Reproches (Menessier-Nodier)

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Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 160-161).




REPROCHES.


 
Pour la première fois vous avez fui mon cœur,
Ce cœur où vous pleuriez, où vous versiez votre âme ;
Vous avez un secret qu’en vain, moi, je réclame ;
Moi, que vous aimiez tant, mon regard vous fait peur,
Pour la première fois vous avez fui mon cœur.

Vous avez oublié qu’il est doux de pleurer,
Quand on a bien longtemps voulu cacher ses larmes ;
Contez-moi vos chagrins, vos secrètes alarmes,
Tout ce qui vous fait craindre ou vous laisse espérer ;
Vous avez oublié qu’il est doux de pleurer.

Oh ! pleurez avec moi votre bonheur perdu,
Et nos rêves d’enfants, trop fragile chimère ;
Pleurez pour que vos yeux retrouvent leur lumière,
Et pour que le repos au moins vous soit rendu.
Oh ! pleurez avec moi votre bonheur perdu.


De votre lourd secret donnez-moi la moitié ;
Soulagez votre cœur de ce poids qui l’oppresse ;
Cachez entre mes bras un aveu qui vous blesse,
Je vous conjure, enfant, de vous ayez pitié !
De votre lourd secret donnez-moi la moitié.

Mon âme est à la vôtre attachée à toujours,
Malgré le ciel contraire, et malgré vous peut-être ;
Ainsi qu’une ombre amie elle doit apparaître
Dans votre vie amère et dans vos heureux jours.
Mon âme est à la vôtre attachée à toujours.

Hélas ! si vous vouliez un peu vous souvenir
De ce temps où mon cœur réfléchissait le vôtre,
Où nous marchions ensemble en pensant l’un à l’autre,
Vous verriez le passé plus beau, que l’avenir,
Hélas ! si vous vouliez un peu vous souvenir.

Le printemps est fini, n’effeuillons pas les fleurs,
Qu’il a laissé tomber de sa fraîche couronne,
Car l’hiver vient si vite et sa main les moissonne,
Et nos pleurs les suivront, mais que lui font nos pleurs ?
Le printemps est fini, n’effeuillons pas les fleurs.