Revue littéraire - 31 mai 1850

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Revue littéraire - 31 mai 1850
Revue des Deux Mondes, Nouvelle périodetome 6 (p. 935-945).

REVUE LITTERAIRE.




LES THEÂTRES ET LES LIVRES.




N’y a-t-il pas eu quelque chose d’instructif, et comme un piquant synchronisme, dans cette reprise d’Angelo à trois jours de distance du dernier discours de M. Victor Hugo ? Drame et discours ont ensemble un air de famille qu’on ne saurait contester. Assurément les adversaires politiques de M. Hugo n’ont pas eu de peine à le mettre en opposition avec lui-même, à établir entre son passé et ses tendances actuelles des contrastes accablans. Pour qui ne consulte que les indices extérieurs, il y a loin des effusions monarchiques du poète vendéen ou du lyrisme courtisanesque de l’ancien pair de France à cet apostolat socialiste qui fait applaudir par la montagne l’orgueilleux cliquetis de ses métaphores. Et cependant, lorsqu’on étudie les habitudes poétiques de M. Hugo, au théâtre surtout, dans cette partie de son œuvre où il a le plus cherché le succès immédiat, le contact direct avec la foule, lorsqu’on voit à quelle source il a constamment puisé, quelle a été l’idée dominante de toutes ses conceptions dramatiques, quels moyens de réussite il a perpétuellement employés, on n’est plus aussi étonné de ses nouveaux sacrifices à cette popularité dont il est avide, et l’on reconnaît que ses mélodrames de tribune pourraient bien n’être que les corollaires de Marie Tudor, de Lucrèce Borgia et d’Angelo.

Qu’est-ce donc que ce drame d’Angelo auquel le caprice d’une grande actrice vient d’accorder les honneurs d’une résurrection fort intempestive ? C’est une antithèse en quatre actes, la glorification de la courtisane transfigurée par l’amour, et humiliant, de toute la supériorité de son dévouement et de son courage, la patricienne, sa rivale. Le texte n’est pas neuf, surtout sous la plume de M. Hugo, dont le théâtre presque entier à l’antithèse pour base ; mais son système, dans Angelo, a fait un pas de plus. Marion Delorme n’était encore qu’une variante de la courtisane amoureuse, et ce type, bien que fort usé., est toujours acceptable comme une des contradictions innombrables du cœur humain. D’ailleurs, dans Marion Delorme, le lyrisme, le sentiment poétique, circulaient à travers le drame, et donnaient à la pensée primitive plus d’idéal et de lointain. Angelo est à la fois le raffinement et la vulgarisation de l’antithèse. Tisbé, l’héroïne de la pièce, n’est pas seulement réhabilitée par son amour ; cet amour la rend supérieure à l’homme qu’elle trompe, à l’homme qu’elle aime, à la femme qu’Angelo lui sacrifie et que Rodolfo lui préfère. Auprès de cette comédienne, de cette fille du peuple, de cette baladine, ainsi qu’elle s’appelle elle-même avec une humilité superbe et une méprisante ironie, tous les autres personnages nous paraissent pusillanimes, égoïstes ou mesquins ; et, comme pour, rendre l’effet plus irrésistible et le contraste plus concluant, le drame cette fois, au lieu de s’envoler vers les régions idéales sur les ailes de la poésie marche de plain-pied avec nous, et nous parle une prose bien moins naturelle, à coup sûr, que les vers de Racine, mais plus voisine de la réalité.

Il y a quinze ans, lors de la première représentation, Angelo fut soumis ici même, par un critique éminent, à un examen dont la sévérité parut alors excessive, et n’a été depuis que trop bien justifiée. M. Gustave Planche fit aisément ressortir tout ce qu’il y a de puéril dans l’antithèse employée comme seul élément d’émotion dramatique. Il démontra que, grace à cette poétique exclusive et absolue, les personnages des drames de M. Hugo finissaient par n’avoir plus rien d’humain ; qu’en leur imposant les despotiques exigences d’un procédé uniforme, il arrivait à en faire, non pas des figures interprétées d’après les lois éternelles de l’humanité et de l’histoire, mais plutôt des médailles grossières, frappées à son effigie et jetées dans un moule invariable. « Après les comédies de Marivaux, ajoutait M. Planche, on pouvait dire que l’art se manierait ; après un drame comme Angelo, s’il devenait le type et le modèle du théâtre moderne, il faudrait dire que l’art s’en va. » La conclusion était sévère, mais elle était juste.

Aujourd’hui ces conclusions, posées au nom de l’art, ne peuvent plus se détacher de préoccupations plus sérieuses, qui, loin de les atténuer ou de les contredire, les fortifient et les consacrent. Oui, au seul point de vue littéraire, il est incontestable que l’abus de l’antithèse n’a produit et ne pouvait produire que de désastreux effets, qu’au lieu de ces affinités vivifiantes et fécondes qui s’établissent entre l’ame du spectateur et les créations des grands poètes, cet abus a enfanté un monde à part, monde d’exceptions bizarres, séparé de nous par des abîmes ; mais ce n’est pas tout. Rattachée à l’ensemble des travers contemporains, à cet enseignement général qui ressort des événemens comme des œuvres de notre époque, cette manie de l’exception prend un caractère plus grave, et devient pour ainsi dire un symptôme de nos maladies morales. L’orgueil, la vanité, l’esprit de révolte, tous ces dissolvans si chers à notre siècle, se complaisent à cette continuelle recherche de la grandeur dans l’abaissement, de la pureté dans l’infamie, de la vertu dans le vice. C’est plus qu’un paradoxe ou un contraste, c’est une revanche, une sorte de protestation permanente contre les classifications indiquées par la Providence, établies par la société, ratifiées par la conscience publique. Déclasser les hiérarchies morales, transposer les notions du bien et du mal, enclaver l’héroïsme dans le crime, n’y a-t-il pas dans ce procédé d’attrayantes et mystérieuses amorces, en un temps où l’individualisme domine, où le faisceau de toute autorité et de toute croyance se dissout et se brise, où l’idée précise du devoir, le sentiment austère de ce qui est vrai ou faux, salutaire ou funeste, se déconcerte et s’énerve sous l’amollissante influence de chaque fantaisie personnelle ?

Cette dangereuse tendance, M. Victor Hugo l’avait acceptée, bien avant de devenir orateur démagogue ; elle répondait trop bien à l’irrésistible penchant de son imagination puissante, toujours portée à excéder ses pouvoirs, comme ces rois absolus qui finissent par encourir la déchéance à force de ne reconnaître que leur volonté pour loi et leur caprice pour arbitre. Quel jeu de prince que ce déplacement perpétuel des échelons et des rôles dans la création et la société ! Que de satisfactions vaniteuses dans ce système magistral qui abaisse tout ce qu’on honore, ennoblit tout ce qu’on méprise, cueille des perles dans la boue, couvre de boue l’hermine et la pourpre, et se décerne à lui-même le droit de réhabilitation ou de flétrissure dans le monde physique et dans le monde moral ! M. Hugo ne pouvait échapper à cet entraînement si bien d’accord avec les prédilections mêmes de sa pensée et les allures de son génie. On en retrouve la trace, toujours plus distincte et plus profonde, dans presque tous ses ouvrages ; du Dernier Jour d’un Condamné à Notre-Dame de Paris, de Marion Delorme à Marie Tudor et à Angelo, c’est constamment la même idée sous des formes différentes. Peu à peu cette idée se dégage de l’élément lyrique ; elle perd son auréole et son cadre, l’auréole de poésie, le cadre ciselé où se maintenaient encore Hernani, Marion, Quasimodo, l’Esmeralda ; elle tend à la foule une main brutale ; au lieu d’élever jusqu’à elle son ardent auditoire, elle se rapproche de lui en des fictions violentes où le poète disparaît pour faire place au dramaturge ; c’est la seconde phase, celle de Lucrèce Borgia et d’Angelo. Vienne enfin une secousse soudaine qui tourne vers la place publique les ambitions et les vanités, l’idée dont nous parlons subira une transformation dernière ; elle franchira la rampe pour entrer dans la vie réelle ; au lieu de prendre pour expression et pour symbole la glorification d’une courtisane ou la dégradation d’une reine, elle mettra au service de la démagogie son clinquant et ses paillettes, se fera l’adulatrice des passions de la multitude, et, par une sorte d’enchaînement logique ou plutôt d’esprit de corps, se plaindra de voir les comédiens ambulans privés des attributions souveraines du suffrage universel.

Voilà peut-être de bien grands mots et une digression bien grave à propos d’une pièce qui, considérée en elle-même, ne mériterait, à vrai dire, ni tant d’honneur, ni tant de sévérité. Angelo, en effet, quoi qu’on puisse prétendre, et malgré la vie factice que lui auront donnée tour à tour trois actrices célèbres, n’est qu’un mélodrame, dans l’acception complète du mot ; poisons, serrures, trousseaux de clés, traître mystérieux, tyran imbécile, rien n’y manque ; il y a seulement, au premier acte, certaines élégances de dialogue, certaines nuances de comédie qui ne tardent pas à disparaître dans le tumulte grossissant. Le style aussi a droit à une mention particulière ; il échappe à la vulgarité aux dépens du naturel. Cette phrase hachée menu, taillée à facettes, où les métaphores se heurtent et se brisent en éclats, n’est pas et ne sera jamais le langage de la passion. Sans cesse les personnages semblent chercher le mot du cœur, mais ils ne le trouvent que dans le cerveau du poète. Cette simplicité affectée, ce cri de la nature reproduit à force d’art, fatiguent plus, à la longue, que les banalités débonnaires du mélodrame d’autrefois. M. Hugo possède, pour les situations dramatiques de ses romans et de ses pièces de théâtre, un air de bravoure qui lui a réussi dans le dernier acte d’Hernani et dans la scène de la Sachette de Notre-Dame de Paris, mais qu’il répète à satiété, avec des variations fort monotones qui ne parviennent pas à le déguiser. Dès que la situation se tend, l’air primitif reparaît, avec son cortège obligé d’interjections, d’onomatopées, d’hyperboles, de familiarités hasardeuses, trop souvent à un pas du sublime. Non, Racine et Shakspeare, Phèdre et Desdemona n’ont pas besoin, pour nous attendrir, de parler cette langue bizarre, ce jargon de la pitié et de la terreur, qui n’est ni la vraie terreur, ni la vraie pitié. Et puis, comme tout cela a vieilli ! — Comme tous ces Malipieri, ces Bragadini, ces Omodei, ces doges, ces provéditeurs, ces espions, ces sbires, ont l’air de sortir, tout poudreux, d’un magasin de théâtre fermé à clé depuis quinze ans ! Quel Géronte que cet Angelo, malgré le sinistre tocsin de ses haines héréditaires ! Que de rides précoces sur le front de cet infortuné Rodolfo, dernier rejeton de la race lugubre des Antony et des Didier, dont il était destiné à clore la liste, comme ces enfans abâtardis en qui s’éteignent les familles ! Encore une fois, que tout cela est vieux, et que Racine et Shakspeare sont jeunes !

Que dire maintenant de Mlle Rachel ? On lui a décerné, dans ce rôle de Tisbé, des ovations si retentissantes, des panégyriques si enthousiastes, que la note juste disparaît dans ce bruyant concert ; l’impartialité a mauvaise grace, et il devient aussi difficile de critiquer avec franchise que de louer avec mesure. Sans nul doute, Mlle Rachel a déployé dans ce rôle cette exquise distinction qui ne l’abandonne jamais. L’habitude d’assouplir, de transformer par une diction savante le rhythme des vers de tragédie lui a servi à lutter contre cette prose dont elle sait fondre en un harmonieux ensemble les arêtes et les ciselures. Ajoutez à ces avantages une habileté, un éclat d’ajustement qui rappelle les chefs-d’œuvre de l’école vénitienne ; ajoutez-y l’expression implacable de ce masque tragique, et ce souffle puissant de Melpomène qui force de prendre au sérieux ces scènes mélodramatiques, et vous comprendrez quel élément de succès Mlle Rachel a apporté à cette reprise d’Angelo. Nous croyons pourtant que ses admirateurs sincères se sont attristés de la voir aborder ce drame, et devenir, après coup, l’interprète et la complice d’une école dont Angelo ne représente que les excès et les défauts. Il n’est pas étonnant que Mlle Rachel, fatiguée de sa longue et glorieuse alliance avec les morts, ait voulu essayer un peu des vivans ; mais ne pouvait-elle mieux choisir ? Si la tragédienne, dans sa juste reconnaissance pour l’ancien répertoire, s’est proposé de montrer, en une fois et pour n’y plus revenir, toute la distance qui sépare nos anciens chefs-d’œuvre de nos chefs-d’œuvre modernes, nous devons l’avertir qu’elle y a réussi. Si elle a prétendu effacer le souvenir de Mlle Mars et de Mme Dorval, peut-être son succès a-t-il été moindre.

Au reste, M. Hugo n’est pas le seul qui nous ait fait voir, ces jours-ci, une courtisane régénérée par l’amour et trouvant, dans ce sentiment nouveau, de nobles inspirations. Cette antithèse était déjà fort en vigueur, il y a quelque trois mille ans, sur le théâtre hindou, du moins si nous en croyons les traducteurs successifs et quelque peu suspects du roi Soudraka, poète tragique très sévère pour les souverains ses confrères, mais très indulgent, en revanche, pour les courtisanes et les voleurs. Quelle est réellement la part de ce roi Soudraka dans le Chariot d’Enfant ? Quel est le mystifié dans toute cette affaire ? Est-ce le savant Wilson, qui a traduit de l’hindou en anglais le texte primitif ? Est-ce M. Langlois, qui l’a fait passer dans notre langue ? Est-ce M. Gérard de Nerval, dont l’érudition spirituelle se plaît à ces excursions lointaines, ou M. Méry, dont la verve abondante a brodé de ses bouts-rimés habituels ce canevas d’origine asiatique et de façon européenne ? Est-ce enfin le parterre de l’Odéon, qui a raisonnablement applaudi le produit de ces transformations bizarres à travers lesquelles le roi Soudraka nous apparaît comme le dieu Wischnou après ses diverses métamorphoses ? Il serait assez malaisé de s’y reconnaître, et peut-être vaut-il mieux juger tout simplement ce Chariot d’Enfant comme un drame de la veille. Ce drame ne manque ni d’intérêt ni même de couleur ; avec un peu de bonne volonté, on est libre d’y retrouver çà et là nu reflet des mœurs et de la nature indienne, à peu près comme dans ces romans de M. Méry, où il y a de l’esprit et des tigres. Seulement, dans toutes ces retouches et refontes successives, il s’est fait entre l’original et les copies, entre l’Inde du XIe siècle avant notre ère et la France de 1850, des transactions et des compromis qui gênent singulièrement l’esprit du spectateur et affaiblissent l’effet général. Ainsi l’on est fort disposé à s’arranger, par égard pour la couleur locale, de cette belle Vasantasena, courtisane ou almée, qui est le bon génie de la pièce, de cet honnête voleur qui se livre à son industrie en toute sûreté de conscience, de cette femme légitime qui accepte très paisiblement l’amour de son mari pour Vasantasena et l’intervention de la courtisane dans son ménage ; tout cela est peut-être indien : il n’y a donc pas lieu de réclamer ; mais ce qui est français malheureusement, et trop français, ce sont ces éternelles épigrammes de petit journal rimées par M. Méry pour la joie du public de l’Odéon, ces ingénieuses allusions aux méfaits des souverains de tous les pays et des ministres de tous les temps, ces déclarations de principes d’un voleur de profession, qui, aposté dans un jardin royal et ne volant que de grands personnages, leur reprend ce qu’ils ont pris au pauvre peuple. Hélas ! il faut bien l’avouer, ces passages, traduits probablement de quelque Charivari hindou contemporain du roi Soudraka, ont été les plus applaudis par ce public inflammable qui se fait jouer la Marseillaise dans les entr’actes, et pardonne très volontiers aux anachronismes, pourvu qu’ils le maintiennent dans cette serre-chaude où croissent et prospèrent, à l’abri de l’air extérieur, les tirades démocratiques et les maximes républicaines.

Toutefois ce n’est pas là le plus grave reproche qu’ait mérité le théâtre dans ces derniers temps. Dérober quelques bravos à une bouillante jeunesse en émaillant d’allusions politiques un drame plus ou moins indien, c’est une peccadille peu digne peut-être de gens d’esprit et de goût, mais, après tout, fort vénielle. Ce qui est plus coupable, ce qui doit être signalé comme un attentat contre la société tout entière, c’est de s’adresser aux passions, aux souffrances, aux misères des classes pauvres, de leur prêcher en plein théâtre l’insurrection et la révolte, de leur mettre à la main la torche et le poignard, et de personnifier dans des fictions transparentes cette guerre impie de tous ceux qui convoitent contre tous ceux qui possèdent ; voilà ce qu’a fait l’auteur de cet informe drame de la Misère, qui a dû à son titre et à ses allures communistes une sorte de retentissement et de succès. Au premier abord, on se sent indigné, on éprouve une douloureuse surprise devant cette application brutale des doctrines du socialisme, devant ces tableaux où se déroulent et s’agitent, à travers le sang et la flamme, les féroces représailles de la pauvreté contre la richesse. ; on songe, le cœur serré, à ces horribles scènes de Châteauroux, qui furent le prélude sinistre, le commentaire anticipé de la dernière révolution, et que l’auteur de ce drame de la Misère a reproduites avec une complaisance d’apologiste ; puis, quand on réfléchit, l’indignation subsiste, mais la surprise disparaît. Les disciples sont sujets à grossir, à exagérer, à pousser au noir la manière des maîtres. Tout à l’heure, à propos d’Angelo, nous cherchions à indiquer cette tendance de l’école et de l’esprit modernes à glorifier toutes les révoltes de la passion contre le devoir, du désordre contre l’ordre, à légaliser, en dernier ressort, toutes les illégalités de l’imagination et du cœur. Eh bien ! ôtez le talent, qui, même dans ses aberrations, conserve encore un certain idéal où s’adoucissent les teintes trop rudes ; rapprochez le point de vue, haussez et violentez le ton ; transportez-vous sur ce terrain brûlant que font tressaillir sous vos pas deux années de catastrophes et d’angoisses, et, au lieu du drame de M. Hugo, c’est-à-dire de la courtisane purifiée, expliquant ses fautes par sa pauvreté et son héroïsme par son amour, vous avez le drame de M. Dugué, c’est-à-dire une prostituée, un brigand, un assassin, un escroc, ne demandant plus qu’on les réhabilite ou qu’on les excuse, repoussant comme une insulte la compassion ou la charité, et faisant de la misère un drapeau sous lequel ils enrôlent leurs ressentimens et leurs colères. On le voit, c’est encore un progrès dans cette voie fatale qui commence par un caprice d’imagination, un paradoxe de poète, et finit par la négation de tout ordre, de toute garantie sociale. Le crime, le vice, la révolte, ne cherchent plus à se relever, à se transfigurer dans des sentimens peut-être chimériques, dans un héroïsme peut-être factice, mais où se révèle encore une sorte d’hommage à la vertu et au bien. Non, satisfaits d’eux-mêmes, autorisés à ce qu’ils font par ce qu’ils souffrent, ils ne prétendent plus qu’à l’assouvissement et à la vengeance. Comme ce métaphysicien révolutionnaire qui, dans une occasion solennelle, laissa tomber de ses lèvres ce mot cruel : la mort sans phrases, ces sombres milices de la misère se dépouillent de ces déguisemens et de ces voiles, prêtés au désordre par une poésie complaisante : « Point de phrases, disent-elles, mais le couteau et la torche ! » cri de guerre qui résume la pièce, et qu’applaudissent chaque soir quelques mains fiévreuses, prêtes à mettre en action le coupable enseignement du drame.

Bizarre contraste ! tandis qu’un théâtre populaire traduisait ainsi en scènes violentes les théories du communisme le plus effréné, d’autres théâtres, quelques pas plus loin et à la même heure, exagéraient presque les tendances contraires, et offraient au public, en de légères esquisses, des spectacles d’un genre tout opposé. Quelle que soit la futilité, parfois un peu puérile, de ces pièces de circonstance où l’on se moque de tout ce qui se dit et se fait en France depuis deux ans, bien qu’il soit inutile d’y chercher la moindre ressemblance avec les comédies d’Aristophane, et que ces Oiseaux politiques qu’on nous a montrés l’autre soir n’aient rien de commun avec ceux du poète athénien, il y a pourtant, dans le succès réitéré de ces petits cadres satiriques, un point d’actualité qu’on ne saurait entièrement négliger. Cette double exagération du théâtre en sens contraire, ces moyens de réussite cherchés tour à tour en deçà et au-delà de ce qui existe officiellement, n’est-ce pas l’emblème de l’inquiétude des esprits, de ce vague mécontentement de la situation présente, également ressenti dans les deux camps, et s’indemnisant de ses regrets ou de ses mécomptes, ici par un sympathique retour vers tout ce qu’on a perdu, là par une aspiration ardente vers tout ce qu’on n’a pas conquis ? C’est à peine si, entre ces deux extrêmes, l’on rencontre, de temps à autre, une inspiration originale, se jouant librement en quelque fantaisie indépendante des préoccupations du moment. Cette rare bonne fortune, le Théâtre-Français semblait nous la promettre en nous annonçant une pièce nouvelle de M. Léon Gozlan : la Queue du Chien d’Alcibiade ! La bizarrerie même du titre, non moins que le nom de l’auteur, faisait pressentir quelque chose de piquant, une friandise de dilettante et de gourmet, un peu paradoxale, un peu recherchée peut-être, mais à coup sûr fort différente des banalités et des fadeurs de tant de prétendues comédies. M. Léon Gozlan a-t-il parfaitement répondu à notre attente ? Nous pourrions dès l’abord lui adresser une légère chicane. C’était, si nous ne nous trompons, pour détourner l’attention qu’Alcibiade coupa la queue de son chien ; c’est au contraire pour l’attirer que le héros de M. Gozlan se livre aux excentricités les plus singulières. Et puis, le paradoxe, cette fois, n’est-il pas allé un peu loin ? La vraisemblance, nous le savons, n’est pas absolument nécessaire au théâtre ; mais n’y a-t-il pas un point où l’invraisemblable devient l’impossible ? Un homme très spirituel, aujourd’hui académicien, nous disait un jour, à propos des chefs-d’œuvre de nos illustres : « Le malheur, c’est qu’on sent toujours, en les lisant, que les choses n’ont pas pu se passer ainsi. » C’est là le défaut ou le tort de la Queue du Chien d’Alcibiade. L’auteur a abusé quelque peu du droit de disposer les événemens à sa guise, de justifier par son dénouement la donnée de sa fable et l’idée de son principal personnage, tant il est vrai qu’au théâtre certaines qualités peuvent devenir des défauts ! Le talent de M. Gozlan est trop personnel, son individualité littéraire trop nettement tranchée ; il s’isole dans ce qu’il invente, et laisse souvent s’établir entre ces inventions et le public des solutions de continuité. Ce que nous disons de l’ensemble de sa comédie peut se dire aussi des détails. De même que, dans cette succession d’incidens à la fois trop imprévus et trop faciles à prévoir, M. Gozlan semble parfois avoir écrit pour lui seul ou pour quelques amis gagnés d’avance à sa manière paradoxale, de même les traits de son dialogue ne sont pas toujours calculés de façon à arriver jusque dans la salle. On dirait qu’ils s’arrêtent en route, ou qu’ils rebroussent chemin, moins sûrs de leur destination que de leur point de départ. Avons-nous besoin d’ajouter qu’en dépit de ces réserves chagrines, il y a encore dans la Queue du Chien d’Alcibiade assez d’esprit, de verve, de montant, de qualités brillantes pour défrayer l’amusement et le succès d’une soirée ? Essayer de le nier, ce serait dépasser, en invraisemblance, même la pièce de M. Gozlan.

Quoi qu’en puissent dire les spirituels imitateurs d’Alcibiade ou du Charlatanisme de M. Scribe, il sera toujours possible de distinguer, au théâtre comme ailleurs, les succès réels des succès factices. Le triomphe légitime que Mlle Alboni vient d’obtenir dans le Prophète n’a rien de commun, Dieu merci, avec ces enthousiasmes de commande ou ces complaisances de la critique, qu’il est permis de compter au nombre de nos travers. Mlle Alboni, dans le rôle de Fidès, a réussi d’autant plus qu’on s’attendait davantage à un échec. Il y a en musique une sorte de petite église, d’école rigoriste et puritaine, qui ne permet qu’aux initiés l’interprétation de certaines beautés majestueuses et austères ; cette école, qui professe le plus souverain mépris pour les joies profanes de la mélodie et de l’art italien, a ses virtuoses, ses chanteurs de prédilection, et elle leur demande en général, non pas de charmer l’oreille par un son plein, doux et velouté, mais de maintenir aux textes sacrés la grandeur sévère de leurs lignes et de leur style. Mme Viardot est la cantatrice favorite de ces gardiens vigilans de l’art pur ; malheureusement la voix de Mme Viardot, fatiguée et brisée en maints registres, trahissait trop souvent ses efforts, contrastait douloureusement avec son intelligence supérieure et son expression dramatique, et, pour tout dire, répandait sur l’ensemble de la représentation du Prophète une impression de lassitude et de tristesse. Grace à Mlle Alboni, cette impression a maintenant disparu, et le Prophète y a gagné. Cette voix au timbre d’or, si suave et si pénétrante qu’elle émeut par l’émission seule de la note, cette méthode si correcte qu’elle obtient grace, même dans une partition allemande, pour ses séductions italiennes, ont donné à l’œuvre de Meyerbeer ce charme, cette douceur qu’Horace voulait trouver dans les poèmes, et qui n’est pas moins nécessaire dans les opéras. L’air du second acte : Mon fils, sois béni dans ce jour ! la prière : Donnez pour une pauvre ame, la cavatine et le duo du cinquième acte, ont valu à Mlle Alboni une ovation méritée. Comme actrice, elle a été très suffisante. Sans rien forcer, sans sortir de son naturel, elle a bien rendu le côté maternel et touchant de ce rôle, une des plus belles créations du compositeur. Fidès, c’est Alice à quarante ans, la jeune fiancée devenue mère, la pieuse pèlerine devenue fanatique. Mme Viardot était fanatique ; Mlle Alboni n’est que mère : nous croyons que son choix est le meilleur.

L’Opéra est en bonne veine ; pendant que Mlle Alboni ravive, ou plutôt complète le succès du Prophète, une débutante, Mme Laborde, fait applaudir, dans plusieurs ouvrages du répertoire, un talent, moins pur assurément et moins irréprochable, mais qui ne manque pourtant ni de vigueur ni d’éclat. La voix de Mme Laborde est un peu comme la plume de Mme de Sévigné dont elle n’a pas toujours l’élégance et la finesse ; elle lui met trop la bride sur le cou, et sa course aventureuse, à travers toutes les cimes et tous les précipices de la gamme, se termine rarement sans encombre ; mais la cantatrice rachète ces imperfections par des traits hardis, une exécution brillante, une agilité remarquable ; pourquoi faut-il que l’envie de déployer à l’aise les richesses de son gosier l’ait engagée à paraître dans le Rossignol, opéra du genre mais, dont la musique et les paroles auraient dû depuis long-temps aller rejoindre, dans un silencieux oubli, les espiègleries libertines et bocagères des baillis et des Lubin d’opéra-comique ?

Au sortir de ces représentations brillantes où l’on retrouve le public et l’élégance d’autrefois, on a peine à rentrer dans la réalité et à s’imaginer que la France et l’Europe se débattent sous le poids de questions formidables, sans cesse ranimées par des hommes en qui se confondent l’orgueil posthume d’une dictature éphémère et le ressentiment d’une déchéance méritée. Ces hommes-là se ressemblent partout, et la même ressemblance existe entre leurs œuvres, qu’ils s’appellent Ledru-Rollin ou Mazzini, qu’ils aient associé leurs noms aux premières fautes de la république française ou aux derniers crimes de la république romaine. Pour se distraire de leurs loisirs et se dédommager de leurs défaites, ces deux tribuns en disponibilité révolutionnaire viennent d’écrire, l’un, deux gros volumes sur la Décadence de l’Angleterre, l’autre, un petit livre sur l’Italie, intitulé : République et Royauté. Ni l’ouvrage de M. Ledru-Rollin, ni celui de M. Mazzini ne peuvent être pris au sérieux. L’ancien signataire des circulaires, en extrayant de documens officiels et en faisant suivre de déclamations emphatiques le tableau des plaies matérielles et morales qui rongent, selon lui, la Grande-Bretagne, n’a oublié que deux choses : l’hospitalité qu’il y recevait et les événemens qui l’y avaient conduit ; il a négligé de se demander si le mauvais succès de ses efforts pour le bonheur de la France ne discréditerait pas ses remarques sur les misères de nos voisins ; son livre est à la fois un acte d’étourderie et un acte d’ingratitude. Celui de M. Mazzini avait au moins l’avantage de se recommander à notre curiosité par une préface de George Sand. Hélas ! là encore, notre attente a été tristement déçue : quelques pages bien vides, un premier-Paris du National ou de la République, voilà tout ce que l’ouvrage de M. Mazzini a inspiré à l’éloquent écrivain, qui s’est donné la peine de le traduire, et qui eût mieux fait d’employer son temps à donner une sœur à la Petite Fadette ou un frère à François le Champi. Ce qui nous frappe dans toutes ces déclarations de principes, italiennes ou françaises, c’est le ton vague et déclamatoire. Dans les œuvres d’histoire contemporaine écrites à un point de vue de modération conservatrice ou de libéralisme éclairé, on trouve des faits, des déductions, des preuves ; on sent que l’auteur, au lieu d’écrire d’après un thème tout fait ou un programme tracé d’avance, s’est donné la peine de voir, d’examiner, de recueillir les pièces à l’appui de ses idées : telle est l’impression qu’on éprouve en lisant le travail distingué de M. H. Desprez sur les peuples de l’Autriche et de la Turquie, travail aujourd’hui complet, que M. Desprez vient de rassembler en deux volumes, et sur lequel nous n’apprendrons rien à nos lecteurs, en leur rappelant cette justesse de vues, cette impartialité lumineuse, toutes ces qualités d’historien et de critique qu’y a déployées l’ingénieux écrivain. Mais, dans les livres révolutionnaires, nous chercherions en vain, sous le fracas des mots et des métaphores, une idée, un plan, une vue pratique, une solution précise, quelque chose de net et de solide qui puisse nous orienter sur cette mer houleuse où chaque phare est remplacé par un écueil. En vérité, c’est trop monotone ! Espérons que George Sand aura mis plus de variété dans l’Histoire de sa vie : roman pour roman, nous avons tout lieu de penser que son histoire sera plus intéressante que sa politique.

Après avoir constaté combien la démagogie gagne peu à être défendue par ses champions officiels, nous voudrions féliciter la cause monarchique d’une recrue fort inespérée qu’elle vient de faire en pleine Bohême, parmi les plus jeunes et les plus légers fantaisistes. Que ne pouvons-nous proclamer comme un chef-d’œuvre Tristan-le-Roux, roman à grandes prétentions historiques et même politiques de M. Dumas fils ? Ce Tristan-le-Roux fait partie d’un grand travail intitulé les Quatre Restaurations, dans lequel l’auteur de la Dame aux Camélias nous racontera à sa façon, ou plutôt à la façon de son père, toute l’histoire de France. Ce n’est pas nous, assurément, qui nous plaindrons de voir M. Dumas fils tourner ses regards et ses études vers les horizons monarchiques cette conversion nous touche, et nous souhaitons qu’elle soit sincère. Seulement nous craignons que M. Dumas fils n’ait pas bien consulté ses forces, et que, jacobites ou tories, nous en soyons encore, même après Tristan-le-Roux, à attendre notre Walter Scott. À cette œuvre prétentieusement compliquée nous préférons des récits plus simples, où des personnages vrais et des sentimens naturels, peints avec délicatesse et encadrés dans quelque agreste paysage, suffisent à l’émotion et intéressent sans effort les imaginations délicates. C’est à cette famille de livres aimables qu’appartient un petit roman vaudois de M. Just Olivier, intitulé M. Argant et ses compagnons d’aventure. Ce qui manque à ce récit, c’est l’originalité ; on y reconnaît à tout instant le ton et l’allure de l’école genevoise, cet humour de M. Töpfer qui rappelle celui de Swift et de Sterne, mais avec une nuance plus pure et plus souriante, comme les lacs suisses rappellent les lacs d’Écosse. Il y a constamment un peu de brouillard dans la gaieté anglaise ; celle de M. Töpfer et de ses imitateurs est plus habituée à l’azur et au soleil. L’ouvrage de M. Olivier prendra place parmi les meilleures productions de cette école, au-dessous, mais pas trop loin du Presbytère. Ce M. Argant est un original, arrière-cousin du Sampson de Guy-Mannering, et autour de qui se noue et s’enroule toute la fable du roman. Julien Hubert, son compagnon de voyage, a de la grace et du piquant dans son étourderie juvénile, et ses alternatives de froideur et de tendresse pour Albertine et pour Hortense, deux charmantes figures qui dominent tout le récit, sont analysées et décrites avec une finesse, une légèreté de main qui feraient envie à beaucoup de plumes françaises. Les amours de Julien marchent ainsi, à travers l’attendrissement et le sourire, au milieu des sites pittoresques de l’Oberland, jusqu’à un dénoûment heureux qui ajoute à l’effet de cette lecture. Dire qu’il n’y a pas dans tout cela un peu de manière, que cette verve et cet esprit ne sont pas quelquefois un peu trop suisses, qu’on ne rencontre pas çà et là des digressions inutiles qui impatientent le lecteur pressé, ce serait exagérer ; mais tout cela est doux, reposé, paisible, tempéré d’une légère brise alpestre qui fait circuler à l’entour la fraîcheur et la vie. Lorsqu’on est fatigué de bruit, de génie, de gros livres, de gros draines et de grands hommes, le lendemain d’une représentation d’Angelo ou d’un orage parlementaire, on n’est pas fâché de trouver quelque part, dans quelque humble coin d’une modeste littérature, un de ces petits livres qui nous redisent encore comment on aime, comment on sourit et comment on rêve.

Bien qu’on puisse rattacher au même groupe le dernier ouvrage de M. Veuillot, Corbin et d’Aubecourt, on doit s’attendre à y trouver des allures plus nettes et des contours plus tranchés. Le talent de M. Veuillot conserve, même dans ses douceurs, quelque chose d’agressif qui ne déplaît pas toujours, mais qui s’accorde mal avec l’idée d’une simple histoire de cœur. Hâtons-nous de dire que, dans Corbin et d’Aubecourt, M. Veuillot a observé une plus juste mesure, qu’il a su fondre en un plus harmonieux ensemble la peinture d’une ame aimante et l’orthodoxie religieuse. Rosalie Corbin, son héroïne, est très pieuse, même un peu dévote, ce qui ne l’empêche pas d’aimer très franchement un jeune homme digne d’elle, et, ce qui vaut mieux, de nous intéresser constamment à cet amour, à ses luttes et à ses angoisses. M. Veuillot, nous le croyons, n’a rien écrit de plus touchant et de mieux senti que cette nouvelle de Corbin et d’Aubecourt, où une passion jeune et sincère ne perd rien à être mise en contact avec des convictions chrétiennes. Sans vouloir donner à cette esquisse plus d’importance qu’elle n’en mérite, sans prétendre ériger en chefs-d’œuvre M. Argant ni Corbin et d’Aubecourt, il est permis de remarquer pourtant que c’est là, dans ce retour salutaire aux vraies sources d’attendrissement et d’émotion, que le roman peut réhabiliter non-seulement son rôle littéraire, mais encore son influence sociale. Cette influence, il faut le dire bien haut, a été corruptrice. Un des esprits les plus droits, les plus judicieux de ce temps-ci, signalait l’autre jour, du haut de la tribune, cette solidarité évidente, cette large part de la mauvaise littérature dans la mauvaise politique. Oui, l’imagination, de nos jours, a puissamment contribué à tout démolir, à tout dissoudre. Elle a proclamé son triomphe sur les vérités morales, comme la raison avait autrefois proclamé sa victoire sur les vérités métaphysiques ; elle a destitué à son profit la conscience et le devoir ; elle a surexcité ce qui égare l’homme, affaibli ce qui l’apaise, prêché à l’individu la suprématie de ses passions et l’excellence de ses instincts. Si elle veut aujourd’hui se relever du juste discrédit dont la frappent les douloureuses conséquences de ses prédications destructives, il faut qu’elle s’efforce de répandre sur les sentimens honnêtes, sur les délicatesses de conscience, sur les mystérieux sacrifices des ames d’élite, sur les inaltérables notions du bien, sur les aspirations généreuses de la vertu, le prestige qu’elle a trop prodigué aux rébellions et aux désordres ou se complaisent les cœurs dépravés. Il faut surtout qu’elle cesse de flétrir ce qui est honorable, et de glorifier ce qui mérite le mépris. C’est à ce prix que l’imagination et le roman peuvent être amnistiés par cette société dont ils ont compromis le repos, préparé les malheurs. Ils doivent faire comme ces fils humiliés et repentans, qui, à force d’honnêteté et de sagesse, effacent une tache héréditaire, et obtiennent grace pour les fautes de leurs pères.


ARMAND DE PONTMARTIN.