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Revue chantante de la cavalcade bordelaise

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REVUE CHANTANTE
de la
CAVALCADE BORDELAISE.

Ire SÉRIE.
PROLOGUE.

Le ciel a tout réglé : chaque chose à son heure ;
Trop de joie ou trop de mot pourrait nous endurcir ;
La gaîté, mal séante où la souffrance pleure,
Est acquise de droit à qui sait l’adoucir.

Sortie de la Cavalcade.
Air : Va-t-en voir s’ils viennent.

Des héros vont annoncer
 la fête promise ;
On les verra s’avancer
 Peu fiers de leur mise ;
Leur trompe sera d’argent,
 Pour qu’ils s’en souviennent :
Va-t-en voir s’ils viennent, Jean,
 Va-t-en voir s’ils viennent.

Entrée de François Ier à Bordeaux.
Air : Daignez m’épargner le reste.

François premier prend le devant
Ainsi qu’on le doit en ménage.
Femme varie assez souvent,
Dit-il, après le mariage.
Nous en avons par son trépas
Une preuve bien manifeste ;
Car ce grand roi ne mourut pas
Sans regretter certain faux pas :
Daignez m’épargner le reste.

Air de la complainte de Saint-Roch.

Voici venir monseigneur de Lalande,
Portant bannière à l’écu de Bordeaux.
Gais bannerets, nés aussi de la lande,
Des artisans l’assiègent par le dos.
Puis vient la garde,
Que le roi garde,
Conduite par…
Voyez les noms à part.

Air de La Palisse.

Monsieur La Palisse est mort,
 Toi qui me l’assures,
 Attends à dîner, s’il mord
Pour croire aux mor…sures.

Huissiers de la Sénéchaussée.
Air : Le premier pas.

Le beau cheval !
C’est le mot d’habitude,
Quand l’écuyer plaît moins que l’animal.
Pauvres huissiers, en deuil de votre étude,
Chacun se dit, à voir votre attitude :
Le beau cheval !

Le Parlement
Air de l’opéra du Châlet.

Arrêtons-nous ici : l’aspect de ces gens-d’armes,
D’ivresse et de chaleur fait ruisseler nos fronts.
Un instant de repos ne sera point sans charmes :
Nous prendrons nos mouchoirs et nous nous essuirons.

PAUSE.
Suite de l’air ci-dessus.

Salut, fourrés d’hermine,
Orgueil des Parlements !
C’est par vous qu’on termine,
Après les chars… (je ments.)
Pour t’épuiser, folle série,
Comptons un groupe encor trois fois :
Mais à présent, ô ma chérie,
Tu vas courir au bruit des fouets.

Chars de Musiciens Vénitiens.

Le couplet suivant doit être chanté de façon à ressemblera tout, excepté à du français.

Air : O Pescator, etc.

Gens de l’Adriatique,
Pays d’eau,
Nous n’aimons la musique,
 Qu’en cadeau ;
Fa, ré, la, mi, do, do ;
Sol, do, ré, fa, sol, la, mi,
Fa, la, si, mi, fa, do, do,
La, do, do,
Do, do.

Groupe des nations maritimes de l’époque (1850)
char allégorique au commerce d’icelles.
Air de la Sentinelle.

Braves marins, nos hardis devanciers,
Qui, dans l’orage osant aplanir l’onde,
Vers l’inconnu sans frayeur avanciez,
Honneur à vous des conquêtes du monde !
Des longs travaux qu’en paix nous achevons,
Nous n’avons plus que la moindre partie ;
Et quand, au but que nous suivons,
La voile au vent nous arrivons,
C’est grâce à vous qu’elle est partie !

Groupe des Vendangeurs

Respect aux vendangeurs coiffés de pampres d’or !
Voyez-vous de leurs yeux rayonner les effluves ?
Un broc vide à la main, piétinant dans les cuves,
Ils se grisent d’un vin qu’on mangerait encor !

Char allégorique à l’Agriculture Bordelaise
traîné par des bœufs aux cornes dorées.
Air : Quand les bœufs vont deux à deux.

L’allégorie a des bornes :
Quoi ! l’on pense, avec des cornes,
Parer l’homme du sillon !
Puisqu’enfin, lui c’est sa bête,
Tous deux travaillant de tête,
Sous peine de l’aiguillon…
L’emblème est donc bien hasardeux,
Car j’entends dire en parlant d’eux :
Quand les bœufs vont deux-à-deux
Le labourage en vaut mieux.

Groupe de jeunes Artistes.
char allégorique aux beaux-arts.
Air : T’en souviens-tu ?

Ange d’amour, modeste poésie,
Ta place est vide au char des nations :
Ton souffle pur, parfumé d’ambroisie,
S’exhale et meurt aux cris des factions.
Sœur des beaux-arts dont tu fus le modèle,
Voile, en pleurant, tes pudiques appas ;
La gloire, un jour, te reviendra fidèle :
Espère en Dieu, souffre, et ne maudis pas !

Char allégorique du roi de la basoche.
simple scrupule.

Ici, douze ânes sans bâts,
Puis la Basoche en nature :
Or, pourquoi les uns en bas
Et les autres en voiture ?


IIe SÉRIE.
Hymne à la Charité.

Place au malheur ! Silence ! Tête nue !
Ô Charité ! doux lien des mortels,
Écoute ici les chants de bienvenue
D’une cité pieuse à tes autels.

L’or enfoui ne profite à personne ;
Aux biens du monde un jour on dit adieu.
Heureux qui sème où l’indigent moissonne,
Il fait sa part dans les trésors de Dieu !

Riches, donnez ; humbles, donnez quand même
L’obole, offerte acquiert un prix divin ;
N’hésitez pas ; car, au moment suprême,
À votre tour, vous gémiriez en vain.

Faibles, donnez : la bonté fortifie ;
L’effort suivant passe un premier effort.
Le méchant, seul, hésite ou se défie,
Et le méchant, lui seul, n’est jamais fort.

Femmes, donnez : l’amour vous rend plus belles ;
Or, si nous plaire est l’espoir de vos jours,
La Charité, c’est l’Amour moins les ailes :
Pratiquez-là, vous nous plairez toujours.

L’âme ulcérée à tort parfois s’alarme :
Au malheureux, en proie à ses tourments,
Toi qui n’as rien, pauvre, donne une larme
De pareils pleurs valent des diamants.


IIIe SÉRIE.
Le Carnaval de Venise.
Air de la Mésange.

C’est bien à vous de quêter dans les formes,
Des fleurs en main, le sucre au bout du gant,
Masques joyeux, splendides uniformes,
Types connus du Bordeaux élégant !
De la beauté, pour vous prête à souscrire,
Craignez, Messieurs, le fatal contre-coup
Que de périls cachés dans un sourire !
Beaucoup vouloir force à risquer beaucoup.

Char des Fleurs animées.
à grandville,
Peintre de Paris, auquel est due l’idée première de ce tableau plein de grâces.

Jeune talent qu’eût envié la Grèce,
Et dont la mort a brisé les pinceaux,
Que n’es-tu là partageant notre ivresse,
Pour voir ces fleurs décorant leurs berceaux !

Char du baron de Belle-Avoine.

Un mien ami, gros et gras comme un moine,
Mais, d’autre part, plus borné qu’un ânon,
Me demandait : quel est ce Belle-Avoine,
Est-ce un seigneur de grand renom ?
— Je réfléchis, — À quoi ? mon cher,
— À rien, sinon
Qu’il nous siérait assez d’avoir en patrimoine,
Chacun la moitié de son nom.

Après Callot et Rabelais, l’auteur ne se sent pas de force à parler convenablement de l’illustre

Gargantua.

Quant au feu d’artifice qui termine le programme, il en sera fait mention en temps et lieu.

Hippolyte RAYNAL,
Écrivain public, rue de la Vieille-Tour, 14.