Revue littéraire — 14 juin 1841

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REVUE LITTÉRAIRE.

POÉSIES NOUVELLES.

Assurément il n’y a pas au monde de labeur moins encouragé que celui de la poésie : la première prière qu’adresse au ciel un père qui pense à l’avenir de son enfant, est pour supplier Dieu qu’il ne soit pas poète, et la seule instruction que l’on reçoive dans les colléges, c’est d’apprendre à ne pas faire de vers français. À la proposition fabuleuse d’éditer un volume de poésie, les libraires prennent des mines rébarbatives, hérissées et sourcilleuses. Les cabinets de lecture vous repoussent ; les trente journaux qui analysent consciencieusement et minutieusement le plus mince vaudeville, le plus épais mélodrame, n’ont pas le moindre petit coin à consacrer aux volumes de vers dont les couches plus vierges que la neige des Alpes s’étendent en silence sur la table des feuilletonistes dans l’espoir toujours déçu d’une mention, d’une réclame ou d’un article. Et cependant, malgré de tels obstacles et une défaveur si marquée, chaque mois il paraît pour le moins une douzaine de volumes beurre-frais, paille, serin, gris de perle, et autres nuances délicates affectées spécialement à la poésie. Les poètes sont les gens les plus désintéressés du monde, puisqu’ils n’ont d’autre récompense de leur travail que le plaisir qu’ils en retirent. On fait de la prose pour les autres et des vers pour soi ; la poésie est une maîtresse dédaigneuse pour laquelle on se ruine, la prose une honnête femme qui vous nourrit, et ce n’est pas celle-là qu’on aime, car l’esprit de l’homme est aussi ingrat que son cœur.

Les esprits dits sérieux, qui souvent déraisonnent en pauvre style sur une foule de sujets plus ou moins soporifiques, ont toujours trouvé que la poésie était une occupation d’oisifs, un amusement de songe-creux, une espèce de casse-tête chinois intellectuel tout-à-fait méprisable, en quoi ils se sont parfaitement trompés ; la poésie est plus utile que les religions, que les lois, que les sciences et toutes les inventions industrielles ; la poésie, c’est la beauté, l’intelligence et l’harmonie ; c’est par l’image, la compréhension de la nature, par l’idée, la philosophie, par le rhythme, la musique, plus le sentiment de la difficulté vaincue, l’orgueil de l’esprit se faisant jour malgré la matière : Homère, Virgile, Horace ont mieux mérité de l’humanité que les théosophes, les législateurs et les savans : depuis deux mille ans, ils révèlent aux ames l’idée du beau par la perfection de leur forme ; ils arrêtent la marée toujours montante de la barbarie moderne, ils allégent les heures de l’ennui et de la solitude, et procurent à l’intelligence humaine les plus hautes jouissance où elle puisse aspirer ; ils ont duré plus que leurs dieux, plus que leur civilisation, et quand Horace s’écriait dans un noble mouvement d’orgueil : « J’ai fait un monument plus durable que l’airain, l’on dira mes vers tant que le pontife montera l’escalier du Capitole, accompagné de la vestale silencieuse, tant que la langue romaine sera parlée dans l’univers, » il a été trop modeste, car il y a long-temps que la vestale silencieuse ne monte plus les degrés de marbre du Capitole, le latin n’est plus parlé que par les magnats de Hongrie, et l’on lit toujours les odes d’Horace chez tous les peuples de la terre et le globe s’est enrichi d’un nouveau monde pour fournir de nouveaux lecteurs au poète. — Certainement les jeunes gens qui font paraître de petits volumes de vers, essais, préludes, échos, etc., ne sont pas dans ce cas, mais intérieurement chacun se dit : — Qui sait ? je serai peut-être un de ceux-là. Et puis comme l’a dit si bien un poète connu des lecteurs de cette Revue :

La Muse est toujours belle,
Même pour l’insensé, même pour l’impuissant,
Car sa beauté pour nous, c’est notre amour pour elle.

N’est-ce pas une noble et sainte passion que celle de la poésie, et le dédain que l’on affecte pour les poètes qui débutent n’a-t-il pas son côté odieux et ridicule ? L’on admet trois ou quatre noms désormais consacrés pour se débarrasser de toute admiration secondaire, et le respect exagéré pour l’œuvre des grands génies sert de prétexte pour déverser sur tout le reste un mépris affecté. Et pourtant, il faut en convenir, jamais en littérature comme en art les disciples n’ont marché de plus près sur les talons des maîtres, jamais il n’y a eu une pareille diffusion de talent, et ce mouvement est si invincible, si fatalement impérieux, qu’il s’accomplit en dépit de tous les obstacles : ni l’indifférence du public, ni le dédain des libraires et de la critique, ni la certitude de l’incognito et de l’insuccès n’ont arrêté cette marche toujours ascendante, et de cette innombrable armée poétique cinq à six noms à peine sont parvenus au public.

M. Auguste Barbier, dont nous avons à nous occuper à propos des Chants civils et religieux qu’il vient de faire paraître, a eu le bonheur, et ces bonheurs-là n’arrivent qu’à ceux qui les méritent, de débuter par un coup d’éclat qui attira tout d’abord sur lui l’attention générale et lui conquit soudainement sa réputation. Nous voulons parler de la Curée, qui est restée une des plus belles œuvres du poète. M. Auguste Barbier offre cette particularité singulière dans l’histoire physiologique de la poésie, que son talent a donné des fruits sans avoir produit de fleurs : il n’a pas eu les tâtonnemens de la première manière ; on n’a pas vu chez lui les transformations successives par lesquelles l’artiste arrive à formuler complètement son idéal. Chose rare, sa première pièce contient l’expression la plus violente de sa pensée, toutes ses qualités et aussi tous ses défauts ! Il n’a pas brûlé ses vaisseaux, et s’est mis dans l’impossibilité d’aller plus loin. Il ne peut pas ajouter une spirale à la spirale inférieure de son œuvre, et monter ainsi par un mouvement progressif jusqu’au sommet souhaité et prévu d’avance. D’un bond, il s’est élancé à son but, et l’on peut même dire qu’il l’a dépassé. Mûri par le brûlant soleil de juillet, le talent de M. A. Barbier a éclaté comme ces gigantesques fleurs d’aloès qui s’ouvrent avec un coup de tonnerre. L’art même semble étranger à ce développement que le poète pouvait fort bien ne pas avoir prévu ! Et c’est une position difficile que celle des écrivains qui débutent par leur chef-d’œuvre.

M. Auguste Barbier est avant tout moraliste et rhéteur ; chez lui l’indignation fait le vers aussi souvent que chez Juvénal ou Perse : tout a un but visible, un dessein transparent. Le penseur, préoccupé trop fortement de la difformité morale, oublie la beauté éternelle de la création et laisse dans l’ombre les profils sourians et les perspectives heureuses. Le fougueux hippogryphe de l’hyperbole, fouaillé à grands coups d’iambes, l’emporte hors de la réalité dans le domaine grimaçant de l’horrible. Le besoin de frapper fort pour stygmatiser le vice, pousse le poète à des excès de paroles qui ne sont pas dans les limites de l’art. Assurément nous ne sommes pas de ceux qui demandent des périphrases ou des équivalens ; nous n’avons pas d’horreur académique pour le mot propre, et nous trouvons que les idées sont déjà bien assez difficiles à traduire, sans décimer le vocabulaire ; mais M. Barbier ne se contente pas toujours du mot propre, il va jusqu’au mot sale : ainsi il mettra soûl pour ivre, charogne pour cadavre, gueux pour pauvre, etc. Nous ne faisons qu’indiquer la nuance ; mais ces quelques exemples, qu’on pourrait multiplier à l’infini, suffiront pour nous faire comprendre. Avec ce parti pris de style hardiment mené jusqu’au bout, M. Barbier a produit des effets nouveaux dans la langue et d’une énergie extraordinaire ; sa phrase est large, ample, éloquente, d’une trivialité robuste, d’un mouvement soudain, se prêtant à tous les emportemens de l’indignation et de la satire ; mais quelquefois la force est remplacée par la violence, la franchise par le cynisme (cynisme honnête et toujours bien intentionné), la propriété des termes devient de la crudité, la liberté de la négligence, l’art disparaît, et l’intention morale reste seule ; ce n’est pas assez, car il faut bien se pénétrer de cette vérité que sans la beauté du style, la perfection de la forme et l’innovation perpétuelle du détail, toutes les déclamations sur la vénalité, la corruption et autres infamies de l’époque, ne sont guère que des lieux communs dont le fonds se retrouve en prose dans les premiers Paris des journaux ; l’éloquence d’ailleurs ne suffit pas pour la poésie, il faut encore la prosodie, le rhythme et la rime ; outre la pensée, il faut la musique. Les vers de M. Barbier renferment plusieurs fautes de quantité et beaucoup de négligences de facture impardonnables dans une époque où la perfection matérielle du vers a été portée à un si haut degré. Il n’est pas possible de revenir sur un progrès acquis.

Aux Iambes écrits d’un bout à l’autre sur le mode infernal, comme le dit l’auteur lui-même, et dont le fragment d’André Chénier sur les pauvres moutons égorgés, — pendus aux crocs sanglans du charnier populaire, — semble avoir donné le ton, a succédé le Pianto, composé pendant un voyage en Italie. Ici ce n’est plus de la déclamation pure comme dans les Iambes ; la mélancolie remplace la colère. La grande fureur du premier volume est tombée, la philosophie générale succède à l’imprécation directe. La beauté des horizons et des terrains, la splendeur du ciel, la vue des chefs d’œuvre de l’art, cette heureuse facilité de la vie italienne à laquelle nul désespoir ne résiste semblent avoir adouci l’humeur âpre et farouche du poète ; il laisse refléter à son vers plus d’azur et de clarté ; ces hideuses peintures de faubourgs malsains, de voyous livides, de dogues aux mufles sanglans, aux babines baveuses, de poitrines velues et de bras rouges jusqu’aux coudes, sont déjà bien loin. Le dialogue de Salvator et du pêcheur a la sérénité mélancolique et la noblesse d’une églogue antique : le bleu de la mer et le bleu du ciel y brillent de toute leur splendeur napolitaine ; c’est un heureux mélange de la pensée et de la nature extérieure, mélange sans lequel on est un métaphysicien, un philosophe, un moraliste, mais non pas un poète. Dans l’histoire de Bianca, M. A. Barbier a su trouver sur sa sombre palette des tons clairs et charmans pour peindre Venise. Les sonnets sur les peintres et les musiciens, à part quelques irrégularités de forme, sont très beaux et très poétiques : les pièces sur le Campo-Santo, le Campo-Vaccino, déparées çà et là par quelques inutiles brutalités de style, renferment des beautés de premier ordre, et, quoique moins susceptibles d’agir sur la masse que la Curée, nous paraissent d’une exécution supérieure et d’une pensée plus élevée. Sans vouloir déprécier les Iambes, il Pianto est le livre de M. A. Barbier qui jusqu’à présent lui donne le plus de titres au nom et à la gloire de poète ; dans Lazare, il a fait des efforts trop souvent malheureux pour jeter du lyrisme sur un sujet ingrat dont les données, toutes modernes et toutes prosaïques, offrent une grande résistance à l’idéalisation. Certes, la pitié pour les malheureux part d’une belle ame et peut fournir de nobles inspirations, mais cette déploration perpétuelle devient monotone et fatigante, et ces peintures rembrunies sans contraste finissent par vous paraître de pures exagérations de rhéteur. — C’est un triste sujet de poésie que l’Angleterre industrielle avec ses obélisques de briques rouges, son ciel de houille, ses tuyaux noirs, ses machines aux dents acérées qui vomissent fumée et feu, ses milliers de bobines fébriles pirouettant sans repos ; Birmingham et Manchester ne valent pas Amalfi et Sorrente ; tous les bateaux à vapeur de Londres ne valent pas la moindre barque de pêcheur à la voile latine, blanche étincelle qui tremble sur l’azur inaltérable ; les pâles prostituées qui errent sous le gaz de Regent’s-Park sont bien laides à côté des nobles paysannes de Castel-Gandolfe ou de Tivoli. — Il eût fallu, pour tirer parti de telles données, une habileté technique et une patience d’exécution que M. A. Barbier ne possède pas. Aussi Lazare est-il bien inférieur aux Iambes et au Pianto. Les Chants civils et religieux sont encore au-dessous de Lazare : dans les Iambes, il est rhéteur à la façon de Juvénal, dans le Pianto poète, dans Lazare humanitaire, et dans les Chants civils et religieux moraliste seulement. Le mélange de l’idée et de l’image qui forme la poésie ne se rencontre avec de justes proportions que dans le Pianto ; ce n’est point à dire que les autres œuvres de M. A. Barbier soient dénuées de poésie ; mais les défauts, ou, si vous aimez mieux, les qualités que nous avons indiquées, y prédominent.

Dans une courte préface, M. A. Barbier explique l’intention, de son œuvre. « Les poètes anciens, dit-il, épiques ou lyriques, tels qu’Homère, Hésiode, Alcée et Pindare, et les auteurs dramatiques, tels qu’Eschyle et Sophocle, Aristophane et Ménandre, n’ont donné aucune place au moi dans leur œuvre. Ils se sont effacés complètement derrière leur sujet, et ont chanté, sans s’y mêler en rien, les dieux et les héros, la nature des choses, l’agriculture, les mystères religieux, les gloires de la patrie, ou stigmatisé les ridicules et les vices de leurs concitoyens. La poésie individuelle est de création plus moderne, et l’on doit l’attribuer au jeu plus important de la conscience, à la réflexion profonde, à l’examen de soi-même inspiré aux hommes par le christianisme. » Cela est vrai sans doute ; mais la conséquence que M. A. Barbier en tire ne nous paraît pas juste. Chaque chose a son temps ; nous croyons que celui des épopées, des théogonies et des géorgiques est passé. Les généralités ont été traitées mille fois, et n’offrent plus rien de neuf. D’ailleurs, nous n’avons plus grand’ foi aux dieux ni aux héros ; l’agriculture n’intéresse que les fermes modèles, et les poésies religieuses ne nous plaisent que par les peintures de l’ame humaine et des souffrances intimes qui s’y trouvent jointes. Des vers orthodoxes et purement dogmatiques nous ennuieraient fort.

Les anciens, dont nous admirons le mérite plus que personne, avaient l’avantage d’habiter une planète plus jeune de deux ou trois mille ans, et de vivre dans un temps où l’art de l’imprimerie n’était pas inventé. Ils n’étaient pas gênés par les travaux de leurs devanciers, et leurs inspirations, reproduites lentement à un petit nombre d’exemplaires par la copie manuelle, gardaient leur fraîcheur plus long-temps et ne se vulgarisaient pas avec autant de promptitude. En outre, ils avaient à leur service d’admirables instrumens, des langues homogènes, abondantes, sonores, prosodiques, avec des facilités d’inversion et de rhythme dont nous sommes privés. Ils jouissaient d’une vie générale et publique qui n’existe pas dans notre civilisation, où tout pousse à l’isolement, à la concentration. Les anciens ne connaissaient pas le chez soi, ils vivaient au soleil, dans la rue et sur les places ; ils produisaient leurs vices et leurs vertus au grand air. L’axiome fondamental des sociétés modernes est que la vie privée doit être murée. Dans un monde ainsi fait, la poésie générale n’a pas beaucoup de chances de succès. L’important est de savoir ce qui se passe dans ces ames ainsi retranchées, sous ces poitrines toujours couvertes, derrière ces murs opaques et ces fenêtres si bien closes. L’art antique était nu, l’art moderne est habillé ; ce qui fait que nous n’atteindrons jamais à la perfection de formes des Grecs, ni même des Romains. Bien peu de gens aujourd’hui sont capables de juger de la beauté d’un contour car le christianisme, dans son horreur exagérée du matérialisme, a supprimé la chair, et fait un crime de la nudité. Dans la vie moderne, comme elle est arrangée, on peut très bien arriver à la fin de ses jours sans avoir aperçu, tel que Dieu l’a fait, le corps humain, cet admirable poème, cette éternelle adoration de l’antiquité païenne. Ce que nous disons là de la forme purement plastique, s’applique également à la forme littéraire. À l’exception des poètes eux-mêmes, il n’y a que très peu de juges en fait de style. Nous sommes des barbares. Nos vers n’ont ni longues, ni brèves, ni pieds, ni césure. Ils n’ont que la supputation arithmétique des syllabes, l’hémistiche, coup grossier de couperet donné au milieu de la ligne, et la rime périodique, invention de bas-empire et de décadence. Nos vers ont donc besoin, pour être supportables, d’un soin excessif dans la facture, et il faut toutes les ressources du rhythme et du style pour en dissimuler la monotonie. Des vers français ne peuvent donc être qu’excellens ou exécrables. Dans les langues antiques, des vers dont la pensée est presque nulle, ou du moins fort ordinaire, peuvent avoir un charme infini par la beauté matérielle de la phrase. L’épithète insignifiante acquiert de la valeur par la quantité ou l’euphonie. En français, où la moitié des mots finit par des sons sourds et s’éteint misérablement dans l’e muet, il faut toujours une composition plus compliquée, des détails plus rares, des images serrées de plus près ; les généralités deviennent fort aisément des lieux communs, et c’est ce que M. Barbier n’a pas toujours évité dans les Chants civils et religieux.

Ses hymnes à la terre, au soleil, à la mer, aux montagnes, au travail, au froment, à la vigne, à la liberté, à la famille, au mariage, dont le sujet ressemble en quelque sorte aux sujets de composition que l’on donne aux élèves de rhétorique ou à ces lieux communs que les faiseurs d’épopées intercalent dans les vides de leur action, ne pouvaient acquérir une importance littéraire que par une exécution parfaite et une constante nouveauté de forme et de détails. Tout le monde sait que la vigne et le froment sont d’une grande utilité ; personne n’a mis en doute la beauté du soleil, de la mer et des montagnes ; la sainteté de la famille et du mariage est universellement reconnue ; ces vérités axiomatiques sont dans toutes les mémoires. Proclamer des principes suffit à la morale, mais la poésie exige davantage : ce n’est pas assez de donner de bons préceptes, il faut donner de bons vers, car à ce compte les lignes du décalogue, les quatrains de Pibrac et les doctes sentences du conseiller Matthieu seraient les plus admirables poésies du monde. La moralité de l’art ne consiste pas, on ne saurait trop le répéter, en sentences religieuses ou sociales, mais à élever l’homme par l’admiration du beau et l’attrait des jouissances intellectuelles les plus nobles et les plus pures de toutes. Une idylle de Théocrite où deux bergères se disputent une coupe de hêtre, une houlette a nœuds d’airain, remplit ce but tout aussi bien et mieux qu’une pièce farcie de sentences morales ou de préceptes philosophiques.

Nous ne blâmons pas l’intention de M. A. Barbier, elle est honnête et louable. D’ailleurs, tout sujet est bon. Seulement nous regrettons que, préoccupé de son idée, l’auteur des Chants civils et religieux se soit laissé aller à de telles négligences de forme et de style. Nous aurions en outre souhaité que ces hymnes ne fussent point écrits en alexandrins à rimes plates ou mêlées et en vers libres ; il serait impossible de les mettre en musique et de les réciter, et l’intention du poète a dû être qu’on les chantât aux moissons, aux vendanges, aux mariages, etc., etc. : les strophes lyriques auraient eu l’avantage de pouvoir s’adapter à la mélodie, et par leur forme nette et précise resserreraient et contiendraient l’inspiration trop vagabonde de l’écrivain. Le style de M. A. Barbier, autrefois nerveux, robuste et coloré à l’excès, est devenu incertain, languissant et pâle ; la périphrase abonde, l’épithète de remplissage accroche à toutes les hémistiches ses rameaux parasites, les rimes sont plus douteuses que de coutume, et la facture porte presque partout le cachet de la négligence, et de la précipitation ; l’inspiration réelle est absente, et l’on voit que l’auteur remplit un cadre tracé d’avance.

Cette suite d’hymnes sur le ton admiratif a quelque chose de fatigant. Nul poète, si longue que soit son haleine, ne pourrait donner de la variété à cette exclamation perpétuelle. Sans doute, il est bon de louer les belles choses, mais le dithyrambe est, de toutes les variétés de l’ode, la plus difficile à soutenir ; l’idée philosophique est d’ailleurs trop visible dans ces pièces si monotones de ton : c’est comme si, dès les premiers vers d’une fable, on en devinait le sens et la morale. Dans le chant adressé au poète se trouve la strophe suivante :

Oui, le poète est libre ; ô philosophes blêmes,
Ténébreux constructeurs de mondes incomplets,
Essayez de le prendre en vos étroits systèmes
Comme l’oiseau dans les filets !
Et pareil au sultan des plaines éternelles,
Pareil à l’aigle altier il étendra les ailes,
Et dans l’azur des cieux emportera vos rets.

Il serait à désirer que M. Barbier dît vrai, mais il est lui-même un exemple funeste du contraire ; il s’est laissé prendre dans les filets d’un système philosophique, il a trop écouté les ténébreux constructeurs d’utopies ; et cependant, l’aile ne lui manque pas, et, quand il le voudra, il peut, d’un seul essor, remonter dans le ciel bleu de la vraie poésie. Nous sommes bien sévère pour un écrivain dont nous aimons le talent ; mais, comme les Chants civils et religieux semblent provenir d’un parti pris plutôt que produits par une inspiration spontanée, nous en disons notre avis sans ménagement, espérant que ce livre ne sera qu’un accident, un écart dans la vie littéraire de l’auteur des Iambes et du Pianto. Il est encore temps pour lui de s’arrêter dans cette voie ; qu’il soit persuadé que la forme est de la plus haute importance en poésie, et qu’elle fait toute la différence de l’admirable au médiocre ; qu’il relise ses propres œuvres, et il verra que ses meilleurs passages, ses élans les plus sublimes, ses apostrophes les plus éloquentes sont d’une facture parfaite, d’une rime riche, d’une opulence extrême de détail et de couleur. La facilité d’une rime pauvre, d’un style lâche, un tour incorrect n’ont jamais amené la moindre beauté ni permis de se produire à une idée que la correction la plus sévère n’eût exprimée cent fois mieux ; les endroits remarquables qui étincellent çà et là dans les Chants civils et religieux sont encore les plus ciselés et les plus étudiés ; tout le monde a des idées poétiques, mais les poètes ont seuls les moules où se jettent les idées, — le penseur ne peut se passer de l’artiste. Que M. Barbier laisse l’esthétique et la philosophie ; qu’il regarde le ciel et la mer, le vert feuillage, les belles femmes et les beaux enfans ; qu’il s’inquiète de la blancheur du marbre de Paros et de l’ambre jaune de Venise, des madones de Raphaël et des Vénus du Titien, qu’il lise Homère, qu’il écoute, sans s’occuper de l’humanité en général, battre son propre cœur dans sa poitrine émue ; qu’il fréquente les ateliers des peintres et les galeries de statues antiques, et il aura bientôt retrouvé sa poésie oubliée plutôt que perdue.

M. Barbier n’est pas toujours absent de son œuvre ; on le retrouve dans maint endroit, au détour d’une strophe ou d’une amplification philosophique, au moment le plus inattendu. Vous êtes éblouis par une lueur subite d’ancienne flamme que la cendre grise d’une esthétique mal comprise ne couvre pas toujours. La personnification hardie de l’homme amoureux de la terre symbolisée sous la figure de la jeune Cybèle, rappelle la hardiesse de métaphore de la Popularité et des iambes du bon temps. L’ode au Travail se termine par un tableau du bœuf de labour rentrant à l’étable après une longue journée de courageux efforts, qui a la netteté et la simplicité de lignes d’un bas-relief antique ; le dernier morceau de l’Hymne au Mariage est d’un grand charme et d’une grande délicatesse. Nous ne pouvons résister au plaisir de la citer :

Il est doux, il est beau de monter la colline Ensemble, et le bras sur le bras ;

Il est doux, il est beau, lorsque le jour décline,
De la descendre ensemble et de dormir au bas,
Comme ces vieux époux aux tranquilles figures,
Que l’on voit côte à côte et se donnant la main
Dormir d’un si bon cœur et d’un front si serein
Sur les antiques sépultures.

Les Poésies sociales des Ouvriers, recueillies par M. Olinde Rodrigue auraient paru, il y a quelques années, les plus prodigieuses du monde. Le menuisier de Nevers a été considéré par le XVIIe siècle comme un phénomène, et cependant il n’y avait en somme rien de fort étonnant à ce qu’un ouvrier tournât agréablement quelques refrains bachiques. Mais c’était une idée enracinée en France, et qui subsiste encore aujourd’hui, qu’un travail manuel est incompatible avec les travaux de l’intelligence. Nous ne sommes pas surpris, pour notre part, que des ouvriers puissent faire des poésies, et l’exercice d’un métier quelconque ne nous semble pas s’opposer à l’inspiration : le boulanger de Nîmes et d’autres brillans exemples prouvent le contraire. Nous pensons même que raboter une planche ou coudre un soulier est une occupation plus favorable à la poésie que de faire des feuilletons ou d’être employé à quelque travail intellectuel subalterne.

Nous avons été assez désappointé en lisant les Poésies sociales des Ouvriers. Nous nous attendions à de la nouveauté, à du pittoresque, à de l’énergie, à du naturel, enfin à toutes les qualités non littéraires. Nous avons trouvé des vers bien faits, académiques, incolores et vides, tels que pourraient les faire des poètes par état. Si l’on ne voyait pas au bas de chaque pièce un tel, cordonnier ou menuisier, on prendrait aisément ce recueil pour un almanach des muses quelconque. L’imitation de Lamartine et de Victor Hugo s’y fait sentir à chaque ligne, ce sont des méditations, des rêveries qui ne rappellent en rien la profession et la situation particulière de ceux qui les ont écrites. Ce titre de sociales, que M. Olinde Rodrigue a inscrit sur ces pièces, n’est guère justifié. Il est vrai que les mots avenir, progrès, capacité, exploitation, oppression, s’y présentent assez fréquemment ; mais ce bagage, ramassé dans les premiers Paris et les articles de fonds des journaux utilitaires, n’est rien moins que social. Est-il quelque chose au monde de plus subversif et de plus funeste que cette fiévreuse préoccupation de l’avenir qui dégoûte du présent et vous rend la vie insupportable par l’espérance de félicités chimériques ? — Les riches sont-ils bien des ogres et des cannibales, des monstres pétris de vices, comme on les représente toujours ? Les prolétaires ont-ils donc toutes les vertus ? L’inégalité des conditions est une loi fatale, qu’il faut accepter comme la différence de taille et de force, de beauté et de laideur. Il y a un hasard social comme il y a un hasard naturel ; vous naissez pauvre comme vous naissez bossu, sans raison apparente, et vous aurez beau changer les formes de la société et du gouvernement, il en sera toujours ainsi. — C’est avec chagrin que nous voyons toutes ces idées malsaines d’injustice et d’oppression germer dans les cerveaux de la classe inférieure, ou qui se croit telle — Personne n’a intérêt à étouffer une intelligence, et nous ne croyons guère au génie méconnu. Le talent mène à tout ; la médiocrité elle-même, quand elle est laborieuse et persévérante, réussit.

Les poésies des ouvriers nous auraient plu davantage si elles n’avaient pas été sociales, et se fussent contentées d’être tout simplement des poésies. Certes, c’est une chose louable à des gens occupés d’ouvrages manuels, d’aspirer aux plaisirs de l’intelligence et de trouver à faire des vers un divertissement que d’autres vont demander au vin bleu des cabarets et aux danses obscènes des guinguettes, mais il ne faudrait pas pour cela qu’ils se crussent des anges déchus, des génies incompris, des êtres injustement traités par le sort, et qu’ils ne vinssent à dédaigner le métier honnête qui les nourrit. Un bon bottier vaut mieux qu’un littérateur médiocre ; la poésie ne doit être pour eux qu’une consolation, qu’un amusement comme de jouer de la flûte et du violon, et non une surexcitation de vanité maladive. — Entrons maintenant dans quelques détails. Au nombre des morceaux remarquables il faut compter les pièces de M. Savinien Lapointe, cordonnier, de M. Louis Festeau, horloger, de M. Ponty, ouvrier en vidanges, qui a fait une méditation sur le to be or not to be d’Hamlet, où il est question de la monade de l’Androgyne et autres métaphysiques des plus abstraites ; mais la meilleure pièce est le dialogue de l’Epée et du Marteau de M. Francis Tourte, peintre sur porcelaines et commis-négociant ; l’idée est ingénieuse et bien rendue ; le Chant des Compagnons par M. Piron, blancher-chamoiseur, dit Vendôme la Clé-des-Cœurs, est incolore et vague, et n’a pas la franchise énergique et la jovialité familière qu’exigent le sujet : c’était là, à coup sûr, qu’aurait dû se déployer dans tout son luxe la poésie ouvrière ; mais, chose étrange en littérature, la dernière chose à quoi l’on pense, c’est au naturel ; des gens illettrés essayant de faire des vers, font de la poésie académique et mirlitonnent des lieux communs. Ce n’est qu’à force d’art et d’études qu’on peut arriver à ce qui devrait être le point de départ ; pour décrire une mansarde de couturière, il faut être Victor Hugo : la couturière véritable fera des vers dans le genre de Delille ou d’Esménard. Les vieilles chansons populaires pleines de fautes, de rimes inexactes et d’assonances hasardées improvisées par des compagnons en voyage, des contemplations, renferment mille fois plus de poésie que le gros volume colligé par M. O. Rodrigue. On y sent au moins les amers parfums de l’aubépine et l’odeur des fraises nouvelles ; il y a de l’épanouissement, de la vie, des idées imprévues qui s’élancent brusquement du bout d’un vers comme un oiseau effrayé qui part d’une haie. Le littérateur est absent, et quand les plus grands poètes peuvent faire une strophe valant un de ces couplets-là, ils s’estiment les plus heureux du monde.

Les Échos lyriques de M. Eugène Borel sont une espèce d’anthologie allemande, un petit bouquet de fleurettes germaniques de Goethe, de Schiller, d’Uhland, de Heine, de Schubart, de Hœlty, d’Eichendorff, de Ruckert, et autres poètes peu connus en France ; le texte allemand est sur une page, et la traduction française sur l’autre. Les pièces sont rendues presque toujours dans la même mesure et avec le même nombre de vers, avec assez d’exactitude ; cependant il nous semble que le pénétrant parfum germanique, cette forte saveur de vin du Rhin qui vous monte à la tête lorsqu’on ouvre les poètes de la terre des chênes, ne se trouve pas dans les traductions trop francisées de M. Eugène Borel ; un peu de rudesse et de barbarie ne messied pas quand il s’agit de ces âpres langues du nord toutes chargées de rêverie et de pensées. Nous croyons aussi que M. Eugène Borel eût pu faire un choix plus singulier et plus caractéristique. La moisson est immense dans ces champs presque inexplorés, et eût pu nous rapporter une gerbe mieux fournie et plus riche.

Les Chants du Voyageur, de M. Delâtre, à travers beaucoup d’inexpérience laissent voir un bon sentiment poétique, une certaine nouveauté d’images et de comparaisons, qui permettent de bien espérer du premier volume que fera paraître l’auteur. — L’on en peut dire autant des Cloches, de M. Lacretelle fils, supérieur à M. Delâtre comme versification et comme rhythme, et qui n’a besoin, pour bien faire, que de se dégager de l’imitation involontaire où l’admiration du modèle préféré entraîne presque toujours les jeunes talens.

Nous terminerons cette revue poétique par l’analyse d’un charmant petit livre tout mince et tout coquet, nouvelle étoile de la pléiade de légendes illustrées qui brille au ciel de la boutique de Curmer. C’est la Légende de Rosemonde par M. Henri Blaze, avec des eaux fortes de M. Jacques.

Vous ouvrez le livre, et vous voyez d’abord en manière de frontispice la belle Rosemonde assise au milieu d’un paradis de fleurs, sous deux arbres fluets dont les branches se contournent en capricieuses arabesques : elle étend nonchalamment la main, et coupe de son ongle d’agathe la tige d’un grand pavot pour le joindre aux touffes d’hyacinthes, d’œillets, de roses et de marguerites qui encombrent son giron. La guirlande aboutit, en s’éparpillant et en s’effeuillant, à cet affreux hiatus noirâtre, à cette gueule formidable qui avale sans jamais se rassasier la jeunesse et la beauté du monde. Le nom de l’auteur et celui de la légende, écrits en caractères rustiques et bizarres, complètent cette eau forte d’une finesse extrême. Puis on tourne la page et l’on voit la chambre de Rosemonde. Voilà le petit lit virginal, avec ses quatre colonnes torses et ses pentes de serge, le buffet de noyer miroitant de propreté, la fenêtre aux étroits vitraux de plomb où le jasmin en fleur frappe de sa petite main d’argent, comme pour se faire ouvrir, le plafond rayé de solives, la table aux pieds croisés en x, le lourd flambeau de cuivre, le pot de grès au couvercle d’étain, le grand fauteuil à tapisserie de l’aïeule et l’escabeau de la jeune fille. Ne vous semble-t-il pas entendre bourdonner le rouet de Marguerite dans cet intérieur si calme, si doux, dans ce blanc paradis de jeunesse et d’innocence.

L’histoire commence après cette vignette qui n’est que la traduction des premières pages du récit. — L’on est au printemps ; la nature, qui craint d’être en retard et de ne pouvoir fournir au mois de mai sa belle robe de fleurs, a passé la nuit comme une ouvrière à qui une grande dame a commandé de beaux ajustemens pour une fête dont l’époque est rapprochée ; elle lace autour de la taille des jeunes roses leur petit corset de velours vert, elle pique les pointes d’argent dans le cœur d’or des marguerites, fourbit les étoiles rouillées par l’hiver, satine le gazon de la prairie, délivre les cascades de leurs prisons de cristal et se donne une peine extrême pour arriver à temps. Rosemonde, tout en filant son rouet, se sent émue par cet épanouissement de la nature ; elle pense à son bien-aimé Valentin que l’amour de la peinture a entraîné à Rome. L’aïeule s’endort dans son fauteuil, et la folle brise qui entre par la fenêtre entrebâillée joue avec les feuillets d’un riche missel, historié de miniatures admirables, posé sur la table ; ce missel est un cadeau de Valentin. Par un hasard inquiétant, le vent ouvre toujours la page à l’endroit de l’office des morts. — Rosemonde, le cœur envahi par une mélancolie pleine de pressentimens, se met à chanter une longue et douce complainte, une « chanson de saule et d’amour malheureux, » où elle raconte l’histoire de ses amours avec Valentin et son départ pour l’Italie où il demeure depuis trois ans ; dans son exaltation, elle demande des nouvelles de Valentin au rossignol, à l’étoile, à la rose : le rossignol se tait, l’étoile s’efface, la rose se fane. Rosemonde troublée laisse choir sa quenouille qui se brise, et se lève pour fermer la fenêtre, car l’haleine de la nuit envoie d’étranges soupirs dans la petite chambrette, la lampe prend de singulières nuances : en se penchant à la fenêtre, Rosemonde croit entendre un bruit de pas dans le feuillage : Est-ce toi, Valentin ? s’écrie-t-elle haletante d’espoir et d’amour.

Non, répondit alors une voix solennelle,
Mais quelqu’un qu’il envoie auprès de toi, ma belle.

Qui êtes-vous ? continue Rosemonde inquiète.

Je suis celle qui va frapper à chaque porte,
À qui l’effroi tient lieu d’amour et de respect,
Et qui du même pied descend un bourg infect
Et monte l’escalier de l’alcôve dorée ;
Celle à qui nul valet ne refuse l’entrée,
Lorsque dans le château des papes et des rois
Elle vient, en traînant à ses pieds nus et froids
Quelque paille enlevée au fumier de Lazare ;
Celle qui n’a d’amour ni de haine, et sépare
La chose que sa sœur a liée autrefois ;
Que le soldat défie au son de la fanfare,
Les pâles débauchés aux lampes des repas ;

Celle qui fait pâlir les fronts sous la thiare
Qu’on méprise tout haut et que l’on craint tout bas,
Celle que Hans Holbein a peinte en botaniste,
Arrosant dès le jour ses tulipes en fleurs,
Et dont le vieux Dürer a fait plus tard ailleurs
Un morne cavalier qu’un chien suit à la piste.

Eh bien ! répond Rosemonde, pouvez-vous me conduire vers lui ? — Je le peux. — Laissez-moi dire ma prière, embrasser ma vieille mère et ma petite sœur endormie, et nous partirons ensemble. — Dépêche-toi, dit la mort ; j’entends déjà hennir les chevaux du matin. L’endroit où repose Valentin est loin d’ici ; nous n’arriverons pas. — Descends donc. — Me voici, dit Rosemonde en livrant sa main blanche et fluette à la noueuse étreinte du spectre.

Cette légende est arrangée avec beaucoup d’adresse et un fin sentiment de la narration. Mille petits détails jetés incidemment dans le cours du récit éveillent et inquiètent l’attention du lecteur ; le missel s’ouvre à un endroit funèbre, la lampe grésille, les fleurs répandent des parfums énervans et délétères, le chant du rossignol ressemble au sanglot ; tout prépare l’esprit à une triste catastrophe. — Quelques négligences et quelques afféteries de style déparent çà et là cette charmante nouvelle, mais la narration permet plus de laisser aller que l’ode ou le discours.

Ce n’est plus le mois de mai, et cependant tous les poètes sont en fleurs. Parmi les nombreux volumes qui viennent de paraître, nous devons citer encore le recueil des frères Deschamps, les Sentiers perdus de M. Arsène Houssaye, et les Heures de Poésie de M. A. Renée. M. Brizeux, l’auteur de Marie, fait aussi imprimer un recueil sous le titre de Morgana. — Vous voyez bien que la poésie n’est pas tout-à-fait morte comme le prétend la critique, qui a ses raisons pour cela.


T. Gautier.