Revue des Romans/Népomucène-Louis Lemercier

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Revue des romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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LEMERCIER (Népomucène Louis),
de l’Académie française, né à Paris le 20 avril 1773.


ALMINTI, ou le Mariage sacrilège. — Dans ce livre, un père aime charnellement sa fille et en fait sa femme, sachant bien que ses embrassements sont horribles, et n’ayant pas comme Lot, l’excuse de l’ivresse ; comme Œdipe, celle de la fatalité. Toutefois, il ne faudrait pas croire que M. Lemercier ait voulu soutenir un paradoxe d’immoralité ; il est persuadé, au contraire, d’avoir écrit un excellent ouvrage pour les mœurs ; il a pris une proposition morale des encyclopédistes, et il s’est donné la peine de composer un roman pour la prouver. Cette proposition, qui constitue toute la portée du livre, est celle-ci : les principes de la religion et des lois sont insuffisants pour dominer les passions ; il n’y a qu’un seul frein capable de les arrêter ; c’est la conscience. Pour faire vivre son principe, et mettre en action sa morale, M. Lemercier imagine une passion honteuse, tenace et abominable ; il la montre séduisant, maîtrisant, poussant au crime un homme chaste, honnête et religieux, sans que ni les préceptes de la religion, ni la crainte des lois puissent l’en détourner, tandis que la voix de la conscience s’élève enfin dans son cœur, l’ennoblit, le purifie et opère un retour que n’auraient pu obtenir ni les hommes avec la crainte de leurs châtiments, ni Dieu avec l’appât de ses récompenses. Voilà Alminti, tel que M. Lemercier a voulu le faire. — A-t-il réellement atteint son but ? Le lecteur prononcera.