Revue chantante de la cavalcade bordelaise
Le ciel a tout réglé : chaque chose à son heure ;
Trop de joie ou trop de mot pourrait nous endurcir ;
La gaîté, mal séante où la souffrance pleure,
Est acquise de droit à qui sait l’adoucir.
Des héros vont annoncer
la fête promise ;
On les verra s’avancer
Peu fiers de leur mise ;
Leur trompe sera d’argent,
Pour qu’ils s’en souviennent :
Va-t-en voir s’ils viennent, Jean,
Va-t-en voir s’ils viennent.
François premier prend le devant
Ainsi qu’on le doit en ménage.
Femme varie assez souvent,
Dit-il, après le mariage.
Nous en avons par son trépas
Une preuve bien manifeste ;
Car ce grand roi ne mourut pas
Sans regretter certain faux pas :
Daignez m’épargner le reste.
Voici venir monseigneur de Lalande,
Portant bannière à l’écu de Bordeaux.
Gais bannerets, nés aussi de la lande,
Des artisans l’assiègent par le dos.
Puis vient la garde,
Que le roi garde,
Conduite par…
Voyez les noms à part.
Monsieur La Palisse est mort,
Toi qui me l’assures,
Attends à dîner, s’il mord
Pour croire aux mor…sures.
Le beau cheval !
C’est le mot d’habitude,
Quand l’écuyer plaît moins que l’animal.
Pauvres huissiers, en deuil de votre étude,
Chacun se dit, à voir votre attitude :
Le beau cheval !
Arrêtons-nous ici : l’aspect de ces gens-d’armes,
D’ivresse et de chaleur fait ruisseler nos fronts.
Un instant de repos ne sera point sans charmes :
Nous prendrons nos mouchoirs et nous nous essuirons.
Salut, fourrés d’hermine,
Orgueil des Parlements !
C’est par vous qu’on termine,
Après les chars… (je ments.)
Pour t’épuiser, folle série,
Comptons un groupe encor trois fois :
Mais à présent, ô ma chérie,
Tu vas courir au bruit des fouets.
Le couplet suivant doit être chanté de façon à ressemblera tout, excepté à du français.
Gens de l’Adriatique,
Pays d’eau,
Nous n’aimons la musique,
Qu’en cadeau ;
Fa, ré, la, mi, do, do ;
Sol, do, ré, fa, sol, la, mi,
Fa, la, si, mi, fa, do, do,
La, do, do,
Do, do.
Braves marins, nos hardis devanciers,
Qui, dans l’orage osant aplanir l’onde,
Vers l’inconnu sans frayeur avanciez,
Honneur à vous des conquêtes du monde !
Des longs travaux qu’en paix nous achevons,
Nous n’avons plus que la moindre partie ;
Et quand, au but que nous suivons,
La voile au vent nous arrivons,
C’est grâce à vous qu’elle est partie !
Respect aux vendangeurs coiffés de pampres d’or !
Voyez-vous de leurs yeux rayonner les effluves ?
Un broc vide à la main, piétinant dans les cuves,
Ils se grisent d’un vin qu’on mangerait encor !
L’allégorie a des bornes :
Quoi ! l’on pense, avec des cornes,
Parer l’homme du sillon !
Puisqu’enfin, lui c’est sa bête,
Tous deux travaillant de tête,
Sous peine de l’aiguillon…
L’emblème est donc bien hasardeux,
Car j’entends dire en parlant d’eux :
Quand les bœufs vont deux-à-deux
Le labourage en vaut mieux.
Ange d’amour, modeste poésie,
Ta place est vide au char des nations :
Ton souffle pur, parfumé d’ambroisie,
S’exhale et meurt aux cris des factions.
Sœur des beaux-arts dont tu fus le modèle,
Voile, en pleurant, tes pudiques appas ;
La gloire, un jour, te reviendra fidèle :
Espère en Dieu, souffre, et ne maudis pas !
Ici, douze ânes sans bâts,
Puis la Basoche en nature :
Or, pourquoi les uns en bas
Et les autres en voiture ?
Place au malheur ! Silence ! Tête nue !
Ô Charité ! doux lien des mortels,
Écoute ici les chants de bienvenue
D’une cité pieuse à tes autels.
L’or enfoui ne profite à personne ;
Aux biens du monde un jour on dit adieu.
Heureux qui sème où l’indigent moissonne,
Il fait sa part dans les trésors de Dieu !
Riches, donnez ; humbles, donnez quand même
L’obole, offerte acquiert un prix divin ;
N’hésitez pas ; car, au moment suprême,
À votre tour, vous gémiriez en vain.
Faibles, donnez : la bonté fortifie ;
L’effort suivant passe un premier effort.
Le méchant, seul, hésite ou se défie,
Et le méchant, lui seul, n’est jamais fort.
Femmes, donnez : l’amour vous rend plus belles ;
Or, si nous plaire est l’espoir de vos jours,
La Charité, c’est l’Amour moins les ailes :
Pratiquez-là, vous nous plairez toujours.
L’âme ulcérée à tort parfois s’alarme :
Au malheureux, en proie à ses tourments,
Toi qui n’as rien, pauvre, donne une larme
De pareils pleurs valent des diamants.
C’est bien à vous de quêter dans les formes,
Des fleurs en main, le sucre au bout du gant,
Masques joyeux, splendides uniformes,
Types connus du Bordeaux élégant !
De la beauté, pour vous prête à souscrire,
Craignez, Messieurs, le fatal contre-coup
Que de périls cachés dans un sourire !
Beaucoup vouloir force à risquer beaucoup.
Jeune talent qu’eût envié la Grèce,
Et dont la mort a brisé les pinceaux,
Que n’es-tu là partageant notre ivresse,
Pour voir ces fleurs décorant leurs berceaux !
Un mien ami, gros et gras comme un moine,
Mais, d’autre part, plus borné qu’un ânon,
Me demandait : quel est ce Belle-Avoine,
Est-ce un seigneur de grand renom ?
— Je réfléchis, — À quoi ? mon cher,
— À rien, sinon
Qu’il nous siérait assez d’avoir en patrimoine,
Chacun la moitié de son nom.
Après Callot et Rabelais, l’auteur ne se sent pas de force à parler convenablement de l’illustre
Quant au feu d’artifice qui termine le programme, il en sera fait mention en temps et lieu.