Revue de métaphysique et de morale/1907/Supplément 5

La bibliothèque libre.
SUPPLÉMENT
Ce supplément ne doit pas être détaché pour la reliure.
(No DE SEPTEMBRE 1907)

LA PHILOSOPHIE DANS LES UNIVERSITÉS
(1907-1908)
FRANCE
Paris.
Collège de France.

Philosophie moderne : M. H. Bergson, professeur : De la formation et de la valeur des idées générales.

Psychologie expérimentale et comparée : M. le Dr Pierre Janet, professeur : L’analyse et la critique des méthodes de psychothérapie.

Université (Faculté des Lettres).

Philosophie : M. Gabriel Séailles, professeur : Le Problème moral.

Histoire de la philosophie ancienne (les mardis à 3 heures et les jeudis à 3 heures et à 4 heures) : M. Brochard, membre de l’Institut, professeur, étudiera le mardi (cours public) la Philosophie d’Épicure ; le jeudi, il dirigera les exercices pratiques en vue du diplôme d’études et de l’agrégation.

Histoire de la philosophie moderne : M. Lévy-Bruhl, professeur, étudiera le mercredi à 4 heures 3/4 (cours public), la Philosophie de Kant. — Le mardi à 9 heures, le jeudi à 10 heures et à 11 heures : exercices pratiques en vue de la licence, du diplôme d’études supérieures et de l’agrégation.

Sociologie : M. E. Durkheim, professeur, L’Évolution du mariage et de la famille. Mardi 5 heures. — Science de l’éducation : L’enseignement de la morale à l’École. Jeudi 5 heures. — Formation et développement de l’enseignement secondaire en France. Samedi 5 heures.

Philosophie : M. O. Hamelin, chargé de cours : le vendredi, à 1 h 1/4 : Explication d’auteurs pour la licence ; — le samedi à 10 heures, cours (fermé) : Aristote ; le samedi à 3 h. 3/4 (à l’École normale), Explications d’auteurs pour l’agrégation et le diplôme d’études supérieures.

Philosophie : M. F. Rauh : le mardi à 10 h. 1/2. Critique de la Connaissance. — Deux conférences par semaine seront consacrées à l’étude, en collaboration avec les étudiants, de questions philosophiques actuelles.

Philosophie et psychologie : M. Victor Egger, professeur. Cours public (mercredi, 3 h. 1/4) : Morale (suite et fin). — Conférences (lundi, 2 h. 1/2 et 3 h. 1/2) : Exercices préparatoires à l’agrégation de philosophie : dissertations et leçons de philosophie dogmatique.

Histoire de l’économie sociale (Fondation comtesse de Chambrun) M. A. Espinas, professeur : Les Physiocrates et leurs adversaires.

Histoire de la philosophie : M. V. Delbos, maître de conférences. — Cours : 1er semestre : Les théories de la connaissance dans la philosophie grecque (cours fermé). — 2e semestre : Spinoza (cours public). Conférences : Explication de textes et exercices pratiques en vue de la licence et de l’agrégation.

Psychologie expérimentale : M. G. Dumas, chargé du cours. Cours public : vendredi à 4 heures, amphithéâtre Richelieu, L’imagination. — Cours fermé : Sainte-Anne, Laboratoire de Psychologie, le jeudi de 10 heures à midi : Préparation au diplôme d’études supérieures. — Le dimanche de 10 heures à midi : Travaux cliniques et recherches de laboratoire.

Philosophie : M. André Lalande, maître de conférences. Vendredi à 2 h. 1/2 (jusqu’à Pâques) : Les applications particulières de la méthode expérimentale : la méthode des sciences morales ; (de Pâques à la fin de l’année), Exercices de logique. Direction de travaux d’étudiants. — Lundi 2 h. 1/2 et 3 h. 1/2. — Conférences préparatoires à la licence : leçons d’étudiants et dissertations.

Laboratoire de psychologie : M. A. Binet, directeur. Recherches sur la psychologie des enfants anormaux.

Aix-Marseille.

Philosophie : M. M. Blondel, professeur.

Besançon.

Philosophie : M. Ed. Colsenet, professeur. Lundi, Conférence dogmatique (Licence) : Principes de morale. — Mercredi. Conférence d’histoire de philosophie (Licence) : l’École cartésienne. — Vendredi, cours. L’idéalisme.

Bordeaux.

Philosophie : M. G. Rodler, professeur.

Science sociale : M. G. Richard, chargé du cours.

Philosophie : M. P. Lapie, maître de conférences.

Caen.

Philosophie : M. H. Delacroix, professeur. Cours public (mercredi de 5 h. à 6 h.) : L’Imagination. — Conférences : (jeudi de 10 à 11 h.) Locke, Berkeley, Hume (cours suivi et explication de textes) ; (de 11 h. à midi) leçons de psychologie : explications, travaux pratiques.

Clermont.

Philosophie : M. E. Joyau, professeur. Cours public : Histoire de la philosophie en France, troisième période. Descartes et le XVIIe siècle. — Conférences dogmatiques : Métaphysique (suite). Psychologie rationnelle et cosmologie rationnelle. – Conférences d’histoire de la philosophie : fin du Moyen Âge et Renaissance.

Dijon.

Philosophie : M. Th. Ruyssen, professeur-adjoint. 1o Conférence ouverte : La philosophie de la volonté (Schopenhauer et Nietzsche). – 2o Conférences fermées : a) La science moderne ; méthodes et hypothèses ; b) Exercices préparatoires à la licence. — 3o Pédagogie : Les notions fondamentales de la morale.

Grenoble.

Philosophie : M. G. Dumesnil, professeur. Conférences de philosophie : Histoire de la sophistique (suite) : Préparation à la licence. — Cours de pédagogie : De la méthode dans l’art d’enseigner. — Conférences de pédagogie : Pédagogie de l’enseignement secondaire.

Lille.

Philosophie : M. Penjon, professeur. Le jeudi, de 2 heures à 4 heures : Préparation à l’agrégation. Diplômes d’études supérieures. Épreuves pratiques, écrites et orales. Explication des auteurs. — Le vendredi, de 3 heures à 4 heures : Licence et agrégation. — Histoire de la philosophie ancienne. — Adaptation des conférences de licence au nouveau programme.

Science de l’Éducation : M. G. Lefèvre, professeur. Le jeudi matin : Histoire de l’Enseignement secondaire en France (pour les stagiaires de l’Enseignement secondaire, 1er, 3e et 5e jeudis). — Le jeudi matin : Les fonctions intellectuelles : psychologie et pédagogie (2e et 4e jeudis). – Le jeudi après-midi : Explication de textes et Exercices pratiques en vue de l’Inspection primaire.

Plusieurs conférences pédagogiques seront faites, en outre, par des professeurs des différentes Facultés (8e année).

Philosophie : M. G. Lefevre, professeur, chargé de conférences. Le lundi à 9 heures : (Licence) la Logique formelle. — Le lundi à 10 h. 1/2 : Agrégation ; Explication de textes et Exercices pratiques.

Lyon.

Philosophie : M. A. Bertrand, professeur.

Histoire de la philosophie et des sciences : M. Goblot, professeur.

Pédagogie : M. Chabot, professeur. Cour public : Pédagogie sociale (2e partie). — Conférence de licence : Morale théorique. — Conférence de Psychologie appliquée à l’Éducation : Les lois de l’Intelligence. — Conférence aux stagiaires d’agrégation : Pédagogie de l’enseignement secondaire. — Conférences de pédagogie préparatoires à l’Inspection primaire et au Professorat des Écoles Normales.

Montpellier.

Philosophie : M. G. Milhaud, professeur. Cours public : Descartes savant. — Conférences : Leçons sur le Timée.

Philosophie : M. Foucault, maître de conférences. Cours de Psychologie : Les sensations. — Conférences : Explication d’auteurs de licence (Wundt, William James, etc.) ; leçons d’étudiants ; leçons sur la Psychologie des sentiments. — Laboratoire : Expériences sur les perceptions tactiles et visuelles.

Nancy.

Philosophie : M. P. Souriau, professeur.

Poitiers.

Philosophie : M. A. Rivaud, chargé du cours. Cours public : Le problème de la matière dans la physique moderne. — Conférences : cours sommaire d’histoire de la philosophie (2 heures par semaine). — Exercices pratiques.

Rennes.

Philosophie : M. B. Bourdon, professeur. 1° Les sentiments (cours fermé). — 2° Éléments de psychologie (cours public). — 3° Travaux pratiques au laboratoire de psychologie.

Philosophie : M. Dugas, maître de conférences.

Toulouse.

Philosophie : M. Thouverez, professeur.

Philosophie sociale : M. C. Bouglé, professeur.

BELGIQUE
Bruxelles.
Université.

Philosophie : M. Georges Dwelshauvers, professeur. 1. Critique des principaux systèmes de psychologie des XVIIe et XVIIIe siècles ; ce qui en reste dans la psychologie contemporaine ; méthodes et tendances de celle-ci (3 heures par semaine : lundi 11 heures, mardi 10 heures, mercredi 11 heures, d’octobre à juin). — 2. Cours de morale (1 heure par semaine d’octobre à juin ; lundi à 10 heures) : de l’importance du psychologique et du rationnel dans la morale ; différence entre moralité (comme fait social) et morale (comme fait de conscience). Études des caractères du fait moral et des conditions qu’il faut poser pour le comprendre. — 3. Travaux pratiques (pour les étudiants se consacrant spécialement à la philosophie). — 4. Cours préparatoire aux examens du doctorat : Encyclopédie de la philosophie (3 heures par semaine d’octobre à juin) ; notions historiques et bibliographiques détaillées sur des questions de philosophie générale.

Philosophie : M. Dupréel, professeur. 1° Cours de logique (candidature en philosophie et lettres) première partie, histoire de la logique ; deuxième partie, de la méthode en général ; troisième partie, de la méthode dans les sciences particulières (on donnera quelque développement à la partie relative aux sciences sociales). — 2° Cours de logique (doctorat en philosophie). Question approfondie : Le fondement de la dialectique. — 3° Cours d’histoire et de philosophie (doctorat en philosophie et lettres) : on s’étendra sur les philosophes antésocratiques.

Gand.

Philosophie : M. P. Hoffmann, professeur. 1. Philosophie morale, 2 heures pendant toute l’année. — 2. Histoire de la philosophie gréco-romaine, 3 heures pendant le premier semestre. — 3. Histoire de la pédagogie, 3 heures pendant le second semestre. — 4. Exercices pratiques de philosophie. Sujets : a) Taine, Philosophie de l’art, 2 heures pendant le premier semestre ; b) Leibniz, Essais de Théodicée, 2 heures pendant le second semestre ; c) Höffding, Morale, 1 heure pendant toute l’année.

Liège.

Philosophie : M. O. Merten, professeur. 1er et 2e semestres : Histoire de la philosophie ancienne.

1er semestre : Encyclopédie de la philosophie. – Métaphysique générale et spéciale. – Histoire de la pédagogie et méthodologie.

2e semestre : Logique. Exercices sur des questions de philosophie (en partage). – Le cours destiné aux étudiants de première année, consistera en petits travaux écrits et en interrogatoires. — Questions approfondies de psychologie, de logique et de morale. — (M. Merten étudiera dans cette partie du cours les méthodes modernes des sciences d’observation (d’après la logique de Rabier).

Analyse d’un traité philosophique à l’Essai sur l’entendement humain de Locke.

Louvain.
Institut supérieur de Philosophie.
école st-thomas-d’aquin.
Président : S. Deploige.
Secrétaire : M. Defourny.
1re année. – Baccalauréat.

L. Noël, prof. agrégé de la Faculté de Théologie. La Logique, jeudi de 8 h. à 9 h. 1/2, pendant le premier semestre. — La Psychologie (2e partie), jeudi de 8 h. à 9 h. 1/2 et vendredi à 8 h., pendant le second semestre.

D. Nys, prof. ord. de la Faculté de Philosophie et Lettres. La Chimie et l’Introduction à la cosmologie, lundi de 8 h. à 9 h. 1/2, vendredi de 11 h. 1/2 à 13 h. et samedi à 8 h., pendant le premier semestre. — La Cosmologie, lundi de 8 h. à 9 h. 1/2, mardi à 8 h. et vendredi de 11 h. 1/2 à 13 h., pendant le second semestre.

A. Michotte, chargé de cours. La Psychologie (lre partie), mardi à 9 h., pendant le premier semestre. L’Introduction à la psychophysiologie, vendredi à 15 h., pendant le premier semestre.

A. Thiéry, prof. ord. de la Faculté de Médecine. La Physique, lundi, mardi, jeudi et samedi à 12 h., pendant le premier semestre. — La Psychophysiologie, mardi de 9 h. à 10 h. 1/2 et samedi de 11 h. 1/2 à 13 h., pendant le second semestre. — Exercices pratiques de physique, une séance par semaine pendant le second semestre, aux jours et heures à déterminer.

A. Meunier, prof. ord. de la Faculté des Sciences. La Biologie générale, samedi à 9 h., pendant toute l’année.

M. Ide, pr. ord. de la Faculté de Médecine. L’Anatomie et la Physiologie, mercredi de 11 h. 1/2 à 13 h., pendant toute l’année.

M. Defourny, prof. extraord. de la Faculté de Droit. L’Économie politique, lundi, mardi et jeudi à 12 h., pendant le second semestre.

11e année. – Licence.
cours généraux.

L. Noël, prof. agrégé de la Faculté de Théologie. La Critériologie (y compris la théorie de la science), lundi et mardi à 12 h., pendant toute l’année.

M. de Wulf, prof. ord. de la Faculté de Philosophie et Lettres. L’Ontologie, mardi de 8 h. à 9 h. 1/2 et mercredi de 9 h. à 10 h. 1/2, pendant toute l’année. — L’Histoire de la philosophie ancienne et de la philosophie médiévale (1re partie), lundi de 8 h. à 9 h. 1/2, pendant toute l’année. – Questions spéciales d’histoire de la philosophie, vendredi à 12 h., pendant le premier semestre.

A. Michotte, chargé de cours. La Psychophysiologie, lundi à 9 h. 1/2 et samedi à 9 h, pendant le premier semestre. – Questions spéciales de psychologie, lundi et samedi à 9 h. 1/2 pendant le second semestre.

J. Forget, prof. ord. de la Faculté de Théologie. La Philosophie morale, jeudi de 9 h. à 10 h. 1/2, et vendredi de 8 h. à 9 h. 1/2, pendant le premier semestre ; vendredi de 9 h. à 10 h. 1/2, et samedi de 8 h. à 9 h. 1/2, pendant le second semestre.

cours spéciaux.

N. Sibenaler, prof. ord. de la Faculté des Sciences. Trigonométrie, Géométrie analytique et Calcul différentiel, 2 heures pendant toute l’année aux jours et heures à déterminer.

M. Ide, prof. ord. de la Faculté de Médecine. L’Anatomie et la Physiologie générales, lundi et vendredi à 11 h., pendant le second semestre.

F. Kaisin, prof. ord. de la Faculté des Sciences. Notions de minéralogie et de cristallographie, mardi à 10 h. 1/2 et vendredi à 16 h., pendant le second semestre.

A. Cauchie, prof. ord. de la Faculté de Philosophie et Lettres. Méthode d’heuristique et de critique historiques, lundi à 15 h, et vendredi à 10 h., pendant le premier semestre.

M. Defourny, prof. extraord. de la Faculté de Droit. L’histoire des théories sociales : Les théories socialistes, lundi, mardi et mercredi à 16 h. 1/2, pendant le premier semestre.

3e année. — Doctorat.
cours généraux.

L. Becker, prof. ord. de la Faculté de Théologie. La Théodicée, mardi de 9 h. 1/2 à 11 h. et mercredi de 9 h. à 10 h. 1/2, pendant toute l’année.

S. Deploige, prof. ord. de la Faculté de Droit. Le Droit naturel, mardi et samedi de 11 h. à 12 h. 1/2, pendant le premier semestre. — La Philosophie sociale, mercredi et jeudi de 11 h. à 12 h. 1/2, pendant le second semestre.

A. Thiéry, prof. ord. de la Faculté de Médecine, Commentaire du traité « De anima » de St Thomas, mercredi à 12 h., pendant le premier semestre ; lundi à 12 h., pendant le second semestre.

M. de Wulf, prof. ord. de la Faculté de Philosophie et Lettres. L’Histoire de la philosophie ancienne et de la philosophie médiévale (1re partie), cours indiqué ci-dessus. — Questions spéciales d’histoire de la philosophie, cours indiqué ci-dessus.

A. Michotte, chargé de cours. Questions spéciales de psychologie, cours indiqué ci-dessus.

N. Balthasar, chargé de cours. La Théodicée, lundi à 9 h. 1/2 et mercredi à 8 h., pendant le premier semestre. ̃̃

cours spéciaux.

N. Sibenaler, prof. ord. de la Faculté des Sciences. Le Calcul intégral, 2 heures par semaine pendant le premier semestre aux jours et heures à déterminer.

E.-L.-J. Pasquier, prof, ord. de la Faculté des Sciences. La Mécanique analytique, vendredi à 10 h. 1/2 et samedi à 10 h., pendant le premier semestre.

J.-C. de la Vallée Poussin, prof. ord. de la Faculté des Sciences. La Méthodologie mathématique, vendredi et samedi à 10 h., pendant le second semestre.

M. Ide, prof. ord. de la Faculté de Médecine. Embryologie, histologie et physiologie du système nerveux, jeudi de 11 h. à 13 h., pendant le premier semestre.

M. Defourny, prof. extraord. de la Faculté de Droit. L’histoire des théories sociales : les théories socialistes, cours indiqué ci-dessus.

Conférences.

L. Noël, prof. agrégé de la Faculté de Théologie. Exposé scientifique du dogme catholique.

L. de Lantsheere, prof. agrégé de la Faculté de Droit. La sociologie criminelle.

E.-L.-J. Pasquier, prof. ord. de la Faculté des Sciences. Les Hypothèses cosmogonigues.

C. van Overbergh. Le Socialisme contemporain.

C. Legrand. Littérature.

C. Jacquart. Statistique de l’état moral de la population.

H. Lebrun. Les théories de l’évolution.

F. van Cauwelaert. La psychopathologie.

N. B. — Les jours et heures des Conférences seront annoncés par voie d’affiches.

cours pratiques.

Laboratoire de psychophysiologie, sous la direction de MM. A. Thiery et A. Michotte.

Laboratoire de chimie, sous la direction de M. D. Nys.

Conférence de philosophie sociale, sous la direction de MM. S. Deploigr et M. Defourny.

Séminaire d’histoire de la philosophie du Moyen Age, sous la direction de MM. de Wulf, le jeudi à 18 h.

Séminaire de psychologie, sous la direction de M. L. Noël.

SUISSE
Genève.

J.-J. Gourd. — Histoire de la philosophie du Moyen Âge et de la philosophie française. — Exercices philosophiques.

Adrien Naville. — Théorie de la science logique. — Classification des sciences.

Th. Flournoy. — Psychologie expérimentale.

P. Duproix. — Science de l’éducation.

L. Wuarin. — Sociologie théorique.

Éd. Claparède. — Laboratoire de psychologie expérimentale.

F. Grandjean. Répétitoire des systèmes philosophiques avec explication des termes spéciaux.

A. de Maday. — Le matérialisme historique (Marx, Engels et Pikler).

Otto Karmin. — Interprétation de sociologues allemands (Gumplowicz).

Émile Wilmot. — Commentaire du contrat social.

Maurice Baud. — Esthétique.

Lausanne.

Philosophie : M. Millioud, professeur : 1° Histoire de la philosophie ancienne et médiévale (3 heures). — 2° Philosophie générale. Le problème de la connaissance. Problèmes du monde physique (2 heures). — 3° Études sur les philosophes contemporains (2 heures).

Académie de Neuchâtel.

Philosophie : M. Pierre Bovet, professeur. — Histoire de la philosophie. De Descartes à Kant (3 heures). — Philosophie religieuse. Le sentiment religieux et l’idée philosophique de Dieu en Grèce (2 heures). — Pédagogie et psychologie infantile. Analyse et discussion des travaux récents (1 heure). — Conférence. Explication du Phédon (1 heure).

Fribourg.
Faculté de théologie.

Philosophia. — Manser : De Logica, quater per hebdomadem : feria II, III, IV et VI, hora 8-9 ; Ueber die Scholastik des 13. Jahrhunderts, 2 Stunden wöchentlich : Dienstag, von 6-7 Uhr und Donnerstag, von 10-11 Uhr ; Konferenz über logische Probleme, 1 Stunde wöchentlich : Freitag, von 6-7 Uhr. — Schlinker Criterologia, quater per hebdomadem feria IV, V, VI et sabbato, hora 11-12 ; Conférence sur les problèmes critiques de la connaissance, 1 heure par semaine jeudi, de 6-7 heures ; Histoire de la philosophie grecque, 2 heures par semaine lundi et mardi, de 11-12 heures.

Faculté des lettres.

Philosophie. De Munnynck : * Psychologia generalis, quater per hebdomadem : feria III, IV, V et VI, hora 11-12 ; Conférences. Sujet : La place de l’homme dans la nature. Essai de synthèse cosmologique, 1 heure par semaine : lundi, de 6-7 heures ; Séminaire : l’origine des idées, 2 heures par semaine mercredi de 3-5 heures. — Michel : * Ethica generalis, ter per hebdomadem : feria III, VI et sabbato, hora 9-10 ; Geschichte der neueren Philosophie, 1 Stunde wöchentlich : Montag, 9-10 Uhr ; Ethische Probleme (Aus der allgemeinen Ethik) 1 Stunde wöchentlich Donnerstag, von 9-10 Uhr ; Seminar, Spinoza’s Ethica ordine geometrico demonstrata, 2 Stunden wöchentlich : Samstag, 3-5 Uhr.

Psychologie expérimentale et Pédagogie. – Experimental-Psychologie und Pädagogik. — Van Cauwelaert : Psychologie expérimentale (2e partie}, 3 heures par semaine : mardi, de 2-4 et jeudi, de 2-3 heures ; Experimentelle Untersuchungen über Aufmerksamkeit, Gedächtnis und Geistesarbeit, mit Berücksichtigung der pädagogischen Folgerungen, 1 Stunde wöchentlich, Donnerstag, 3-4 Uhr ; Geschichte der experimentellen Psychologie. 2 Stunden wöchentlich : Mittwoch und Freitag, 2-3 Uhr.


NÉCROLOGIE

Kuno Fischer
(1824-1907).

Privat docent pour la première fois à Heiclelberg en 1849, il y connut la persécution ; il fut accusé de panthéisme, et suspendu. Mais il fut recueilli par le grand-duc de Saxe-Weimar, devint son conseiller intime, et le tuteur de son fils. C’était déjà un personnage officiel, lorsqu’il revint en 1872 à Heidelberg, pour y rester, toute sa vie durant, en possession de la chaire de philosophie. Il a écrit des ouvrages de métaphysique : une Logique en 1852, une étude sur la liberté en 1875, une Critique de la Philosophie kantienne en 1882. Il avait étudié la philologie avant de se donner à la philosophie, et, toute sa vie, il demeura un lettré autant qu’un philosophe. Non seulement il a écrit des ouvrages d’esthétique (Diotima, die Idee des Schönen, 1845. – Entwickelungsformen des Witzis (1871), mais il est l’auteur d’ouvrages estimés sur Shakespeare, sur Lessing, et sur le Faust de Gœthe. Mais son grand ouvrage, c’est son Histoire de la philosophie moderne, qui a eu quatre éditions, et qui consiste en une série de monographies, pénétrantes et lucides, où l’auteur repense successivement les systèmes des grands penseurs des trois derniers siècles. La formation intellectuelle de Kuno Fischer était hégélienne ; mais il avait été un des premiers en Allemagne à insister, vers 1858, sur ce point que la vraie discipline philosophique, c’est la critique kantienne. Avec lui disparait un de ces universitaires illustres, contemporains de la formation de l’empire allemand, remarquables moins par l’éclat de leur génie, par l’audace novatrice de leur pensée, que par leur robuste santé intellectuelle, la parfaite organisation de leur travail, l’excellence de leurs vertus professionnelles. C’était un bon écrivain, un bon philosophe, un grand professeur.


LIVRES NOUVEAUX

Leçons de philosophie (1er vol. Psychologie), par P. Malapert, 1 vol. in-8 de viii-488 p., Paris, Juven, 1907. – La large place réservée dans son ouvrage à la psychologie indique déjà nettement le but que se propose M. Malapert. Ce but est essentiellement pédagogique, et il le définit très exactement lorsqu’il indique, dans la préface (p. viii), les principes dont s’inspire son exposé de la psychologie, « science destinée à se mouvoir dans les limites de l’expérience ». C’est une description de l’esprit, description purement positive et d’où les explications métaphysiques ont été soigneusement écartées, que nous offre M. Malapert. Recueillant largement, tous les faits et toutes les interprétations qu’en ont proposé les diverses écoles psychologiques, il constate l’avènement d’une étude expérimentale de l’esprit, lentement élaborée sous l’influence prépondérante de la grande école des aliénistes français : Esquirol, Pinel, Falret, etc., auxquels il est un des premiers à rendre justice, et qui nous ont donné l’exemple de la méthode par excellence des sciences psychologiques. M. Malapert entreprend aujourd’hui d’exposer les principaux chapitres de ces sciences, d’en indiquer les divers problèmes, surtout d’en faire pratiquer la méthode aux étudiants auxquels son livre est destiné.

La place nous fait ici défaut, non seulement pour l’analyser, mais même pour tenter d’indiquer les points si nombreux où des vues personnelles et nouvelles lui donnent une portée et un intérêt que présentent rarement les ouvrages analogues. Nous nous bornons à en définir les tendances générales. Mieux que tout autre, M, Malapert a reconnu l’inconvénient grave d’une étude de l’esprit où les diverses fonctions psychologiques, nécessairement séparées pour l’exposition, donnent l’idée la plus inexacte du mécanisme psychologique. Et cet inconvénient, il est constamment préoccupé de l’éviter. De là ces liens si nombreux entre les trois parties du livre consacrées à la description de ce qu’il appelle très heureusement les aspects de la vie consciente, vie affective, vie intellectuelle, vie active ; ces passages fréquents de l’un à l’autre des trois points de vue ; ces chapitres consacrés au début et à la fin de chaque livre à relier l’un des aspects à l’autre (ex. I. II : De la vie affective ; ch. vi : Les rapports de la vie affective à la vie intellectuelle). Cette préoccupation de bien indiquer les liens entre des réalités qui se pénètrent et qui n’ont été séparées que pour la commodité de l’exposition, ce désir de montrer l’activité psychologique dans son unité et de rendre la description des éléments reliés par tant de rapports équivalente à l’unité indescriptible de l’être vivant, sont bien ceux auxquels on pouvait s’attendre de la part de M. Malapert, qui le premier a tenté d’établir entre les éléments du caractère des liens de dépendance étroite, tels que, l’un de ces éléments étant donné, d’autres s’ensuivent nécessairement, et de manière que ces relations rendent compte de l’aspect harmonieux du caractère, tout bien lié, différent de la simple juxtaposition et de la rencontre fortuite des qualités qu’y discerne une analyse superficielle.

Par l’exemple qu’il donne d’une analyse rigoureusement positive et d’un effort pour conserver, dans la description à laquelle cette analyse conduit, une vue nette de l’ensemble et, par delà les détails, la notion de l’unité propre aux réalités vivantes, le livre de M. Malapert possède la valeur pédagogique que l’auteur reconnaît à la psychologie elle-même, et qu’elle doit à la propriété « de développer ces qualités d’esprit dont l’acquisition est peut-être la vraie fin des études classiques : sens du réel avec sa complexité et ses nuances, goût de la précision, habitude de la réflexion, désir de voir clair dans ses propres idées, prudence et réserve dans l’affirmation, distinction entre ce qui est prouvé et ce qui ne l’est pas, libéralisme de la pensée qui ne s’enferme pas volontiers dans un système clos et étroit : d’un seul mot, esprit scientifique, fait de critique et de liberté ». (Préface, p. viii).

L’État présent de la philosophie, par O. Merten, 1 vol. in-12 de 118 p., Namur, Wesmaël-Charlier, Paris, Vic et Amat, 1907. — M. Merten a réuni dans ce petit volume trois discours d’ouverture prononcés en 1904, 1905 et 1906 à l’Université de Liège, et qui traitent, l’un de l’esprit critique en philosophie, l’autre des destinées de la psychologie, le troisième de la conception moderne de l’État.

Le premier formule sous leur forme la plus générale les principes d’un idéalisme critique que M. Merten situe lui-même à mi-chemin entre le positivisme et le panthéisme. « La raison, écrit-il, est avant tout une faculté abstraite, qui présuppose d’une part les objets finis dont le devenir s’écoule sous nos yeux, et d’autre part l’idéal vers lequel nous nous sentons invinciblement attirés. Les positivistes ne veulent voir que des phénomènes, et les panthéistes s’absorbent tout entiers dans l’idéal, comme si nous pouvions nous identifier avec lui. Les uns et les autres méconnaissent la véritable nature de notre raison » (p. 35). Sans vouloir contester la légitimité de cette attitude, il est impossible tout au moins de ne pas signaler que c’est au mépris de toute justice et de toute vérité historique que M. Merten voit dans le positivisme « la philosophie du néant » (p. 30), « l’anarchie intellectuelle la plus complète et la négation même de tout savoir » (p. 29), alors que le vrai positivisme a toujours été dirigé contre l’anarchie intellectuelle et morale et vers la systématisation du savoir humain.

Le deuxième et le troisième discours font l’application de cette méthode générale à deux problèmes bien définis : les destinées de la psychologie d’une part, de l’autre le rôle de l’État.

M. Merten réduit l’histoire de la psychologie à l’opposition du matérialisme et du spiritualisme. Il affirme la nécessité pour la psychologie de rester introspective et spiritualiste ; mais c’est, à son sens, « une entreprise vaine que de vouloir isoler la psychologie introspective du milieu corporel dans lequel elle est condamnée à se mouvoir » (p. 59). La réinstallation de la psychologie au milieu du monde corporel n’implique en aucune façon l’adhésion au matérialisme. M. Merten critique le matérialisme avec beaucoup de justesse et de bon sens. « Le matérialisme, écrit-il, a raison en ce qui concerne l’acquisition des idées ; mais il confond la condition avec la cause et supprime l’idéal auquel aspirent toutes les puissances de notre âme » (p. 79). Aussi « la psychologie introspective est la science principale et la psychologie physiologique est la science auxiliaire. L’alliance qui les unit est une alliance inégale » (p. 81).

Enfin le troisième discours est une histoire rapide de l’évolution de l’idée de l’État, qui conduit M. Merten à essayer de déterminer le rôle de l’État dans la société moderne. Cette évolution est orientée dans le sens de la libération progressive des individus. Aussi l’État, tel que M. Merten le conçoit, n’a-t-il d’autre fonction que d’assurer le libre développement de l’individu, contre le socialisme d’État d’une part, et contre l’anarchisme de l’autre. Cette attitude est à peu près celle de M. Faguet dans son livre sur le Libéralisme. « L’État n’a pas pour mission de se substituer à la volonté libre, mais seulement de lever les obstacles qui entravent le jeu de nos facultés et retardent la marche de l’humanité vers l’idéal auquel aspirent toutes les puissances de notre être et dont nous nous approchons indéfiniment sans jamais l’atteindre » (p. 114-115).

Dans ces trois discours, la pensée de M. Merten n’apparaîtra pas exempte d’un certain vague et d’un certain simplisme. De fait, il y a bien des intermédiaires entre le positivisme et le panthéisme, le spiritualisme et le matérialisme, le socialisme et l’anarchisme, entendus comme M. Merten les entend. C’est un procédé bien artificiel et bien arbitraire que celui qui consiste à réduire à leurs formules les plus radicales deux tendances antagonistes que l’histoire nous montre souvent rapprochées ou même confondues, et à fonder sur la critique qu’on en fait une sorte de philosophie du juste milieu. Cette philosophie ne saurait se situer bien exactement vis-à-vis des doctrines antérieures. Pour avoir méconnu dans la partie critique de son livre la complexité de l’histoire, M. Merten est conduit, dans la partie positive, à rester dans des généralités auxquelles tout le monde à peu près peut donner son adhésion sans compromettre sa foi philosophique.

Mais il ne faut pas trop demander à des discours d’ouverture.

Les bases de la philosophie naturaliste, par A. Cresson, 1 vol. in-8 de 178 p., Paris, Alcan, 1907. — M. Cresson s’est volontairement astreint cette fois à une œuvre de simple exposition impersonnelle ; il proteste qu’il ne prétend pas démontrer la philosophie qu’il analyse, et qu’aussi bien on ne saurait le faire, pas plus que la réfuter valablement, toute doctrine, selon lui, supposant l’acceptation préalable de certains postulats, qui sont toujours affaire de croyance ; mais le « naturalisme » lui paraît au moins un système très cohérent et vraisemblable ; on sent qu’il a tendresse de cœur pour lui, et qu’il met volontiers à son service les qualités qui toujours distinguent ses ouvrages : la vie, l’entrain et la parfaite clarté. — On peut se demander seulement ce que la doctrine, ainsi comprise, offre de philosophique, puisqu’elle n’est rien de plus, qu’il s’agisse du monde inorganique, de la vie, de la pensée ou de la société, que la série des hypothèses scientifiques les plus rigoureusement mécanistes, où le prudent « peut-être » du savant est seulement transformé en affirmation prématurée et aventureuse : l’œuvre du philosophe ne commence-t-elle pas, à propos de chacune de ces hypothèses, avec l’analyse des postulats qu’elle enveloppe, et la discussion de leur cohérence soit mutuelle, soit interne ? Aussi bien, donne-t-on une idée bien exacte du naturalisme si l’on néglige toutes les difficultés qu’il soulève, et dont les savants contemporains ont pris une conscience si aiguë, et parfois si découragée ? Est-il légitime de ne rien dire du problème de la connaissance, et du cercle vicieux initial que semble envelopper l’affirmation par l’esprit d’un univers réellement indépendant de l’esprit ? Est-il possible encore de considérer la substitution de l’énergétique contemporaine à l’atomisme ou au mécanisme d’hier comme ne changeant en rien le sens de la doctrine ? La notion de force a-t-elle même l’apparente clarté de la notion d’atome, et n’exige-t-elle pas impérieusement une interprétation ? — Toutes ces obscurités sont en quelque sorte résumées dans le titre même du livre de M. Cresson. Il appelle la doctrine qu’il expose le « naturalisme » : à moins de prendre parti dans des débats scientifiques si ardents aujourd’hui, et que son livre laisse un peu trop ignorer, il ne pouvait pas l’appeler le « mécanisme », comme il eût convenu, et comme il en était sans doute tenté lui-même. Or, quel terme plus incertain que celui de naturalisme, s’il convient au vieil hylozoïsme grec, au vitalisme fumeux des philosophes de la Renaissance ou d’un Diderot, au dynamisme classique, aussi bien et même beaucoup mieux qu’au mécanisme cartésien ?

Éléments de philosophie biologique, par Félix Le Dantec. 1 vol. in-12 de iv-297 p., Paris, Alcan, 1907 — Sous une forme très ramassée, M. Le Dantec a condensé les conclusions d’une quinzaine de volumes qu’il a écrits en dix ans. Cette exposition synthétique d’une doctrine biologique très personnelle, hardie jusqu’au paradoxe, d’ailleurs très cohérente et systématique, intéressera les lecteurs habituels de M. Le Dantec en leur rappelant les principales thèses de l’Unité dans l’être vivant, du Traité de Biologie, de l’Introduction à l’étude de la Pathologie générale. Elle déconcertera tous ceux qui commenceront par cet ouvrage l’étude du système : l’exposition est trop rapide, les affirmations se succèdent avant que l’esprit du lecteur y soit préparé.

L’ouvrage ne mérite guère son titre. Détacher une théorie-scientifique paradoxale des arguments de fait qui peut-être la soutiendraient, n’a jamais suffi à la rendre philosophique. Il y a vraiment dans ce livre, plus que dans tout autre du même auteur, un parti-pris d’ignorer toujours un aspect des questions et de méconnaître les difficultés qui arrêtent tant de chercheurs sincères autant que profonds. Le ton est agressif. Il y a quelque injustice à déclarer que ceux qui seront d’un autre avis sont des esprits prévenus, esclaves de vieux préjugés, ou des ignorants en matière scientifique, des « observateurs paresseux ou peu enclins à raisonner » (p. 179). Au risque de passer à notre tour pour des esprits prévenus, nous avouerons que nous trouvons un peu fragile la négation de la liberté fondée sur des expériences aussi spéciales que celles de Pfeffer (influence chimiotactique de l’acide malique sur les anthérozoïdes de fougères) et que nous ne comprenons pas bien comment « la conscience de l’être vivant se constitue au moyen de consciences de substances mortes » (p. 224).

Qu’est-ce que la sociologie, par C. Bouglé, professeur de philosophie à l’Université de Toulouse. 1 vol. in-12 de 175 p., Alcan, 1907. — Ce livre est un recueil d’articles et d’études qui ont paru soit ici même, soit dans la Revue de Paris, soit dans la Revue internationale de l’Enseignement, soit dans l’Année sociologique. Dans ses articles M. Bouglé a essayé pour les « non initiés », nous dit-il, « de préciser les thèses qui séparent les professionnels » (p. 2). Il traite des « Rapports de l’histoire et de la science sociale selon Cournot », et prend parti dans la querelle entre historiens historisants et historiens sociologues ». Il étudie les rapports « de la Sociologie populaire et de l’Histoire » et s’amuse, avec beaucoup d’adresse, à prendre les historiens-historisants comme M. Bloch et M. Luchaire, et les écrivains comme M. Maurice Barrès ou M. Paul Adam, en « flagrant délit de sociologie inconsciente ». C’est ingénieux. Mais on pourrait tout aussi bien s’amuser à prendre les sociologues en flagrant délit de psychologie inconsciente. Et M. Durkheim, dans La Division du Travail social, a écrit sur le bonheur telles pages toutes psychologiques, et d’une psychologie qui n’est pas moins « populaire » que la sociologie des « historiens historisants ». — Dans une autre étude M. Bouglé dénombre toutes les théories récentes sur la « division du travail social ». Ce rapport précis et documenté a déjà paru dans l’Année Sociologique de 1903.

Enfin, en tête de ce petit volume, M. Bouglé a placé une étude intitulée : « Qu’est-ce que la Sociologie ? », qui a paru dans la Revue de Paris de 1897 et qui donne au livre son titre. Titre ambitieux. Car M. Bouglé, au bout du compte, ne répond pas complètement à la question qu’il pose. Et il ne donne pas de la sociologie une définition vraiment complète. Car enfin, on voudrait bien avoir l’opinion de M. Bouglé sur les rapports de la sociologie et de la morale. Il aurait dû nous dire si, comme M. Lévy-Brühl, il réduit toute la morale à la sociologie appliquée, ou si, comme M. Rauh, il veut maintenir l’autonomie de la morale, ou s’il, se range à l’opinion de M. Durkheim, qui cette année, dans son cours, affirmait que la sociologie peut non seulement fonder la morale, mais encore renouveler la critique de la connaissance ? Mais M. Bouglé se borne à expliquer (il l’explique fort bien, à vrai dire) que la sociologie, c’est la science des formes sociales. Il pense probablement que son étude vaut par la modestie même et la prudence de ses conclusions : qu’aussi bien il n’entendait rien faire qu’un bon article de vulgarisation, que cet article s’adressait au grand public, et que, d’ailleurs, il date de 1897.

Questions esthétiques et religieuses, par Paul Stapfer, doyen honoraire de la Faculté des Lettres de Bordeaux. 1 vol. in-8 de 208 p., Paris, Alcan, 1906. — M. Stapfer réunit sous ce titre trois essais. Le premier, La question de l’art pour l’art, est un intéressant examen historique du problème si souvent débattu des rapports de l’art et de la morale. Le second est consacré à la philosophie religieuse de Pierre Leroux. Le troisième, qui doit nous arrêter un instant, est une étude sur La crise des croyances chrétiennes. Ce qui distingue la crise actuelle de toutes les précédentes, pense M. Stapfer, c’est « qu’elle présente bien moins l’aspect caractéristique d’une crise, — j’entends d’un trouble violent et passager qu’un rétablissement de santé suivra, — que celui de la fin toute naturelle et paisible d’une chose qui a l’air de mourir, simplement parce qu’elle a vécu assez longtemps » (p. 149-150).

L’antinomie de la religion et de la raison, ou de la science, est incontestable : si l’on étudie la psychologie des croyants modernes, l’on s’aperçoit qu’ils s’accommodent tant bien que mal d’une cote mal taillée entre leurs croyances traditionnelles et les exigences de leur raison. Le sentiment religieux ne peut désormais, conclut l’auteur, se satisfaire légitimement que dans le christianisme, ou protestantisme libéral, « dilution du christianisme, présentant l’avantage, — inappréciable pour les hommes de raison et de sentiment — de réduire au minimum l’irrationnel sans se confondre entièrement avec la philosophie » (p. 202). – Quant au catholicisme, c’est un « cadavre » (p. 201), une « ruine » (p. 201), à laquelle sont peut-être excusables de rester attachés les naïfs ou les politiques soucieux de maintenir l’ordre social ; mais les « personnes intelligentes » ne peuvent y croire ; elles le feignent seulement, pour des motifs peu avouables : « faiblesse », « calcul » ou « ostentation », et « on ne peut éprouver pour elles « que du mépris » (p. 202).

Peut-être cette exécution paraîtra-t-elle un peu sommaire et superficielle à tous ceux qui sont au courant du mouvement catholique contemporain, mouvement étudié jadis dans la présente revue par M. G. Sorel, et tout récemment par M. Wilbois ; – mouvement qui attire l’attention de la plupart des intelligences de notre temps : M. Stapfer n’en parle point. Un pareil manque de documentation est véritablement déconcertant. Que penserait M. Stapfer d’une étude sur la pensée protestante où l’on ignorerait jusqu’à l’existence des Sabatier, des Réville et des Harnack ?

L’art et l’enfant. Essai sur l’éducation esthétique, par Marcel Braunschvig. 1 vol. in-12 de xvi-400 p., Paris, H. Didier, 1907. – Le problème que pose M. Braunschvig, est, en même temps qu’un problème pédagogique, un problème social. On ne peut pas songer à faire l’éducation artistique de la démocratie, si l’on n’a d’abord terminé celle de l’enfant. C’est à l’école, dès le plus jeune âge, qu’elle doit commencer, sous peine d’être vouée à l’insuccès. Il ne s’agit, bien entendu, nullement de former des artistes ou des esthètes, mais simplement des hommes de goût.

Le principal écueil dont devra se garder cet enseignement de la beauté, c’est d’être théorique. C’est lentement et comme inconsciemment que les jeunes esprits seront initiés au culte de l’art ; et à vrai dire il s’agit là moins d’un enseignement que de suggestions appropriées. D’abord, on s’efforcera de placer l’enfant, dès sa naissance, dans un milieu artistique. C’est au contact perpétuel des belles choses que son goût se formera : « Si tout dans son entourage lui parle un langage de beauté, sans doctes leçons de ses maîtres, sans efforts pénibles de sa part, insensiblement se fera son éducation esthétique ». Il faudra donc, d’abord, que la maison, l’école, et même, s’il est possible, la ville et la campagne lui offrent des spectacles capables d’éveiller et de faire naître en lui la curiosité artistique. Cette éducation par le milieu devra être complétée par l’étude des arts. On cherchera à développer, par des exercices méthodiques, les sens et les facultés esthétiques de l’enfant. Le dessin, la musique, la poésie, devront se rendre accessibles à l’intelligence enfantine, et contribueront à la formation de son goût.

Le difficile n’est pas de poser des principes, mais de les appliquer dans le détail. L’on peut dire que M. Braunschvig y a, dans une large mesure, bien réussi. Son livre est plein de vues très fines, de remarques ingénieuses, d’aperçus nouveaux. Il montre surtout un grand sens pratique, ce dont on ne saurait trop le féliciter : c’est ainsi qu’on y trouve, avec une bibliographie sommaire des collections et des ouvrages d’art, un projet de bibliothèque enfantine. Peut-être pourrait-on regretter parfois que M. Braunschvig, comme du reste tant de pédagogues à l’heure actuelle, abuse de la méthode dialectique qui consiste à déduire a priori et abstraitement l’excellence ou la fausseté d’une méthode des facultés supposées de l’enfant. Nous croyons, dit-il, que telle méthode de dessin sera d’un grand profit. Il est à craindre que cette autre ne donne de mauvais résultats. Sans doute. Mais comme d’autres pédagogues craignent pour la première et croient la seconde, il semble qu’il n’y ait qu’un moyen de les départager et que ce moyen, ce soit le recours à l’expérience. Et l’on peut regretter, qu’en une matière de fait comme celle-ci, on n’y fasse pas plus souvent appel. — Mais insister sur cette critique serait oublier que ce livre est bien moins un travail de recherches qu’un livre d’action, et, à ce point de vue, on ne peut que le louer sans réserve. Nous n’avons qu’un souhait à ajouter à ceux que forme M. Braunschvig : c’est que son livre soit beaucoup lu par ceux qui ont charge de l’éducation des enfants, les parents et les maîtres, auxquels il est destiné.

L’éducation d’après Platon, par Gustave Dante. 1 vol. in-8 de xxi-229 p., Paris, Alcan, 1907. — M. Dantu a réuni et commenté dans ce volume, les principaux textes de Platon qui touchent à l’éducation. Mais, parce que l’éducation implique une théorie des sciences et une politique, M. Dantu nous donne son avis sur les doctrines du langage, de la musique, de la science, de l’âme de Dieu, de la cité, etc., dans l’œuvre de Platon. En sorte qu’il lui reste fort peu de place pour parler de l’éducation elle-même. — L’ouvrage est muni d’une préface ou se trouvent résumées les théories modernes relatives à la chronologie des dialogues. Mais, dans son exposé, M. Dantu ne veut pas distinguer ce qui appartient aux différents dialogues, et le tableau qu’il présente est fort confus. Enfin, comme M. Dantu paraît connaître d’assez loin la littérature et les institutions grecques, il ne peut faire des comparaisons qui eussent été nécessaires. — Bref, ce travail qui témoigne, malgré une rhétorique passablement désuète d’un goût assez vif pour l’histoire et de quelque érudition platonicienne, est composé selon une mauvaise méthode, et n’aura guère été utile qu’à son auteur.

Essai sur l’atomisme et l’occasionalisme dans la philosophie cartésienne, par Joseph Prost. 1 vol. in-8 de 274 p., Paris, Henry Paulin, 1907. – L’objet de ce travail est de montrer comment de la physique de Descartes ont pu sortir les doctrines atomistiques de Géraud de Cordemoy et les théories occasionalistes de Louis de la Forge et de Malebranche. L’exécution est inégale. Les chapitres sur Descartes, Malebranche et Leibniz manquent de précision et l’auteur se laisse aller, dans sa conclusion, à des considérations bien hasardées sur la filiation des grandes métaphysiques du xviie siècle. Mais les études sur Cordemoy et de la Forge seront très utiles. M. Prost donne des analyses abondantes, de longues citations et il appelle avec raison l’attention sur deux écrivains qui eurent — surtout le premier — un grand succès vers 1670. Les problèmes divers que soulève l’histoire de la diffusion du cartésianisme dans la seconde moitié du xviie siècle ne sont pas résolus par ce livre, mais on y trouvera des matériaux assez nombreux.

La philosophie à l’Académie protestante de Saumur (1606-1685), par Joseph Prost. 1 vol. in-8 de 173 p., Paris, Henry Paulin, 1907. — Cette petite monographie appartient à un genre très utile. L’histoire de la philosophie du xviie siècle est encore mal connue, parce que nous ignorons les philosophes secondaires par lesquels le cartésianisme s’est infiltré dans la scolastique. M. Prost nous fait connaître avec assez de précision deux de ces philosophes d’école, Jean-Robert Chouet et Pierre de Villemandy. Malheureusement, l’auteur manque de connaissances historiques générales et son étude, qui paraît sérieusement faite, n’est pas, pour cette raison, aussi instructive qu’on le pourrait souhaiter.

Œuvres de Spinoza, traduites et annotées par Ch. Appuhn, professeur de philosophie au lycée d’Orléans, tome I : Court Traité. — Traité de la Réforme de l’Entendement. — Principes de la philosophie de Descartes. — Pensées métaphysiques, 1 vol. in-12 de viii-570 p., Paris. Garnier frères, 1907. – C’est une bonne fortune pour les lecteurs français que l’entreprise d’une traduction des Œuvres complètes de Spinoza (à l’exception de l’Abrégé de grammaire hébreue et d’un fragment sur le Calcul des Chances), destinée à prendre la place de l’œuvre de Saisset qui a été utile, mais où apparait trop une tournure d’esprit que nous ne comprenons plus. Par contraste, on devait être fort exigeant à l’égard du nouveau traducteur de Spinoza ; on lui demandait d’être au courant des minutieuses recherches historiques et philologiques des W. Meijer, des Léopold, des Meinsma, des Freudenthal, de faire passer dans le détail même de la version française les nuances de pensée sur lesquelles ces recherches ont porté l’attention, de signaler dans les notes les points délicats où la doctrine spinoziste demeure pour nous indéterminée et obscure, et pourtant de ne pas laisser sombrer dans l’incertitude qui peut en voiler certaines parties l’inspiration profonde qui fait l’unité du tout. M. Appuhn a eu la claire conscience de ces exigences diverses, et il a réussi à y satisfaire. Nous ne pouvons que signaler ici, sans y insister, les nombreuses notes relatives à l’établissement du texte du Court Traité de Dieu, de l’homme et de la santé de son âme, la très judicieuse notice sur la position historique et sur les rapports mutuels des Principes de la philosophie de Descartes et des Pensées métaphysiques ; nous voudrions citer du moins quelques lignes de la dernière partie de la Notice consacrée au Traité de la Réforme de l’Entendement : M. Appuhn explique pourquoi Spinoza le laissa inachevé et quelles besognes lui apparurent plus pressantes : « Il avait à écrire le Traité théologico-politique et à prouver, contre toutes les sectes (celle des collégiants exceptée), que l’État peut et doit être entièrement laïque, laisser à l’individu l’entière liberté de ses pensées philosophiques et religieuses et ne permettre à aucune autorité religieuse de s’imposer par la force. Il avait à composer le Traité politique et n’a pu aller au delà du onzième chapitre. Par-dessus tout il avait à rédiger l’Éthique, à établir par la grande voie métaphysique, la seule qu’il pût suivre, que le courage et la générosité ont par eux-mêmes un prix infini, et que la moralité n’a pas besoin de récompense, étant, identique à l’être, etc. »

John Locke. Ses théories politiques et leur influence en Angleterre. Les libertés politiques. L’Église et l’Etat. La tolérance, par Ch. Bastide, docteur ès lettres, professeur agrégé au lycée Charlemagne. 1 vol. in-8 de 397 p. Paris, Leroux, 1907. – M. Bastide nous offre une biographie de Locke plus complète que toutes celles qui ont été publiées en France. Il s’attache à montrer quelles influences, au cours de sa vie, a pu subir le philosophe : influence des puritains et des latitudinaires, influence de Shaftesbury (l’homme politique), influence des publicistes hollandais (qu’il ne faut pas exagérer). Il insiste sur le rôle politique, peu connu, que Locke a été amené à jouer dans la dernière partie de sa vie : si la Révolution de 1688, dit M. Bastide, n’a pas connu le régime des assignats, c’est à Loche qu’elle le doit. — Après cette biographie vient l’exposé des théories politico-religieuses de Locke. Mais, pour les expliquer, M. Bastide remonte jusqu’à la Réforme : il trace un tableau non-seulement des différentes écoles (de Hobbes à Filmer) mais des différents partis (depuis celui de l’Église anglicane, absolutiste, jusqu’à celui des niveleurs républicains). Il a dépouillé les nombreux traités ou pamphlets publiés soit en Angleterre soit en Hollande sur la question de la tolérance ; et c’est seulement après avoir résumé les idées qu’ils expriment, qu’il commence l’exposé des théories de Locke. Cet exposé (et l’on pourrait faire la même remarque à propos des chapitres très complets où M. Bastide raconte le destin des idées de Locke en Angleterre) ne révèle rien de très nouveau. Mais ce qui est neuf, dans ce livre, c’est l’effort tenté pour replacer Locke dans son milieu politique. À vrai dire, ce qu’a voulu faire M. Bastide, c’est moins une étude de Locke qu’une étude de la politique religieuse de son temps. Locke est choisi comme sujet de cette thèse parce qu’ « il est l’homme qui représente le plus complètement cette époque ». Aussi l’auteur a-t-il dû le rattacher très étroitement à l’Angleterre de la Restauration et de la seconde Révolution. Il en résulte qu’il a vu en lui moins le philosophe que l’homme d’action. L’Essai sur l’entendement lui-même, aux yeux de M. Bastide, avait un but utilitaire. — Cette interprétation n’est pas inexacte. Peut-être M. Bastide tombe-t-il dans quelque excès : son plan l’obligeait à négliger l’Essai sur l’Entendement (une allusion à l’histoire de cet ouvrage, p. 51, est même inexacte : M. Bastide semblant dire qu’en 1677 Locke « complétait » l’Essai) ; il l’obligeait par suite, à négliger le mouvement philosophique auquel ce livre appartient, les précurseurs et les adversaires de Locke dans le domaine purement spéculatif. D’autre part, M. Bastide exagère l’influence de certains hommes politiques : il va jusqu’à dire que tel ouvrage de Locke reflète les idées de Shaftesbury : cet homme d’État aurait-il donc trouvé dans le philosophe un flatteur plutôt qu’un conseiller ? Il n’en est pas moins vrai que nous sommes trop disposés, en France, à ne voir en Locke qu’un adversaire — ou un demi-disciple — de Descartes, l’auteur de l’Essai sur l’Entendement. Si important que soit cet ouvrage, il n’est, dans la vie de Locke, qu’un épisode, tandis que cette vie a été remplie par des préoccupations politiques et religieuses. M. Bastide a bien fait de nous le rappeler.

La philosophie de Sully Prudhomme, par Camille Hémon, avec préface de M. Sully Prudhomme, 1 vol, in-8 de 464 p. Paris, Alcan, 1907. — Deux parties, d’intérêt très inégal, dans ce gros livre. La première, analyse fort abstraite de la pensée logique, scientifique et métaphysique de M. Sully Prudhomme, se recommande par la conscience et par la précision des détails ; mais la méthode exclusivement dogmatique que M. Hémon y emploie n’est pas très propre à mettre en valeur l’originalité de son auteur. M. Sully Prudhomme écrit dans sa préface que ses idées philosophiques « ne constituent pas un système, un ensemble qui permette de concevoir la raison d’être, la cause et l’évolution de l’univers pour un être qui pense et qui sent », que son enquête « est purement psychologique » (p. XIX) ; et il faut voir là, à n’en pas douter, un demi désaveu des efforts accomplis par M. Hémon pour constituer avec les eléments de sa pensée une doctrine abstraite. Cette doctrine existe sans doute ; mais elle ne se dégage pas clairement, dans son unité et dans ses articulations essentielles, de l’étude de M. Hémon. Aussi bien la valeur de la pensée de M. Sully Prudhomme ne doit-elle pas être tant cherchée dans la nouveauté des problèmes et l’originalité des solutions, ni dans l’unité achevée de la systématisation, que dans la rare qualité d’âme du penseur. M. Sully Prudhomme est le plus philosophe de nos poètes, mais il reste toujours poète. Il a vécu avec une sincérité profonde et une rare richesse d’émotions les conflits d’idées et de sentiments de son temps ; il en est à ce titre un des personnages les plus représentatifs : là est son originalité la plus incontestable. Cette originalité, une exposition purement dogmatique risque de nous la faire chercher où elle n’est pas. Aussi M. Hémon aurait-il mieux servi la réputation philosophique de son maître s’il avait renversé l’ordre et les proportions de son livre, pour lui donner comme centre l’étude de l’aspiration. N’est-il pas amené lui-même à reconnaître que « ce qu’il y a de plus vivant et de plus original en lui, c’est encore l’artiste, le poète » (p. 82). Cf. aussi p. 455 : « Il n’y a pas de penseur plus honnête dans tous les sens de cette qualification. » Aussi la seconde partie du livre de M. Hémon, consacrée à l’étude de l’aspiration sous toutes ses formes, est-elle beaucoup plus intéressante, beaucoup plus juste par la méthode et par le ton.

L’erreur de M. Hémon vient de ce qu’il est parti de cette définition que Sully Prudhomme donne de la métaphysique : « La métaphysique est une chose à la fois spéculative et émotionnelle », et de ce qu’il a cru devoir étudier à part la spéculation et l’émotion, ou aspiration. En fait spéculation et émotion sont constamment mêlées dans la pensée de M. Sully Prudhomme, et de là vient l’intérêt tragique des problèmes qu’il se pose à lui-même. Il y a deux personnes en lui, le positiviste et le mystique, deux tendances, l’esprit critique et l’aspiration ; mais ces deux personnes, ces deux tendances n’en font qu’une, tant elles s’entremêlent étroitement. On ne peut, sans être infidèle à la pensée du maître, les analyser séparément comme si elles avaient un développement parallèle et distinct.

Même si cette division était légitime, il manquerait au livre de M. Hémon d’avoir nettement situé la position de M. Sully Prudhomme dans le conflit des doctrines contemporaines. C’est le Kantisme qui fournit les cadres où se développe sa pensée spéculative. L’homme tend à dépasser le point de vue des phénomènes pour atteindre les objets métaphysiques, mais sa dialectique se heurte à des antinomies spéculativement insolubles. Cela, M. Hémon l’a fort bien montré. On aimerait pourtant qu’il eût mieux indiqué le sens dans lequel M. Sully Prudhomme a corrigé et étendu l’emploi de la méthode kantienne. (Cf. surtout 4e partie, chap. I. Critique des antinomies spéculatives.) La plus grosse différence semble venir de ce que M. Sully Prudhomme part de l’intuition tandis que Kant part de la représentation. C’est ce qui permet à M. Sully Prudhomme de multiplier les antinomies (M. Hémon en distingue un peu artificiellement quatre sortes), entre des thèses suggérées beaucoup moins par l’extension d’un principe de l’entendement que par la réflexion sur des intuitions divergentes senties avec une certitude égale. C’est ce qui lui permet encore d’échapper à la troisième antinomie de Kant, et de se prononcer pour le libre arbitre senti dans une intuition incontestable. C’est aussi la raison pour laquelle il n’y a point, chez Sully Prudhomme, de tables des catégories. Sa critique est moins le fait d’un criticiste que d’un esprit critique.

D’autre part M. Sully Prudhomme pense toujours dans les cadres de l’immanence. Il supprime la chose en soi. Il a une invincible tendance au monisme et au panthéisme ; mais, comme l’immanence serait toujours incomplète dans un panthéisme qui conserverait le nom de Dieu, le panthéisme de M. Sully Prudhomme est un panthéisme sans Dieu. Cette tendance au monisme inspire ses études du libre arbitre, de l’effort musculaire, et surtout de l’expression (p. 210-274), une des parties les plus originales de sa doctrine. Il a l’intuition d’une certaine communauté

de nature entre le physique et le moral c’est le même élan qui pousse la matière, la vie et la conscience dans une évolution incessante. Considérée dans cet aspect, la pensée de M. Sully Prudhomme s’éloigne du Kantisme pour se rapprocher du Bergsonisme, saisissant dans l’univers une certaine continuité de vie et de progrès d’où toute finalité est exclue. Les analogies sont surtout frappantes en ce qui concerne l’étude de l’émotion esthétique et de l’expression, et on s’étonne que M. Hémon ne les signale pas.

Mais, encore une fois, ce qui constitue l’originalité la plus marquée de la pensée de M. Sully Prudhomme, ce qui la caractérise le mieux, c’est la philosophie de l’aspiration esthétique et morale, la critique qu’il en fait, l’interprétation poétique qu’il en donne, la solution qu’il apporte, par l’action, aux antinomies de l’aspiration et de la spéculation. Cette partie du livre de M. Hémon est de tous points excellente (p. 325, fin). Le pragmatisme pessimiste de M. Sully Prudhomme y est très heureusement caractérisé.

Enfin il faut faire une place à part, dans l’œuvre de M. Sully Prudhomme, à sa philosophie sociale. Il semble que M. Hémon eût pu en faire l’objet d’un chapitre distinct. Elle se résume dans ces quelques articles essentiels : foi au progrès, foi en la vertu moralisatrice de la science et du travail, patriotisme laborieux et pacifique. Signalons en particulier l’étude des fondements du patriotisme (p. 297 sq. et 427 sq.) : l’utilité pratique et la nécessite humaine du sentiment patriotique ont été rarement mis en lumière avec plus de justesse et de force.

Malgré les défauts de son livre, il faut savoir gré à M. Hémon de nous avoir fait sentir que, dans un siècle où la science et les arts se sont si extraordinairement développés, mais qui a perdu la foi aux anciens Dieux, qui continue à aspirer et à créer alors même qu’il ne peut plus prouver, qui cherche l’équilibre de l’intelligence et oscille sans le trouver de Darwin et de Comte à Pascal en passant par Kant, — et dans une société fondée sur le patriotisme, la justice et le travail, — M. Sully Prudhomme, qui a subi toutes ces influences, ressenti tous ces besoins, éprouvé toute la fierté de ces conquêtes et toute l’inquiétude de cette impuissance, et qui les a chantées dans des vers inoubliables, est un de nos grands bienfaiteurs, parce qu’en éclairant notre conscience, sa vaste sincérité a essayé d’ouvrir la voie à une ère de développement normal et de travail paisible.

Philosophie et philosophes, par A. Schopenhauer, première traduction française, avec préface et notes par A. Diétrich. 1 vol. in-12 de 207 p., Paris, Alcan, 1907. — M. Diétrich poursuit le dessein qu’il a entrepris de présenter au grand public français l’essentiel des parties non encore traduites de l’œuvre de Schopenhauer. Nous avons déjà, à l’occasion du volume Écrivains et style, exprimé notre opinion sur cette entreprise. Sans doute on ne peut que s’estimer heureux de voir mettre à la disposition des lecteurs français, en volumes de prix modique, une version généralement très exacte des fragments les plus saillants de l’œuvre non traduite du célèbre pessimiste ; mais, puisque le cadre de cette traduction dépasse de beaucoup le petit volume de Pensées et fragments, traduit par J. Bourdeau, et qui n’a pas eu moins de 21 éditions, il nous semble très regrettable que le traducteur et l’éditeur n’aient pas délibérément entrepris une traduction intégrale des Parerga et Paralipomena. L’effort ni la dépense n’eussent pas été bien considérables puisque les trois volumes déjà publiés par M. Diétrich, joints au quatrième qu’il annonce et aux Aphorismes sur la sagesse dans la vie déjà traduits par M. Cantacuzène, comprendrait la majeure partie des Parerga et Paralipomena. M. Diétrich a préféré réunir les pensées relatives aux écrivains et au style, à la religion, à la philosophie universitaire, etc. Il nous donne ainsi des volumes agréables à lire, d’une unité assez satisfaisante et qui pourront plaire à ceux des lecteurs qui ne veulent rien plus que passer agréablement une heure ou deux en compagnie du plus humoriste des philosophes. Commercialement, c’est peut-être une bonne affaire ; philosophiquement, le bénéfice est moindre, et de tels livres ne constituent que des instruments de travail fort imparfaits. C’est ainsi que le volume que nous avons sous les yeux. Philosophie et Philosophes, ne nous donne pas une idée complète des diatribes de Schopenhauer sur la philosophie universitaire, puisqu’il y faudrait joindre la préface et maint passage de la troisième édition du Monde, quantité de Lettres et de fragments posthumes édités par Grisebach. Il en va de même des pages relatives à l’histoire de la philosophie, auxquelles on aurait pu ajouter les fragments si importants du Nachlass. En outre, aucune indication de page ni de chapitre ne permet de se reporter de la traduction à l’original.

Ces réserves faites, le volume intitulé Philosophie et Philosophes contient des pages intéressantes, nerveuses et spirituelles. Voici les titres des fragments traduits : La philosophie universitaire. — Sur l’histoire de la philosophie. — Rapports de la philosophie avec la vie, l’art et la science. — Quelques considérations sur l’opposition de la chose en soi et du phénomène, — enfin quelques aphorismes psychologiques. Le premier, le plus étendu, n’est pas le plus intéressant. Décidément, la haine de Schopenhauer contre ses anciens collègues est plus tenace qu’inventive et l’accusation de mercantilisme qui, à tout instant, rabaisse ce débat, n’est pas rachetée par une intelligence vraiment pénétrante des systèmes critiqués. Entre les grands idéalistes de l’école romantique et Schopenhauer, il existe une telle différence de tempérament intellectuel que la discussion ne tarde pas à se réduire à de stériles invectives. Aussi bien a-t-il manqué à Schopenhauer le sens de l’histoire, dont Hegel a été doué à un degré éminent. On sait quelle mince estime il professait pour cette science, moins instructive, à ses yeux, que le roman. Des fragments sur l’histoire de la philosophie confirment curieusement cette inaptitude à pénétrer le passé et la pensée d’autrui quand celle-ci ne se trouve pas en affinité avec la sienne, Un exemple entre cent, d’autant plus caractéristique que Schopenhauer s’applique à interpréter Spinoza « de la manière qui lui est le plus favorable » ; et cet effort aboutit à des conclusions de ce genre : « Son horizon et sa culture étaient excessivement restreints… » ; il lui a manqué « la technique du philosophe, la faculté de répéter in abstracto l’essence du monde qu’il reconnaît par intuition » ; son « panthéisme n’est qu’un athéisme poli », etc.

Uber die Stellung der Gegenstandstheorie im System der Wissenschaften, par A. Meinong. 1 vol. gr. in-8 de viii-159 p., R. Voigtländer, Leipzig, 1907. – Ce volume contient trois articles que l’éminent professeur de Graz a publiés récemment dans la Zeitschrift für Philosophie und philosophische Kritik pour défendre contre des objections d’ordres divers la discipline originale qu’il a appelée Gegenstandstheorie, délimiter l’objet distinct auquel elle s’applique, les résultats essentiels qu’elle a déjà permis d’atteindre, marquer enfin sa relation soit avec la psychologie et la métaphysique, soit avec la logique et la théorie de la connaissance. C’est donc une excellente occasion, pour le lecteur, de prendre contact avec une doctrine qui n’a pas encore été en France l’objet de l’attention sérieuse à laquelle elle a droit. L’auteur est un psychologue qui a reconnu l’insuffisance des procédés mis en œuvre par la psychologie pour l’étude de l’intelligence humaine. Le psychologisme repose sur ce postulat que la connaissance se réduit tout entière, contenu et forme, au processus subjectif que la conscience peut saisir en se repliant sur elle-même. Or ce postulat est, du point de vue même de la psychologie, insoutenable : nul ne confondra la présentation de la couleur avec la couleur elle-même, ou le jugement sur la distinction du vert et du jaune avec cette distinction elle-même ; cela seulement relève du sujet, ceci constitue l’objet. La psychologie étudie les événements du sujet ; de quelle science relève l’étude de l’objet ? Pour la couleur, direz-vous que c’est la physique ou la physiologie ? Mais le physicien ne connaît que des vibrations, le physiologiste ne connaît que des chocs ou des courants ; aucune science n’a donc affaire avec telle chose que la couleur, si ce n’est précisément la Gegenstandstheorie qui a pour fonction de recueillir les objets « sans patrie ». À plus forte raison, quand je juge que le vert et le jaune sont deux couleurs différentes, la diversité, qui est l’objet propre de mon jugement, appartient-elle à cette discipline spéciale, dont le domaine s’étend, hors de la sphère de l’existence sensible et de l’expérience immédiate, à tout ce qui n’est pas le réel proprement dit, à ce qui est « libre de l’existence ». À ce titre, la Gegenstandstheorie est en connexion étroite avec la mathématique, et M. Meinong apporte une contribution des plus suggestives et des plus probantes à la thèse de l’a priorisme. Il montre que le débat entre l’empirisme et le rationalisme a été faussé depuis des siècles par ce préjugé que les deux doctrines étaient des armes de guerre destinées à l’anéantissement du rôle de la raison ou du rôle de l’expérience dans la science ; que le problème se résout, dès qu’il est bien posé, par la distinction des différents éléments du savoir. Les éléments d’ordre inférieur sont empruntés à l’expérience ; ce sont ceux qui concernent telle ou telle réalité particulière, comme, par exemple, ma table de travail. Tout ce qui est bâti sur cette connaissance purement empirique, depuis les idées générales, les jugements de comparaison qualitative jusqu’aux définitions de la mathématique et aux théorèmes des géométries euclidiennes ou non euclidiennes, tous les objets d’ordre supérieur, comme dit M. Meinong, tout cela est a priori. Cet a priori est l’objectif des jugements, comme la chose particulière est l’objet d’une présentation empirique. Tout en demeurant positive par son attention aux faits, sans se confondre avec la métaphysique qui est la science de l’être, la science de cet objectif « libre de l’existence », ou la Gegenstandstheorie, a sa place dans le système des sciences : c’est elle qui fait correspondre un objet effectif aux concepts et aux jugements dont la psychologie décrit la genèse sans en pouvoir légitimer la valeur ; c’est elle seule, par conséquent, qui peut fonder sur des lois nécessaires les normes que prescrivent la logique et la théorie de la connaissance.

Untersuchungen zur Sinnespsychologie, von Franz Brentano, 1 vol. in-8 de x-161 pp., Duncker et Humblot, Leipzig, 1907. — Le livre de M. Brentano est composé de trois mémoires présentés l’un en janvier 1893, à la Société philosophique de Vienne : Vom phanomenalen Grün ; les deux autres aux Congrès internationaux de psychologie de Munich (1896) et de Rome (1905) : Ueber Individuation, multiple Qualität und Intensität sinnlicher Erscheinungen, — et Von der psychologischen Analyse der Tonqualitäten in ihre eigentlich ersten Elemente. Bornons-nous à résumer le premier de ces mémoires, le plus important des trois, que complète un long appendice (de 1905).

La thèse que soutient M. Brentano dans ses articles sur le vert phénoménal, est double :

1° Il y a des couleurs composées comme il y a des sons composés, les accords musicaux.

2° Le vert est une couleur composée, formée par la combinaison du bleu et du jaune qui sont, avec le rouge, les seules couleurs simples.

I. Les adversaires de M. Brentano, alors qu’ils admettent la composition des sensations pour tous les autres sens, ouïe, odorat, goût, la rejettent en ce qui concerne les sensations visuelles, invoquant le principe de l’extériorité de ces sensations et s’appuyant principalement sur cette raison que le composé, dans le cas des sensations visuelles, ne ressemble pas aux éléments, contrairement à ce que l’on peut pour les autres sens. Ainsi le blanc, mélange de toutes les couleurs et qui devrait ressembler un peu à chacune d’elles, ne se rapproche d’aucune. Mais M. Brentano réfute cette objection en faisant observer qu’une même excitation produit dans divers organes des sensations différentes, et que, de même, en poussant plus loin le principe de la spécificité des fonctions sensorielles, dans un même organe complexe comme l’œil, on peut distinguer plusieurs appareils spécialisés suivant plusieurs fonctions particulières et produisant, pour une même excitation, des sensations différentes. Pour la vue en particulier, parmi ces multiples impressions qu’éveille tout rayon lumineux, outre la sensation d’une couleur spéciale il existe toujours une sensation plus ou moins forte de blanc. En sorte que, lorsque plusieurs couleurs frappent simultanément un même point de la rétine, alors qu’isolées chacune d’elles l’emporterait sur la légère sensation de blanc qu’elle contient et la ferait disparaître, la sensation totale formée par la somme de toutes ces petites sensations de blanc devient plus intense que chacune des autres couleurs et les domine. Quoiqu’il en soit de cette très ingénieuse conception qui rend compte de nombreux faits, elle porte seulement contre les théories qui, admettant le principe de la composition des sensations, contestent l’existence de sensations visuelles composées. On peut accorder à M. Brentano que son argumentation permet d’assimiler les sensations visuelles aux autres sensations, et qu’à l’égard des unes et des autres on peut au même titre parler de sensations composées. Mais qu’entend-il par cette composition ? Porte-t-elle, selon lui, comme selon Spencer et Taine, sur le phénomène psychologique lui-même, ou seulement, et en ce cas sa théorie conserverait toute sa valeur et sa portée sur les dernières conditions physiologiques du phénomène psychologique ? Il ne s’est pas expliqué sur ce point dans ce travail et il n’examine aucune des nombreuses difficultés que soulève, lorsqu’on l’applique aux phénomènes psychologiques, ce principe de la composition et de la combinaison, dont l’usage légitime se limite peut-être aux faits physiques et physiologiques.

II. Les théories que combat M. Brentano dans la deuxième partie de son travail considèrent quatre couleurs comme simples : le bleu, le jaune, le rouge et le vert, auxquelles on peut ajouter le blanc et le noir, et donnent à cette classification une base physiologique en rattachant la production de ces six sensations primitives, opposées deux à deux, le bleu au jaune, le rouge au vert, le blanc au noir, à trois processus d’assimilation et de désassimilation distincts. Malgré la simplicité apparente de ces conceptions séduisantes, M. Brentano entreprend de les réfuter, en s’appuyant à la fois sur les faits et sur les principes. Le vert, dit-on, n’est pas un ton jaune-bleu, car si l’on projette de la lumière bleue et de la lumière jaune sur un écran on n’obtient pas un vert mais un gris. Or M. Brentano, reproduisant cette expérience, a obtenu, grâce à un dispositif spécial, un gris tirant nettement sur le vert, et il en explique la faible saturation par l’apparition simultanée, et par contraste, d’un peu de rouge qui en neutralise une partie. De plus, une observation, attentive (et le témoignage des peintres) montre que le bleu ne s’oppose pas au jaune mais à l’orange, et le violet au jaune, c’est-à-dire à une couleur simple une couleur composée du mélange des deux autres couleurs simples. Se fondant sur ce fait, et invoquant le principe de J. Müller relatif à la spécificité des organes des sens, complété par la notion de la spécificité des genres de sensations à l’intérieur d’un même sens, M. Brentano propose la théorie suivante. À chaque qualité sensible correspond une fonction physiologique, et à chaque processus de désassimilation lié à l’apparition d’une sensation succède un processus d’assimilation. Mais si l’assimilation des organes correspondant aux diverses fonctions de la vue dépend d’une même source, à une très forte désassimilation de l’un d’eux succédera un très intense processus d’assimilation qui, ne recevant pas immédiatement de la source principale à laquelle il est rattaché les éléments dont il a besoin, les empruntera aux organes voisins, produisant ainsi des processus de désassimilation secondaires auxquels correspondent les sensations complémentaires. Cette hypothèse explique comment à une couleur simple réagissent les deux autres couleurs (M. Brentano admet que les trois couleurs simples, le bleu, le jaune et le rouge sont reliées à une même source d’énergie et l’appareil producteur des sensations de blanc et de noir à une autre), c’est-à-dire la couleur composée qui résulte de leur combinaison. De cette théorie découle également une nouvelle conception du contraste des couleurs : il s’agit d’une opposition purement physiologique, nullement d’une incompatibilité psychologique et dans certains cas, comme dans le spectre, lorsque l’on diminue progressivement l’intensité de la source lumineuse, on perçoit une couleur grisâtre, qui est nettement teintée de vert olive et que M. Brentano, qui l’appelle un vert-rougeâtre, considère comme un mélange de toutes les couleurs simples ; de bleu, de jaune, de rouge, et aussi de blanc et de noir.

Der Intellektualismus in der Griechischen Ethik, par Max Wundt. 1 vol. in-8 de 103 p., Leipzig, W. Engelmann, 1907. — L’objet de ce travail, qui est une sorte de préface à une histoire générale des morales grecques, est de montrer la part considérable de l’intellectualisme dans l’Éthique des Grecs. Le principe de toutes les morales grecques, depuis Homère jusqu’à Plotin, est la subordination des instincts et des passions à l’intelligence, leur idéal est le gouvernement rationnel de la vie humaine : Cet idéal est réalisé par le sage, en qui l’intelligence s’unit à la volonté droite (pp. 1, 100, 101). L’intellectualisme grec a pris deux formes une forme proprement rationnelle et scientifique chez Démocrite et Socrate, et une forme religieuse et mystique (p. 18) dont l’ascétisme orphique du vie siècle nous offre l’exemplaire le plus ancien (pp. 22 et 29). L’histoire des morales grecques nous montre le spectacle du conflit de ces deux sortes d’intellectualisme, qu’Aristote réussit à réconcilier un moment. Après Aristote, l’élément mystique va prédominer dans les spéculations fantaisistes du néopythagorisme et du néoplatonisme. La dissertation de M. Max Wundt (dont les matériaux semblent empruntés pour la plupart aux travaux de Köstlin et de Ziegler) énonce avec beaucoup de clarté et d’élégance des idées raisonnables. Et il faut espérer que l’histoire annoncée réalisera le beau programme dont nous trouvons ici l’esquisse et le plan.

Neue Studien zur aristotelischen Rhetorik, insbesondere über das Γένος ἐπιδειϰτιϰόν (Genos epideiktikon), par Oskar Kraos. 1 vol. in-8 de 117 p., Halle, Max Nietneyer, 1907. — L’auteur a proposé, en 1905, une interprétation nouvelle du λόγος ἐπιδειϰτιϰός (logos epidektikos), mentionné dans la Rhétorique d’Aristote. Ce n’est pas, selon lui, un discours d’apparat, mais un discours destiné à montrer (ἐπιδειϰνύναι (epideiknunai)) la valeur morale d’une action, son caractère honnête ou honteux. Une recension fort méprisante de Wendland a été l’occasion de l’ouvrage présent, où M. O. Kraus défend, non sans quelque violence, son interprétation. La Rhétorique d’Aristote se rattache au système tout entier du philosophe, (pp. 14-15), c’est-à-dire qu’Aristote reste fidèle aux conceptions morales Platon et de Socrate. Au discours d’apparat pratiqué par les Rhéteurs — et rejeté déjà par Platon dans le Phèdre et le Menexène, — Aristote, comme son maître, oppose le discours épidictique, où les actions des hommes sont, dans les termes les plus simples et les plus clairs, sans aucun ornement parasite, louées ou critiquées comme elles le méritent (p. 28) M. O. Kraus attaque vivement, dans les chapitres 5, 8, 9, diverses corrections ou interprétations proposées par R. Wendland. D’après lui (chap. 8, p. 58-Sij le discours épidictique doit être distingué de l’ἐπίδειξις (epideixis) des Rhéteurs, dont il diffère comme l’espèce du genre c’est une espèce déterminée et définie par son caractère moral. Le ton violent sur lequel cette dissertation est écrite enlève quelque portée aux conclusions de l’auteur. Au surplus, les raisons que M. O. Kraus apporte en faveur de son hypothèse sont faibles. Et l’interprétation subtile qu’il propose est contraire à tout ce que nous savons des méthodes objectives employées par Aristote dans sa Rhétorique.

Philosophes contemporains par Halard Höffding, professeur à l’Université de Copenhague, correspondant de l’Institut de France, traduit de l’allemand par A. Tresmesaygues, 1 vol. in-8 de 208 p., Paris, Alcan, 1903. — C’est le complément de l’ « Histoire de la Philosophie moderne », qui s’arrêtait en 1880 ; et M. Höffding, dans l’introduction du présent volume, nous explique pourquoi il avait choisi cette date pour terminer son étude. En premier lieu, le conflit des deux grands courants de pensée du xixe siècle », du romantisme et du positivisme, avait pris fin vers cette date. Et la raison nous paraît médiocre : ne pourrait-on prétendre que, de nos jours encore, se reproduit, sous des formes à peine nouvelles, le conflit de ces deux tendances ? En second lieu, nous manquons, pour juger les contemporains, « des éclaircissements psychologiques ou biographiques » nécessaires. En troisième lieu, nous manquons du recul nécessaire pour apprécier, avec l’objectivité qu’il faudrait, les travaux des philosophes vivants. Ajoutons une quatrième raison, propre à justifier la circonspection de M. Höffding ; et cette raison, c’est que le présent fuit sans cesse sous nos pas. À l’heure où paraît cette traduction, l’ouvrage de M. Höffding date déjà. Nous n’y trouvons mentionnés ni M. Poincaré (qui aurait aujourd’hui sa place marquée dans la section des « savants philosophes »), ni M. Bergson, qui a synthétisé en une vaste philosophie de la nature ce que M. Höffding appelle « le courant biologique » de la pensée contemporaine, ni M. B. Russell, dont les recherches de logique pure sont peut-être (nous serions portés à dire : probablement) de nature à rénover le rationalisme idéaliste.

Ne discutons donc pas La classification des philosophes contemporains adoptée par M. Höffding. Lui-même ne la considère sans doute que comme un procédé commode pour la division des matières, et ne prétend pas qu’elle soit fondée sur un principe systématique rigoureux. Il étudie d’abord « le courant objectivo-systématique » : il traite, en d’autres termes, sous cette rubrique, des penseurs qui posent le problème de l’existence, et cherchent à constituer un système de l’univers. Tels Wundt, Ardigò, Bradley (le philosophe d’Oxford, en qui M. Höffding ne sembla pas éloigné de voir le plus profond des métaphysiciens contemporains), Fouillée. Le chapitre sur Fouillée est précédé de chapitres intéressants sur Taine et Renan, et suivi de deux autres chapitres sur la philosophie de la discontinuité », étudiée d’abord chez Renouvier, ensuite chez M. Boutrous. L’ensemble constitue un tableau très clair de l’histoire de la philosophie en France pendant la seconde moitié du XIXe siècle (regrettons seulement que Ravaisson et Lachelier n’y soient pas nommés). M. Höffding étudie ensuite le « courant biologique », et les nouvelles formes de la théorie de la connaissance, la vie intellectuelle étant considérée comme une forme particulière du phénomène général de la vie, et les règles de la logique comme des procèdes spéciaux d’adaptation au milieu (Maxwell, Hertz, Mach ; – Avenarius). – Enfin la « philosophie des valeurs » se désintéresse du problème de l’existence, et considère que le vrai problème philosophique, c’est le problème moral et religieux (Guyau et Nietzsche : M. Höffding, après M. Fouillée, relève les analogies des deux doctrines, et aussi des deux tempéraments. Eucken l’analyse de sa doctrine « noologique », ou « métapsychologique » sera instructive pour le public français, enfin William James). La sobriété et la précision sont les qualités caractéristiques de ces analyses ; de temps à autre, l’historien intervient par de brèves et judicieuses critiques. La traduction est bonne, quoiqu’elle renferme de trop nombreux germanismes.

Grammaire de l’assentiment, par le cardinal {{sc|Newman, traduit de l’anglais par Mme Gaston Paris. 4 vol. in-8 de 408 p., Paris, Bloud et Cie, 1907. Mme Gaston Paris nous donne une traduction fort soignée du livre célèbre de Newman. On lui saura gré de faire connaître au public français le livre d’apologétique le plus original que le catholicisme ait produit depuis longtemps. Newman ne croit guère à la vertu des démonstrations logiques en matière de foi. On peut prouver la vérité de la Religion, mais cette preuve demeure sans effet sur un incrédule, car on ne peut convertir un homme l’aide de principes qu’il refuse d’accorder (p. 327). En réalité, la foi n’est pas un acte d’entendement, mais une habitude. Les preuves logiques ne sont valables que pour ceux qui se sont, d’avance, mis dans un état d’esprit approprié. Il faut affirmer la présence de Dieu dans la conscience, la réalité ; du péché, l’importance sacrée de l’âme et du monde invisible, il faut désirer la connaissance de Dieu, espérer le pardon, chercher partout les signes de la bonté divine.

Ce « désir du divin » n’est pas déterminé exclusivement par des opérations logiques. Cependant les affirmations qu’il implique ne sont pas arbitraires. Newman prétend les justifier par l’examen des faits. L’existence de la conscience, du sens, moral, l’universelle présence de rites religieux même païens, le respect qui entoure les hommes élus de Dieu, sont autant de faits dont la méditation attentive prépare l’assentiment et la croyance. Cette théorie, qui rejoint la doctrine idéologique de la grâce, est préparée, dans l’ouvrage de Newman, par tout un système de logique. Cette logique est remarquable en ce qu’elle met une singulière subtilité dialectique à nier toute dialectique et toute logique. En fin de compte Newman se fie à ce qu’il nomme le sens des inférences (illative sense), sorte de faculté intuitive, qui juge souverainement, à l’exclusion des procédés logiques, en matière de fait. — Si dangereuses que de telles conclusions puissent paraître, le livre est d’un grand intérêt. La dialectique la plus souple (malgré un certain abus scolastique des divisions), un choix d’exemples concrets et toujours appropriés, une langue très riche et singulièrement vivante — aussi peu ecclésiastique que possible – retiennent le lecteur et l’obligent à suivre les méandres de cette longue argumentation contre la raison logique. La traduction de Mme Gaston Paris est fidèle et réussit souvent à rendre le mouvement de la phrase originale.

Philosophie sociale et religion d’Auguste Comte, par Edward Caird. Traduit de l’anglais par Miss May Crum et Ch. Rossigneux, préface de M. Ém. Boutroux. 1 vol. in-8 de 196 p., Paris, Giard et Brière, 1907. — Cette traduction sera utile à tous les lecteurs français qui s’intéressent à l’étude du positivisme : les travaux de langue française concernant la religion de l’Humanité sont en effet relativement peu nombreux ; encore présentent-ils trop souvent un caractère plutôt polémique que scientifique. Le livre de M. le professeur Caird peut se décomposer en deux parties : 1° un exposé des idées sociales et religieuses d’Auguste Comte ; 2° une critique approfondie de ces idées.

L’exposé occupe, le premier chapitre de l’ouvrage ; il est à la fois clair et exact. On y reconnaît l’effort d’un esprit vraiment philosophique, au meilleur sens du mot, pour résumer aussi objectivement que possible un système qui n’est pas le sien. Il faut regretter qu’aucune des citations de Comte contenues dans ce chapitre ne soit accompagnée de sa référence.

Quant à la partie critique, elle est des plus remarquables ; nous signalerons surtout les pages si pénétrantes consacrées à l’examen des reproches adressés par Comte à la théologie et à la métaphysique (p. 99 suiv.). – On peut cependant, semble-t-il, lui adresser les deux observations suivantes : 1° Comte est trop envisagé comme un pur philosophe ; or, si on veut bien le comprendre, il faut se rappeler qu’il est avant tout un réformateur : son système philosophique n’a pas sa fin en lui-même, il n’est qu’un moyen en vue de la réorganisation sociale. Il suit de là que les comparaisons entre Comte et Kant (p. 70-71) sont tout à fait artificielles, pour ne pas dire oiseuses : le point de vue d’une théorie ou critique de la connaissance est absolument étranger à la pensée comtiste ; 2° On peut adresser à M. Caird une objection de méthode à propos de sa discussion de la religion de l’Humanité : M. Caird se donne une définition de la religion en général (p. 128), après quoi il montre que la religion de l’Humanité n’en est pas une, attendu qu’elle ne répond pas à ladite définition. C’est là substituer au problème vivant une querelle de mots, ce qui est toujours regrettable.


Pragmatism, by W. James, 1 vol. in-18 de 209 p., London, Longmans et Green, 1907. Studies in humanism, by F. C. S. Schiller. 1 vol. in-8 de 429 p. London, Macmillan, 1907. – Le premier de ces deux volumes est composé de huit conférences faites à Boston en novembre et décembre 1906 et à New-York, à l’Université Colombia, en janvier 1907. C’est un exposé familier, vivant, concret, de la méthode et de l’attitude pragmatiques, auquel William James déclare se rallier entièrement. – Le second comprend vingt études, déjà parues pour la plupart dans les revues philosophiques anglaises, le Mind en particulier, et où Schiller essaie d’établir la légitimité du pragmatisme surtout sous une forme critique, parfois même agressive, en répondant aux objections de ses adversaires idéalistes et néo-hégéliens, MM. Bradley surtout et Joachim (La nature de la vérité). – La Revue consacrera prochainement une étude critique à ces deux ouvrages.

Philosophical problems in the light of vital organization, by Edmond Montgomery. 1 vol. in-8 de 462 p. New-York and London, Putnam’s Sons, 1907. – L’auteur se propose de montrer que certains problèmes philosophiques fondamentaux, celui de la substance par exemple, celui de la causalité, la question capitale entre toutes des rapports de l’esprit et du corps, celle de la vraie nature des mouvements volontaires, trouvent leurs solutions en dehors du monisme matérialiste et du monisme idéaliste, dans une doctrine métaphysique directement inspirée par la biologie. L’ouvrage comprend deux parties. La première, surtout historique, énumère plusieurs graves problèmes en insistant sur l’insuffisance des solutions proposées la seconde expose les vues propres de l’auteur.

L’étude des diverses théories de la substance, par laquelle commence la partie historique de l’ouvrage, contient une critique pénétrante, mais rapide, du matérialisme et un examen plus étendu de l’idéalisme, lequel ne peut constituer l’être, la substance, ni avec des perceptions ; ni avec des concepts. Les concepts les plus vastes sont les plus vides. Le Tout est à peu près synonyme du Bien (p. 27). L’Un de Plotin, le « tranquille Rien » de Boehme, le « Urgrund » de Schelling, sont des mots plutôt que des idées. C’est par une habile sophistique qu’on donne un contenu à ces notions, et que le métaphysicien paraît en tirer le système total des idées. En réalité ni Plotin, ni Spinoza, ni Schelling, ni Hegel n’ont pu déduire d’un tel Absolu la moindre parcelle d’expérience. Aucun n’a indiqué d’ailleurs pourquoi cet Absolu se développe dans le temps. Spinoza n’explique pas la dérivation des modes finis. Il confond le rapport causal avec le rapport mathématique de principe à conséquence. Il dit : « ratio seu causa » : et voilà le sophisme. Ce chapitre essentiel se termine par des remarques très ingénieuses sur la théorie du moi nouménal de Kant. L’auteur prend parti sur la question qui a divisé Kant et Fichte, et tire une partie de son argumentation des derniers ouvrages inachevés de Kant (cf. surtout la note de la p. 30).

Les aperçus historiques intéressants abondent dans les chapitres consacrés aux problèmes de l’identité, de la causalité, du monde extérieur, de l’universel et du particulier, du sujet et de l’objet (pp. 30-60). – À remarquer par exemple une page où l’auteur met en relief les difficultés du monadisme leibnitzien pour justifier l’accord de la pensée et de son objet, l’harmonie préétablie est bien inutile, puisqu’une monade ne voit pas autour d’elle. Seul, Dieu, à la condition de sortir de sa claustration monadique, peut savoir ce qui se passe dans les autres monades et quel univers elles constituent : mais il est douteux qu’elles puissent constituer quelque chose, puisque chacune n’est qu’un point de vue sur l’ensemble et n’est faite que du contenu des autres qui ne peuvent rien lui fournir, aucune n’ayant un contenu propre.

Le chapitre intitulé « Faits biologiques propres à élucider les problèmes philosophiques » devrait être le centre de tout l’ouvrage. Il est très insuffisant. Le lecteur est renvoyé, il est vrai, à de nombreux articles que l’auteur a publiés pendant une période de trente années dans diverses revues américaines ou anglaises. Il serait possible sans doute à l’auteur de dégager de ces articles pratiquement introuvables une conception de la vie si toutefois il a pu s’en former une. Il se borne à exposer quelles recherches d’ordre purement physiologique sur les cellules cancéreuses, sur les muscles des orthoptères, etc., l’ont conduit à rejeter toute théorie — qui prétend constituer l’être vivant par juxtaposition d’unités arbitrairement dotées des propriétés que manifeste l’ensemble. Il repousse donc la théorie cellulaire et toutes les théories mécanistes. Mais il ne nous dit pas nettement quelle théorie il substitue à celles qu’il réfute. La suite de l’ouvrage ne sera pas très instructive à cet égard, mais du moins elle nous fera comprendre pourquoi il est à peu près impossible à l’intelligence humaine de définir la vie.

Au fond ce n’est pas la biologie qui va servir à élucider les problèmes philosophiques, mais bien plutôt la philosophie qui va permettre de soupçonner les rapports de la vie, de la conscience et de la matière. Jamais, dit notre auteur, on ne pourra se représenter l’action de l’esprit sur le corps ou celle du corps sur l’esprit. Mais y a-t-il action de l’un sur l’autre ? Le sens commun n’en doute pas. Une épingle qui déchire mes tissus ne me cause-t-elle pas une douleur ? L’analyse cependant nous révèle dans cette affirmation si banale une confusion grave de points de vue. L’épingle, la chair qu’elle déchire, les nerfs qu’elle froisse existent aux yeux d’un observateur qui contemple le phénomène du dehors. Qu’il poursuive son observation : il se représentera un ébranlement transmis de proche en proche jusqu’au cerveau, divers phénomènes physiques ou chimiques dans ce cerveau, un autre ébranlement transmis du centre à la périphérie, un muscle qui se contracte, etc. Nulle part sur ce trajet l’observateur ne voit surgir un fait de conscience, une sensation, une douleur. Le fait de conscience appartient une série tout autre. Le sujet qui éprouve une douleur, puis un désir d’action ne trouve pas dans sa conscience l’épingle, la chair déchirée, le nerf froissé, etc. Cette épingle, cette chair, ce nerf sont des représentations visuelles. Tout ce qui est matériel est représentation visuelle ; la physique moderne, en s’efforçant de tout réduire au mouvement, tente d’exprimer le monde entier dans le langage du sens qui apparaît comme le plus perfectionné en l’homme et le plus utile à la vie, dans le langage visuel. Il ne faut donc pas parler de nerfs sensitifs. Tout nerf est moteur, puisqu’un nerf est une perception et que tout ce qu’on perçoit est toujours du mouvement. Un ébranlement nerveux se prolonge par d’autres ébranlements et jamais par un état de conscience. La matière du physicien n’expliquera donc ni la pensée, ni le plus léger changement dans la pensée. D’autre part les phénomènes conscients n’expliqueront pas le plus petit mouvement de notre corps. Mais l’analyse précédente nous prépare à comprendre que la Réalité est bien autre chose que cette matière appauvrie du physicien, réduite à des modes de mouvement, c’est-à-dire à des apparences visuelles, et que les phénomènes transitoires de la conscience, incapables par eux-mêmes de constituer un être véritable, de rendre intelligible la conservation du passé dans le présent, le souvenir et le caractère. C’est la vie qui a lentement développé les facultés intellectuelles de l’homme, elle déborde infiniment l’intelligence. C’est aussi la vie qui a créé la représentation du monde extérieur que nous avons, c’est-à-dire la matière du physicien. Le physique et le psychique sont donc deux acquisitions d’un organisme qui a évolué, et aucune des deux ne peut expliquer cet être dans son fond véritable. L’activité de cet être reste donc nécessairement mystérieuse, et, comme il n’y a pas d’autre activité, tout changement restera mystérieux. En fait, l’action d’un corps en mouvement sur un autre corps qu’il choque n’est pas plus intelligible que l’action d’un corps sur un esprit, et n’est pas plus réelle.

Ce résumé des vues de l’auteur montre assez les nombreux rapports de cette pensée avec la doctrine exposée dans l’Évolution créatrice de M. Bergson. Il est essentiel de noter que les deux ouvrages sont exactement contemporains.

The Philosophical Radicals, and other essays, with chapters reprinted on the Philosophy of religion in Kant and Hegel, by A. Seth Pringle-Pattison, LL. D., fellow of the British Academy, professor of Logic and Metaphysics in the University of Edinburgh, 1 vol. in-12 de x-336 p., Edimbourg, Blackwood, 1907. — Les deux chapitres réimprimés à la fin du présent volume avaient paru déjà, le premier en 1882, le second en 1883, alors que naissait seulement en Angleterre le mouvement « néo-kantien », autrement dit, hégélien : ils constituent donc un intéressant document historique. Le reste du volume est rempli par des études critiques, consacrées à des ouvrages récents (l’histoire de l’utilitarisme anglais, de Leslie Stephen ; les Principes de la Civilisation Occidentale, de Benjamin Kidd ; l’autobiographie de Herbert Spencer, etc.), et parus antérieurement soit dans de grandes revues soit dans des revues spéciales. L’auteur, disons-nous, est hégélien : il est en possession d’une doctrine qui permet d’assigner un rang à toutes les doctrines, de toutes les justifier, à un certain point de vue, et, en même temps, à un autre point de vue, de toutes les condamner. Excellente discipline pour l’esprit critique, semble-t-il : la méthode hégélienne ne nous entraîne-t-elle pas à sympathiser avec le plus grand nombre possible d’aspects de la vérité philosophique, à élargir sans cesse notre intelligence sans aliéner jamais notre indépendance intellectuelle ? Mais pourquoi faut-il qu’elle dégénère en scolastique ? qu’elle tende à assoupir l’esprit critique, et à replonger le philosophe dans ce sommeil dogmatique dont Kant avait voulu le tirer ? qu’à propos de chaque système elle ait sa formule toute prête, pour louer sous tel rapport, et pour blâmer sous tel autre ? que chaque essai de M. Seth. Pringle-Pattison, le lecteur puisse, en quelque sorte, l’écrire à l’avance ? La plus grave critique que nous puissions adresser à l’auteur, c’est qu’il y a très peu de mal à dire de ce livre neutre, sagement écrit, sagement pensé, et tranquillement orthodoxe.

L’arte di persuadere, par G. Prezzolini, 1 vol. in-4 de 116 p., bibl. du Leonardo, Florence, 1907. – Ce livre d’un des fondateurs du Leonardo a tous les caractères de cette publication retentissante et aventureuse le goût du paradoxe, la volonté d’étonner le lecteur à tout prix, l’affectation d’immoralisme ; il constitue un essai, d’ailleurs intéressant, pour renouveler, du point de vue de la psychologie moderne, la sophistique des anciens telle qu’elle se révèle dans les dialogues platoniciens. L’Art de persuader est en effet conçu par M. Prezzolini comme un art d’enseigner indifféremment le pour et le contre, et lui apparaît donc comme une sorte d’art du mensonge ; il voudrait voir restituer au mensonge « sa légitime importance dans l’éducation— », et il faudrait en réduire les règles en « manuel ». Aussi bien, le mensonge est tout à fait assimilable à la théorie scientifique » le savant est un menteur utile à la collectivité, le menteur un savant utile à l’individu » (p. 13). On peut, par cette citation, juger du ton de tout le livre. — Très méthodiquement, M. Prezzolini énumère, d’abord, les principes généraux de son art que la raison n’y joue qu’un rôle secondaire qu’il faut s’adapter aux auditeurs sur qui l’on veut agir ; qu’il faut être indifférent aux moyens pourvu que la fin soit atteinte, et qu’il y a lieu dès lors de réhabiliter la persuasion par la force. — Puis sont étudiés les procédés d’auto-persuasion, « surtout les procédés extérieurs pour transformer le moi » et « choisir arbitrairement ses croyances » ; ici encore le mensonge joue le premier rôle on se donne d’abord une attitude, et l’on finit par devenir ce que l’on veut paraître ; « on pourrait fonder, et elles existent sous d’autres noms, des Cliniques des Croyances, ou des Instituts orthopédiques pour le redressement de la Foi » (p. 41). Vient ensuite l’analyse des procédés pour persuader autrui : la parole d’abord, mais conçue comme instrument de suggestion plutôt que comme expression de concepts ; l’équivoque, la répétition, la comparaison, les formules conciliantes ou insinuantes, les euphémismes, l’évocation de l’avenir, l’autorité du passé ; les lieux communs, les exemples ; l’ironie, la caricature, les assomptions tacites, l’art « de l’érudition économique et de l’organisation de sa propre culture » ; et tout cela pourrait aboutir, nous dit-on, à un utile « Manuel de Charlatanisme scientifico-littéraire » (p. 90) ; – et tout cela souvent ne manque pas de finesse. – Dans sa conclusion, M. Prezzolini insiste sur le caractère tout personnel du don de persuader : c’est la volonté qui crée la foi ; « si quelque chose nous éloigne de l’intelligence, c’est la persuasion ». Dès lors pourquoi ne pourrait-on pas concevoir la possibilité « d’abolir la parole comme intermédiaire », d’agir hypnotiquement, extérieurement, à distance, sur les croyances ou les volontés ? « La création arbitraire du moi, la création et la transformation arbitraire du monde », seront les qualités qui distingueront l’homme de l’avenir, magicien plutôt que savant ; l’animal rationnel cèdera la place à l’animal créatif » p. 102).

Ainsi, jusqu’au bout, ce manuel d’anti-intellectualisme ne méconnaît qu’une chose : c’est que le mensonge imite la vérité, que l’art de persuader ne fait jamais, par l’emploi même des procédés les plus étrangers à la raison, qu’essayer de suppléer à l’emploi des procédés rationnels, et de donner l’illusion de la raison : si bien que, non seulement celle-ci reste première en droit, mais qu’en fait même ces expédients ne valent qu’en tant qu’ils conservent quelque chose d’elle encore, ne trompent l’esprit qu’en faisant luire devant lui des vraisemblances, des probabilités, qui ont l’apparence de raisons. — Mais il faut reconnaître que M. Prezzolini est fort habile à appliquer ses propres théories, et qu’il pratique avec dextérité l’Art de persuader… qu’on a du génie.

Sulle tracce della vita, saggi, par Leo G. Sera, 1 vol. in-8 de xxii-312 p., Rome, Bernardo Lux, 1307. – On reconnaît, au titre, un adepte de la philosophie à la mode. Mais cette philosophie elle-même, nous la voyons tantôt viser à l’édification, tantôt viser au scandale. Chez M. Sera, elle vise au scandale.

M. Sera, en Nietzschéen véritable, n’expose pas sa pensée sous une forme systématique ; il procède sinon par aphorismes, du moins par essais détachés (sur l’amour, sur Stendhal, sur Nietzsche, sur le Nord et le Sud, etc.) M. Sera cependant est un bâtisseur de système ; et sa philosophie, qui est une philosophie de l’histoire, repose sur une antithèse entre la notion d’espèce et la notion de société. Ce dont l’espèce a besoin pour se perpétuer, pour conserver l’intégrité du type, c’est d’individus qui soient de bons étalons, qui soient brutaux, qui soient paresseux, et chez qui la sexualité soit ardente. Peuples du midi, races belles sous de beaux climats c’est là que, dans le milieu qui lui était propre, se développa l’humanité primitive. Ce dont la société a besoin pour ne pas se désagréger, c’est d’individus qui soient de bons citoyens, qui soient sociables, laborieux, chastes, qui visent non à manifester leur force et à assouvir leurs besoins, mais, a respecter les droits du prochain, et même les droits de la femme. Les faibles, fuyant la brutalité des forts, fuirent vers les climats plus ingrats des régions septentrionales. Ils s’unirent pour vivre dans des conditions plus difficiles : l’union des faibles produisit la morale du travail et de la chasteté ; ou, pour tout dire en un mot, la morale. Et c’est une loi constante que la civilisation monte sans cesse vers le Nord, que la sociabilité augmente, et que la sexualité décline, que la science progresse et que l’art dégénère ; que des sociétés toujours plus fortes se constituent avec des individus de qualité toujours plus médiocre. De temps en temps, par bonheur, s’ouvre une période de décadence, de désordres économiques et sexuels et pour un temps, par l’émancipation des individus, le type de l’animal humain se régénère.

Bref, la philosophie de Nietzsche, interprétée par un Napolitain — que dis-je ? par un Napolitain : c’est « par un Nègre » qu’il faudrait dire. Beaucoup de verve, d’amphigouri aussi, beaucoup de jeunesse, beaucoup d’ignorance. Faut-il demander à M. Sera sur quels documents il s’appuie pour affirmer que les excès sexuels sont favorables à la conservation et à l’amélioration de la race ? et sur quelles observations anthropologiques, ethnographiques, démographiques se fonde sa fantastique théorie de l’histoire de la civilisation ? Lui demanderons-nous encore au nom de quelle préférence sentimentale il nous propose un idéal contradictoire, de son propre aveu, avec la loi de l’histoire telle qu’il la définit ? Le Socrate du Gorgias faisait à Calliclès une objection assez voisine de celle-là. Que M. Sera relise Platon. Le Gorgias, après tout, a été écrit sur les bords de la Méditerranée.

La Kontinuo, elementa teorio starigita sur la ideo de ordo ; kun aldono pri transfinitaj nombroj. Tradukita de la angla lingvo kun la permeso de la aŭtoro (E. V. Huntington) de Raoul Bricard, 1 vol. in-12 de 125 p. Paris, Gauthier-Villars, 1907. – Nous avons déjà rendu compte du mémoire original de M. Huntington (paru dans les Annals of Mathematics, 1905) qui constitue un manuel élémentaire et précis de la théorie des ensembles. Il convenait de l’« internationaliser », et nul n’était mieux désigné pour cette tâche que M. Bricard, auteur du Matematika Terminaro kaj Krestomatio. Nous ne saurions trop recommander la lecture de cet ouvrage, soit pour le fond, qu’il n’est plus permis aux philosophes d’ignorer, soit pour la forme ; on verra comment l’Esperanto permet de traduire avec précision les notions les plus subtiles de la mathématique moderne, et souvent même avec une précision supérieure à celle de nos langues ; par exemple il distingue nettement les divers sens des mots limite, Grenze, etc., par des termes différents (limo, rando). C’est un excellent exemple qu’ont donné là le traducteur et l’éditeur ; il faut espérer qu’il sera bientôt suivi, et qu’il constitue le premier spécimen d’une littérature mathématique internationale. Et quand cette littérature contiendra des traductions d’ouvrages russes, polonais, hongrois ou finlandais, peut-être les beaux esprits polyglottes finiront-ils par reconnaître l’utilité d’une langue internationale.

REVUES ET PÉRIODIQUES

Revue de Psychologie Sociale publiée tous les mois sous la direction de MM. Espinas, Gide, Dupré, Darlu, J. Maxwell, Steeg, Lacombe. Secrétaires de la rédaction A. de Tarde et J. Teutsch. Première année, n° 1. Cette nouvelle revue embrassera l’ensemble des sciences sociales : « elle s’étendra à tous les domaines de la Sociologie ». C’est dire qu’on ne peut la définir, ni par son objet ni par son cadre. Tous deux sont également illimités et indéterminés. Aussi bien ne revendique-t-elle d’autre originalité que celle du point de vue, c’est dans l’emploi constant d’une méthode qu’elle espère trouver et sa raison d’être, et son principe d’unité.

Cette méthode qu’on se propose d’appliquer aux problèmes sociaux les plus divers nous est présentée comme une méthode d’observation psychologique, méthode souple, expérimentale, essentiellement concrète et réaliste. Réagissant contre les résultats décevants » auxquels aboutit, dans la théorie comme dans la pratique sociale, l’esprit mécaniste et systématique du xviiie siècle, cette méthode psychologique se tourne vers les faits, elle oppose les réalités vivantes et complexes aux abstractions ». – Et surtout elle repousse la psychologie sommaire et artificielle, qui a faussé profondément les livres des économistes orthodoxes, les théories objectives des criminalistes, les classifications des juristes, les systèmes de morale, d’esthétique, de pédagogie. À la conception schématique et simpliste de l’homme individuel, isolé de sa race et de son milieu, être raisonnable, libre, responsable, travaillant exclusivement à son intérêt personnel, elle substitue l’homme réel, vivant en société, être impulsif, pétri de préjugés, d’instincts et de passions, force perdue dans le flot mouvant des forces ambiantes ». Bref, qu’il s’agisse de l’activité humaine normale, pathologique ou criminelle, cette méthode « vivifie et complète l’ancienne psychologie individuelle par l’étude de la psychologie sociale, c’est-à-dire de l’action combinée et réciproque des milieux et des forces individuelles ». — « Dépouiller tout automatisme pour se rapprocher de la vie », cette formule bergsonienne ou tardienne résume le programme de la nouvelle Revue. Il est large et séduisant.

Les fondateurs de la Revue espèrent arriver à des conclusions pratiques, et contribuer à préparer et à orienter la réforme des institutions sociales et juridiques. Mais, même s’ils se bornent à contempler de loin et à analyser les phénomènes sociaux qui s’égrènent sous nos yeux, cet effort de réflexion sur le présent peut être très fécond et doit attirer l’attention du philosophe.

Nous trouvons, dans ce premier numéro, plusieurs articles intéressants et dont le lecteur est porté à regretter la grande brièveté une étude sur les viticulteurs méridionaux, de M. Augé-Laribe — le procès de la magistrature au théâtre, par M. Bicking, – la critique du droit de propriété d’après Proudhon, par E. Héligon, – les rapports de l’histoire littéraire et de la sociologie, par H. Chatelain, la question des tribunaux, pour enfants et un compte rendu du congrès de l’Union internationale de droit pénal, par Edmond Hermance, — une bibliographie critique quelques analyses de revues.

Tout cela forme un ensemble d’allure un peu disparate ; et l’orientation de la nouvelle Revue semble loin d’être fixée. Si l’on songe au vaste champ d’études qui s’ouvre devant elle, il n’y a pas lieu de s’en étonner outre mesure. Souhaitons-lui plutôt de développer toujours davantage son originalité, et de fournir une longue et utile carrière.

Revue scientifique. – 11 mai 1907. Jules Sageret : La Genèse des Mathématiques. – Si les mathématiques ont une origine empirique indubitable, cependant l’empirisme ne suffisait pas à la constitution d’une science mathématique, et il aurait pu engendrer un art du calcul et un art géométrique, suffisant à tous les besoins d’une civilisation même très avancée, sans que pour cela fût fondée une science mathématique. En fait, il semble bien en avoir été ainsi et en Chaldée et en Égypte. Seuls les Grecs promurent les mathématiques à l’état de science théorique, et M. Sageret se rallie entièrement à la thèse de P. Tannery, indiquant les principaux résultats qui ressortent des études de ce savant. Ils durent, suivant lui, ce bonheur à la chance qui fit naître chez eux un Pythagore, métaphysicien mystique qui crut que connaitre les nombres, c’était connaître tout et pouvoir tout dominer, – au sens critique de leur race, – à leur instabilité politique et sociale. De cette histoire se dégage la double condition du développement des mathématiques 1° au début, l’empirisme ; 2° une idée mystique fécondant cet empirisme et assurant l’essor de la pensée. « C’est aussi la genèse des autres sciences. Mais celles-ci ne deviennent sciences que si elles passent par une seconde phase. L’idée initiale qui sera plus tard la théorie devra les amener il l’observation ou à l’expérience, tandis que les mathématiques tendent de plus en plus à se dépouiller de tout caractère concret. »

22 juin 1907. G. Milhaud : Pascal et les expériences sur le vide. – Pascal a-t-il composé un faux et commis une série de mensonges, pour s’attribuer le mérite d’avoir devancé ses contemporains dans l’expérience du Puy de Dôme ? M. Milhaud examine l’argumentation de M. Mathieu, et considère successivement la question des rapports de Pascal et de Descartes, – de Pascal et de Torricelli, – l’abrégé et la controverse avec le P. Noël, – la lettre à Perier du 13 novembre 1647. « Pour conclure, sauf quelques inexactitudes contenues dans la lettre à de Ribeyre, inexactitudes d’ailleurs incompréhensibles, inutiles à la gloire de Pascal, et à propos desquelles il faudrait dire, si c’étaient des mensonges, que Pascal a voulu mentir pour mentir, – je ne vois aucune difficulté à m’en tenir à ce qu’il a écrit lui-même, pour refaire l’histoire de sa pensée et de ses travaux. Même sans supposer qu’il ait plus de moralité ni de bon sens que la moyenne des hommes, j’admets qu’il a voulu dire la vérité dans des écrits tous destinés à quelque publicité, et je ne me heurte ainsi à aucune impossibilité. Cela me suffit : M. Mathieu ne m’a pas prouvé que l’hypothèse du faux et des mensonges est nécessaire. »

Hermes, XLII Band. Eine neue Archimedeshandschrift, par Heiberg, professeur à Copenhague. – M. Heiberg, le savant éditeur des œuvres d’Archimède, a eu assez de bonheur et assez de flair pour mettre la main sur un nouveau manuscrit du mathématicien de Syracuse. Ce manuscrit contient des parties quelquefois fort importantes des livres d’Archimède qui nous étaient déjà connus ce qui permet de contrôler les textes déjà publiés, et ce qui même permet de lire pour la première fois quelques passages du Traité des corps flottants que nous ne connaissions que par une traduction latine. En outre et surtout, il nous apporte un texte absolument nouveau auquel seulement nous pouvions trouver jusqu’ici quelque allusion chez Suidas et chez Héron. C’est un écrit adressé à Ératosthène. M. Heiberg en donne le texte, – qu’il a presque complètement reconstitué, malgré toutes les difficultés matérielles qu’il a rencontrées – et qu’il fait suivre de réflexions fort édifiantes.

L’intérêt de cet écrit est considérable. Il doit se placer dans les commencements de la carrière scientifique d’Archimède ; et, plus qu’aucun autre, il met en évidence ses procédés de recherche et d’invention. Or il y apparaît clairement que le procédé préféré du grand mathématicien, celui que non seulement il suit lui-même, mais qu’il recommande comme une méthode fructueuse, c’est la décomposition des surfaces et des volumes en éléments infinitésimaux, dont la somme représente les grandeurs considérées. Il restera ensuite à trouver une démonstration rigoureuse, mais celle-ci n’est pas indispensable pour qu’Archimède se sente en possession de théorèmes nouveaux ; Il se trouve ainsi rapproché, plus encore que nous ne le savions, des mathématiciens modernes. Sa méthode de recherche est celle du calcul intégral, au moins sous la forme des indivisibles

Ces conclusions ne surprendront guère d’ailleurs ceux pour qui la pensée mathématique des xvie siècle et xviie siècles n’est que la suite naturelle de la pensée géométrique des Grecs ; et qui, dans les travaux des Euclide, des Apollonius, des Archimède, ont voulu voir des constructions logiques savamment édifiées sur une intuition féconde, par laquelle l’esprit grec se confondait avec l’esprit humain, lui-même.

Mind, a quarterly review of psychology and philosophy, edited by Prof. G. F. Stout, Macmillan et Cie, London. – Dans les premières pages de son étude : The new Realism et the old Idealism (juillet 1906), M. J. S. Mackensie trace une courte esquisse du mouvement des idées en Angleterre pendant ces trente dernières années. Dans la génération passée, la tendance de toute philosophie spéculative était dans ce pays idéalistique au sens large, ou tout au moins, comme Sidgwick aurait préféré l’appeler, mentalistique. On discutait seulement entre une forme sensualiste et une forme intellectualiste de l’idéalisme. Autour de ces philosophes, un double courant antagoniste, le matérialisme rudimentaire des étudiants ès sciences de la nature, le spiritualisme rudimentaire associé à la religion populaire — antagonisme atténué par la via media de l’agnosticisme, où la réconciliation se faisait par un aveu mutuel d’ignorance. Puis ce sont les savants eux-mêmes qui, sous l’impulsion d’un physicien comme Oliver Lodge et d’un biologiste comme Lloyd Morgan, se montrent disposés à accepter les principes de l’idéalisme, de telle sorte que la philosophie semble victorieuse : une harmonie universelle va régner dans le monde intellectuel. C’est à ce moment, dit M. Mackensie, que deux formidables assauts vont se produire contre la citadelle de l’idéalisme, d’une part le pragmatisme, et, d’autre part, une nouvelle forme du réalisme.

De là les attaques et les contre-attaques qui, sous forme d’articles, de comptes rendus, de discussions et de réponses, trouvent leur écho dans le Mind, et malgré la présence de plusieurs études analytiques et historiques fort intéressantes, donnent aux derniers numéros leur physionomie caractéristique. Il serait difficile cependant de dégager avec netteté les progrès qui ressortent de ces polémiques à jet continu : les questions sont trop générales pour être traitées dans les quelques pages d’une Revue, et les arguments d’ordre personnel risquent de multiplier les malentendus. Nous constaterons cependant que les parties en présence sont unanimes sur ce point, que leurs adversaires les ont critiquées sans les comprendre ; nous n’oserions assurer pourtant qu’un tel accord suffirait à la signature d’un traité pour la paix perpétuelle en philosophie.

Pour M. Mackensie le pragmatisme est une variation sur l’homo mensura de Protagoras, une forme nouvelle du scepticisme qui diffère seulement de l’ancienne parce qu’elle substitue la volonté à la sensation comme caractéristique de la conscience humaine. Or, M. Schiller, si on en juge par le ton de sa réponse à M. Taylor (juillet 1906) et surtout à M. Bradley (avril 1907), crie volontiers à la calomnie. Le Pragmatisme est une doctrine qui déconcerte par sa profondeur et son originalité les théologiens attardés d’Oxford, qui n’en repose pas moins sur une base solide : l’application de la finalité à la recherche de la vérité humaine ; elle prendrait volontiers comme épigraphe le texte de l’Éthique à Nicomaque : pour l’intelligence qui est théorique, c’est-à-dire ni pratique ni productive, le bien et le mal, c’est la vérité et l’erreur (The ambiguity of truth, avril 1906). Si la critique pragmatiste de l’intellectualisme se réduit trop souvent encore à des généralités oratoires, c’est à cause de l’inconsistance de l’intellectualisme lui-même : quand les intellectualistes traitent de la vérité, écrit le Prof. John Dewey, il semble — comme s’ils étaient victimes d’un pragmatisme sans critique – qu’ils soient sous l’influence d’une émotion si forte qu’elle ne laisse plus à la pensée la faculté de s’exprimer complètement et qu’il faut deviner la plus grande partie (Reality and the criterion for truth of ideas, juillet 1907). Il est vrai que lorsque ces mêmes intellectualistes prennent la peine de s’expliquer, comme fait M. Bradley, et de dissiper les préjugés répandus sur leur propre pensée (on Truth and Copying, avril 1907), ces explications sont accueillies comme des concessions, comme des capitulations devant la révolution menaçante. On croirait, à lire M. Schiller, qu’il n’y a pas eu de philosophes entre Saint-Thomas d’Aquin et le prof. William James, et qu’il faut être psychologiste pour ne plus définir la vérité par l’adæquatio intellectus et rei. Peut-être à notre tour ces conceptions sommaires nous rendent-elles injustes pour le pragmatisme de M. Schiller; mais nous serions tentés de donner raison à M. Mackensie : tout ce qu’il y a de positif et de profond dans les notions d’humanisme et d’immanence, nous le trouvons dans Kant. C’est de Kant aussi que nous apprenons à distinguer les deux problèmes des conditions psychologiques qui expliquent la genèse d’un jugement et des conditions logiques qui en légitiment la valeur ; or, comme le fait remarquer M. A. E. Taylor (juillet 1907) à propos du livre d’Henry Sturt : Idola Theatri, a Criticism of Oxford Thought and Thinkers, la confusion entre la vérité et la connaissance de la vérité est le postulat même du pragmatisme. À quoi M. Schiller a une façon très particulière de répondre : il met les intellectualistes au défi de lui citer soit un seul cas où un penseur aurait été obligé de reconnaître une vérité contre sa volonté, soit un seul cas où le choix entre deux jugements contraires serait objectivement justifié par des raisons d’ordre exclusivement logique.

Entre l’ancien idéalisme et le nouveau réalisme, le débat a un caractère plus précis et plus technique. M. Mackensie concède volontiers que, dans quelques-uns de ses principes initiaux, sinon dans son intention véritable, l’idéalisme de Green avait encore donne prise à l’accusation de subjectivisme ; M. Harold Joachim, dans son livre The Nature of Truth, reconnaît que le néo-hégélianisme anglais avait abusé de l’appel à ce tout absolu de la pensée, qui, du point de vue de la critique positive, est destiné à demeurer un idéal inaccessible. Ceci dit, et étant accordé de part et d’autre que la vérité est indépendante de l’individualité psychologique, il reste à savoir si la vérité est de la nature de la pensée ou de la nature de la chose. Dans le premier cas elle se définit par la cohérence ; elle est un système de relations internes. Dans le second cas elle se définit par la réalité objective, elle s’oppose au faux qui est la non-existence ; les relations qui sont établies entre les objets de notre connaissance ne sont plus que des relations externes, appuyées sur l’existence absolue de ces objets. Entre ces deux théories, M. B. Russell, au moins dans les quelques pages qu’il a publiées en octobre 1906 sur le livre de M. Joachim, semble désespérer de trouver une forme de reductio ad absurdum qui permette de décider d’une façon formelle. M. G. E. Moore qui est, avec M. Russell, le représentant principal du nouveau réalisme montre plus de confiance : il demande à M. Joachim de répondre par oui ou par non sur quelques thèses simples, par exemple sur cette constatation qu’il y a des faits et vérités qui subsistent, indépendamment de telle ou telle expérience faite à tel moment déterminé, qui demeurent précisément et numériquement les mêmes, que je sois devant la mer ou devant une maison, pour celui-ci qui est devant la mer et pour celui-là qui est devant la maison (avril 1907). À quoi M. Joachim s’excuse de ne pouvoir répondre pertinemment dans les limites d’une courte réplique (juillet 1907) car c’est précisément la question de savoir si la forme du oui et du non s’applique à tels problèmes, si l’étude de la nature de la vérité ne ressortit pas d’une critique attentive à mesurer les degrés de l’affirmation. Dire qu’il n’y a pas d’autre identité que l’identité abstraite, excluant toute différence, que le Mr. Moore d’aujourd’hui et celui d’il y a dix ans doivent ou contenir un élément précisément et numériquement identiques ou être du moins exactement semblables, c’est poser une alternative qui risque de n’être pas exhaustive, et de laisser échapper ce que nous appellerions les valeurs moyennes où se fondent la plupart de nos jugements. Voilà où en est la discussion : c’est bien sur ces polémiques ouvertes qu’il convient d’arrêter notre compte rendu ; il suffit du moins à donner une idée de la vitalité presque débordante du mouvement philosophique en Angleterre.

AGRÉGATION DE PHILOSOPHIE
concours de 1907
Dissertations.

1. Du rôle de la volonté dans les opérations de l’intelligence.

2. La théorie des petites perceptions chez Leibnitz.

Leçons.

De l’idée d’objet en métaphysique.

L’idée de nécessité.

De la certitude des vérités mathématiques.

La notion d’espace est-elle, soit en totalité, soit en partie, un produit de l’expérience ?

La continuité de la vie mentale.

Sensations et images kinesthésiques.

Qu’est-ce qu’une idée abstraite ?

L’effort mental et l’automatisme psychologique. Y a-t-il des lois en histoire ?

Rapports des faits économiques avec la morale.

Transformation de l’idée de justice.

L’idée d’égalité dans la morale sociale.

Le sentiment du respect dans la vie sociale.

Le sentiment religieux et le sentiment moral.

Comment concilier l’idée d’obligation morale avec l’autonomie de la volonté ?

Définir les éléments intellectuels de la passion.

Programme pour les concours de 1908.
Programme en vue de la composition d’histoire de la philosophie.

Aristote, Épicure et les Stoïciens.

Descartes, Spinoza, Malebranche.

Programme en vue des explications.

Platon. — Théétète.

Aristote. — Physique : livre IV.

Épictète. — Manuel.

Cicéron. — De finibus : livre III.

Sénèque. — Lettres à Lucilius : de 104 à 124 inclus.

Descartes. – Les passions de l’âme.

Leibnitz. — Discours de métaphysique.

Kant. — Critique de la Raison pure : Analytique transcendantale.

Auguste Comte. — Discours sur l’esprit positif.


mémoires et textes proposés pour le diplôme d’études supérieures de philosophie
Université de Paris.

1. Interprétation et modification du kantisme par K. D. Reinhold.

Texte : Cicéron, De Finibus, livre III.

2. Psychologie des idées de grandeur.

Texte : Spinoza, Éthique, livre V.

3. La psychologie de l’intelligence d’après Taine.

Texte : Malebranche, Recherche de la vérité, livre IV.

4. Étude historique des diverses explications mathématiques, physiques, physiologiques et psychologiques de la consonance musicale.

Texte : Platon, Ménon.

5. L’idée de Droit chez Thering. La méthode historique et réaliste opposée à la méthode idéologique.

Texte Aristote, De Sensu.

6. Les lois élémentaires de l’association des idées dans les formes incohérentes de l’aliénation mentale.

Texte : Descartes, Regulæ, les 12 premières règles.

7. La notion du mouvement des Éléates à Platon.

Texte : Kant, Prolégomènes, § 51 à la fin.

8. L’idée transformiste dans Charles Darwin (variation, sélection, hérédité).

Texte : Platon, Lois, X.

9. La première philosophie de Renouvier (1840-1854).

Texte : Lucrèce, livre I.

10. La théorie de la connaissance chez Claude de Saint-Martin.

Texte : Platon, Philèbe, de 36 E jusqu’à la fin.

11. Recherches sur l’évolution économique et la formation de la conscience ouvrière de classe dans les industries textiles en France au xixe siècle.

Texte : Aristote, Métaphysique, Η (Êta).

12. La controverse de Porphyre contre le christianisme.

Texte : Le discours sur l’Esprit positif d’Auguste Comte.

13. Le moi selon M. Bergson et la psychologie positive contemporaine.

Texte : Descartes, Meditationes de prima philosophia, 4, 5, 6.

14. L’élaboration de la religion de l’humanité dans la pensée d’Auguste Comte, avant le système de philosophie positive.

Texte : Platon, Théétète, de 151 D-E à la fin du chapitre 186.

15. Un élément de la synthèse positiviste d’Auguste Comte. Le traditionalisme français et les doctrines positivistes.

Texte : Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, livre I.

16. Essai sur le mouvement syndicaliste autonome depuis le 2 décembre. Organisation et doctrine.

Texte : Spinoza, De emendatione intellectus tractatus.

17. La psychologie du chatouillement.

Texte : Taine, De l’Intelligence, livre I (les Signes) et livre II (les Images).

18. Théologie épicurienne.

Texte : Kant, Critique de la Raison pure : les analogies de l’expérience.

19. Le néologisme dans les maladies mentales.

Texte : Leibnitz, Nouveaux Essais, livre III : les mots.

20. L’esthétique de Taine.

Texte : Platon, République, livre IX.

21. La philosophie de Maimon et la transformation du kantisme.

Texte : Kant, De mundi sensibilis atque intelligibilis forma atque principiis.

Aix-Marseille.

1. L’Argument ontologique ; étude historique et critique.

Texte : Platon, Philèbe, chap. xvi à xxxi.

2. L’idée de civilisation chez Kant.

3. Philosophie du jeu, des jouets, des parures et des fêtes.

Besançon.

1. Le problème de la certitude dans la philosophie de Lamennais et dans celle de Jouffroy.

Texte : Pascal, Entretien avec M. de Sacy.

2. Les origines de la philosophie du Père Gratry.

Texte : Lettres de Sénèque à Lucilius, i à xv.

Bordeaux.

1. La théorie leibnitzienne de la substance dans ses rapports avec la doctrine d’Aristote.

Texte : Platon, Phédon.

2. Les théories physiologiques de Descartes et la médecine de son temps.

Texte : Aristote, Métaphysique, Z (Zêta).

3. L’idée de justice dans Spencer et la théorie kantienne de l’antagonisme.

Texte : Aristote, Physique, livre VIII.

4. La notion d’ordre dans la philosophie de l’histoire de Cournot.

Texte : Alexandre d’Aphrodise, De Anima, jusqu’à la page 28, ligne 2, de l’édition de Bruns.

5. La théologie de Charles Renouvier.

Texte : Cicéron, De Fato.

6. La théorie de l’inconscient dans le néo-spiritualisme.

Texte : Kant, Critique de la Raison pure, jusqu’à l’Analytique des principes (trad. Barni, t. I, p. 193).

Clermont.

1. La théorie de la certitude dans la philosophie de Renouvier.

Texte : Cicéron, De Fato.

Dijon.

1. La Suggestion.

2. La Théorie de l’âme dans Platon.

Grenoble.

1. L’âme et les fonctions vitales d’après Durand de Gros.

Texte : Descartes, Les Passions de l’âme, Partie : I depuis l’art. xvii « Quelles sont les fonctions de l’âme ? »

Lille.

1. Les Rapports de la Morale avec la Biologie et la Sociologie.

Texte : Lettre de Leibnitz à Arnauld, du 14 juillet 1686.

2. La Raison et les Faits.

Texte : Kant, Critique de la Raison pure, Esthétique transcendentale, sect. II, 58.

3. La Morale de Leibnitz.

Texte : Spinoza, Ethica, t. III, Praefatio.

Lyon.

1. L’espace chez Leibnitz et chez Kant.

Texte : Platon. Ménon.

2. De l’objet et de l’étendue de la spéculation dans les philosophies de Descartes et de Leibnitz.

Texte : Platon, Ménon.

3. Les recherches psycho-physiologiques du laboratoire de psychologie de Genève.

Montpellier.

1. Étude sur la formation de la théorie transcendentale de l’espace chez Kant de 1747 à 1770.

Texte : Platon, Sophiste, 236 E-260.

2. La pensée religieuse de Renouvier.

Texte : Stuart Mill, Logique, livre VI, « les Sciences Morales ».

3. Le plaisir chez Platon.

Texte : Kant, Dialectique, chap. II, les Antinomies ».

Rennes.

1. Théorie des idées chez Malebranche.

Texte : un passage de Malebranche.

2. La philosophie de Lamarck. Texte : l’Esthétique transcendentale de Kant.

3. La pédagogie de Bain.

Texte : Herbert Spencer, Introduction à la Science sociale, chap. xiii : Préparation par la biologie.

Toulouse.

1. Théorie de la définition chez Spinoza.

Texte : Aristote, Traité de l’âme, A.

2. La philosophie sociale de Kant.

Texte : Platon, Le Timée, 1re partie (explication du monde par la finalité).

3. Les polémiques récentes contre l’intellectualisme.

Texte : Éthique, livre V.