Revue littéraire, 1848 - II

La bibliothèque libre.



Les ouvrages de M. Guizot ont déjà un quart de siècle ; ils ont aujourd’hui conquis leur place définitive : ils sont entrés dans cette première postérité, la plus vraie peut-être, quand elle l’est, et qu’on peut appeler la postérité contemporaine. Tout a été dit sur ces ouvrages, et l’on comprend, de reste, que nous ne voulons pas revenir ici sur des jugemens portés si souvent et avec tant d’autorité ; nous voulons seulement faire remarquer, à propos de la nouvelle édition des Essais sur l’Histoire de France[1], que le succès des livres de M. Guizot a toujours été croissant. Cela devait arriver : les ouvrages originaux et profonds, en histoire, ne peuvent pas avoir, dès leur début, toute la vogue à laquelle ils sont destinés ; c’est de l’avenir qu’ils doivent attendre leur consécration. Tandis que les travaux historiques superficiels, si brillans qu’ils soient d’ailleurs, sont dépassés et éclipsés par les études nouvelles, les livres qui ont de l’initiative et de la profondeur ne reçoivent toute leur renommée que des livres nouveaux, lesquels viennent, en quelque sorte, leur servir de piédestal. Les Essais sur l’Histoire de France, comme les autres œuvres de M. Guizot, ont eu cette fortune, constatons-le, et disons en même temps que l’orateur, chez M. Guizot, a beaucoup servi à faire comprendre l’écrivain. En effet, nous sommes si habitués à voir s’étaler une chaleur factice dans un style déclamatoire, qu’il faut que nous soyons prévenus pour deviner la chaleur véritable qui se cache sous un style sévère. Or, quand on lit M. Guizot après l’avoir entendu, on sent combien il lui serait facile de viser à l’éclat, et combien il faut lui savoir gré de ne sacrifier jamais qu’à la raison et de se complaire dans une simplicité mâle et vigoureuse. Mais n’est-ce pas là la bonne et grande manière d’écrire l’histoire ? N’est-ce pas ainsi et seulement ainsi qu’on peut la transformer en haute leçon pour les autres et pour soi-même ? En ces matières, la raison est la muse véritable, l’imagination n’est qu’un guide trompeur. Aussi voyez la différence. Tandis que, pour M. Guizot, les études historiques ont été comme une large voie romaine qui amène droit le penseur au rôle d’homme d’état, pour d’autres, et des plus brillans, l’histoire n’est-elle pas comme une forêt enchantée où ils s’égarent dans des chemins sans issue ? — Du reste, cette nouvelle édition des Essais ne sera pas la dernière ; mais, nous le répétons, c’est un livre sur lequel tout a été dit, un livre consacré, et qu’à chaque nouvelle édition il faut se borner à annoncer.


— L’histoire du palais du Luxembourg se rattache étroitement, par quelques-uns de ses épisodes, aux époques les plus brillantes et les plus agitées de nos annales. Il appartenait à l’architecte habile à qui l’on doit les derniers embellissemens de ce palais de lui consacrer une sorte de monographie historique et pittoresque. C’est ce qu’a fait M. de Gisors dans un curieux ouvrage intitulé : Le Palais du Luxembourg, origine et description de cet édifice[2]. Il n’a voulu négliger aucun des points essentiels de ce sujet intéressant. Il suit les destinées du monument depuis Marie de Médicis jusqu’à nos jours il traite tour à tour en historien et en artiste toutes les questions qu’elles soulèvent. Si l’on appliquait à la plupart de nos édifices historiques une pareille méthode d’investigation et de critique, l’histoire de l’art, comme celle du pays même, s’enrichirait de plus d’un précieux document.



  1. Édition format Charpentier, et huitième édition in-8o, au Comptoir des Imprimeurs-unis.
  2. Un beau vol.-in-8°, typographie de Plon frères, rue de Vaugirard.