Renseignements sur la chapelle de Beauvais au Theil
Renseignements
sur la
chapelle de Beauvais
au Theil
Recueillis par Amand de Léon des Ormeaux.
Rennes
Imprimerie de Ch. Catel et Cie
rue Leperdit, 2 bis
1888
Renseignements
sur la
chapelle de Beauvais
au Theil
Recueillis par Amand de Léon des Ormeaux.
Lettre
Remise à son éminence le 23 juin 1887.
Éminence,
Quand au mois de mai de l’année 1883, vous nous avez fait l’honneur de venir consacrer notre église du Theil, vous daignâtes visiter le sanctuaire dédié à la Sainte Vierge sous la dénomination de Notre-Dame de Beauvais, vous fûtes frappée, Excellence, de l’aspect de vétusté de cette chapelle, de la croix de granit qu’elle renferme et a été, dit-on, l’occasion de cette construction. Vous vous êtes enquis avec intérêt, Monseigneur, près de M. le recteur et des personnes qui vous accompagnaient, des origines et des traditions de ce sanctuaire. On ne savait alors rien de plus que ce que contient l’intéressant Pouillé historique de l’Archevêché de Rennes, par M. l’abbé Guillotin de Corson, chanoine honoraire.
Aujourd’hui, après des recherches longues et minutieuses dans toutes les archives de la commune, je puis offrir à Votre Éminence des actes authentiques qui prouvent non son origine, se perd dans les âges, mais qu’en 1581 c’était déjà un ancien sanctuaire vénéré. J’avais toujours été surpris de l’affluence des pèlerins à cette chapelle ; il fallait que la tradition des grâces et des secours spirituels obtenus à ce pèlerinage fût bien invétérée dans le pays, à une époque de publicité et de réclame comme la nôtre, je n’ai pas connaissance que cette chapelle ait été signalée dans les paroisses environnantes à la piété des fidèles. Sous cette influence, Monseigneur, c’est à la protection toute spéciale de Notre-Dame de Beauvais que je confiai le soin de faire réussir mes démarches téméraires pour obtenir une gare au Theil, à l’époque de la construction du chemin de fer. Quand, après avoir réussi, j’ai suspendu en 1882 un ex-voto dans la chapelle, rappelant cette protection, je n’avais pas compulsé les archives.
J’ose espérer que quand Son Éminence se sera fait rendre compte des documents authentiques affirmant l’ancienneté et la célébrité de Notre-Dame de Beauvais, Elle daignera favoriser ce sanctuaire vénéré de toutes les faveurs spirituelles que son zèle apostolique et son amour pour le salut des âmes lui inspireront.
Veuillez, je vous prie, Éminentissime et Révérendissime Cardinal, agréer les sentiments de haute vénération avec lesquels j’ai l’honneur d’être de Votre Grandeur, Monseigneur, le très humble et très soumis diocésain.
Amand de Léon des Ormeaux,
Maire du Theil.
J’ai recueilli en 1885 et 1886 les renseignements que je donne sur la chapelle de Beauvais au Tail, aux archives et aux procès-verbaux des séances du Général de la paroisse. Je n’ai pas trouvé la date de la fondation ; l’aveu rendu le 18 septembre 1581 par le chapelain à Magdeleine de Savoye est la plus ancienne pièce authentique ; les termes de cet aveu portent à croire que la fondation remontait beaucoup plus loin. L’affluence extraordinaire des prêtres qui venaient célébrer le Saint-Sacrifice a cette chapelle exigea, en 1705, l’intervention de Mgr l’évêque de Rennes.
Pour restreindre ce travail, je ne donne qu’un extrait des actes les plus importants.
1581, 18 septembre. — Aveu rendu par Michel Morel, chapelain de Beauvais, à Magdeleine de Savoye, duchesse de Montmorency, veuve de Anne de Montmorency, pair et connétable de France, à cause de sa seigneurie de Rougé au Tail, pour les terres et la maison affectées à cette fondation, 10 sols 5 deniers de rente annuelle payable à ladite dame pour les héritages destinés à l’aveu. La contenance était d’environ 4 hectares 6 ares 15 centiares pour une messe par semaine célébrée le samedi.
1603, 5 août. — Guillaume Berthelot, sieur de la Motte, fermier général des dîmes dépendant de l’abbaye de Melleraye, en l’évêché de Rennes, demeurant au Boisorcan, paroisse de Noyal-sur-Vilaine, sous-loua pour trois années, à Antoine Gault, sieur de Beauchêne, et à Jean Madelinne, les dîmes qui étaient dues à l’abbé de Melleraye dans la paroisse du Teil, pour la somme de vingt-deux livres tournois, compris la jouissance de la grange, avec four (parcelle 291 de la section A du cadastre).
1647, 21 novembre. — Messire Georges Bourdon, recteur du Tail, fait un procès à Messire Ollivier Vignault, prêtre chapelain de Notre-Dame de Beauvais, relativement aux oblations et au refus d’entretenir les ornements et faire les réparations. Le recteur gagna le procès, attendu que Messire Jan Oger, recteur du Tail, fondateur, avait doté la chapelle de plus de 60 liv. de rentes en fonds pour une seule messe par semaine, célébrée le samedi, que la présentation à ladite chapelle ainsi que la perception des oblations a appartenu depuis un temps immémorial au recteur du Tail.
1650, 3 avril. — Acte d’accord passé entre le général de la paroisse, le recteur, le chapelain de la chapelle de Beauvais et les paroissiens, relativement aux offrandes de la chapelle.
1656. — M. Guy Geord, sieur de la Rouandière, donne dans sa pièce de terre la Beauvais, attenante à la chapelle, tout le terrain nécessaire pour agrandir cette chapelle. De son côté, Messire Georges Bourdon, recteur du Tail, s’engage à rétablir un autre fossé à ladite pièce.
1702, 1er juillet. — Pour éviter à l’avenir des contestations relatives au partage des offrandes faites à la chapelle de Beauvais, M. Mathurin Tavel, recteur du Tail, et Messire Julien Frot, chapelain de Beauvais, convinrent le 1er juillet 1702 que le chapelain disposera de tous les beurres et fils qui seront donnés à la chapelle, et toutes celles qui seront données en argent sur l’autel, parce que le recteur aura seul les offrandes et l’argent qui sera remis dans le tronc. Le sieur Fret n’aura rien du tout dans les offrandes et l’argent qui seront donnés à la chapelle le jour de la fête de la Visitation de la Sainte Vierge, et n’aura seulement ledit jour que la moitié du fil et beurre, et sur ma portion de fil et offrandes je lui donnerai 25 sols pour payer les dîmes de la chapelle. Signé en double par les contractants.
1705, 31 août. — La chapelle de Beauvais a été en grande renommée ; l’affluence des prêtres qui venaient y célébrer la sainte messe était si considérable, que le 31 août 1705 le vénérable promoteur du diocèse exposait que des prêtres du diocèse et des étrangers s’ingèrent de ce célébrer la sainte messe dans ladite chapelles, sans la permission de Mgr l’évêque de Rennes ou de ses grands-vicaires, et même sans s’être auparavant présentés au sieur recteur de ladite paroisse et en avoir obtenu l’agrément ; que quelques-uns y célèbrent même la messe les jours de dimanche pendant la grand’messe de paroisse, tout quoi est contre l’ordre et la bonne discipline, et notamment contre la disposition des ordonnances de Mgr l’évêque de Rennes, et requérant ledit vénérable promoteur qu’il nous plaise y remédier par telle voir juste et convenable que nous verrons. Tout quoi considéré et le saint nom de Dieu premièrement invoqué, nous enjoignons au sieur recteur de ladite paroisse de tenir la main à l’exécution des ordonnances de Mgr l’évêque de Rennes, et ce faisant d’empêcher qu’aucun prêtre autre que le chapelain de ladite chapelle y célèbre la messe sans les permission et agrément prescrits par lesdites ordonnances, etc., etc.
1739, 3 mai. − Monseigneur l’évêque de Rennes autorise le général de Teil à prendre pour les réparations de l’église trois cents livres dans la bourse de la chapelle de Beauvais ; le général accepte, à la charge de faire quelques réparations à la chapelle s’il y en a besoin.
1742, 15 mars. — Messire Julien Laumaillé, recteur du Teil et présentateur de la chapellenie de Notre-Dame de Beauvais, tant audit nom que faisant pour le sieur recteur de Saint-Aubin-des-Châteaux, diocèse de Nantes, titulaire de ladite chapellenie ; Jean Gesfraux, prévôt de ladite chapelle et ancien trésorier de la paroisse, déclarons que ladite chapellenie ne possède aucun autre héritage que ceux employés dans l’aveu du 26 juin 1674 ; de plus, déclarons qu’il n’a été fait aucune donation ni fondation au profit de ladite chapellenie depuis ledit aveu, et s’il se trouve d’autres héritages donnés a ladite chapelle depuis ledit aveu, le suppliant et ses successeurs y renoncent à perpétuité.
1743, 25 août. — Le 25 août 1743, maître Gilles-Alexis Vallin, sous-diacre et chapelain de la chapellenie de Beauvais, est assigné pour rendre aveu des héritages de ladite chapellenie et pour payer le droit d’indemnité au seigneur de la chapellenie. Le général autorise maître Vallin à rendre aveu au seigneur de Châteaugiron ; dit que le dimanche suivant, après vêpres, il sera fait ouverture des archives de la fabrique en cas qu’il s’y trouve quelques titres concernant ladite chapelle.
Il n’est pas fait mention que les recherches dans les archives aient amené aucune découverte.
1762, 16 mai. — Le 16 mai 1762, M. écuyer Jacques-Félix-René Le Lièvre, sieur de Sauré, conseiller auditeur à la Chambre des Comptes de cette province, est nommé prévôt de la chapelle de Beauvais.
1770, 6 mai. − Le général demande au Parlement à être autoriser à ouvrir le coffre-fort de la chapelle de Beauvais, où il y a peut-être des fonds, pour les distribuer aux pauvres, vu la misère des temps ; le général les remboursera au coffre-fort de la chapelle.
Le coffre-fort fut ouvert ; on y trouva deux cents livres.
En 1867, la commune et la fabrique achetèrent la maison de Saint-Laurent pour servir de presbytère ; l’ancienne grange de l’abbaye, comprise dans cette acquisition, fut démolie vers 1880.
Charles-Philippe Place
par la grace de Dieu et du Saint-Siège apostolique
archevêque de Rennes, Dol et St-Malo,
Cardinal-Prêtre du titre de
Saint-Marie-la-Nouvelle et de Saint-Françoise Romaine
au Forum romain,
Vu la supplique à nous adressée par notre cher fils M. Amand de Léon des Ormeaux, demeurant au château de la Rigaudière, en la paroisse du Theil, tendant à ce qu’il nous plaise enrichir d’indulgences le pèlerinage et la pieuse visite au sanctuaire récemment restauré de Notre-Dame de Beauvais, sis en la paroisse du Theil, au doyenné de Retiers ;
Considérant la haute antiquité et la vénérabilité de ce sanctuaire, fréquenté depuis plus de trois siècles par des foules de pèlerins qui viennent à l’envi y implorer l’assistance de la Mère de Dieu, et célébrer les prodiges opérés et les grâces obtenues par sa puissante intercession sous le titre de Notre-Dame de Beauvais.
Heureux d’encourager le concours des populations chrétiennes de notre diocèse vers les antiques chapelles vouées à Marie, et de favoriser le culte béni de la Vierge, Mère de Grâce, pour laquelle nous professons une particulière dévotion ;
En vertu du privilège concédé par les Souverains-Pontifes aux Cardinaux de la Sainte-Église romaine,
Nous accordons par les présentes à partir de ce jour, et à perpétuité, cent jours d’indulgences à gagner une fois par jour seulement, par toutes les personnes qui visiteront pieusement, aux jours ci-dessous indiqués, la chapelle de Notre-Dame de Beauvais, en la paroisse du Theil, et y réciteront dévotement aux intentions de l’Église trois fois la Salutation angélique, avec l’invocation trois fois répétée :
Notre-Dame de Beauvais, priez pour nous.
Ces indulgences pourront être gagnées tous les dimanches de l’année, à toutes les fêtes de la Sainte Vierge inscrites au calendrier du diocèse de Rennes, et aux jours de fêtes solennelles du rite double de 1re et de 2e classe.
Et sera la présente Ordonnance notifiée à M. le recteur du Theil, pour être par ses soins transcrite au livre de paroisse et conservée aux archives de la fabrique.
Une copie de ladite Ordonnance, certifiée conforme et contre-signée par M. le recteur du Theil, demeurera affichée en un lieu apparent de la chapelle de Notre-Dame de Beauvais.
Et sera la présente Ordonnance notifiée par M. le recteur du Theil à M. Amand de Léon des Ormeaux et conservée aux archives du château de la Rigaudière.
Donné à Rennes, sous notre seing, le sceau de nos armes et le contre-seing du secrétaire général de notre Archevêché, le 15e jour du mois d’avril de l’an de grâce 1888.
✝ Charles-Philippe Cardinal Place.
Archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo.
Par mandement de Son Éminence le cardinal Place, archevêque de Rennes, Dol et St-Malo,
Pour copie conforme :
J.-M. Maignant,
Recteur du Theil.
- Éminence,
À mon retour au Theil, hier, M. le recteur m’a remis l’exemplaire, qui m’était destiné, des indulgences que Votre Grandeur a daigné accorder au vieux sanctuaire de Notre-Dame de Beauvais. Je ne saurais, Éminence, vous exprimer ma reconnaissance de votre paternelle bonté à mon égard, et de l’honneur que vous me faites en me nommant et prescrivant que la présente Ordonnance soit conservée aux archives du château de la Rigaudière. Cette Ordonnance, Éminence, en sera le plus insigne document. Je vais prendre, d’accord avec M. le recteur, les mesures nécessaires pour remplir les prescriptions de l’Ordonnance.
Veuillez, etc.
La Rigaudière, 20 avril 1888.
Postérieurement aux renseignements ci-dessus, M. l’abbé Guillotin de Corson, chanoine honoraire, l’infatigable et savant archéologue dont les travaux sont si appréciés, a fait insérer dans le numéro du 27 juillet 1888 du Journal de Rennes, un article des plus intéressants sur chapelle de Notre-Dame de Beauvais. Je suis heureux de lui en témoigner ma vive reconnaissance en terminant par cet article historique et littéraire :
NOTRE-DAME DE BEAUVAIS
AU TEIL
Près de la ville du Teil[1] — bourgade insignifiante par elle-même, mais chef-lieu d’une châtellenie au moyen-âge et possédant actuellement une fort jolie église moderne — s’élève une des plus anciennes et des plus vénérées chapelles du diocèse de Rennes.
C’est Notre-Dame de Beauvais, au sujet de laquelle la communication d’une forte liasse de vieux titres vient de nous être obligeamment faite[2].
Il y a quatre cents passés, la paroisse du Teil, déjà ancienne de plusieurs siècles, était gouvernée par un recteur nommé Jean Oger, ou, selon l’orthographe du temps, « Jehan Ogier. » Ce devait être le même personnage que Jean Oger, chanoine de Champeaux et recteur de Saint-M’hervé en 1477[3] ; mais nous ne trouvons sa présence signalée au Teil qu’en 1481. époque à laquelle il figure sous la dénomination de « Johannes Ogerii rector de Tilia » dans un acte daté du 30 octobre[4]. Quand mourut-il ? Nous n’en savons rien, mais ce dut être vers la fin du xve siècle ou au commencement du xvie, car en 1517 la cure du Teil était occupée par Armel Le Liepvre, chanoine de Rennes.
Quoi qu’il en soit, Jean Oger voulut, avant de mourir, s’assurer des prières dans la paroisse qui lui avait été confiée. Plein de dévotion envers la Sainte Vierge, il fonda une messe par semaine en son honneur, tous les samedis, dans une chapelle qu’il fit lui-même vraisemblablement construire non loin de la maison de Beauvais[5]. Quoiqu’il y ait peu d’architecture dans cet édifice, sa porte ogivale et ses fenêtres trilobées rappellent bien l’époque à laquelle vécut Jean Oger. Le petit sanctuaire fut toutefois agrandi au xviie siècle, comme nous le dirons à l’instant.
L’acte de fondation de la chapellenie de Beauvais semble perdu, mais nous allons essayer de suppléer à cette lacune par d’autres titres.
Le 18 septembre 1581, « Messire Michel Morel, prestre, demeurant au village de la Garillère en la paroisse du Tail, » rendit aveu, en qualité de chapelain de Notre-Dame de Beauvais, à haute et puissante dame Magdeleine de Savoie, duchesse de Montmorency, veuve d’Anne duc de Montmorency, dame de Châteaubriant, Rougé-au-Teil, etc., pour les biens dépendant de la fondation de Beauvais et relevant de ladite seigneurie de Rougé-au-Teil.
Ces biens consistaient en une maison « sise en la ville du Tail proche le cimetière, » accompagnée d’un jardin, — et en diverses pièces de terre, en prés et en labour, contenant ensemble environ six journaux ; « à cause desquelles choses ledict Morel confesse devoir à ladicte dame, chacun an, 10 sols 5 deniers, » payables en trois termes : à l’Angevine, à Noël et à Pâques[6].
Un autre acte de 1647 complète le précédent : « La chapellenie de Nostre-Dame de Beauvais — y est-il dit — fondée par Messire Jean Ogier, recteur du Tail, et dotée de plus de soixante livres de rente en fonds d’héritages, n’est chargée que d’une messe au samedi de chaque semaine avec prières nominales pour ledit fondateur ; la présentation en appartient au recteur du Tail[7]. »
Aussi à la mort de Jean Morel, chapelain de Beauvais, le recteur du Teil, Julien Gomerel, présenta-t-il cette chapellenie, le 7 mai 1601, à l’un des prêtres de sa paroisse, Julien Cordes, qui en fut pourvu par l’ordinaire le 2 juin suivant.
Ce Julien Cordes avait une belle voix et remplissait avec autant de zèle que d’entente les fonctions de chantre en l’église du Teil. Un nouveau recteur de cette paroisse, Julien Le Gendre — qui peut-être ne chantait guère — goûta tellement la voix de M. Cercles qu’en récompense des services qu’il rendait au chœur du Teil il lui abandonna toutes les oblations de la chapelle de Beauvais, par acte du 5 août 1611. Malheureusement pour Julien Cordes, M. Le Gendre permuta sa cure du Teil contre celle de Sainte-Colombe, et le nouveau recteur du Teil, Jean Valotère, fut à peine installé, qu’en 1617 il réclama les oblations faites en la chapelle de Beauvais. Il semble toutefois que ce bon recteur s’adoucit — probablement quand il eut entendu Julien Cercles diriger le chant paroissial du Teil — car on ne voit point qu’il ait donné suite à son projet de recueillir lui-même les offrandes de Beauvais.
Julien Cordes rendit donc paisiblement aveu pour son bénéfice, le 25 juin 1632, à Henry duc de Montmorency, et le 12 mai 1640 au roi de France lui-menue, pour obéir à une ordonnance royale de 1639. Dans cette dernière déclaration, nous voyons que le chapelain de Beauvais desservait en même temps deux autres fondations, celle du Plessis et celle des Ifs, l’une et l’autre au Teil ; il devait même, cause d’elles, entretenir tous les dimanches et fêtes deux cierges allumés en l’église du Teil[8]. Julien Cordes mourut âgé de quatre-vingt-cinq ans et fut inhumé le 27 juillet 1643.
Georges Bourdon, recteur du Teil, remplaça le défunt par Olivier Renault, prêtre de la paroisse, présenté le 10 août 1643 et pourvu le 8 octobre suivant. Celui-ci rendit aveu pour les terres de sa chapellenie à Henri de Bourbon, prince de Condé, baron de Châteaubriant et seigneur du Teil.
Mais Georges Bourdon entendait bien mettre la main sur les oblations de la chapelle de Beauvais. Olivier Renault s’y opposa, se faisant fort de ce que son prédécesseur les recueillait. On lui objecta qu’il ne chantait point au chœur du Teil comme le regretté Julien Cordes, et voilà un procès entamé. Ce procès dura trois ans et se termina par un accord entre les parties signé le 14 avril 1650. Par cet acte, le chapelain de Beauvais renonça en faveur du recteur du Teil à la perception des offrandes faites à Notre-Dame les jours de principales fêtes, c’est-à-dire à la Visitation, à Pâques et à la Pentecôte. Trois ans après mourut Olivier Renault ; il était âgé de quarante-cinq ans et fut inhumé le 12 août 1653.
La dissension qu’avait causée entre le recteur du Teil et le chapelain de Beauvais la cueillette des oblations prouve que celles-ci avaient quelque importance : c’est qu’à cette époque la chapelle de Notre-Dame était déjà très fréquentée des pèlerins, et le jour de sa fête patronale — qui était la Visitation — il se tenait autour du Sanctuaire « une nombreuse assemblée. » Aussi Georges Bourdon jugea-t-il trop étroite la chapelle bâtie par Jean Oger ; en 1656 il résolut de agrandir telle qu’elle est encore aujourd’hui. Guy Gérard, sieur de la Renauldière, entra dans ses vues et lui donna dans sa « pièce de Beauvais adjacente à ladicte chapelle » tout le terrain nécessaire ; cette donation fut signée le 29 novembre 1656, et le recteur du Teil dut faire construire peu de temps après la partie moderne de l’édifice. Chose assez singulière, on enferma à cette occasion dans la chapelle même un petit calvaire de granit qui se trouvait avant dans la Partie du champ voisin donnée par Guy Gérard.
François Bourgonnière devait être alors chapelain de Beauvais ; il rendit aveu au prince de Condé le 26 juin 1674 et décéda, à l’âge de soixante-treize ans, le 28 juin 1677 ; le lendemain son corps fut inhumé dans l’église du Teil.
Son successeur, André du Boullay, ne demeura pas très longtemps et résigne vers 1685 ; Il fut remplacé cette année-là par Georges Bodin, prêtre du diocèse, qui, pourvu le 6 mai 1685, mourut dès le 1er novembre 1687.
Grégoire Simon, prêtre de l’évêché de Nantes, nommé alors chapelain de Beauvais, ne vint pas résider au Teil ; il fut condamné en 1690 à rendre aveu et finalement privé de son bénéfice. Aussi Mathurin Tavel, recteur du Teil, présenta-t-il, le 22 mars 1693, Julien Frot, prêtre du diocèse de Dol, à l’évêque de Rennes, qui le pourvut le 14 avril suivant.
Ce nouveau chapelain fit le 1er juillet 1702 avec M. Tavel la convention suivante : il laissa en temps ordinaire au recteur du Teil tout l’argent mis dans le tronc de la chapelle de Beauvais, se réservant toutes les offrandes déposées sur l’autel ; mais quant aux oblations faites le jour de la Visitation, il abandonna au recteur la moitié du beurre et du fil et le total de l’argent, parce que le recteur s’engagea à lui payer les décimes dus pour la chapelle.
Vers la même époque l’official de Rennes, Pierre Perrin, fit défendre aux prêtres étrangers au Teil de venir dire la messe à Beauvais sans en demander permission au recteur. Cette ordonnance, datée du 31 août 1705, semble prouver qu’à cette époque nombreux étaient les prêtres que la dévotion attirait à Notre-Dame de Beauvais[9].
Julien Frot fut remplacé par Julien-René Chesnel, sous-diacre originaire d’Étrelles, qui prit possession le 26 juin 1727 ; ce chapelain de Beauvais devint recteur de Saint-Aubin-des-Châteaux, au diocèse de Nantes, et remit sa chapellenie entre les mains du recteur du Teil le 11 mai 1742. Il eut pour successeur Gilles-Alexis Vallin, sieur de Lorgerie, acolyte, qui prit possession le 3 juillet suivant, et rendit aveu au prince de Condé le 10 janvier 1743. Après la mort de ce chapelain, Notre-Dame de Beauvais fut confiée à Julien Mesnard de la Freslonnais. Il entra en jouissance du bénéfice le 26 août 1771, et il semble l’avoir conservé — aussi bien que la chapellenie de Sainte-Magdeleine du château de la Rigaudière, dont il fut également pourvu — jusqu’à l’époque de la Révolution[10].
Epargnée à cette triste époque de perturbation sociale, la chapelle de Notre-Dame de Beauvais subsiste, vénérée par les habitants de toute la contrée et restaurée depuis peu de temps. Chaque semaine on y dit encore la messe, et le jour de la Visitation les pèlerins s’y rassemblent en grand nombre aux pieds de la statue de la Mère de Dieu ; ce jour-là les mères de famille amènent à Beauvais leurs petits enfants et les y font évangéliser pour les placer plus spécialement ainsi sous la protection de la très Sainte Vierge. Pendant tout le mois de juillet les pèlerinages se succèdent dans ce dévot sanctuaire. Tout prouve, en un mot, les grâces nombreuses et signalées obtenues à Beauvais par l’entremise de Marie.
On comprend facilement dès lors pourquoi Son Ém. Mgr le cardinal Place, archevêque de Rennes, vient d’accorder de nombreuses indulgences aux fidèles qui prient dans cette chapelle, et nous ne pouvons mieux terminer cette notice qu’en reproduisant le considérant de son ordonnance archiépiscopale, en date du 15 avril 1888.
Son Éminence enrichit d’indulgences « le pélerinage et la pieuse visite de la chapelle récemment restaurée de Notre-Dame de Beauvais, » à la considération de « la haute antiquité et de la vénérabilité de ce sanctuaire, fréquenté depuis plus de trois siècles par des foules de pèlerins, qui viennent à l’envi y implorer l’assistance de la Mère de Dieu et célébrer les prodiges opérés et les grâces obtenues par sa puissante intercession sous le titre de Notre-Dame de Beauvais. »
Je me propose de remettre un exemplaire de cet exposé à MM. les Curés du voisinage, pour leur Fabrique, afin qu’ils puissent faire connaître aux populations qu’ils ont mission d’évangéliser l’ancienneté de ce sanctuaire, et le concours de prêtres et de pèlerins qui venaient déjà dans les siècles passés implorer Notre-Daim de Beauvais au Theil.
- ↑ Canton de Retiers, arrandiss. de Vitré (Ille-et-Vilaine).
- ↑ Par M. Amand de Léon des Ormeaux, maire du Teil.
- ↑ Arch. dép. d’Ille-et-Vil., 8 G, 35.
- ↑ Arch. dép. d’Ille-et-Vil., G, 196.
- ↑ Beauvais appartient depuis longtemps à la famille Gault ; cette famille, originaire de Touraine, a donné le jour à Mgr Jean-Baptiste Gault, évêque de Marseille, né à Tours en 1595, mort le 23 mai 1653 en odeur de sainteté. Un parent de ce prélat vint en Bretagne en qualité de sénéchal de la châtellenie du Teil, et y fit souche. En 1643 vivaient au Teil François Gault, sieur de la Fontaine, et Antoine Gault, sieur de la Grand’maison.
- ↑ Documents inédits.
- ↑ Ibidem. — Outre les biens relevant du seigneur du Teil, le chapelain de Beauvais possédait au xviiie siècle quelques pièces de terre relavant d’autres seigneuries, notamment du fief de Forges-en-Janzé ; en 1736, le chapelain, Julien Chesnel, rendit aveu pour ces terres à Jacques Le Prestre, seigneur de Châteaugiron et de Forges.
- ↑ Documents inédits.
- ↑ Documents inédits.
- ↑ Reg. des insinuations ecclésiastiq. de l’évêché de Rennes.