Revue des Romans/Merville

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Revue des romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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MERVILLE (Pierre-François Camus, plus connu sous le nom de),
né à Pontoise en 1783.


LE BARON DE L’EMPIRE, 5 vol. in-12, 1832. — Les trois premiers volumes de cet ouvrage ne contiennent guère que l’histoire de Charette et quelques particularités des guerres de la Vendée. Ce n’est qu’au quatrième volume qu’apparaît le héros principal. Il a nom Jacquot, et a été ramassé sur la grande route par une vivandière républicaine, puis recueilli par de bons paysans vendéens. À dix-sept ans, il se fait soldat, devient officier, puis colonel, puis baron. Pour comble de bonheur, il retrouve sa mère, Mme la duchesse de Brétignoles, qui le reconnaît à trois besans d’or tatoués sur sa poitrine. Le baron Jacquot épouse Mlle Anastasie, autre enfant perdue et retrouvée ; élevés dans le même village, ils se sont jurés un éternel amour et on été fidèles à leur serment. Il y a encore un autre enfant perdu et retrouvé, marqué des mêmes signes et au même endroit que le général, ce qui cause bien un peu d’embarras à M. et à Mme de Brétignoles, qui ne savent d’abord lequel choisir ; mais comme l’un de ces enfants perdus et général et que l’autre est frotteur, à tout hasard ils prennent le premier. — En somme, ce roman est assez intéressant et mérité d’être lu.

CONTES ET NOUVELLES, 3 vol. in-8, 1830. — On peut regarder les nouvelles comme autant d’esquisses dramatiques, auxquelles il ne manque que le dialogue. Plusieurs même ont été transportées sur la scène avec succès.

LE PROCUREUR IMPÉRIAL, 2 vol. in-8, 1832. — Dans ce roman, M. Merville passe en revue, non-seulement l’empereur et son gouvernement, mais encore les mœurs de l’époque, les partis alors en regard, les ambitions revenues pour accaparer de nouveau les faveurs ; il fouette cette aristocratie d’argent, plus insolente que celle des noms, qui, en 1830, acheva de gagner son procès en soulevant le peuple à son profit au cri de vive la liberté ! Dans le Procureur impérial, on trouve un heureux mélange de personnages de haut et bas lieu. Autour de ses supérieurs tourne un jeune homme du peuple, Jérôme Minor, auquel son père, simple jardinier, a fait donner une éducation complète. Ce Minor est le caractère le plus exécrable qui existe, car il existe. Pour parvenir, rien ne lui coûte ; il trahit tout, amitié, serments, reconnaissance. Son âme de démon prend toutes les faces sous lesquelles il lui plaît de la déguiser ; or, il nuit, il intrigue, il abuse de l’estime générale, et l’hypocrite arrive à ses fins, jusqu’au jour où, voyant la fortune lui tourner le dos, il perd la tête et devient fou. — Ce roman est de ceux qui intéressent, sans laisser après eux un sentiment de dégoût. Toutefois, il nous offre le vice dans un si long cours de prospérités, qu’on se demande : « Cela peut-il être ainsi ? »

LE VAGABOND, histoire contemporaine, 4 vol. in-12, 1834. — Le Vagabond est l’exagération des misères du peuple ; les caractères, les situations, les mœurs, tout est forcé dans ce roman ; on s’y promène du bagne à la cour d’assises, on s’y prend corps à corps avec des gardes-chiourmes et des estafiers subalternes, quand la justice et la police d’un ordre supérieur vous font la grâce de vous laisser en repos. Le Vagabond pourrait, certes, à lui tout seul, défrayer pendant un an le répertoire des boulevards : l’Auberge des Adrets elle-même, cette comédie de l’assassinat, n’a rien de mieux en horreurs joyeuses ou sombres. Il y a dans ce livre un petit Polastron, un enfant trouvé que se passent de main en main un tisserand, une danseuse, un duc et pair, une sœur de charité, pauvre diable qui aime une Louison, laquelle, innocente du vol dont on l’accuse, est condamnée à la marque et à la prison ; Polastron lui-même, de vagabond devenu voleur, va se moraliser au bagne ; il s’évade pour venir combattre en 1830 aux barricades, se laisse reprendre ensuite et condamner à mort, se voit sauvé par miracle au moment du supplice, et vient enfin tomber à Passy entre les bras de son père et de sa mère, de son frère et de sa Louison enceinte. Comme tout ce monde trempe dans la haute police, l’affaire s’arrange à l’amiable, et maintenant Polastron est citoyen des États-Unis : on leur a fait là un joli cadeau.

On a encore de cet auteur : Saphorine, 3 vol. in-12, 1820. — Les deux Apprentis, 4 vol. in-12, 1826. — Paul Briolat, in-8, 1831.