Regards

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Serres chaudesPaul Lacomblez, Éditeur (p. 73-76).
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Regards

Ô ces regards pauvres et las !
Et les vôtres et les miens !
Et ceux qui ne sont plus et ceux qui vont venir !

Et ceux qui n’arriveront jamais et qui existent cependant !

Il y en a qui semblent visiter des pauvres un dimanche ;
Il y en a comme des malades sans maison ;

Il y en a comme des agneaux dans une prairie couverte de linges.

Et ces regards insolites !

Il y en a sous la voûte desquels on assiste à l’exécution d’une vierge dans une salle close,

Et ceux qui font songer à des tristesses ignorées !
À des paysans aux fenêtres de l’usine,
À un jardinier devenu tisserand,
À une après-midi d’été dans un musée de cires,

Aux idées d’une reine qui regarde un malade dans le jardin,

À une odeur de camphre dans la forêt,

À enfermer une princesse dans une tour, un jour de fête,

À naviguer toute une semaine sur un canal tiède.

Ayez pitié de ceux qui sortent à petits pas comme des convalescents dans la moisson !

Ayez pitié de ceux qui ont l’air d’enfants égarés à l’heure du repas !

Ayez pitié des regards du blessé vers le chirurgien,
Pareils à des tentes sous l’orage !
Ayez pitié des regards de la vierge tentée !

(Oh ! des fleuves de lait vont fuir dans les ténèbres !
Et les cygnes sont morts au milieu des serpents !)
Et de ceux de la vierge qui succombe !
Princesses abandonnées en des marécages sans issues ;

Et ces yeux où s’éloignent à pleines voiles des navires illuminés dans la tempête !

Et le pitoyable de tous ces regards qui souffrent de
n’être pas ailleurs !

Et tant de souffrances presque indistinctes et diverses cependant !

Et ceux que nul ne comprendra jamais !
Et ces pauvres regards presque muets !
Et ces pauvres regards qui chuchotent !
Et ces pauvres regards étouffés !

Au milieu des uns on croit être dans un château qui sert d’hôpital !

Et tant d’autres ont l’air de tentes, lys des guerres, sur la petite pelouse du couvent !
Et tant d’autres ont l’air de blessés soignés dans une serre chaude !

Et tant d’autres ont l’air de sœurs de charité sur une Atlantique sans malades !


Oh ! avoir vu tous ces regards !
Avoir admis tous ces regards !
Et avoir épuisé les miens à leur rencontre !
Et désormais ne pouvoir plus fermer les yeux !