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VOYAGE AUTOUR DE MA CHAMBRE, suivi du Lépreux de la vallée d’Aoste, in-12, 1812. — Le Voyage autour de ma chambre est un joli petit roman qu’on lit d’un bout à l’autre sans quitter le volume, qu’on relit vingt fois avec plaisir, mais qui perdrait beaucoup à être analysé.
EXPÉDITION NOCTURNE AUTOUR DE MA CHAMBRE, in-18, 1825. — L’Expédition nocturne est une suite au charmant Voyage autour de ma chambre. Le public avait trouvé bon que M. de Maistre, sous prétexte de voyager chez lui, le fît réellement voyager avec lui dans l’empire des rêveries et des chimères, et qu’il se jouât, dans une ingénieuse facétie, du public et de lui-même. Il était juste qu’il recommençât ; et l’Expédition nocturne autour de ma chambre, récit plus étendu et tout aussi bizarre que le premier, est comme un nouveau chapitre de ce voyage fantasmagorique. L’auteur n’est pas inférieur à lui-même dans l’Expédition nocturne ; il s’amuse avec la même grâce qu’autrefois de ses propres idées ; il séduit, il entraîne par cette aimable facilité d’esprit, cette chaleur d’âme, ces mouvements affectueux, cette inspiration naturelle et douce avec laquelle il s’écrie : « J’aime les arbres qui me prêtent leur ombre, et les oiseaux qui gazouillent sous le feuillage, et le cri nocturne de la chouette, et le bruit des torrents ; j’aime tout… j’aime la lune ! » On voit qu’une ironie légère se mêle à ces transports : il en est de même partout.
LES PRISONNIERS DU CAUCASE, in-18, 1815. — Les Prisonniers du Caucase, dans un récit vraiment dramatique, plein de feu, de mouvement et de variété, offrent le tableau de la captivité du major Kaschambo chez les Tchetchenges indépendants, et de sa délivrance merveilleuse, due au courage et à la présence d’esprit de son fidèle serviteur Ivan. Cette nouvelle offre les plus curieux détails sur cet empire nouveau, vaste mélange de civilisation et de barbarie, de superstition et de lumières, de luxe et de rudesse, de vices modernes et d’antiques vertus.
LA JEUNE SIBÉRIENNE, imprimé à la suite des Prisonniers du Caucase. — Cette nouvelle, qui nous représente aussi avec de précieux détails les mœurs de l’empire russe, est l’histoire de la jeune Prascovie Lopouloff, qui, vers la fin du règne de Paul Ier, partit du fond de la Sibérie, seule, à pied, presque sans argent, pour venir demander à l’Empereur, dans Saint-Pétersbourg, la grâce de son père, exilé depuis quatorze ans. On sait que Mme Cottin en a fait une héroïne de roman, sous le nom d’Élisabeth. « La véritable héroïne, dit-elle, est bien au-dessus de la mienne, elle a souffert bien davantage. » Cette véritable héroïne la voici : M. de Maistre a écrit l’histoire de Prascovie d’après son récit même, et il nous fait traverser avec elle les plaines de la Sibérie, les misérables villages semés à de si grandes distances sur cette longue route, les déserts glacés, Ekaterinembourg, les monts Ourals, le Volga, Nijeni-Novogorod, Moscou, enfin Saint-Pétersbourg, où elle trouve, au milieu de toutes ces convenances sociales qu’elle ignore, comme une nouvelle solitude. Dans la Jeune Sibérienne, tous les petits incidents romanesques ont disparu ; il n’y a ici ni scènes d’amour, ni grandes phrases à sentiments, ni mariage obligé : l’histoire, dépouillée de tout cet appareil de convention, est bien plus touchante parce qu’elle est vraie. Il est impossible de n’en pas être ému. Partout une admirable simplicité, nulle part les combinaisons, les calculs d’un auteur ; c’est Prascovie elle-même que l’on croit entendre. Dans Mme Cottin, Élisabeth épouse le jeune Smoloff, qui la seconde dans ses périlleuses tentatives ; Prascovie, qui n’est pas une héroïne de roman, et qui n’a jamais connu que sa pieuse tendresse, mourut dans un couvent en 1809, des suites de ses longues souffrances. Sa mission était remplie ; elle n’avait vécu que pour sauver son père, et les dangers, l’épuisement, les peines de tout genre, inséparables d’une telle épreuve, rendaient ce dénoûment presque inévitable. L’âme, avec toutes ses espérances, peut bien soutenir une jeune fille durant dix-huit mois d’angoisses et de fatigues ; mais le corps n’a point la force de l’âme, et il succombe en lui obéissant.