Revue littéraire - Les Salons de Diderot

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Revue littéraire - Les Salons de Diderot
Revue des Deux Mondes3e période, tome 39 (p. 457-469).
REVUE LITTÉRAIRE

LES SALONS DE DIDEROT.

Vous n’avez rien de mieux à faire, il pleut, et, par hasard, vous vous sentez en disposition de payer un peu de plaisir d’un peu d’ennui. Je sais la pièce que vous pourriez aller voir et je sais aussi le roman que vous pourriez lire, mais pour aujourd’hui vous aimez mieux remonter dans l’histoire, et vous avisez sur les rayons de la bibliothèque une édition de Diderot. Justement, depuis quelques années, « le philosophe » est à la mo le On le croyait oublié, que dis-je? on le croyait enterré sous le lourd amas des in-folio de son Encyclopédie,


Mais voilà qu’il renaît de sa chute profonde,


et qu’à la faveur d’une édition nouvelle[1] son nom, comme jadis, court dans les bouches et sous les plumes des hommes. C’est le temps de le lire : peut-être bien, — tant la vogue est passagère, — n’en retrouveriez vous pas de sitôt l’occasion.

Vous feuilletez donc ces vingt volumes. De loin en loin vous notez une réflexion qui trahit le philosophe : de deux prémisses fausses on voit encore assez souvent, comme par une dérision de la logique, sortir une conclusion vraie; c’est ainsi qu’à force d’entre-choquer des sophismes, Diderot, quelquefois, en fait jaillir une vive lumière. Une étincelle brille, file, et soudainement s’évanouit. Vous ne laissez pas d’ailleurs de lire quelques pages, de ci, de là; c’est la bonne manière de lire Diderot, c’est la seule. Il convient lui-même « qu’il faut lui pardonner une page commune en faveur d’une bonne ligne, » et il a raison, mais il se pourrait qu’il eût tort de croire qu’en cela « il ressemble aux anciens. » Vous vous arrêtez plus longtemps sur le Rêve de d’Alembert et sur le Neveu de Rameau: voilà qui se lit en effet d’un bout à l’autre, et d’une seule haleine, comme h-roman d’un métaphysicien qui divague, ou comme le paradoxe d’un cynique qui se joue de la naïveté des bonnes âmes. Enfin vous arrivez à ces fameux Salons, — et j’y arrive avec vous.

C’est ici que l’enthousiasme des éditeurs, commentateurs, biographes, et autres, se déchaîne irrésistiblement. Ils convenaient, — d’assez mauvaise grâce, à la vérité, pour la plupart, — mais cependant ils convenaient qu’on ne peut pas prudemment confier la réforme du théâtre à l’auteur des Entretiens sur le Fils naturel, — ou la réforme des mœurs à l’an leur des Bijoux indiscrets, — ou la réforme des lois à l’auteur du Supplément au Voyage de Bougainville ; — c’est ici qu’ils prennent leur revanche et que, donnant la bride à leur admiration contenue jusque-là péniblement, ils triomphent. Le voilà, le vrai Diderot, le créateur en France de la critique d’art! le voilà, l’initiateur du public français à la connaissance du beau ! Ecco il vero Pulcinella.

Qu’y a-t-il de légitime dans ce grand enthousiasme? et ces Salons sont-ils vraiment ce que l’on est convenu qu’ils sont?

A tout le moins reconnaîtra-t-on d’abord que les impressions de Diderot ne sont pas celles de tout le monde. Peut-être savez-vous sa façon d’admirer la nature : « Ma Sophie! quel endroit que ce Vignory! que la chère sœur ne me parle jamais de ses sophas, de ses oreillers mollets, de ses tapisseries, de ses glaces, de son froid attirail de volupté!.. Imaginez-vous une centaine de cabanes entourées d’eau, de vieilles forêts immenses, des coteaux... Non! pour l’honneur des garçons de ce village je ne veux pas me persuader qu’une fille puisse mettre le pied hors de sa maison sans être détournée,.. Ma Sophie! ne verrez-vous jamais Vignory[2]? » C’est aussi sa façon d’admirer les œuvres de l’art : « La différence qu’il y a entre la Madeleine du Corrège et celle de Vanloo, c’est qu’on s’approche tout doucement de la Madeleine du Corrège, qu’on se baisse sans faire le moindre bruit, et qu’on prend le bas de son habit de pénitente seulement pour voir si les formes sont aussi belles là-dessous qu’elles se dessinent au dehors. » Je ne choisis pus le passage au hasard de la lecture; il est encore du petit nombre de ceux que l’on puisse convenablement citer. C’est que dans les entrailles de ce philosophe, il s’agite un éternel démon de luxure. Je le crois très volontiers quand il nous dit qu’il avait la tête « tout à fait du caractère d’un ancien orateur, » mais j’ajoute qu’il avait aussi quelque chose en lui de Caliban. Joignez à ces jugemens d’un goût si pur toutes ces anecdotes si crues, dont il n’est pas jusqu’à trois que l’on ose répéter en bon lieu, telle historiette du jeune président de Brosses, ou telle joyeuseté de la vieille Mme de Sabran. Diderot, comme il le déclare lui-même « ne balance jamais à préférer l’expression la plus cynique, qui est toujours la plus simple. » De là ces comparaisons ordurières et ces façons ignobles d’écrire qui lui viennent si naturellement sous la plume. Et vraiment il excipe ici d’un bien singulier bénéfice. Comme on ne peut pas le citer, il en résulte qu’on ne peut caractériser ce qu’il y a de grossier en lui que par des expressions générales, et comme d’ailleurs il les faut très fortes, on a presque toujours l’air, non pas tant de le juger sur pièces et sur preuves que de l’injurier sans cause. Rappellerai-je maintenant ces digressions infinies, tantôt une dissertation sur l’agriculture et tantôt une biographie de l’abbé du Gua de Malves? et des bouquets à Sophie, cette Sophie qui ne connaissait pas son bonheur de « serrer entre ses bras un homme de bien; » et des récriminations à l’adresse de Mme Diderot, cette pauvre Nanette qu’il n’avait épousée que « pour coucher avec, » toutes choses, comme on imagine, des plus intéressantes pour les abonnés de la Correspondance de Grimm, pour la reine de Suède ou pour le roi de Prusse; et des exclamations, et des invectives, et des apostrophes, et des prosopopées, toutes les figures de la pire des rhétoriques au service, pour le plus souvent, de la pire des doctrines, enfin par-dessous tout cela, par-dessous toutes ses grandes affectations de naturel et de bonhomie, le plus insolent étalage de sa propre personne, une expansion, une dilatation, un épanouissement de soi dont Jean-Jacques lui-même est bien loin: — tels sont, à la première lecture, ces Salons tant vantés; et telle est, à la prendre en gros, l’œuvre immortelle du Platon des encyclopédistes.

Est-il vrai toutefois qu’il y ait, comme on l’enseigne, de l’or dans ce fumier? dans ce fatras, des pages qui méritent de vivre? des principes dignes d’être médités, dans ce capharnaüm de toutes les thèses, de toutes les antithèses, et de toutes les synthèses?

Pour des pages qui méritent de vivre, oui, certainement oui. J’en sais de bonnes, j’en sais de belles, et quelque étrange que soit le mot quand on l’écrit d’un tel auteur, j’en sais plusieurs d’exquises. Si loin qu’il soit de la perfection, sans doute, et presque toujours hors d’une juste mesure, Diderot n’en est pas moins, par instans, l’un de nos grands écrivains. Et dans ses Salons, comme ailleurs, — peut-être même plus nombreuses et plus voisines de la perfection que nulle part ailleurs, — il a laissé des pages qui dureront, je le crois parce que je le souhaite, autant que la langue française.

Mais pour des principes dignes d’être médités, retenus et suivis, il faut distinguer, et c’est selon qu’on l’entend. — Qu’il y ait dans les Salons, même sur les choses de l’art, nombre d’idées justes et vraies, c’est ce qu’on ne saurait nier. Et puis comment voudriez-vous qu’il en fût autrement ? Jamais homme fût-il moins embarrassé de se contredire ? Le oui et le non, le pour et le contre, le blanc et le noir, n’a-t-il pas tout soutenu ? Connaissez-vous quelque théorie dont son éloquence déclamatoire ne se soit pas un jour ou l’autre emparée comme d’un thème pour ses variations ? Et serait-il possible qu’ayant brassé tant d’idées, discuté tant de questions, et risqué tant de solutions, il n’eût jamais rencontré juste, et que le vrai l’eût fui d’une fuite éternelle ? Il l’a donc quelquefois attrapé. Aussi bien, comme tous les improvisateurs, il excelle, au terme d’un long développement, après avoir tâtonné, pour ainsi dire, et laborieusement fouillé dans la confusion de ses propres pensées, à trouver tout d’un coup l’expression qui résume et qui grave, le trait qui s’enfonce dans l’esprit et y demeure attaché. « Il y a, dit-il, quelque part, un moyen sûr de faire prendre à celui qui nous écoute un puceron pour un éléphant : il ne s’agit que de pousser à l’excès l’anatomie circonstanciée de l’atome vivant. » Sous une forme un peu lourde, mais aisément intelligible à tout le monde, voilà l’axiome contre lequel ne prévaudront jamais les efforts ni les tours de force d’aucun réalisme. Romancier, peintre ou poète, le réaliste est un homme qui croit qu’une addition de détails vrais suffit à former un ensemble, et qui peint ou qui décrit le « puceron » comme il ferait « l’éléphant. » Diderot dit encore : « Il faut que l’artiste ait dans l’imagination quelque chose d’ultérieur à la nature. » Voilà, formulée d’un mot, la loi contre la fatalité de laquelle viendront éternellement se briser les tentatives et les assauts de toute espèce de naturalisme. Un naturaliste est un homme dont l’œil ou l’esprit ne se rendent pas compte que pas un être de la nature n’est un exemplaire tellement achevé de son type que l’imagination n’en puisse concevoir au-delà quelque exemplaire plus achevé.

Vous pouvez déjà faire une observation : c’est que ces deux aphorismes ne sont pas moins vrais de la littérature que de la peinture. C’est ce qu’on appelle ordinairement le mérite, et c’est ce que j’appelle au contraire le défaut des Salons. Ne doutez pas que ce soit par là qu’ils plaisent, mais réfléchissez aussi que c’est par là qu’ils ont jeté la critique d’art dans une voie dangereuse. Et voici pourquoi.

Les principes de Diderot sont vrais, quand ils sont vrais, en tant que toutes les formes de l’art sont soumises aux mêmes lois de nature ou, si vous l’aimez mieux, aux mêmes conventions nécessaires. Il existe une logique formelle, c’est-à-dire des lois générales du raisonnement, qui restent ce qu’elles sont, à quelque catégorie d’objets que le raisonnement s’applique et dans quelque ordre de sciences que l’activité de la pensée s’exerce. Tout de même, il existe une esthétique formelle, c’est-à-dire des lois générales de beauté qui ne varient pas de l’art de peindre à l’art d’écrire et qui gouvernent aussi souverainement la poésie d’Eschyle que la peinture de Michel-Ange. Il sera vrai, par exemple, en peinture comme en poésie, que tous les détails d’une œuvre devront être ordonnés par rapport à un centre de perspective unique, La faute est égale, et diminue pareillement d’un degré la valeur de l’œuvre, quand Corneille, écrivant Horace, implique trois actions l’une dans l’autre, et quand Raphaël, peignant l’École d’Athènes, nous place à un point de vue pour l’architecture et à un autre point de vue pour les personnages. Leur en faire un mérite, — et on l’a fait, — c’est d’une superstition puérile, à peu près comme si l’on louait l’Apollon du Belvédère d’avoir, ce dit-on, je ne sais qu’elle épaule plus étroite que l’autre, et les jambes inégales. Ces lois générales et suprêmes, Diderot les connaît ou, pour mieux dire, il les soupçonne, car, après tout, le plus grand effort de l’esprit humain ne va guère qu’à les entrevoir. Il a même donné, de quelques-unes d’entre elles, quelques-unes des expressions les plus heureuses qu’on en puisse donner.

Mais en dehors de ces lois générales — au-dessus, au-dessous, à côté d’elles? je n’en sais rien ni n’ai besoin d’en rien savoir, — il y a des lois particulières, qui ne dépendent plus ou qui dépendent bien moins de la constitution de l’esprit humain que de la nature des moyens d’expression propres et exclusifs à chacune des grandes formes de l’art; lois spéciales, lois techniques, lois enfin qui ne sont plus données a priori, mais qui se créent elles-mêmes et d’elles-mêmes a posteriori, c’est-à-dire à mesure du progrès de l’art, La beauté d’un poème ou d’un tableau dépend assurément de ce que ce poème ou ce tableau font d’impression sur l’esprit, et du choc, pour ainsi dire, qu’en reçoit la sensibilité, mais elle dépend aussi de la matière avec laquelle et sur laquelle travaillent le peintre et le poète, et de la manière dont ils l’ont traitée. La manière de Raphaël ou de Racine, c’est la touche de l’un, c’est le style de l’autre, dans l’un et l’autre cas. c’est l’espèce de maîtrise que le génie de Racine exerce sur la matière de l’art d’écrire comme le génie de Raphaël sur !a matière de l’art de peindre. C’est pourquoi vous noterez que toutes les grandes révolutions littéraires sont des révolutions de la langue. Chez nous, en France, à bien regarder l’histoire de notre littérature, c’est la langue, d’abord et en définitive, que tous les novateurs ont révolutionnée dans son fonds ; Ronsard, Malherbe, Boileau, Jean-Jacques, Chateaubriand, Victor Hugo. Tout de même, les grandes révolutions de l’histoire de l’art sont des révolutions dans le matériel même de l’art. Considérez seulement la distance franchie dans le passage de la mosaïque à la fresque, et de la fresque à la peinture à l’huile. Voulez-vous des exemples plus particuliers? Il en est de toute sorte. Si vous cherchez une différence fondamentale entre la peinture italienne et la peinture allemande, vous la trouverez dans ce fait que les grands italiens sont sortis de l’école de la mosaïque et de la fresque, tandis qu’Albert Dürer sortait d’une école de gravure. Un peintre vous prouverait sans peine que de l’une à l’autre de ses trois manières, c’est sa technique, proprement et peut-être uniquement, que Raphaël a modifiée.

Et remarquez bien que, s’il n’en était pas ainsi, — si la beauté d’une œuvre d’art ne dépendait pas essentiellement de la technique, — si la différence de la technique ne creusait pas un abîme entre les différentes formes de l’art, — si tout ce qui se peint pouvait s’écrire, si tout ce qui s’écrit pouvait se sculpter, si tout ce que l’on sculpte pouvait se mettre en musique — il n’y aurait plus alors ni musique, ni sculpture, ni peinture, ni poésie, mais il ne subsisterait qu’une forme unique de l’art, indivise, confuse, et, si l’on me permet cette apparente contradiction dans les termes, véritablement amorphe.

Ces lois particulières, dont la connaissance et les applications, en leur lieu, font le prix de toute critique digne de ce nom, parce que seules, en effet, elles ramènent la critique du ciel, pour ainsi dire, sur la terre, et des hauteurs où s’élaborent les généralités de l’esthétique abstraite sur ce terrain plus solide où les œuvres d’art sont examinées, étudiées, jugées en elles-mêmes; sur leurs qualités intrinsèques et non plus dans leurs rapports avec cette beauté prétendue faussement idéale, « qui serait comme l’eau pure et qui n’aurait point de saveur particulière; » caractérisées par les mots qui leur conviennent et non plus par ces expressions indéterminées, vagues et flottantes qui servent à louer à peu près indifféremment, du même accent d’admiration banale, une toile de Raphaël, une tragédie de Racine, un opéra de Mozart; — Diderot les connaît-il? On peut répondre hardiment que non. Il sent bien que son éducation critique est incomplète et que, de n’avoir pas manié l’ébauchoir comme de n’avoir pas eu, selon son expression, « le pouce passé quelque temps dans la palette, » il lui manque quelque chose. Il en laisse échapper plus d’une fois l’aveu, chemin faisant. Il vient, sur je ne sais plus quel tableau de prononcer un jugement sévère, et il ajoute : « Avec cela, je ne serais pas étonné qu’un peintre me dît : Le bel éloge que je ferais de ce tableau, de toutes les beautés qui y sont et que vous n’y voyez pas ! » Il dit ailleurs, en parlant de Chardin, et c’est un pas encore vers la vérité vraie : « Si le sublime du technique n’y était pas, son idéal serait misérable ! » Le sublime du technique ! C’était placer Chardin bien haut, peut-être! Diderot ne connaissait ni les italiens ni les hollandais. Par malheur, ce ne sout là que des éclairs. En aucun sujet que ce soit, Diderot n’e-t homme à faire feu qui dure. Et s’il sent qu’il lui manque quelque chose, il ne le sent décidément que d’une manière théorique, en vertu de ce commun proverbe, que pour être forgeron il ne saurait nuire d’avoir un peu forgé. Il n’a pas sur ce quelque chose de notion précise et certaine. Il s’aviserait de le vouloir acquérir qu’il ne saurait même pas dans quelle direction il faudrait le chercher. Je n’en demanderai d’autre preuve que ce qu’il écrit un jour à propos d’une toile de La Grenée, qu’il malmène assez vivement: « Rien à dire ni pour le dessin, ni pour la couleur, ni pour le faire. » N’êtes-vous pas bien tenté d’apprendre ce qui manque donc à La Grenée ? Vous allez le savoir : « Mon ami, tu peins, tu dessines à merveille, tu sais étudier la nature, — vous voyez qu’il enchérit et qu’en fait de technique il ne disputera rien à La Grenée, — mais,., mais tu ignores le cœur humain. » Nous y voici! La netteté, la précision que Diderot ne peut pas mettre dans ses jugemens comme critique d’art, et qu’il y veut mettre pourtant, pour ne pas destituer sa critique de toute autorité, c’est comme littérateur et comme dramaturge qu’il va se faire tout un système de les y mettre. Que La Grenée, qui fait métier de peindre, sache peindre ou ne sache pas peindre, c’est bien de cela qu’il s’agit! « Rendre la vertu aimable, le vice odieux, le ridicule saillant, » tel doit être le projet de tout honnête homme qui prend « la plume ou le pinceau. » Vous qui vous demandiez pourquoi ce philosophe avait écrit Jacques le Fataliste, vous le saurez désormais : c’était pour rendre « la vertu aimable. »

Importer des intentions de prédicateur dans la littérature, — et de prédicateur de quel évangile! — importer pareillement des intentions de littérature dans la peinture, nous connaissons désormais l’idéal de Diderot. Il parle donc de peinture en pur littérateur qu’il est. Il n’a pas seulement juxtaposé le domaine des deux arts, il les a superposés et il a trouvé que la coïncidence était parfaite. Non-seulement il n’y a rien, selon lui, dans le champ de la peinture qui ne paisse être transposé dans le champ de la littérature, ou réciproquement, mais il fait de la valeur littéraire d’une toile l’infaillible mesure de sa valeur pittoresque. « Ordonner une composition, une scène de mœurs, une scène pathétique... une scène de famille... » tel est le fin et le tout de l’art. Il dira donc bravement : « Otez aux tableaux flamands et hollandais la magie de l’art, et ce seront des croûtes abominables ; le Poussin aura perdu toute son harmonie, et le Testament d’Eudamidas restera une chose sublime. » C’est exactement comme s’il disait : ôtez aux comédies de Molière la magie de l’art et il vous restera.... le drame bourgeois de Diderot. Voilà bien sa vraie pensée, le dernier mot de son esthétique. Otez l’exécution et ne regardez qu’à l’intention, — ôtez la forme, et avec la forme le fond, car dans toute œuvre d’art digne de ce nom, ils se pénètrent intimement l’un l’autre, — et ne regardez qu’à la bonne volonté, — ôtez l’art enfin et ne regardez qu’au sujet.

Le sujet, — c’est ce qui le préoccupe. Juger des sujets, c’est sa partie, fournir des sujets aux peintres dans l’embarras, c’est devenu sa spécialité. Résisterons-nous au plaisir d’en rappeler un ? Il s’agissait « d’éterniser les marques de bonté qu’il avait reçues de la grande souveraine. » La grande souveraine ! cette terrible impératrice Catherine dont il avait été la si bonne dupe ! « Élevez son buste ou sa statue sur un piédestal, entrelacez autour de ce piédestal la corne d’abondance, faites-en sortir tous les symboles de la richesse; contre ce piédestal appuyez mon épouse, qu’elle verse des larmes de joie, qu’un de ses bras posé sur l’épaule de son enfant elle lui montre de l’autre notre bienfaitrice commune; que cependant ta tête et la poitrine nues, comme c’est mon usage, l’on me voie portant mes mains vers une vieille lyre suspendue à la muraille. » Là-dessus il prétend qu’un artiste ami lui répondit: « Je vois le tableau, » mais je crois qu’il se vante. Il serait curieux pourtant de savoir si cette toile existe quelque part.

Après cela, qu’en général, et bien avant Diderot, la préoccupation du sujet ait été le défaut et j’ose dire, la grande raison d’infériorité de la peinture française, il n’y a pas à le contester[3] Telle toile de Poussin lui-même est ordonnée, répartie, distribuée comme une pièce littéraire, comme un sermon de Bourdaloue, par exemple, ou de Massillon.

Étudiez sommairement au Louvre le tableau de la Femme adultère. Comme il s’en faut que ce soit une des bonnes toiles de Poussin, on y saisit à nu le procédé de composition Au fond, des lignes d’une architecture massive précisent le lieu de la scène. Au premier plan et au centre de la toile; Jésus, dans une attitude dont j’avoue que je ne saurais clairement définir la signification, forme groupe avec une créature lourdement affaissée, sous le poids de la honte. De quel crime est-elle coupable ? Regardez au second plan. Cette autre femme qui porte un enfant sur ses bras et qui contemple la scène avec une expression d’étonnement tempéré d’un peu de compassion, c’est la mère, c’est l’épouse fidèle et chaste qui, par sa seule présence, vous donne ingénieusement l’explication du groupe principal. En effet, le crime de la femme adultère, c’est la violation de la foi conjugale, mais la foi conjugale ne s’échange entre l’homme et la femme que pour assurer la perpétuité de la famille. Cependant, de droite et de gauche, l’action se déroule par le développement de deux groupes symétriques ; ils contiennent chacun cinq personnages, dont les attitudes se balancent et s’équilibrent; les couleurs aussi se répondent. De ces spectateurs assemblés, les uns ont compris la parole divine : ce sont des jeunes gens et des vieillards.


A l’âge où l’on croit à l’amour,


comme dit le poète, on pardonne aisément la faute de la femme; on l’excuse quand on touche au déclin de la vie. Ceux-là font donc le geste de l’approbation à peine contenue ; ceux-ci le geste de la prudence qui suspend son jugement, qui n’ose pas absoudre, et pourtant qui ne voudrait pas condamner. Les mœurs de chaque âge sont ainsi fidèlement observées. Les autres, cependant, s’ils ont des yeux c’est pour ne point voir, et des oreilles c’est pour ne pas entendre. Ce sont des hommes dans la force de l’âge et par conséquent dans la maturité de l’orgueil: le peintre les a placés aux deux extrémités de la toile. Ils fuient cette scène de scandale ; à droite, le dernier fait le geste de l’indignation pharisaïque ; à gauche, le dernier fait le geste de la confusion exaspérée, l’un et l’autre terminant l’action par un même mouvement du bras, par une même indication de tout le corps, tourné de trois quarts. L’action est complète, puisque le peintre vous a mis sous les yeux un vivant témoignage de la diversité des impressions que produisit la parole divine quand elle fut prononcée pour la première fois et qu’aussi bien elle n’a pas cessé de produire parmi les hommes.

Certainement cette peinture psychologique, ou, comme on l’a nommée, philosophique, suppose les plus rares qualités d’esprit et de réflexion, de composition et de science. Et pourtant si Poussin n’était pas le peintre de ses Bacchanales, de ses grands paysages, de tant de toiles enfin sans sujet, serait-il notre Poussin ? Et ne voyez-vous pas la question finale qu’on ne saurait éviter : esprit, réflexion, composition même, au sens dont nous parlons, sont-ce bien là des qualités de peintre ? et ne sont-ce pas plutôt des qualités littéraires ?

J’interroge en effet un peintre, et voici ce qu’il me dit du sujet dans l’école vénitienne : « Quand le Titien peint l’Ensevelissement du Christ, qu’y voit-il ? Un contraste, idée plastique, un corps blanc, livide et mort, porté par des hommes sanguins et pleuré, dans un deuil qui les rend plus belles par de grandes Lombardes aux cheveux roux. Voilà comme on entendait alors le sujet. Vous voyez que la curiosité d’être vrai n’était pas grande et que le désir d’être nouveau n’allait pas plus loin que le désir d’être exact[4]. » École italienne, dites-vous, école vénitienne ! Superstition quasi païenne de la beauté ! triomphe de la ligne à Florence et triomphe de la couleur à Venise ! Il me semble que c’est bien quelque chose déjà, si ce n’est presque tout, dans un art qui comme la peinture ne saurait parler à l’esprit que par l’intermédiaire du plaisir et de la joie des yeux ! Mais écoutez le même peintre encore, et ce qu’il nous dit du sujet dans l’école hollandaise : « Dans leur peinture proprement pittoresque et anecdotique, on n’aperçoit pas la moindre anecdote. Aucun sujet bien déterminé, pas une action qui exige une composition réfléchie, expressive, particulièrement significative, nulle invention, aucune scène qui tranche sur l’uniformité de cette existence des champs et de la ville, plate, vulgaire, dénuée de passion, on pourrait dire de sentimens. » Ainsi de l’une à l’autre extrémité de l’art, même absence de sujet ou du moins même insignifiance, et ce sont des chefs-d’œuvre. Est-ce à dire que la pensée soit interdite aux peintres? Assurément non, mais «il semble qu’elle n’ait vraiment soutenu que les grandes œuvres plastiques et qu’en se diminuant pour entrer dans les œuvres d’ordre moyen elle ait perdu toute valeur. » Ajouterai-je que, dans les grandes œuvres plastiques elles-mêmes, telles que les chambres de Raphaël ou les fresques de la Sixtine, si grande et si claire, en un certain se ns, que la pensée puisse être, on ne voit pas qu’elle puisse être rendue par la littérature, traduite par des phrases, égalée par des mots? Quand les peintres pensent, il faut qu’ils pensent d’une façon à eux particulière, je veux dire qui leur est imposée par les moyens d’expression dont ils disposent et qui ne sont pas, qui ne peuvent pas être les moyens d’expression de la littérature. Ils ne seraient pas en effet des peintres si ce qu’ils peignent, ils pouvaient tout aussi bien le dire ou le chanter et produire en nous les mêmes émotions, toujours.

C’est pourquoi, tout au rebours de Diderot, dont on ne saurait guère contester qu’encore aujourd’hui les idées règnent presque souverainement dans la critique d’art, je ne sais s’il ne faudrait pas commencer par poser ce principe, qu’en peinture le sujet a pour office uniquement de cacher ou mieux encore d’escamoter le tableau. C’est ainsi que, dans certaine littérature, l’ordinaire office des images, comme on les appelle, et de la couleur, est précisément de faire illusion sur l’absence de pensée. L’auteur des Salons, ici comme partout, est venu troubler et confondre les genres. Ce qu’il exige du peintre, ce sont, il nous l’a dit lui-même, des « scènes pathétiques » et des « scènes de mœurs, » mais ce qu’il louera du style de Buffon ou de Rousseau, c’en sera « le beau coloris. » Il est presque incroyable combien ce mot, dont on a tant abusé, mais dont je défie bien qu’on me dise le sens exact, revient de fois sous sa plume et sous celle aussi de son ami M. Grimm. En présence d’une belle page, il s’écriera : « Quel tableau! » mais en présence d’une belle toile il veut pouvoir s’écrier : « Quel drame ! » Vous lui demanderez donc en vain ce qu’il semble pourtant que la critique d’art devrait s’efforcer de nous apprendre. Qu’est-ce que le beau, par exemple, pour l’œil de l’artiste, peintre ou sculpteur? Diderot ne vous le dira pas. « Après cela, dit quelque part Benvenuto Cellini, tu dessinera l’os appelé sacrum : il est très beau. » Qu’est-ce que Benvenuto trouve de beau dans cet os? Voilà ce que je ne comprends pour ma part que d’une manière vague et générale, à condition que vous ne m’interrogiez pas, et voilà ce qu’il faudrait m’expliquer. « Rembrandt, dit quelque part un disciple du maître, a porté à son comble l’art d’unir les couleurs amies. » J’entends encore, si vous voulez, mais j’entends sans entendre, et pourvu que vous ne me pressiez pas. Qu’est-ce que des « couleurs amies » et qu’est-ce que l’art de les unir? Voilà encore ce qu’il faudrait m’expliquer. Car évidemment ce florentin et ce hollandais, dans une combinaison de lignes ou dans une association de couleurs, voient et admirent quelque chose que nous pouvons bien admirer sur leur parole et de confiance, mais que nous n’y voyons pas, nous, très clairement. La ligne et la couleur leur parlent un langage qu’elles ne nous parlent pas. Quels sont les élémens de ce langage, et quelle en est la grammaire? quelles sensations, quels sentimens, quelles idées est-il capable d’éveiller en nous? dans quelles limites sa valeur d’expression est-elle renfermée? par où confine-t-il au langage de la sculpture, et par où touche-t-il au langage de la littérature? quand est-ce enfin qu’il empiète sur le domaine réservé d’une autre langue, c’est-à-dire d’un autre art? Voilà encore, voilà toujours ce qu’il faudrait m’expliquer. Diderot ne l’a guère essayé qu’une fois, à notre connaissance, dans un morceau, d’ailleurs très remarquable et souvent cité, sur les limites précisément de la sculpture et de la peinture.

Combien d’autres questions, qu’il n’a pas seulement effleurées! Qu’est-ce que dessiner, par exemple, et qu’est-ce que peindre? Qu’est-ce qu’un dessinateur et qu’est-ce qu’un coloriste? Vous le savez, — comme vous saviez tout à l’heure ce que Hoogstraten et Benvenuto Cellini voulaient dire. En effet, vous entendez quelque chose là-dessous, et vous en parlez, vous en dissertez, vous vous permettez même d’en juger. Et tout ira bien, pour peu que vous ne serriez pas les mots de trop près et que vous ne prétendiez jamais les vider de ce qu’ils contiennent d’idées. Car alors vous vous apercevriez que vous ne vous compreniez vous-même qu’à la faveur de beaucoup de vague et d’assez de confusion. Supposons maintenant que vous la teniez, cette définition du dessinateur et du coloriste, assez précise pour qu’il n’y aie pas deux manières de l’entendre, assez large en même temps pour ne laisser en dehors d’elle aucun grand maître? Il vous reste alors une petite question à résoudre : comment chaque maître, en y restant fidèle, a-t-il su pourtant demeurer lui-même? Je ne vois pas qu’il y ait dans les Salons ombre d’une réponse à tous ces problèmes. Si vous voulez comprendre comment on peut pourtant les traiter, et par là, mesurer d’un coup d’œil ce qui manque aux Salons de Diderot, relisez les analyses qu’Eugène Fromentin, dans ses Maîtres d’autrefois, ici même, a jadis données du génie de Rubens et de Rembrandt.

A la vérité, que si Pantophile, comme l’appelait Voltaire, ne vous apprend rien de tout cela ni ne se soucie de vous l’apprendre, il vous enseignera d’autres choses à son avis, sans doute, infiniment plus curieuses. Il a besoin, — c’est lui qui l’avoue, — qu’on le tire par la manche pour qu’il ne passe pas devant un Raphaël sans s’en apercevoir, mais il sait en revanche qu’il y a «une beauté monarchique» et « une beauté républicaine. » Il sait aussi tous les traits dont l’ensemble constituera la physionomie du sauvage en soi. « Le sauvage a les traits fermes, vigoureux et prononcés, des cheveux hérissés, une barbe touffue, la proportion la plus rigoureuse dans les membres : quelle est la fonction qui aurait pu l’altérer? Il a chassé, il a couru, il s’est battu contre l’animal féroce, il s’est exercé ; il s’est conservé, il a produit son semblable, les deux seules occupations naturelles. » J’arrête ici le portrait métaphysique du sauvage, et je vous épargne celui de « sa compagne. » Il sait encore l’art d’établir des conformités morales et des analogies mystérieuses : « Si vous peignez une chaumière et que vous placiez un arbre à l’entrée, je veux que cet arbre soit vieux, rompu, gercé, caduc; qu’il y ait une conformité d’accidens, de malheur et de misère entre lui et l’infortuné auquel il prête son ombre les jours de fête. « Il sait l’art enfin de faire parler éloquemment les ruines, au moyen d’inscriptions et devises, dans le goût de ces banderoles que les imagiers d’autrefois faisaient naïvement sortir de la bouche de leurs personnages. Il y a des marchandes d’herbes et de fruits dans une toile d’Hubert Robert. « Pourquoi ne lit-on pas, en manière d’enseigne, au-dessus de ces marchandes d’herbes ;


DIVO AUGUSTO, DIVO NERONl ? »


Il y a un obélisque. « Pourquoi n’avoir pas gravé sur cet obélisque :


JOVI SERVATORI, QUOD PERICULUM FELICITER EVASERIT, SYLLA.


ou


TRIGESIES CENTENIS MILLIBUS HOMINUM CÆSIS, POMPEIUS. »


Voilà du moins un tableau qui ferait réfléchir Diderot, qui renouvellerait en lui de saintes colères, ou qui le jetterait dans de salutaires méditations sur la vanité des choses de ce monde.

On le voit, c’est ce qui s’appelle finir par où l’on a commencé. Si l’on n’entre pas en effet dans le détail trop avant, si l’on ne se laisse pas distraire du courant de sa lecture par des remarques tantôt justes, tantôt fines, tantôt profondes, mais toujours incidentes, et que, sans se préoccuper davantage de concilier les infinies contradictions de Diderot, on reçoive de ses Salons l’impression d’ensemble qu’ils font sur un lecteur de bonne foi, — nul effort, nulle trace d’un effort du critique pour acquérir ce qui lui manque, non pas même pour s’en enquérir. Une grande ignorance de la technique de l’art, et cette ignorance non-seulement avouée, déclarée, professée par endroits, ce qui ne pourrait, après tout, que faire honneur à la franchise de Diderot, mais les lacunes, et pour ainsi dire les trous, que cette ignorance creuse dans les Salons du philosophe, comblés tant bien que mal par des considérations littéraires ou morales, ce qui n’a pu que faire insensiblement dévier la critique d’art de la route qu’elle aurait dû suivre. Il faut donc bien s’entendre et bien convenir de ce que les mots voudront dire avant de saluer en Diderot le créateur de la critique d’art.

Oui, si la critique d’art est proprement un genre littéraire, qui n’exige que des qualités littéraires, et qu’on puisse traiter convenablement sans connaître autre chose de la peinture ou de la sculpture que les impressions qu’elles donnent, Diderot peut passer pour le créateur et l’un des maîtres de ce genre. Mais si la critique d’art, comme aussi bien toute critique, comme la critique littéraire et comme la critique scientifique, est et doit être quelque chose de plus que le compte rendu des impressions du juge, — si tout jugement doit être appuyé sur des motifs et si ces motifs doivent être déduits des principes, — si les principes à leur tour doivent être tirés de la connaissance entière des ressources, des moyens d’expression, de la matière et de la technique d’un art, — on y regardera sans doute à deux fois, et la conclusion sera tout autre. Car enfin, si la manière de Diderot n’est pas la bonne, si même peut-être elle est la pire, étant la moins instructive qu’il y ait pour le public et la moins profitable aux artistes, qu’a-t-il créé qu’un exemple de confusion, et que nous a-t-il légué qu’un modèle d’erreur? Il a pris dans ses Salons justement le contre-pied de la vraie critique d’art, comme dans ses Entretiens sur le Fils naturel il avait pris le contre-pied de la vraie critique dramatique. Il a mis devant ce qui était derrière et du principal il a fait l’accessoire, il a parlé de l’art de peindre précisément comme si l’art de peindre visait à provoquer l’émotion littéraire, et de l’art dramatique précisément comme si l’art dramatique était avant tout l’art d’« ordonner » des tableaux vivans. Et c’est pourquoi nous n’hésiterons pas à conclure qu’en dépit de toutes les qualités que l’on voudra, — qualités d’écrivain et qualités de penseur, — les Salons ne font pas plus d’honneur que les Entretiens sur le Fils naturel à ce que nos pères eussent appelé sa judiciaire. Il n’y a rien pour nous, ou presque rien, à prendre dans les Salons de Diderot : il est même à regretter que notre siècle y ait déjà tant pris.


F. BRUNETIERE.

  1. En rappelant cette édition, toute récente encore, nous nous faisons un agréable devoir de rappeler en même temps au souvenir du lecteur les belles études de M. Caro dans la Revue du 15 octobre, du 1er novembre, et du 1er décembre 1879.
  2. Texte expurgé.
  3. Remarquez comme quoi, par une contradiction démonstrative, dans notre école moderne, l’absence du sujet a fait la supériorité du paysage et du portrait sur presque tous les autres genres.
  4. Eug. Fromentin, un Été dans le Sahara.