t’impose un brillant passé ?

Qui donc ainsi te calomnie,
Canadien, race bénie
Qui connut un jour le malheur ?
Ton nom n’a-t-il plus de prestige ?
Et sorti d’une forte tige,
N’es-tu qu’une débile fleur ?


Je t’aime, ô sol natal ! je t’aime et te révère.
Que Dieu verse sur toi ses bienfaits les plus doux !
Jusqu’au jour où le ciel deviendra notre terre,
La terre où nous vivons doit être un ciel pour nous.

Je vous aime, rivages,
Ciel de feu, blancs nuages,
Fleuves majestueux,
Bois remplis de mystères,
Montagnes solitaires,
Torrents impétueux,
Hiver, vents et tempêtes,
Printemps d’amour qui jettes
Mille arômes nouveaux,
Été d’azur, automne
Que la moisson couronne,
Brillants chœurs des oiseaux !

Je t’aime, ô sol natal ! je t’aime et te révère !
Que Dieu verse sur toi ses bienfaits les plus doux !
Jusqu’au jour où le ciel deviendra notre terre,
La terre où nous vivons doit être un ciel pour nous.

Ô Patrie adorée,
Est-il une contrée

Aussi belle que toi ?
Aux jours sombres d’orage,
Tu puises le courage
Dans l’amour et la foi.
Tu n’es pas affaiblie
Par un lâche repos ;
Ô terre des héros,
Tu n’es pas avilie !
Non ! j’en appelle à vous,
Antiques sanctuaires
Où l’on prie à genoux !
Non ! j’en appelle à vous,
O cendres de nos pères !

Sortez de votre tombe, ô mânes des aïeux !
Un peuple entier est dans l’attente.
Mânes, pour le juger paraissez en ces lieux.
Dites si d’une âme contente
Il ne s’élance pas au milieu du danger,
Si son front porte quelque honte,
S’il s’est laissé flétrir par un maître étranger...
Connaît-il un bras qui le dompte,
Ce peuple de héros que vous avez formé ?
Sa foi s’est-elle donc éteinte ?


Le temple qu’il vénère est-il jamais fermé ?
Et quand s’est-il courbé par crainte
Devant l’iniquité qui violait ses droits ?
A-t-il l’air d’un peuple qui tombe ?
Pour le dire aux pervers qui méprisent ses lois,
Mânes, sortez de votre tombe !