Revue littéraire - Fénelon à Cambrai

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Revue littéraire - Fénelon à Cambrai
Revue des Deux Mondes3e période, tome 65 (p. 213-225).
REVUE LITTERAIRE

FENELON A CAMBRAI

Fénelon à Cambrai, d’après sa Correspondance (1699-1715), par M. Emmanuel de Broglie. Paris, 1884 ; Plon.

S’il n’y a pas beaucoup de noms plus fameux, dans toute l’histoire des lettres françaises, et en quelque sorte plus européens, que celui de Fénelon, il y a pourtant peu de personnages qui soient au fond plus mal connus, et surtout il n’y en a guère que l’on juge plus diversement. A quoi cela tient-il ? autour d’un illustre prélat, dont la vie fut si peu cachée, pourquoi tant d’incertitude ? et comment se fait-il qu’après deux siècles tantôt passés, le caractère vrai d’un si grand homme nous demeure toujours une espèce d’énigme ? On en peut aisément donner une première et valable raison : c’est qu’on ne lit point assez Fénelon, si tant est seulement qu’on le lise. Nous avons tous lu Télémaque, et tous, ou presque tous, le Traité de l’existence et des attributs de Dieu ; joignons-y même, si l’on veut, la Lettre sur les occupations de l’Académie française, et peut-être un ou deux sermons ; mais, — en dehors de quelques âmes pieuses, qui n’y cherchent au surplus que des leçons de conduite et des motifs d’édification, — combien de nous ont lu ses Lettres spirituelles ? combien la collection de ses écrits sur le quiétisme et combien celle de ses écrits contre le jansénisme ? ou combien même ses Mémoires politiques et sa Correspondance, l’une des plus curieuses pourtant que l’on puisse lire, à bien des égards l’une des plus instructives, et, en tout cas, la vraie source où doivent remonter ceux qui ne veulent pas se borner à redire de Fénelon ce que déjà vingt autres en ont dit avant eux ? Très différentes, en effet, des lettres de Bossuet, qui sont surtout des lettres d’affaires, fort utiles sans doute, mais non pas indispensables à la connaissance de son caractère, les lettres de Fénelon, sans en excepter les lettres de direction et de spiritualité, toutes personnelles, sont vraiment l’homme même, et l’homme tout entier. Qui ne les a pas lues, peut avoir lu toutes ses œuvres, les Aventures de Télémaque et celles d’Aristonoüs, il ne connaît pas Fénelon ; et réciproquement, quiconque les a lues pourrait presque se passer d’en lire davantage, il connaît Fénelon autant qu’on le puisse connaître.

C’est ce que M. Emmanuel de Broglie a compris admirablement. Seul ou presque seul avant lui, M. Désiré Nisard, dans un chapitre classique de son Histoire de la littérature française, avait su faire usage de cette précieuse correspondance. Mais c’était trop peu d’un chapitre, il y fallait un livre, et c’est ce livre aujourd’hui que nous avons le plaisir d’annoncer. Tandis que les érudits de la nouvelle école s’acharnaient à la trouvaille de quelque billet inédit ou de quelque anecdote égarée dans le fatras d’un annaliste obscur, M. Emmanuel de Broglie se laissait vivre, en quelque façon, dans la journalière et intime familiarité du grand homme. Il se laissait insensiblement séduire, comme le petit troupeau jadis et comme tant d’autres depuis lors, au charme de cette conversation si vive, si ingénieuse, si caressante. Il gravait dans sa mémoire un à un, lentement, les traits particuliers de cette physionomie unique. Et il composait enfin, avec des couleurs pures, un portrait digne à la fois de la réputation du modèle et de l’art dont le peintre avait déjà donné des preuves.

Est-ce à dire qu’il soit de tous points et parfaitement ressemblant ? C’est une autre question, et nous touchons précisément ici ce qui fait l’originalité de Fénelon lui-même. De cette physionomie si mobile, en effet, il semble que l’on puisse tracer vingt portraits différens, et dans chacun desquels il y ait quelque chose du modèle, sans qu’aucun cependant soit Fénelon tout entier. Ou encore : quand on a rassemblé successivement tous les traits qui doivent servir à le peindre et que, l’un après l’autre, on les a fidèlement reproduits, il ne manque plus qu’une touche, la dernière, et, selon comme on la donne, c’est un tout autre personnage aussitôt que l’on voit apparaître. C’est qu’il y a de tout en lui, Saint-Simon avait raison : du docteur et du novateur, pour ne pas dire de l’hérétique ; de l’aristocrate et du philosophe, au sens où le XVIIIe siècle allait entendre ce mot ; de l’ambitieux et du chrétien ; du révolutionnaire et de l’inquisiteur, de l’utopiste et de l’homme d’état, du bel esprit et de l’apôtre : tous les contraires dans le même homme, et dans un seul esprit toutes les extrémités. Quand on tombe sur de certains passages du Traité de l’existence de Dieu, il semble que l’on ait affaire, au lieu d’un prélat catholique, à quelque disciple éloquent de Spinoza. Sa fameuse Lettre à Louis XIV, — dont on serait si tenté, pour beaucoup de raisons, de nier l’authenticité, — respire par endroits le fanatisme insolent d’un pamphlétaire de Hollande. Dans une autre lettre, moins connue, non moins digne de l’être, Sur la Lecture de l’Écriture sainte, vous croiriez presque entendre la plaisanterie de Bayle, et déjà comme qui dirait le ricanement de Voltaire. Et c’est encore ainsi que, dans sa vie publique, on le voit alternativement passer de l’un à l’autre extrême, tantôt d’une facilité, d’une largeur, d’une tolérance qui l’ont fait célébrer par les encyclopédistes comme l’un de leurs précurseurs, et tantôt d’une sécheresse, d’une rigidité, d’une dureté qui dépasse étrangement celle que l’on continue de reprocher à Bossuet ; plus humble aujourd’hui que le plus humble des enfans de l’église, et demain plus altier que le plus altier des ducs et pairs ; doux et violent tour à tour, jamais semblable, et parmi tant de transformations toujours identique à lui-même.

Or, entre tous ces traits, quel est le décisif, voilà ce qu’il est bien hasardeux de dire, et voilà ce qui rend l’homme si difficile à saisir. Saint-Simon y avait vu surtout l’ambitieux ; d’Alembert, au XVIIIe siècle, y vit surtout le philosophe, ou même le citoyen ; M. Nisard, plus près de nous, y a vu surtout l’utopiste ; Sainte-Beuve s’est attaché surtout à l’écrivain, sans se soucier beaucoup de pénétrer fort avant dans la connaissance de l’homme : c’est aujourd’hui le chrétien que M. Emmanuel de Broglie s’est complu à remettre en lumière. Exilé de la cour, pour des raisons politiques autant que religieuses, par un roi qui ne pardonnait guère, et tombé dans la disgrâce d’une femme dont il avait failli compromettre irréparablement le crédit, Fénelon, s’il n’était pas mort de ce jour même aux ambitions de sa maturité, se serait donc pendant quinze ans courageusement efforcé d’y mourir, « Les combats que l’ambition la plus noble et la plus désintéressée, mais enfin l’ambition, livra dans le cœur de cet homme si supérieur, au détachement chrétien, » tel serait, selon son nouvel historien, le drame intérieur de ces longues années d’exil ; et la victoire définitive de « l’homme nouveau sur le vieil homme, » après bien des défaites et au prix de bien des sacrifices, telle serait la leçon que l’illustre archevêque de Cambrai nous aurait léguée en mourant. Et certainement, dans cette manière ingénieuse et neuve de représenter Fénelon, il y a de la vérité, beaucoup de vérité, assez de vérité pour que nous nous efforcions de la bien séparer de l’exagération d’elle-même, tantôt en appuyant sur quelques traits que M. Emmanuel de Broglie a trop légèrement indiqués, et tantôt en y ajoutant quelques autres qu’il nous y semble avoir omis.

On sait dans quelles conditions l’abbé de Fénelon, précepteur des ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Berry, prit possession du siège de Cambrai. La querelle du quiétisme, à peine alors émue, semblait toute prête à s’apaiser, même avant d’avoir été sérieusement agitée. Bossuet, du moins, le croyait si bien qu’il voulut être lui-même le consécrateur du nouvel archevêque. M. Emmanuel de Broglie n’a pas pensé qu’il fût nécessaire, ni même prudent, d’examiner au fond ce mémorable débat. Et, en effet, non-seulement la controverse a beaucoup perdu de l’intérêt qu’elle souleva dans sa nouveauté, mais encore, pour en parler utilement, il y faudrait un appareil de textes et une précision de termes qui ne sauraient appartenir qu’aux seuls théologiens. Peut-être néanmoins, sans juger de la querelle, et puisqu’elle est tout entière postérieure à la nomination de Fénelon au siège de Cambrai, n’eût-il pas été tout à fait inutile de bien montrer d’abord et bien caractériser la conduite qu’il y suivit. Car plusieurs faits semblent certains, qui ne parlent guère en sa faveur. On peut, par exemple, douter qu’il eût pris fait et cause pour Mme Guyon avant que d’être assuré de son siège archiépiscopal, puisque, dès qu’il fut nommé, le changement fut si soudain que les bras en tombèrent à Bossuet de douleur et d’étonnement. Il est permis de dire aussi que, si les entraînemens de la controverse expliquent bien des manquemens, rien au monde ne saurait excuser la réelle mauvaise foi dont il fit preuve dans toute la dispute, et encore moins les insinuations qu’il ne craignit pas de diriger contre son grand rival. Ajouterai-je que l’attachement à son sens individuel et l’orgueilleuse conscience de son infaillibilité propre, dont on retrouve la marque à chaque ligne de ses Défenses, suffiraient pour inspirer des doutes sur la promptitude et la franchise d’une soumission trop vantée, si la Correspondance elle-même n’était là pour témoigner qu’à vrai dire cette soumission ne fut jamais bien entière ou qu’elle fut, à tout le moins, bien tardive ? « Pour moi qui suis si soumis, on m’écrase. Dieu soit loué ! Laissez Rome m’envoyer ou ne m’envoyer point de bref. Ils sont nos supérieurs ; il faut s’accommoder de tout sans se plaindre, et demeurer soumis avec affection pour l’église mère, et porter humblement l’humiliation. » Ainsi écrivait-il au lendemain de la condamnation de son livre, et quoique cette manière de se soumettre, — « parce qu’ils sont nos supérieurs » et « qu’il faut s’accommoder de tout, » — ait quelque chose d’assez peu déférant, il n’y aurait qu’à louer si Fénelon s’en était tenu là. Malheureusement, bien loin de s’y tenir, il ne dépendit pas de lui de ranimer la dispute après la condamnation de son livre, et s’il ne persista pas dans sa doctrine jusqu’à son dernier jour, il y fallut du moins, comme nous le dirons tout à l’heure, dès raisons peut-être encore plus politiques au fond que religieuses. « Feu M. de Meaux a combattu mon livre par prévention pour une doctrine pernicieuse et insoutenable, écrivait-il encore en 1710 (onze ans par conséquent après sa prétendue soumission) ; on a toléré et laissé triompher cette indigne doctrine… Celui qui errait a prévalu, celui qui était exempt d’erreur a été écrasé. Dieu soit béni ! » Je ne me rappelle pas avoir lu ce passage dans le livre de M. Emmanuel de Broglie. N’a-t-il pas cependant son importance ? Ne jette-t-il pas une vive lumière sur le caractère de Fénelon ? N’appartient-il pas à l’histoire des sentimens de l’archevêque de Cambrai ? Et pour aussi longtemps que l’on n’en aura pas démontré l’inauthenticité, pourra-t-on bien parler, sans quelque abus de langage, de la soumission de Fénelon ?

Autre observation. Si considérables en elles-mêmes et de quelque conséquence que fussent les questions de doctrine engagées dans une controverse où Bossuet pouvait dire « qu’il y allait de toute la religion, » d’autres questions, d’un tout autre ordre, et d’une bien autre importance aux yeux d’un prince tel qu’était Louis XIV, s’y trouvèrent promptement mêlées. On le savait à Versailles, et on ne l’ignorait point à Rome. « Je vous assure, écrivait de Versailles la princesse palatine, que toute cette querelle d’évêques n’a trait à rien moins qu’à la foi : tout cela est ambition pure. » Et, à Rome, le cardinal Spada ne voulait voir dans toute l’affaire « qu’une pointillé ou brouillerie de cour entre des gens qui se faisaient envie les uns aux autres. » On nous répète constamment que nos pères prenaient aux disputes théologiques un intérêt dont nous nous sommes singulièrement déshabitués ; et je n’y contredis point. Mais c’est que ces disputes théologiques, — protestans contre catholiques, jansénistes contre jésuites, gallicans contre ultramontains, — recouvraient, en quelque sorte, et masquaient des rivalités de pouvoir ou, comme nous dirions aujourd’hui, de vraies querelles politiques. Louis XIV atteignait alors la soixantaine, il était plus vieux que son âge, Mme de Maintenon commençait à le gouverner : il s’agissait de savoir qui des deux, jansénistes et gallicans d’une part, ou, de l’autre, ultramontains et jésuites, gouverneraient Mme de Maintenon. Et c’est ce qui explique la vivacité d’intérêt passionné que toute la cour, pendant plusieurs années, et l’on pourrait dire toute la France, avec une partie de l’Europe, prirent à ce grand débat. En même temps qu’un grand débat, c’était aussi une grande intrigue ; et puisque cette intrigue a occupé presque uniquement les trois ou quatre premières années de l’épiscopat de Fénelon, n’eût-il pas été bon d’en parler avec quelque détail ?

Ce qu’il importe, en effet, de bien voir et de bien savoir, pour la claire intelligence du caractère de Fénelon, c’est que la condamnation de son livre n’atteignit pas uniquement en lui le théologien mystique, mais elle frappa surtout l’homme de cour, l’ambitieux, j’oserai presque dire le chef de parti. Or de semblables disgrâces, bien loin d’éteindre l’ambition, même dans le cœur d’un chrétien plus parfait encore que Fénelon, l’avivent au contraire, l’irritent, l’exaspèrent, et surtout quand du fond de l’exil on peut compter toujours, comme l’archevêque de Cambrai, sur l’appui de l’héritier d’un trône. Lorsqu’il fut donc bien convaincu que, du vivant au moins de Louis XIV, il ne reparaîtrait pas à la cour, Fénelon n’abdiqua point du tout pour cela les vastes ambitions qu’il avait si longtemps nourries. Mais il reporta sur le duc de Bourgogne l’espoir qu’il avait mis d’abord en Mme de Maintenon, et non seulement il ne renonça point à ses rêves de pouvoir, mais c’est précisément en ce temps-là qu’il essaya de leur donner le corps qui leur manquait. Sa Correspondance avec les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers n’est certainement pas d’un chrétien qui s’efforce de mourir aux ambitions mondaines, et encore moins sa Correspondance avec le duc de Bourgogne. Ou plutôt, si je ne me trompe, à mesure que les années s’accumulent sur la tête de Louis XIV, et que des événemens aussi peu prévus que la mort du dauphin approchent du trône son « cher petit prince, » je crois voir cette ambition grandir de jour en jour, et comme allumer son sang d’une telle fièvre qu’il mourra véritablement de la mort du duc de Bourgogne.

Si M. Emmanuel de Broglie avait songé d’abord à nous parler de l’élève plutôt que du maître, et de l’héritier du trône de Louis XIV autant que de l’archevêque de /Cambrai, je n’en serais pas trop étonné. C’est le duc de Bourgogne qui semblerait du moins l’avoir en quelque sorte induit à s’occuper de Fénelon, c’est sur les rapports du royal enfant avec son précepteur qu’il s’est étendu le plus longuement, et c’est peut-être ici qu’il est arrivé aux résultats les moins contestables et en même temps les plus neufs. Non pas que nous soyons de ceux qui croient, avec un peu d’imagination et beaucoup de complaisance, que la fin prématurée du duc de Bourgogne a privé la France d’un grand règne. Si Fénelon avait discipliné le prodigieux orgueil et dompté les folles colères de son élève, ce n’avait pas été sans étrangement énerver en lui les ressorts du caractère et de la volonté. Qui donc a dit que l’archevêque de Cambrai, dans sa correspondance, semblait uniquement travailler à défaire ce qu’avait fait le précepteur du duc de Bourgogne ? Mais ce que M. Emmanuel de Broglie a victorieusement réfuté, c’est cette accusation de chimérique si souvent reproduite contre Fénelon depuis La Beaumelle et Voltaire. Admettant, en effet, que le mot soit plus d’à moitié vrai de l’auteur de Télémaque, il ne l’est pas du tout de l’auteur des Mémoires politiques sur la succession d’Espagne, et il ne l’est pas non plus de l’auteur des Tables de Chaulnes. Ce serait, d’ailleurs, une question de savoir dans quelle mesure et jusqu’à quel point les imaginations riantes et romanesques du Télémaque étaient, pour Fénelon lui-même, l’expression de ce que l’on pourrait appeler son idéal politique. En tout cas, de la composition du Télémaque à la rédaction des Tables de Chaulnes près de vingt ans se sont écoulés, et vingt ans pendant lesquels, au contact de l’expérience, Fénelon, ayant beaucoup vu, ne pouvait manquer d’avoir beaucoup appris. Pour apprécier avec équité ses idées politiques, il convient donc de commencer par négliger Télémaque, ou du moins ne s’en servir qu’autant que Fénelon a persisté plus tard dans ce qu’on s’accorde à y reconnaître d’utopies et de chimères.

Après cela, dans ses Mémoires, qu’il n’ait pas toujours vu juste, et notamment, quand en 1712 il conseillait la paix, et la paix à tout prix, qu’il n’ait pas prévu de longue date un coup de fortune comme Denain, ce n’est pas le point. Pareillement, s’il se mêle, dans les Tables de Chaulnes, à des propositions aisément réalisables, plus d’un rêve encore, quel est donc le réformateur qui n’a rien rêvé au-delà du possible, ou quel est même l’homme d’état qui n’a jamais rien tenté que de faisable ? Ce qui n’est pas douteux, c’est qu’en même temps que d’un sincère et vif désir du bien public, les écrits politiques de Fénelon témoignent, quoi qu’on en puisse dire, d’un remarquable sens pratique. Et quand M. Emmanuel de Broglie n’aurait fait que justifier Fénelon de ce reproche bientôt deux fois séculaire, on conviendra que l’observation en valait certes la peine. Pour la démonstration de ce point d’histoire, je renvoie le lecteur au livre lui-même. A le lire de près, et du commentaire de M. de Broglie se reporter soi-même aux textes originaux, il est impossible de méconnaître qu’il y eût positivement dans l’archevêque de Cambrai des parties de l’homme d’état. Le duc de Bourgogne, malgré Fénelon et malgré Saint-Simon, n’eût pas été peut-être un grand roi, ni surtout bien brillant, mais l’archevêque de Cambrai n’eût certainement pas été un ministre médiocre. Cela ne veut pas dire qu’il n’eût été parfois un ministre dangereux. En sa qualité de chrétien sincère et de théologien mystique, il avait, en effet, une redoutable tendance à confondre trop souvent le domaine de la politique avec celui de la morale.

Mais d’autant qu’on lui reconnaît plus de valeur politique, ne faut-il pas bien avouer qu’une préoccupation si constante ressemble beaucoup à de l’ambition, ou du moins y ressemble plus qu’au détachement chrétien des intérêts de ce monde ? Et vainement invoquerait-on le prétexte du bien public, c’est Fénelon lui-même qui nous répondrait : « L’ambition ne porte pas son reproche avec elle-même, comme les autres passions grossières et honteuses ; elle naît insensiblement, elle prend racine ; elle pousse, elle étend ses branches sous de beaux prétextes, et on ne commence à la sentir que quand elle a empoisonné le cœur. » Fénelon ne l’a sentie que fort tard, seulement après 1712, quand la mort eut emporté dans la tombe sa dernière espérance. Encore devons-nous dire que de la profondeur même de sa chute il tenta, pour se relever, un suprême effort, puisque c’est alors, en effet, qu’on le vit se tourner vers le duc d’Orléans, et, — chose un peu bien singulière, — quoiqu’il ne fût pas éloigné de croire aux accusations monstrueuses que la voix populaire dirigeait alors contre ce prince. Si ce n’est pas là de l’ambition, je ne vois guère de passion qui puisse en mériter le nom. Concluons donc que, pour quitter le monde, Fénelon attendit que le monde l’eût quitté. Son inquiète et fiévreuse ardeur ne s’apaisa que lorsqu’elle manqua de son dernier support. Et, selon nous, c’est tout au plus si, dans les deux dernières années de son existence, on discerne quelque chose en lui de cette lutte chrétienne que M. Emmanuel de Broglie croit voir commencer avec les premiers jours de l’exil de Cambrai.

Il n’est pas jusqu’au zèle dont il poursuivit le jansénisme qui ne soit lui-même une preuve de plus de cette persistante ambition. Car, ne s’acharne-t-il pas contre un « parti, » selon son expression, plus encore que contre une a secte ? » Et n’y va-t-il pas à ses yeux du gouvernement même du royaume autant que de la pureté de la foi catholique ? À ce propos, on lui a reproché, on lui reproche encore, ayant lui-même été condamné pour son quiétisme, d’avoir si violemment combattu le jansénisme. Le reproche n’est pas fondé. Convaincu que les progrès du jansénisme faisaient courir les plus grands dangers, non-seulement à l’église de France, mais encore à la morale chrétienne, Fénelon remplissait strictement son devoir de pasteur en défendant, préservant et gardant, selon le mot de l’Apôtre, le dépôt de la foi. Tous d’ailleurs, tant que nous sommes, s’il nous est arrivé de tomber dans l’erreur, ce n’est pas une raison de nous considérer comme à jamais désarmés contre elle, et notre droit demeure entier, aussi souvent que nous la rencontrons, de la signaler et de la redresser chez les autres. Mais peut-être alors sommes-nous tenus, par convenance autant que par sagesse, d’user de quelques ménagemens, et, malheureusement pour lui, c’est ici ce que n’a pas fait Fénelon. Ajoutez que, vaincu jadis par une espèce de coalition des gallicans et des jansénistes, l’âpreté de sa persécution semblait bien moins procéder d’aucun motif de foi que du désir tout humain d’exercer à son tour de victorieuses représailles. Ce qu’au moins on ne peut contester, c’est que son plus vif désir, comme une certaine lettre en témoigne, eût été d’obliger Bossuet, soupçonné de tout temps d’incliner pour les jansénistes, à s’expliquer sur la matière et lui procurer ainsi l’occasion de quelque revanche éclatante. A défaut de Bossuet, mort trop tôt, en 1704, il se rabattit sur M. de Noailles, dont les tendances jansénistes n’étaient un mystère pour personne. Des trois évêques qui jadis avaient poursuivi la condamnation du livre des Maximes, M. de Noailles porta durement la peine d’être l’unique survivant. Toutes ces raisons personnelles gâtent sans contredit la polémique de Fénelon contre le jansénisme, si même peut-être elles ne jettent quelque ombre de doute sur la simplicité de son zèle. Un dernier trait, en l’achevant de peindre, achève de nous mettre en défiance. C’est qu’après avoir persisté quinze ans à défendre ses propres erreurs, il ne fit enfin sa soumission que pour enlever aux jansénistes l’argument favori qu’ils lui opposaient. Car nous nous soumettons, disaient-ils, aux condamnations que le pape a portées contre Jansénius et contre Quesnel, exactement comme vous vous soumettez à celle qu’il a prononcée contre l’Explication des Maximes des saints, mais nous nous défendons d’avoir entendu les propositions condamnées dans le sens où le pape les a déclarées fausses, exactement comme vous vous défendez d’avoir entendu vos Maximes au sens où le pape les a déclarées erronées. C’est alors que, pour mettre la sincérité de sa soumission hors de doute, il fit présent à son église cathédrale d’un ostensoir d’or où l’on voyait la Foi foulant aux pieds trois volumes : un ouvrage de Luther, les Institutions de Calvin et les Maximes des saints. N’était-ce point, à cette fois, passer la mesure, et lui demandait-on d’éterniser si fastueusement son erreur ?

D’où venait donc tant d’acharnement et que craignait-il du jansénisme ? Les conséquences morales du système sans doute, mais bien plus encore, et toujours, l’influence politique du parti. « Tous ceux qui étudient en Sorbonne, écrivait-il dès 1710, excepté les séminaires de Saint-Sulpice et quelques autres en très petit nombre, entrent dans les principes de Jansénius… Les séminaires mêmes de Saint-Lazare commencent à être gâtés… Les bénédictins de Saint-Maur et Saint-Vannes, l’Oratoire, les chanoines réguliers de Sainte-Geneviève, les augustins, les carmes déchaussés, divers capucins, beaucoup de récollets et de minimes sont prévenus pour le système janséniste… La cour est pleine de gens favorables à ce parti… La plupart des femmes dévotes et spirituelles remuent tous les ressorts imaginables pour le servir… On doit tout craindre du chancelier et de quelques ministres, du procureur général, de quantité de magistrats en crédit et d’un nombre incroyable d’honnêtes gens prévenus. » J’ai souligné, dans cette citation, les dénonciations formelles ; elles font le pendant de celles que, dans sa Correspondance avec les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, Fénelon se permettait contre Vendôme, ou Villars, ou tant d’autres. C’était au fameux père Le Tellier, le tout-puissant confesseur d’un roi septuagénaire, que celles-là s’adressaient ; et c’était dans l’année même où l’on venait de démolir par arrêt du conseil d’état la célèbre abbaye de Port-Royal des Champs. Qui croira que le seul intérêt de la religion lui dictât de tels procédés ? Mais je ne sais si la violence de ses sentimens ne se marque pas mieux encore dans l’explosion de joie triomphante avec laquelle il accueillit la publication de la fameuse bulle Unigenitus ? « Je vous dois, mon révérend père, écrit-il au père Daubenton, une des plus grandes consolations que j’aie ressenties depuis que je suis au monde : c’est celle de lire la nouvelle constitution contre le livre du père Quesnel… Tous les vrais catholiques doivent remercier Dieu et bénir le docte pontife qui a frappé d’une main si forte et si mesurée un si grand coup contre l’erreur… Plus cette décision trouve de résistance, plus il faut conclure qu’elle était absolument nécessaire pour arrêter le torrent de la contagion… Il est naturel que le roi, qui est sage et si bien intentionné, appuie fortement l’église, comme il l’a promis… C’est une grande occasion de faire sentir toute l’autorité du siège de Saint-Pierre… C’est maintenant qu’il faut mettre la cognée à la racine de l’arbre pour abattre le tronc. » Éternelle ironie des choses ! Quels cris ou plutôt quelles clameurs d’indignation ne pousserait-on pas si Bossuet, quatorze ans plus tôt, eût accueilli d’un semblable hosannah le bref qui condamnait Fénelon !

Je sais bien ce que l’on peut dire : que les mots, ici et ailleurs, dépassent la pensée ; que Fénelon, comme on le lui reprochait de son temps, « extrême en tout, » n’est jamais ou presque jamais dans la juste mesure ; et qu’ainsi, pour être équitable, il faut toujours commencer par rabattre de l’expression passionnée qu’il donne à ses sentimens. Oui ; s’il écrit au duc de Chaulnes de faire de lui « comme d’un mouchoir, qu’on prend, qu’on laisse, qu’on chiffonne, » c’est pure métaphore, comme quand il écrit à Bossuet qu’il se remet entre ses mains avec a la docilité d’un petit enfant ; » sauf à se redresser de toute sa hauteur et se raidir dans sa dignité s’ils s’avisent de le prendre au mot. De même, quand il écrit au duc de Chevreuse « qu’il donnerait sa vie pour son avancement selon Dieu, » ou au duc de Bourgogne « qu’il donnerait mille vies comme une goutte d’eau, pour le voir tel que Dieu le veut, » vous ne l’en croyez pas ; ce sont là figures de diction, gentillesses épistolaires, façons de dire qui vont au-delà de ce qu’il veut dire. Et pareillement encore, quand il demande que l’on fasse enfin sentir aux jansénistes « toute l’autorité du siège de Saint-Pierre, « appuyée de celle du roi, c’est comme jadis, au temps des missions de Saintonge, quand il demandait « qu’on fît sentir aux nouveaux convertis une main toujours levée pour leur faire du mal, » si par hasard ils osaient résister à la douceur de ses instructions. Il en dit plus qu’il n’en voudrait faire, et même qu’il ne voudrait qu’on en fît. Bien qu’il connaisse comme personne le poids et le titre des mots, il se laisse emporter à la rapidité de sa vive imagination. Et il ne faut pas l’entendre à la rigueur, mais s’habituer, en l’écoutant parler, à négliger plutôt la lettre de ce qu’il dit, et n’en retenir que l’esprit.

Il ne reste pas moins vrai, cependant, que cet homme à qui l’on a fait une réputation de douceur séraphique, si je puis ainsi dire, est dur, au fond, très dur, qu’il le sait d’ailleurs, qu’il s’en excuse lui-même, et que toute sa piété ne réussit qu’à peine, quand elle y réussit, à tempérer sa dureté naturelle. Sa lettre à Mme de Maintenon est dure, ses lettres au duc de Bourgogne sont plus dures, et plus dure encore sa fameuse lettre à Louis XIV. Mais il est surtout opiniâtre, et (si l’on pouvait en parlant d’un homme de tant d’esprit et de tant de sens user d’un tel mot) d’une opiniâtreté qui va jusqu’à l’entêtement. Dans aucune circonstance, quelque adversaire ou quelque obstacle qu’il rencontrât sur sa route, on ne l’a vu céder d’une ligne ni reculer d’un pas. Même quand il a tort, et qu’il est difficile qu’il ne le sente pas, il continue de parler comme s’il avait raison, ou plutôt, c’est alors surtout que sa voix s’élève et qu’il supplie, par le ton dominateur et souverain de sa parole, à la faiblesse de ses raisonnemens. Est-il au moins sincère ? On a pu se le demander ; et jusque de nos jours il est permis de se le demander encore et d’hésiter à répondre. M. Emmanuel de Broglie ne peut lui-même s’empêcher de reconnaître dans cette énigmatique figure un air de dissimulation, pour ne pas dire de fausseté. Il est vrai qu’il ajoute aussitôt qu’il n’y a rien de plus contraire à la vraie nature de Fénelon. Mais, sur ce point encore, il ne nous a pas persuadé.

La situation singulière, et à certains égards unique dans l’histoire, où la disgrâce a placé Fénelon peut sans doute lui avoir imposé des ménagemens, des précautions, des habiletés enfin dont il n’est pas seul responsable, mais, comme il est à l’aise au milieu de toutes ces intrigues ! et comme vraiment il y semble se jouer dans son élément ! Si ce n’est pas une nature fausse, à nos yeux, c’est donc au moins ce que l’on pourrait appeler une nature « insincère ; » je veux dire qui manque de sincérité, mais sans avoir clairement conscience qu’elle en manque. En religion comme en politique, et en conversation comme en affaires, Fénelon a le goût des voies détournées, et, l’ayant naturellement, sans réflexion ni calcul, il croit néanmoins que ce sont les voies droites. Ne serait-ce peut-être pas là l’explication dernière de ce qu’il y a d’énigmatique dans cette curieuse et attirante physionomie de grand homme ? Car, nous ne saurions lui appliquer la commune mesure de ce qui s’appelle sincérité parmi les hommes. Il n’est pas sincère et pourtant il n’est pas faux ; son allure n’est pas franche et cependant elle n’est pas oblique ; il n’attire pas la confiance et toutefois il ne provoque pas d’abord la défiance. Et c’est pourquoi, sans doute, quelque chose de cette physionomie ondoyante échappant toujours au peintre le plus habile, il demeurera toujours, dans tous les portraits que l’on en retracera, je ne sais quoi d’indécis, de flottant, et de nébuleux.

Que si maintenant tous ces traits sont conformes à la vérité, on demandera d’où vient la séduction que Fénelon a exercée non-seulement sur ceux qui l’ont connu, mais qu’à distance il exerce encore, et qui fait que quiconque l’étudie ne peut pas plus se séparer de lui que l’on ne pouvait sans effort, selon le mot de Saint-Simon, quand on le rencontrait, cesser de le regarder ? C’est d’abord que ces natures complexes, en qui les contrastes abondent, sont les plus curieux exemplaires d’elle-même que l’humanité puisse trouver à contempler. Et puis, c’est que deux traits dominent en Fénelon cet étonnant mélange de quelques-uns des pires défauts du caractère avec les plus rares qualités de l’esprit : la dignité fière du gentilhomme et la piété du chrétien. Je ne parle pas de son génie : le génie n’a jamais empêché personne de descendre jusqu’au bas de la pente où ses défauts l’inclinaient, et nous l’avons vu trop souvent associé, dans de fameux exemples, à toute la sécheresse du cœur comme à tout le libertinage de l’esprit. Mais, aristocrate à la fois de naissance et d’instinct, Fénelon sut recouvrir et nuancer son insincérité d’une apparence de franchise et de loyauté, de même que, chrétien à la fois de profession et de cœur, il sut tempérer son orgueil et sa hauteur d’estime de soi d’un peu d’humilité et de beaucoup de charité. Ce n’est rien, à ce qu’il vous semble ; allez au fond, vous verrez que c’est tout. Les ravages de l’orgueil du sens propre, si vous voulez savoir ce qu’ils font, même d’un très grand homme, quand un peu de religion n’est plus là pour les contenir, considérez Jean-Jacques, avec qui Fénelon ne laisse pas d’avoir un ou deux traits de ressemblance. Et si vous voulez savoir où l’obligation de dissimuler et le goût des voies obliques peuvent entraîner le génie même, quand il manque de ce respect de soi que nous inculque seule la supériorité de l’éducation, considérez Voltaire, qui ne ressemble guère à Fénelon sans doute, mais qui pourrait tout de même avoir un ou deux traits aussi de commun avec lui. Quels que fussent les défauts du caractère de Fénelon, la dignité du gentilhomme les empêcha toujours d’entamer en lui la vraie noblesse ; et quelles que fussent les erreurs de son esprit, la piété du chrétien les empêcha toujours de dégénérer en révolte ouverte. Le grand seigneur, ainsi, et l’archevêque, en lui, surnagèrent, comme dit Saint-Simon : je serais tenté de dire qu’ils le sauvèrent de lui-même, si sa noblesse et sa piété ne lui avaient pas été plus intimes, en quelque sorte, que pas une autre de ses qualités.

Nous nous retrouvons ici pleinement d’accord avec M. Emmanuel de Broglie. Si l’on veut connaître ce qu’il y eut de meilleur et de plus aimable en Fénelon, c’est son livre qu’il faut lire, car nulle part, peut-être, on ne l’a mieux fait ressortir, avec plus d’amour, avec plus d’art, avec plus de succès. Encore faut-il pourtant savoir que par-dessous ce Fénelon, il y en eut un autre, non moins intéressant sans doute et même non moins séduisant, mais moins parfait peut-être et d’une humanité moins voisine de la sainteté. C’est ce que nous avons lâché de montrer. S’il ne s’était d’ailleurs agi que du seul Fénelon, l’entreprise en eût pu passer pour inutile. A quoi bon mettre en lumière les petits côtés d’un grand homme ? Sommes-nous si riches en beaux exemples que de prendre un honteux plaisir à discuter ceux qui nous restent ? Et ne pouvons-nous, enfin, parlant d’un Fénelon, passer quelques défauts sous silence en faveur de beaucoup de vertus ? Mais il faut faire attention que Fénelon fut mêlé presque à tous les grands événemens de son temps, qu’il ne dépendit pas de lui d’y prendre une part plus directe encore, et qu’ainsi, lorsque nous le jugeons, nous jugeons en même temps la plupart de ses contemporains. S’il fut, par exemple, le parfait chrétien que nous propose M. Emmanuel de Broglie, c’est donc Bossuet qui a été dur, violent, impitoyable, dans la querelle du quiétisme ? S’il a fait du duc de Bourgogne le modèle de prince que l’on veut, c’est donc Vendôme, c’est donc Villars, c’est donc Louis XIV qui répondront des défauts dont le prince a fait preuve ? Et s’il a eu raison dans sa polémique avec le jansénisme, c’est donc Nicole, c’est donc Arnauld, c’est donc Pascal qui ont eu tort ? Toutes questions que nous ne tranchons pas, mais auxquelles, évidemment, on ne saurait répondre sans avoir essayé de pénétrer à fond dans la connaissance des plus secrets mobiles de sa conduite. C’est de cette exigence que je crains que M. Emmanuel de Broglie n’ait pas tenu toujours assez de compte. Sous ces réserves, qui ont leur importance, nous ne saurions trop recommander la lecture de son livre à tous ceux qui professent le culte des gloires d’autrefois. S’il n’a pas réussi tout à fait à disculper Fénelon des reproches qu’on lui a si souvent adressés, il a certainement, et presque le premier, mis dans tout leur jour quelques côtés mal connus de l’archevêque de Cambrai ! Son livre, pour ne rien dire de tout ce qu’il nous apprend sur l’histoire des ; dernières années du règne de Louis XV, est sans doute l’une des meilleures biographies que l’on nous ait depuis longtemps données. Il en est surtout l’une des plus séduisantes. Et nous l’eussions discuté de moins près si nous n’avions voulu prémunir un peu le lecteur contre le charme que la sincérité de conviction, l’ardeur contenue, mais communicative, et le talent enfin de M. Emmanuel de Broglie ne sauraient manquer d’opérer.


F. BRUNETIERE.