Revue des Romans/Charles-R.-E. de Saint Maurice

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Revue des Romans,
recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaitre avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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SAINT-MAURICE (de).


GILBERT, chronique de l’Hôtel-Dieu, 2 vol. in-8, 1832. — Tout le monde sait que Gilbert mourut à l’Hôtel-Dieu, âgé de trente ans à peine. Le reste de sa vie n’est pas connu. Elle ouvrait donc un vaste champ à l’imagination de son biographe. Mais M. de Saint-Maurice n’en a pris qu’un épisode, le dernier, la mort de Gilbert. En choisissant pour unique sujet l’agonie du poëte, l’auteur avait, certes, un assez beau tableau à nous retracer ; il lui a paru cependant qu’il devait le charger de couleurs plus noires encore : comme si les douleurs physiques et morales de cet infortuné jeune homme ne suffisaient pas à émouvoir notre compassion, il a cherché d’autres moyens de terreur ou plutôt d’horreur. L’exposition du drame se fait dans les catacombes, le dénoûment dans un amphithéâtre de dissection. Ce n’est pas assez de subir l’agonie de Gilbert, de le voir se tordant les bras, de l’entendre râlant dans un hôpital de fous, il faut le suivre encore sur la table de marbre, où l’art va faire de ce corps qu’il n’a pu guérir un objet d’étude, et demander à la mort les secrets de la vie. On ne sait, en vérité, quelle fureur de sang, quelle passion de cadavres a saisi nos modernes écrivains ; mais sur vingt histoires, romans et contes qui se publient, il y en a au moins quinze où le bourreau et le chirurgien jouent le principal rôle. — Ce qui frappe le plus dans ce roman, c’est une misanthropie vraie, une aigreur réelle contre la société ; il semble en plusieurs endroits qu’on entend Gilbert lui-même.