né à Dublin en 1782, mort en janvier 1825.
MELMOTH, ou l’Homme errant, trad. par J. Cohen, 6 vol. in-12, 1821. — Melmoth est une conception infernale dans le genre de Faust ; c’est une espèce de vampire qui a fait un pacte avec le diable pour lequel il cherche des victimes ; c’est un damné plus effrayant que Satan lui-même. L’auteur passe sans cérémonie d’un épisode à un autre, et ne se donne pas la peine de lier entre elles les diverses parties de son histoire, où l’on voit une héroïne qu’un ermite mort marie avec le fantôme d’un domestique assassiné ; pour témoin des sibylles et des monstres d’avarice, des maniaques et des inquisiteurs, des juifs apostats, des amants frappés du tonnerre ou se dévorant entre eux dans des caveaux plus affreux que la tour d’Ugolin, etc. Au milieu de cette fantasmagorie, on est forcé d’applaudir à des traits de la plus grande énergie et de la plus pathétique réalité, et malgré un déplorable système d’exagération dans le style, on admire des passages du plus grand effet dans le genre gracieux ou terrible ; la fable est conduite avec un art merveilleux. Au milieu de scènes déchirantes, l’épisode d’Immalie, plein de fraîcheur et de sentiment, repose agréablement l’imagination, — Jetée par la tempête dans une île déserte, non loin des rivages de l’Inde, Immalie, jeune Espagnole, vit depuis dix années dans cette solitude, se nourrit de fruits, se tresse des vêtements de feuillages et de fleurs. Melmoth, dans cette île, rencontre l’innocente jeune fille, et lui enseigne à exprimer ses idées par des mots. Elle lui raconte alors comment sa nourrice l’a sauvée du naufrage, lorsqu’elle n’avait encore que cinq ans ; comment elle a vu mourir cette nourrice peu de temps après, comment enfin elle a vécu depuis sans soucis et sans inquiétudes. Bientôt Immalie aime son farouche protecteur ; il disparaît pour huit jours ; la jeune fille se désole, et, à son retour, il la trouve baignée de larmes ; elle ne peut vivre sans lui ; elle veut le suivre au milieu du monde dont il lui a fait voir un spectacle effrayant. Ému pour la première fois, Melmoth frémit devant sa victime ; il craint d’entraîner Immalie dans le gouffre entr’ouvert sous ses pas ; il la conjure de l’oublier, il a pitié de tant d’innocence et de candeur, mais la passion d’Immalie est aussi profonde que dévouée ; ils se séparent au milieu d’un orage. Cinq ans se sont écoulés, Melmoth n’a plus reparu dans l’île ; mais Immalie a retrouvé sa famille, elle a été rendue à sa mère et habite l’Espagne ; elle revoit Melmoth… Nous laisserons le lecteur suivre l’auteur dans les bizarreries où l’entraîne son imagination. Nous regrettons qu’il n’ait pas donné à son héros quelque chose de plus humain ; puisqu’il le sait susceptible d’aimer et d’apprécier le bonheur d’être aimé, il eût dû lui faire tout entreprendre pour reconquérir l’immortalité qu’il avait perdue. Il y a, du reste, beaucoup de talent dans l’opposition d’une créature remplie de pureté, avec cet esprit infernal qui lui dévoile toutes les douleurs ; l’amour de ces deux êtres ressemble à l’union de l’enfer et du ciel ; mais le style est trop riche et le coloris trop brillant pour la prose, les images y sont répandues avec trop de profusion ; la nuit du mariage est aussi trop surchargée d’horreurs.
LES FEMMES, ou Rien de trop, trad. par Mme Élisabeth de Bon, 3 vol. in-12, 1821 (publié en Angleterre sous le titre de : Pour et Contre, et traduit en 1818 sous celui d’Éva, ou Amour et religion. — Malgré tout ce qu’il y a d’étrange dans ce roman, on put y remarquer que l’auteur y soumettait son génie à des règles plus sages que dans ses compositions précédentes. Éva est une créature angélique ; mais le caractère et la destinée de Zaïre ressemblent beaucoup trop au caractère et à la destinée de Corinne : par ses talents et sa beauté, par le malheur d’aimer un amant dont l’inconstance la met au désespoir, elle rappelle trop souvent son célèbre modèle. Cependant, c’est Corinne en Islande, contrastant avec d’autres personnages, rencontrant d’autres aventures, éprouvant d’autres sensations, et parlant un autre langage qui n’est pas celui que Mme de Staël lui eût prêté. Mais si la coïncidence trop frappante entre ces deux caractères de femme ôte à Mathurin tout mérite d’originalité, on ne doit que des éloges au tableau qu’il a tracé de son Éva, si douce, si tendre, si dévouée, réunissant à un si haut degré la pureté du ciel et la simplicité de la terre, dissimulant les sentiments les plus vifs sous l’apparence d’une préoccupation toute religieuse, et ne pouvant exprimer sa passion autrement qu’en mourant pour elle. Le caractère de Courcy est faible, ou plutôt d’une inconséquence ridicule.
LA FAMILLE DE MONTORIO, ou la Fatale vengeance, trad. par Cohen, 5 vol. in-12, 1822. — C’est sur l’existence des revenants qu’est fondé ce roman ; la scène se passe à Naples, au XVIIe siècle, au temps où l’inquisition avait sa plus grande influence. Orasio, chef de la famille Montorio, avait un frère aussi dépravé qu’ambitieux, qu’il comblait de bienfaits, et dont il ne fut payé que par les crimes les plus atroces. Entraîné dans un double meurtre par la trame que vient d’ourdir le scélérat qui veut s’emparer de ses biens, couvert du sang d’une épouse, de celui d’un amant qui n’est pas coupable, Orasio fuit son palais, et va cacher son existence au milieu des forêts et des rochers. Bientôt il reconnaît qu’il a frappé des victimes innocentes ; il les vengera !… Son coupable frère doit périr, mais c’est de la main des êtres qui lui sont le plus chers, c’est par ses deux fils qu’il doit être frappé !… Orasio médite sa vengeance. À une taille élevée, à un extérieur imposant, il joint des connaissances supérieures à celles de son siècle : il étudie les plantes et leurs secrets ; il voyage chez les Arabes, les Mèdes, les Perses ; il va, dans l’Égypte et la Syrie, étudier les secrets de la nature. Après quinze ans d’absence, caché sous l’épais capuchon d’un moine, il pénètre dans son palais, devenu la demeure de Montorio. Orasio, par des voies qui sont connues de lui seul, par des portes artistement pratiquées dans les boiseries, se montre partout. Montorio et ses deux fils sont imbus de toutes les superstitions du siècle. C’est surtout aux pas de ces derniers qu’il s’attache. Du milieu des assemblées les plus nombreuses, sous divers déguisements, il sait les attirer à lui, dans une sombre forêt, sous les voûtes d’un souterrain profond, dans les caveaux mortuaires ; il les poursuit partout, et par mille prestiges les fait agir à sa volonté. La confession du moine Schemoli est la clef du roman.
LES ALBIGEOIS, roman historique du XIIIe siècle, 4 vol. in-12, 1825. — Ce roman atteste encore la sombre et inépuisable imagination du romancier irlandais ; mais c’est ici un tableau d’ensemble, un tableau historique, où, malgré quelque confusion dans la distribution des groupes, on voit ressortir sur le premier plan plusieurs figures saillantes, entre autres celles de Simon de Montfort.
On a encore de Mathurin : Le jeune Irlandais, 4 vol. in-12, 1821. — Connal, ou les Milésiens, 4 vol. in-12, 1828.